Enseigner la poésie : un éveil au silence — entretien avec Géry Lamarre

Plasticien, poète, créateur de livres d'Art, Géry Lamarre opère un syncrétisme artistique et cherche à transcender la représentation dans le travail opéré sur la mimésis, à travers l'image, qu'elle soit plastique ou sonore dans le travail sur la langue permise par la mise en œuvre des mots dans le poème. Il est aussi enseignant, et transmets cette ambition qui est également une posture, face à ce matériaux qu'est le langage, qu'il s'agit de mettre en œuvre afin qu'il rende compte de l'indicible puissance de notre richesse humaine. Transmettre le poème aux plus jeunes, pour leur montrer le chemin vers eux-mêmes, mais comment ? Il a accepté de répondre à nos questions.

Tu es enseignant. Peux-tu nous dire quelle est ton approche de la poésie en classe, et comment il est possible de l’enseigner ?
Mon approche est particulière étant peintre, créateur de livres d’artistes et poète autant qu’enseignant en CM2.
Le travail que je mène en classe se développe principalement sur plusieurs axes : écriture, oralité et création plastique.
L’écriture poétique parce qu’elle est ludique et joyeuse. Elle offre une grande liberté d’expression et une latitude quant à la taille du texte, permettant ainsi à des élèves qui maîtrisent difficilement l’écrit, autant qu’à ceux qui le maîtrisent, de produire des textes.
L’oralité, en évitant la récitation : il s’agit de rendre vivant le poème. A cette fin, nous travaillons à chaque période un ensemble de poèmes. Ce sont des textes que j’ai préalablement sélectionnés soit pour leur thématique, leur rythmique, ou leur construction. Je leur propose plusieurs textes au choix qu’ils peuvent investir à plusieurs ou seuls. Ces poèmes sont toujours présentés : discutés sans toujours être expliqués. Les mises en voix sont travaillées ensemble puis à la fin de chaque période les « Diseurs de poésie » (parce que les premières années, c’était à 10h) vont offrir leur texte aux autres classes.
J’ai organisé avec eux, pendant quatre ans une revue Infraction poétique : invitant des poètes en classe, et alliant écriture et création plastique. Nous sortions un numéro ou deux par an, en format papier ou numérique (Calaméo). Là, cette année, le projet était lié à ce Prix Pierre Dhainaut du livre d’artiste. C’était un beau défi de savoir où je voulais aller sans savoir à l’avance par quel chemin. C’est s’ouvrir aux propositions des élèves et de leurs productions. Ce qu’ils me proposaient était une piste possible ou une réponse pour l’étape suivante.

Lina B.

Comment les élèves perçoivent-ils le texte poétique ? Ont-ils une idée « académique » de ce qu’elle est (des rimes, des vers…) ou bien est-ce qu’ils saisissent instinctivement que la poésie est surtout une question de mise en œuvre particulière du langage ?
Bien sûr qu’ils ont une idée académique ! C’est ce qui leur est souvent transmis par méconnaissance de la poésie contemporaine. C’est une vision répétée depuis plusieurs générations, alors que depuis plusieurs générations la poésie a évolué dans ses formes, ses intentions et structures. C’est pour cela que je sélectionne les textes à leur offrir sous plusieurs aspects.
Cela se retrouve parfois spontanément dans leurs productions écrites, d’ailleurs. Mais si certains perçoivent instinctivement cette mise en œuvre du langage, mon travail est de l’expliciter pour les autres. Les ateliers d’écriture ne concernent pas que la poésie. Travailler différentes typologies de textes permet de mettre l’accent sur les contraintes de chaque type d’écrit. Et donc de la poésie comme un écrit spécifique ayant une plus grande liberté d’invention.
Que peut transmettre la poésie ? Et peut-on transmettre la poésie ?
Un regard différent sur le monde, sur les mots, le langage. Le fait qu’apprendre, travailler puisse être ludique et inventif de solutions autres. Du plaisir. Un mode de pensée supplémentaire, différent.
Pour certains élèves (aller dire des poèmes dans les classes se fait sous forme de volontariat) oser dépasser leur timidité, leur manque de confiance (à l’oral comme à l’écrit). Lors des entraînements à l’oralité, la capacité des élèves-auditeurs à écouter, analyser, exprimer un ressenti pour améliorer les prestations des camarades…
Oui, on peut transmettre la poésie. Sous diverses formes : aller en écouter, en lire, en écrire. Pas forcément avec tous. Peu importe. Au travers de ce travail, j’aime l’idée de semer des graines, qui un jour ou l’autre, germeront un peu, beaucoup, passionnément… ou pas du tout. Cela dépend de la sensibilité de chacun. J’ai eu des élèves qui se sont mis à en écrire chez eux.

