Chronique du veilleur (47) : Jean-François Mathé

« Les mots, souvent, sont des yeux fermés / qui regardent la nuit en eux », écrivait Jean-François Mathé dans son très beau petit livre : Vu, vécu, approuvé, paru en 2019 aux éditions Le Silence qui roule. C'est dans cette nuit que le poète s'aventure, en appréhendant la nuit du dernier soir, celle qui clôt les paupières pour toujours.

Ainsi va est écrit dans la même tonalité. Le regret traverse les jours qui restent, avec le consentement que le titre même évoque. Ce sont, dit le poète, « les jours de rien », « de rien sans l’amour qui naguère ouvrait au matin fenêtres, volets, paupières, pour que puisse entrer plus d’amour encore. »

Mais le poète ne reste pas refermé sur lui-même. Il embrasse cette humanité qui l’entoure et qui vit, comme lui, comme nous, la soif de l’inconnu ou de l’invisible. A l’intersection « de tous les chemins », se tient l’auberge du poète et sa table ouverte, « rendez-vous des vagabonds, des égarés, des errants. »

Agrandissement des détails (extraits), recueil de poèmes de Jean-François Mathé publié aux éditions Rougerie (2007). Textes lus par Guy Allix.

Ils disent que tout est du vent, tout est changeant, qu’après les ruelles vient la plaine où l’on peut marcher en dormant avec les rêves de la nuit d’avant, qu’on est plus rêvé que vivant et qu’un jour, tout un chacun s’efface de la vitre où une main lasse esquisse un adieu sans émoi.

Mais il y a des « miettes de mystères et d’évidences », titre de l’avant-dernière partie, à recueillir encore. Jean-François Mathé aime cette heure où la nuit n’est  pas encore tout à fait noire, ce « gué » où il faut se risquer chaque soir. Sa poésie suggère une atmosphère d’attente et d’imminence avec les mots les plus simples, une retenue qui  frôle des présences sans pouvoir les cerner vraiment.

                 Chaque soir est un gué entre une berge abandonnée
                 une autre qui attend.
                 Au milieu du gué  on rassemble les ombres
                 en un seul vêtement dont il faut s’habiller
                 pour épouser la nuit,

                  puis on avance
                  comme si c’était soi qu’on allait quitter.

« Le seuil, on y est seul », dit un émouvant poème du début du livre. C’est la solitude devenue chant secret, parfois presque étouffé, que nous entendons dans cette voix. Elle résonne gravement, mais elle a cette chaleur, cette ardeur contenue, qui sont le signe du poète frère de tous.

Attendez, dit-on sur le seuil. Mais on voit que ce n’est qu’au soleil qu’on a parlé, à lui qui a fermé à clé sa porte sur les départs puis la rouvre sur les absences. Le seuil, on y est moins seul.

La poésie crépusculaire de Jean-François Mathé nous  accueille sur ce beau seuil et accomplit le miracle dont seul le véritable poète est capable : nous faire entrer dans le partage, souvent poignant, du plus libre et du plus lumineux, malgré la nuit.

                                                              

                 Jean-François Mathé, Ainsi va, 
                 Rougerie, 2022, 13 euros.

Présentation de l’auteur

Jean-François Mathé

Né en 1950, il a été professeur agrégé de lettres en lycée. L’essentiel de sa bibliographie poétique est constitué de 15 recueils parus et d’un à paraître aux éditions Rougerie dont certains ont reçu divers prix (Prix Antonin Artaud en 1988, Prix du livre en Poitou-Charentes en 1999, Prix Kowalski de la ville de Lyon en 2002). Contributions à de nombreuses revues, poèmes traduits en espagnol, allemand, tchèque. Membre du comité de la revue Friches. Il a reçu en 2013 le Grand Prix International de Poésie Guillevic-Ville de Saint-Malo pour l’ensemble de son œuvre. Il vit dans un village du Poitou.

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Jean-François Mathé, Elle, au même fil, avait étendu, et autres poèmes

Elle, au même fil, avait étendu
un peu de linge, beaucoup de ciel,
lui avait vidé la maison
et laissées béantes portes et fenêtres.
Puis ils s’étaient regardés d’un regard
qui ne les voyait plus dans l’avenir.

 

Ils avaient amassé assez de mémoire
pour ne rien attendre du lendemain
et pour poser le temps qui restait
comme un pain à partager
sur la table à côté d’un couteau neuf.
 

