Ainsi parlait THOREAU…
Thierry Gillybœuf commence par une introduction intitulée Un libertaire à Harvard College (une vingtaine de pages) dans laquelle il oppose les deux qualificatifs libertaire et anarchiste : Thoreau serait plus libertaire qu’anarchiste… Sans doute H. D. Thoreau peut-il être considéré comme l’ancêtre des écologistes contemporains mais à la condition de bien voir ce qui le différencie de ces derniers à savoir, que pour tout problème moral, l’individu ne doit se référer qu’à sa conscience : l'individualisme n’est pas loin…
Si Thoreau est anti-collectiviste, on peut cependant s’interroger sur le rôle de la société dans la formation de la conscience dans un citoyen. Et en tout état de cause, Thoreau appelle à la désobéissance civile ; mais il faut y aller voir de plus près car c’est la notion même de progrès que Thoreau remet en cause : c’est ce à quoi Thierry Gillybœuf invite le lecteur de ce florilège…
Il y a à boire et à manger dans le choix de citations qu’opère Thierry Gillybœuf ; c’est la notion même de société et de système juridique qu’attaque H. D. Thoreau : « … les menus larcins et autres délits sont placés au même niveau que le meurtre, le cambriolage et le reste, la loi semble vouée à l’échec la finalité qu’elle vise ». (p. 25). Ne croirait-on pas entendre une critique de la société contemporaine et de ses excès, de la préférence qu’elle accorde aux nantis et aux puissants ? Il est toujours difficile de juger de la valeur d’une œuvre par des choix isolés de leur contexte. Mais peut-on lire tout Thoreau ? Personnellement, je me méfie de son adhésion au transcendantalisme mais j’adhère à sa communion avec la nature, relativement… J’apprécie cependant le fait qu’il se soit aliéné le XIXe siècle qu’il juge positiviste et scientiste…
Par contre, parmi les points positifs que je relève dans sa pensée : sur la division du travail et la place du poète (p. 107), sur le rôle du gouvernement (p. 115), sur l’injustice (p. 119), sur ce que le citoyen doit attendre de l’état (p. 121). Etc… Mais je trouve que la maxime de la page 129 (3e position) [« L’indigence d’une classe contrebalance le luxe d’une autre » ] est un peu vite expédiée…
Sans doute y a-t-il trop d’âme pour que cette œuvre puisse être lisible aujourd’hui… Je reste donc sur une position mitigée à la lecture de ce choix de maximes de vie mais peut-être devais-je lire Thoreau in extenso ?
Ainsi parlait H.D. Thoreau, Dits et maximes de vie choisis et traduits de l’américain par Thierry Gillybœuf, édition bilingue. Éditions Arfuyen, 184 pages, 14 euros. En librairie.