Infraction poétique n°2, avec la participation de tous les Poéticiens - Diseurs de poèmes - de la classe de CM2 de l'école "Les enfants d'Ercan" – Erquinghem/Lys, Mai/juin 2015.

Infraction poétique n°6, avec la participation de tous les Poéticiens de la classe de CM2/CM1 de l'école "Les enfants d'Ercan" – Erquinghem/Lys qui ont déclamé aux autres classes de l’école des poèmes de : Georges Perec, Nazim Hikmet, Raymond Devos, Hamid Tibouchi, Andrée Chédid, Jean Tardieu, Jean Rousselot et Robert Desnos.

Est-ce que tes échanges avec tes élèves nourrissent ta pratique de l’écriture ?
Pas directement. Mais, c’est un élément important de l’humus dans lequel s’épanouit ma vie.
Quelles sont tes plus belles réalisations ? Tes plus intenses souvenirs ?
En tant que souvenirs tous. Leur motivation. Plus particulièrement quand des élèves en difficulté d’écriture se mettent à y prendre plaisir. Là est l’essentiel du travail d’enseignant, ce plaisir, ce ludique qui donne envie d’apprendre, de faire, d’être curieux…
En tant que réalisations, ce sera toujours le prochain projet. Mais ce projet autour de la poésie de Pierre Dhainaut a été très particulièrement riche car complétement collectif. Nous avons même réussi à créer un livre individuel pour que chacun reparte avec le sien.

Ysaline.

Leyna.

Présentation de l’auteur

Géry Lamarre

Diplômé en Histoire de l’Art et en Arts Plastiques, Géry Lamarre vit près de Lille. Depuis 1992, il expose en France et à l’étranger. Son travail dans le domaine de la poésie a pris de plus en plus d’importance et a grandement modifié sa relation à l’acte de peindre, l’amenant à travailler, soit comme poète, soit comme plasticien sur des livres d’artistes (Zéno Bianu, Gilbert Lascault, Dominique Sorrente…). Seul ou en collaboration avec des éditeurs (Voix du poème, Transignum, La tête à l’envers). Il est co-fondateur avec le poète sénégalais Laïty Ndiaye de la revue Ressacs. Il a contribué à différentes revues papier ou numériques (Terre à Ciel, Un Certain Regard, Capital des mots, Lichen, FPM, Indoc’îles, Fili d’Aquilone…).

Site peintures : https://gerylamarre.com/

Blog poésie : http://gery-lamarre.eklablog.com/

Poetry Sound Library :  https://poetrysoundlibrary.weebly.com/

Livres d’artistes

Une saison en hiver, 2020, poèmes d’Eric Costan
Les ombres et les effaceurs, édition frano-italiene, texte de Gilbert Lascault, 2020, éditions Transignum, Paris
Noir estran, 2019, poèmes de Jean-Marc Barrier, coll. Fibres, éditions La tête à l’envers
Les gardiens du fleuve, 2019, poèmes de Zéno Bianu
Ombre penchée, 2018, poème de Mérédith Le Dez
Lettres en rebord du monde, 2018, poèmes de Dominique Sorrente
Par la peinture transperçant le temps, 2018, peintures de Michèle Riesenmey
Soleil nu, 2017, peintures sur des poèmes d’Hélène Tallon-Vanerian, La Voix du poème, coll. Feuilles, Pézenas
Flux et reflux, 2017, peintures de Michèle Riesenmey