∗∗∗

 

Quand il m’arrive d’oublier que vous êtes morts,
je vous entends venir,
comme du vent plein d’arbres,
rendre toutes ses feuilles à ma mémoire.

 

Tout ce temps que vous rapportez,
ma maison si petite aujourd’hui
le contient à peine,

 

seule s’agrandit la page,
mieux éclairée par vos ombres que par des lampes,
où j’écris ce que vous me murmurez.

∗∗∗

 

J’avançais, et le jour avant moi
faisait un pas de plus vers l’ombre.
Si beaux arbres et fleurs du bord du fleuve,
je voyais d’avance tout ce qu’un fleuve
emporte de vous
après l’avoir sans bruit émietté en reflets

et moi, tout près de l’eau, rassuré,
j’y voyais mon reflet entier.
Mais pas l’autre qui se disloquait
dans l’eau invisible du temps.
 

∗∗∗

 

Ne regarder au ciel de la nuit
que celles des étoiles qui furent
ce qui autrefois nous a atteints,
transpercés d’une inoubliable douleur.

Et vérifier en tendant vers elles
la main, le regard,
combien elles ont retiré loin de nous
leurs pointes de lames pures
qui n’ont rien gardé de notre sang.
 

∗∗∗

 

L’ombre du soir est encore trop loin
pour qu’on puisse enfin y poser la tête.

Depuis que l’aube pucelle est devenue catin,
depuis que la ville débraillée hurle,
tout entre en nous comme dans un moulin,
fracas, regards, insultes,
pourquoi pas des pierres.
Meunier, dormais-tu en un tel moulin ?

Non, et pour nous
l’ombre du soir est toujours trop loin
pour qu’on puisse enfin
y perdre la tête
sous la douce lame de l’ombre
prête à couper le cou
en cas de besoin.

∗∗∗

 

Ce qui faisait naufrage
était-ce en mer,
était-ce en moi ?

De quelles crêtes ou creux de vagues
appelaient ces voix connues
que la nuit apportait, remportait
dans une nasse de vent noir ?

Qui s’enfonçait en l’eau profonde
où s’élançait mon cœur
comme un sauveteur impuissant ?

Où que ce soit, il y avait naufrage
et seul le matin dirait
qui en avait réchappé
en mer ou en moi.




Autour de Christine Girard, Louis Dubost et Jean-François Mathé

 Christine Girard, Ruines

 

« ardoises brisées cassées fracturées, » ; jamais un titre n’a aussi bien évoqué le contenu du recueil… Lecture achevée, il s’agit d’un immeuble tombé en ruines. D’ailleurs, il faut attendre la page 39 pour apprendre que ce travail fut exposé à Albi en 2012 (sans doute sous forme de photographies ???). 

Et c’est parti pour une quarantaine de pages descriptives qui ne disent pas que ces ruines sont consécutives à un incendie : les murs couverts de suie et l’odeur du feu sont parmi les indices.  Maison d’habitation, hôtel, théâtre (mais n’est-ce pas le mot théâtre qui m’amène à penser que ?)… rien de certain ; nul ne sait avec certitude, surtout pas le lecteur !

Christine Girard procède par redites, par répétitions : l’oiseau aux longues ailes, dédales d’eaux, miroirs livides, murs couverts de suie, crissement de câbles, balançoire, plumes ou duvet, grue métallique (sans que l’on sache avec  certitude qu’il s’agit d’un jouet ou d’un outil réel) ; jamais les ruines ne sont parues aussi obsédantes  ! Le long travail du temps vient compléter l’accident ou la folie des hommes : « ça se fissure, se fendille, l’informe gagne défigure les lignes, l’amnésie creuse les sillons, ruine les formes » (pp 32-33). Christine Girard rappelle au lecteur que les ruines vivent :  « …  les cailloux parlent prennent figure deviennent tête, une simple forme l’expression d’une pierre noire … » (p 10). Ce qui contribue aux visions, aux hallucinations…

Christine Girard, Ruines, Editions Faï fioc,
48 pages, 8 euros. En librairie ou sur commande :
15 Rue Haute. 54200 Boucq. (Sur catalogue,
commande en ligne : prévoir le port).

Dans le verbe « s’égarer » (qui termine cette plaquette), il y a comme le résumé de ce qui précède, c’est-à-dire l’impossibilité de distinguer la différence entre une description de ruines et une description d’un vrai paysage, bien vivant.

