Jean ESPONDE, A la recherche de Lucy
Sous-titré « Pour que les poètes aiment AL 288-1 » ce recueil est celui qui suit « Le désert, Rimbaud » paru en 2018 chez le même éditeur… Jean Esponde (on se souvient de son précédent essai) est un grand voyageur ; la Corne de l’Afrique n’a pas de secret pour lui.
A mi-chemin entre le roman et l’essai, ce livre est inclassable. Il naît de la lecture de Maurice Taieb, jeune géologue (à l’époque) au CNRS, qui dirigea l’expédition internationale qui fut à l’origine de la découverte du squelette momifié de Lucy… En italiques, le roman peut commencer (pp 29-31) : le lecteur est transporté au temps de Lucy, c’est-à-dire il y a plus de 3 millions d’années… Et dès lors, cela va se poursuivre : les caractères romains (réservés au commentaire et/ou à l’essai), les caractères italiques réservés au roman en train de s’élaborer, le roman dû aux croyances ou aux hypothèses sur l’homme préhistorique, vont alterner.
Le caractère romain plus étroit va apparaître : c’est un artifice trouvé (pp 46 à 52) par Jean Esponde pour désigner les notes qu’il reprend pour écrire la brochure (« Lucy a 40 ans ») qu’il a en projet avec Ali Robleh. Harar, toujours Harar ! Mais le roman n’est pas oublié pour autant : « Avec tout ça, je risque de perdre Gowé, le jeune chasseur errant » (p 60). Et le roman peut recommencer (pp 61-62), suivi d’une série de notes.
Jean Esponde, A la recherche de Lucy, Atelier
de l’agneau, 156 pages, 18 euros. En librairie ou
sur catalogue (commande en ligne : laissez-vous
guider, port en plus).
La découverte des ossements de Lucy fut quelque chose de comparable à « un mariage princier, ou un but du PSG en Coupe d’Europe » (p 70). La politique s’y mêle : « l’empereur Haïlé Sélassié avait été renversé par des militaires » (p 73). Ce qui n’est pas sans retombées sur les tribus afars… Dans l’antépénultième chapitre, Jean Esponde cède au rêve : il imagine ce que sont devenus les membres du clan auquel appartenait Lucy, il va même jusqu’à imaginer l’esquisse d’un langage mais il ne s’agit là que d’hypothèses !
L’approche de Lucy se fait doublement, par la fiction du roman et par les commentaires, par l’italique et les romains (j’emploie à dessin le pluriel). Mais les choses se compliquent à la page 43 où la fiction se mêle au réel via le personnage réel de Dato : on a un peu de mal à suivre ! Finalement, en mêlant les notes prises lors des lectures issues de la réflexion au commentaire, on a un texte de fiction. Jean Esponde écrit un véritable roman en en montrant le travail préparatoire ; et c’est une réussite car j’aime Lucy…