 Collection du Prieuré de St Cosme (livres pauvres)


Au nom des pères, peintures sur des poèmes de Colette Daviles-Estinès, projet L3V, Mt-Galerie – Langonnet
L’étoffe des mots, peintures de Michèle Riesenmey, projet L3V, Mt-Galerie, Langonnet

 

Principales expositions

Galerie Géry Pirlot de Corbion, Namur (Belgique)
Lille Art Fair, Lille (France)
Perspective de la peinture Française, Agora Gallery, New York (USA)
Trois artistes, L’art est Création, Tournai (Belgique)
9 Variations sur le Mont Fuji, For Art (Gallery), Lille (France)
Œuvres 2005 – 2007, Musée des Beaux-Arts, Mouscron (Belgique)
Pro-positions, Galerie Galéria, Nouméa (Nelle Calédonie)
Stations, Galerie Galéria, Nouméa (Nelle Calédonie)
Archéologie du soi, Centre d’art contemporain, Centre culturel américain et Galerie Ataray, Sofia (Bulgarie), La Traverse, Paris (France)
2ème Biennale d’art contemporain, Nouméa (Nelle Calédonie)
Galerie X+, Bruxelles (Belgique)
Obsession, rencontre avec des œuvres du FRAC Alsace/Lorraine, Tourcoing (France)
Galerie Richard Foncke, Gand (Belgique)
Galerie Martha Moore, Séville (Espagne)
Salon de la jeune peinture, Palais des Papes, Avignon (France)

Autres lectures




Géry Lamarre, JARDINS INTÉRIEURS À NOS CHEMINS SUSPENDUS

Notre première oasis. La Nuit. Cette nuit voûtée sombre. Voûtée. Sur son berceau
d’argile. Sur nos avants et avenirs. Campés. Là. Dans l’instant. Nuit de conscience
constellée. D’étonnements et d’angoisses. A défaut d’étoiles. Clameurs et troubles.
Souffrances et joies. Émanations chuchotées. Lointaines. Atténuées. Par le bercement
des eaux.

                                                                            Seuls.

                                                                            Seuls. Et reliés à la fois. Sur les
invisibles. Routes. Entortillées à nos descendants. Nos ascendants. Nuits d’origines.
Une escale. Un campement. Dans la nuit de la nuit. Nous.
Nous y sommes restaurés. Nourris aux cendres de ces feux de failles. Y avons trouvé
source des chants et ritournelles. Nos légendes forgées.

 

*  *  *

Le sable frissonne. Court sur la peau. Du paysage. Ondule. L’ombre des hauts phœnix.
Nous sommes. Ici. En cet instant. Notre eau rafraîchie. Et nos pieds soulagés. L’homme
s’est mis à scander. Puis à tracer. Des mots de verdure. De joies infimes. De doutes
confiants. Il était. Devenu. Le geste du peintre. Caresse légère. Geste rituel. Se répétant.
Se répétant. Son oasis. Dans les pierrailles du temps.  
Chacun avons le nôtre. Un territoire. A la croisée des chemins.

*  *  *

Là où tes pensées glissent. Sur tes pensées. Ce territoire.
Se plie. Se déplie. Effrite les murs. Et les minutes. Une risée. Un grain d’instants de
sable. Cherchant son chemin. Dans les méandres de la peau. Des souvenirs. S’insinuant.
Précieux. Est ce refuge. Fait de soleils vivaces. De vents. Et d’émois. Un jardin
intérieur. Suspendu. Une bulle. Verdoyante. Au fond du cœur.

Sur la tenture. De la nuit. Chaude. Brillent. Dorénavant. Deux étoiles. Merveilleuses.
Refleurissant. Chaque jour. L’aube des jours.