∗∗∗∗∗∗

Louis Dubost, Diogène ou la tête entre les genoux

 

Manger, c’est philosopher… Non pas parce que Louis Dubost fut professeur de philosophie dans le civil… Mais parce qu’il l’est aussi ! J’en trouve les raisons dans les comparaisons avec l’œuvre de Botero (p 20) ! Parce que l’art est un domaine éminemment philosophique : rendre visible  ce qui s’énonce par des idées… Ou à cause de l’arrosoir voltairien.  

Ou tout simplement et j’aime, cet art de ce qu’il faut bien désigner comme un abécédaire, à savoir (p 9) : cette attaque qui prend modèle sur le Banquet de Platon. Mais ce livre est aussi l’occasion de portraits du grand-père qui valent leur pesant de cacahuètes. Tout comme de recettes pas piquées des hannetons car le jardinier est aussi amateur de bonne chère mais aussi de sagesse : ainsi dans Carotte on trouve cette citation que j’extrais : « Désormais, je récolterai chaque année la graine de mes carottes ouzbèkes  pour retrouver autour de la table ces merveilles de notre histoire commune et cultiver un peu plus d’humanité, tout simplement »  (p 29). De façon générale, Louis Dubost désigne par je ce qu’il faut se résigner à appeler l’auteur. 

Tout le reste est dans la même tonalité, humoristique et distanciée. Ainsi, page 30 à l’article « Cerise », merles et autres choucas bouffent les cerises : « Cependant le merle a eu sa part, et pas la plus mince ». 

Louis Dubost, Diogène ou la tête entre les genoux, 
La Mèche lente éditeur, 118 pages, 16 euros. En librairie.

Si le philosophe Jean-Paul Sartre fait voisiner chou-fleur avec mousse et pourriture dans L’Existentialisme est un humanisme, Louis Dubost ajoute : «  Peut-être le philosophe (…)  garde-t-il un souvenir désagréable de la cantine de la Rue d’Ulm  » (p 33). Au texte « Chenille », Louis Dubost est coquin : « Les chenilles du chou ne supportent pas la foulée d’une jeune femme nue au temps de ses règles » (p 31), mais il attribue la citation à un philosophe démocritéen ! Tout y passe ; la mécréance du jardinier (p 37),  les fantasmes (p 38), même la phrase finale de l’épilogue que je ne résiste pas au plaisir de citer : « Dans la journée, le jardinier prendra  en mains l’outil adapté aux réponses possibles » (p 113) ce qui est un signe de sagesse. 

Les termes métaphysique, existentialiste, philosophe ; l’expression  impératif catégorique indiquent la philosophie. Mais Louis Dubost ne se borne pas à cela : il se réfère aux politiciens (et aux politiciennes), Ségolène Royal et Jean-Marc Ayrault, ça date un peu les textes ! Seul le latin d’opérette (de botanique ou d’entomologie) fait encore sourire : les deux Pyrrhocoris apterus soudés l’un à l’autre font rigoler l’auteur (p 57) : Louis Dubost ne manque pas d’humour ! Ce qui n’empêche pas les grandes questions du style « Les limaces ont-elles une âme ? » (p 67). Et je ne dirai rien des comparaisons avec des chanteurs, des poètes ou des cinéastes (p 81). J’aime cette citation : « La pauvreté partage des richesses que les riches ignorent » (p 90).

Cet abécédaire est placé sous le signe de l’humour. Qui est Diogène qui donne son titre au livre , c’est un philosophe de la Grèce antique, l’un des élèves les plus célèbres de l’école cynique d’Antisthène. Nous passerons allègrement sur le cynisme de Diogène ; disons simplement que Louis Dubost retient le côté provocateur de Diogène de dénonciation des conventions sociales. C’est pourquoi le jardinier ne peut trouver le bonheur que dans l’accord profond avec la nature, revue et corrigée par le jardin…

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Jean-François Mathé, Vu, vécu, approuvé 

 

Recueil-Bilan : je me prends à songer que ce ne soit pas le dernier  (cela n’est pas le dernier, car quand on est tombé dans la poésie, c’est pour la vie). 

