Gérard Bocholier, Les murs ne bougent pas
Les murs ne bougent pas
Les portes restent closes
Une cime se courbe
Sur le bois et la plaie
Tu souffles sur la braise
Et fais tout apparaître
La Venue (Arfuyen, 2006)
Les murs ne bougent pas
Les portes restent closes
Une cime se courbe
Sur le bois et la plaie
Tu souffles sur la braise
Et fais tout apparaître
La Venue (Arfuyen, 2006)
Donne-moi de mieux entendre
Le murmure sous la neige
La note émue du silence
Où s’est abrité le cœur
Accorde-moi de saisir
L’instant où s’ouvre ta grâce
Le galbe de ce fruit d’or
Que ton ciel met à ma bouche
Psaumes du bel amour (Ad Solem, 2010)
Les noms s’effacent les dalles
Disparaissent sous les lierres
Près des falaises le sable
Oublie les jours et les siècles
Pourtant l’âme continue
Entre le ciel et la terre
A lier le feu et l’ombre
A la présence invisible
Psaumes du bel amour (Ad Solem, 2010)
La lumière qui soudain coule
Du ciel lavé de ses ténèbres
Longtemps retournées par l’orage
Porte un peu de bleu à ses tempes
Un oiseau salue le prodige
Ce sourire qui passe et tente
De chasser les peurs les alarmes
De la mort qui roule ses foudres
Encore au fond du paysage
Par espérance violente
Son aiguille au cœur si poignante
Qu’on voudrait renaître et mourir
D’un cri perdu et retrouvé
Dans un pur noyau de silence
Abîmes cachés (L’Arrière-Pays, 2010)
Les paroles laissées
Sur ces bords par le vent
Ne sont pas des adieux
Légués à la lumière
Des graines seulement
De ciel à mettre en terre
La Venue (Arfuyen, 2006)
La fleur le ciel
Mer admirable
La chair et l’âme y disparaissent
Il faut se rendre
Gagner le souffle
Qui épouse l’or la lumière
Brûler en lui
Tout ce qui marche
Muré de pierres dans sa nuit
Cette forêt
Pâle et sans arbres
Qui hante chaque solitude
Brûler le chant
Au puits de flammes
Ce livre d’ombre à mots perdus
Voix secrète (L’Arrière-Pays, 1995)
Dans ce monde gouverné par le bavardage des nanosecondes de la prose généralisée, il est des éditeurs pour défendre le profond de l’humain, autrement dit la poésie. Et il est des poètes rares. Gérard Bocholier est de ceux là. Le poète, né en 1947, dirige la belle aventure de la revue Arpa, dont on doit recommander la lecture à quiconque aime la poésie en France : http://www.arpa-poesie.fr/. Bocholier est l’auteur d’une œuvre poétique remarquable et justement reconnue, œuvre parue entre autres chez Rougerie, Cheyne ou Arfuyen. Le simple fait de citer ces maisons suffit à dire l’œuvre construite, leurs catalogues étant parmi les plus importants de toute l’histoire de la poésie.
Des Psaumes du bel amour, Jean-Pierre Lemaire, dit en sa préface que l’on en « perçoit comme le murmure des commencements, un murmure qui ne s’éteindra qu’au dernier mot pour faire place au silence ». Et à la résonance en l’être lecteur de ce qui vient d’être lu. Car Bocholier montre par son écriture combien la poésie n’est littérature qu’en apparence. Elle est en réalité une vibration de l’ensemble d’un corps poète, depuis et en le poète. Et cette vibration résonnante s’étire de poète en poète, d’hier à aujourd’hui. C’est pourquoi, en lisant ce livre, en prononçant ces vers à voix haute ou en les murmurant, le lecteur / diseur sent le lien, non pas avec ce que disent les mots, mais avec le réel qu’ils sont. Et ces mots qui disent la force du sacré, du cœur, de l’arbre vie en l’homme, ces mots disent le réel masqué derrière les réalités multiples essayant quotidiennement de nous faire croire qu’elles sont le vrai de la réalité. En cela, la poésie est résistance par nature :
Il fallait garder l’empreinte
Inconnue parmi les blés
Le vent lissait la louange
De ce berceau de clarté
L’empreinte au cœur nous allions
Aveugles parmi les ronces
Vers notre absolue naissance
Guidés par les cris du vent
Il arrive parfois que l’on dise et entende que la poésie n’existe plus en France. L’assertion est fausse. Elle ne vise qu’à cacher nos propres manquements, le fait que collectivement nous ne lisions plus de poésie. C’est une chose essentiellement terrible, et terriblement révélatrice du monde dans lequel nous sommes plongés, monde meurtri qui repousse le poème au large. On lira les Psaumes du bel amour, on lira des poèmes et l’on éloignera de soi la méchante fausse réalité du monde, le mensonge institué en tant que « vrai ».