*  *  *

Assises sont.
Nos oasis. Mais aussi. Mue. Qui nous rappelle. Que nous sommes. Âme et corps
nomades. Marche. Marche. Martèlement rythmant. Notre temps de poussière. De pas.
Parsemés d’étoiles. Une danse. Lente. Lente. Parcourant. L’incertain des chemins. Et les
chants invisibles. Nos peurs. Nos doutes. Marche. Marche. Vers nos grands lointains
ensauvagés.
Que peut-être. Deviendont. 

Présentation de l’auteur

Géry Lamarre

Diplômé en Histoire de l’Art et en Arts Plastiques, Géry Lamarre vit près de Lille. Depuis 1992, il expose en France et à l’étranger. Son travail dans le domaine de la poésie a pris de plus en plus d’importance et a grandement modifié sa relation à l’acte de peindre, l’amenant à travailler, soit comme poète, soit comme plasticien sur des livres d’artistes (Zéno Bianu, Gilbert Lascault, Dominique Sorrente…). Seul ou en collaboration avec des éditeurs (Voix du poème, Transignum, La tête à l’envers). Il est co-fondateur avec le poète sénégalais Laïty Ndiaye de la revue Ressacs. Il a contribué à différentes revues papier ou numériques (Terre à Ciel, Un Certain Regard, Capital des mots, Lichen, FPM, Indoc’îles, Fili d’Aquilone…).

Site peintures : https://gerylamarre.com/

Blog poésie : http://gery-lamarre.eklablog.com/

Poetry Sound Library :  https://poetrysoundlibrary.weebly.com/

Livres d’artistes

Une saison en hiver, 2020, poèmes d’Eric Costan
Les ombres et les effaceurs, édition frano-italiene, texte de Gilbert Lascault, 2020, éditions Transignum, Paris
Noir estran, 2019, poèmes de Jean-Marc Barrier, coll. Fibres, éditions La tête à l’envers
Les gardiens du fleuve, 2019, poèmes de Zéno Bianu
Ombre penchée, 2018, poème de Mérédith Le Dez
Lettres en rebord du monde, 2018, poèmes de Dominique Sorrente
Par la peinture transperçant le temps, 2018, peintures de Michèle Riesenmey
Soleil nu, 2017, peintures sur des poèmes d’Hélène Tallon-Vanerian, La Voix du poème, coll. Feuilles, Pézenas
Flux et reflux, 2017, peintures de Michèle Riesenmey

 Collection du Prieuré de St Cosme (livres pauvres)


Au nom des pères, peintures sur des poèmes de Colette Daviles-Estinès, projet L3V, Mt-Galerie – Langonnet
L’étoffe des mots, peintures de Michèle Riesenmey, projet L3V, Mt-Galerie, Langonnet

 

Principales expositions

Galerie Géry Pirlot de Corbion, Namur (Belgique)
Lille Art Fair, Lille (France)
Perspective de la peinture Française, Agora Gallery, New York (USA)
Trois artistes, L’art est Création, Tournai (Belgique)
9 Variations sur le Mont Fuji, For Art (Gallery), Lille (France)
Œuvres 2005 – 2007, Musée des Beaux-Arts, Mouscron (Belgique)
Pro-positions, Galerie Galéria, Nouméa (Nelle Calédonie)
Stations, Galerie Galéria, Nouméa (Nelle Calédonie)
Archéologie du soi, Centre d’art contemporain, Centre culturel américain et Galerie Ataray, Sofia (Bulgarie), La Traverse, Paris (France)
2ème Biennale d’art contemporain, Nouméa (Nelle Calédonie)
Galerie X+, Bruxelles (Belgique)
Obsession, rencontre avec des œuvres du FRAC Alsace/Lorraine, Tourcoing (France)
Galerie Richard Foncke, Gand (Belgique)
Galerie Martha Moore, Séville (Espagne)
Salon de la jeune peinture, Palais des Papes, Avignon (France)

Autres lectures