Et cela commence par une brève pièce de vers où la vie est comparée à un  fruit  : « comme si je voulais / que ma vie / soit un fruit / tout entier entré / dans son noyau » (p 7). Mais ce vers « jusqu’à à ton consentement à mourir » (p 14), m’amène à penser que c’est peut-être le dernier ! Ce qui serait dommage car Jean-François Mathé sait écrire les variations du temps qui passe… 

  Me viennent à l’esprit ces mots de Marie-Hélène  Prouteau : « Il s’agit d’apprendre à vivre  légèrement appuyé à la mort » puis  « Le sentiment de la perte inéluctable qui nous attend est présent mais tenu à distance » (in TERRES  de FEMMES, à propos du précédent recueil de Jean-François Mathé, Prendre et Perdre). Tout est dit ; tout est en cette mise à distance  qui traverse ces vers ou ces proses qui composent le recueil. J’oubliais : « J’avance dans les mots / comme dans les herbes qui s’écartent » (p 20) puis « ces mots qui voudraient crier » (p 22), je les prononcerai… 

Jean-François Mathé, Vu, vécu, approuvé, 
Le Silence qui roule éditions, 48 pages, 12 euros.
Sur commande (Editions le Silence qui roule ;
26 Rue du chat qui dort. 45190 BEAUGENCY).

Si les verbes descriptifs abondent, ceux qui traduisent les relations avec la femme aimée sont nombreux ; mais, les verbes qui traduisent la vision ou ceux qui traduisent l’acceptation sont plus rares. Ceci n’enlève rien à l’aspect bilan du recueil… Je suis particulièrement sensible à la beauté de ce tercet (p 16) : « Tu dors ? C’est un mensonge : / ton sommeil n’est qu’un fard / sur de la mort posé » ; il dit bien, à mots couverts, ce qu’il entend proclamer…




Jean-François Mathé, Vu, vécu, approuvé

Vu, vécu, approuvé. Un titre avec un point final, un titre en forme de cachet attestant de l’authenticité de son contenu, un testament poétique officiel. L’ouvrage, de belle facture, est élégant, et l’illustration sur la première de couverture introduit admirablement la voix de Jean-François Mathé. Les textes sont versifiés à l'exception des trois derniers qui semblent traduire une libération, un élargissement du souffle du poète.

C'est un livre de silence et d'ombre dans la lignée des précédents : on y retrouve une écriture vraie, concise, intense, qui percute sans jamais agresser. Tout y est transparence, incertitude et mouvance. Un livre intimiste écrit en bordure de la vie, dans lequel l’auteur se dévoile autant à travers le silence et le blanc de la page qu'à travers les mots eux-mêmes et c'est de cette maîtrise des sentiments que surgit la violence de l'émotion.

Vu, vécu, approuvé. nous parle du passé, (sans regrets - les bons moments restent dans la mémoire avec le bonheur de les avoir vécus) mais aussi de l'inquiétude, du vide, de l'instabilité, de la précarité des êtres et des choses, de la difficulté de vivre quand « l'avenir est refusé ». C’est un livre de contrastes : empli de nuit, on y voit filtrer la lumière ; les espaces clos s’entrouvrent, la mort – tantôt présente, tantôt suggérée – y fait place à la vie. Car dans ce cri murmuré, c’est au lecteur d’apporter la lumière aux mots d’ombre du poète.

 

Jean-François Mathé, Vu, vécu, approuvé, Éditions Le silence qui roule, 2019, 48 pages, 12 €.

Les mots, souvent, sont des yeux fermés
qui regardent la nuit en eux. 

 Nuit ou en secret leur vient
le ciel clair qu'ils ont à offrir
quand ils seront des yeux ouverts 
par ceux qui les lisent. 

 

Un livre sur le courage de vivre et le désir d’une renaissance dont l’expression poétique témoigne d'un rapport fusionnel avec la nature.

 

Perdu en forêt profonde
tu t'arrêtes un instant pour attendre
un peu de ciel clair
tombé du chant de l'oiseau le plus haut perché.

 Cela suffira à éclairer le chemin
et à te protéger des gifles d'ombre des feuilles,

 jusqu'à la clairière
que tu veux atteindre
en forêt comme en toi.

 

Les mots de la poésie tentent de retenir ce qui a été vécu, c'est pourquoi ce livre nous parle aussi d'amour et d'amitié, de sentiments qui se délitent et, s'il s'ouvre sur l'image d'un repli (le fruit de la vie réduit à son seul noyau, un enfermement qui pourrait démontrer également le désir de se recentrer sur le fondamental), il s’achève, après un cheminement quasi initiatique, sur une vaste respiration :

 

            Tu es le prisonnier évadé qui regarde et respire l’étendue du ciel.

            Feras-tu le premier pas sur le chemin élargi par le vent ? Iras-tu enfin ailleurs qu’en toi-même, pour choisir dans le plus lointain verger le fruit qui aura le goût nouveau d’une nouvelle vie ?

 

Ouverture de l'horizon, l'huile sur toile de Marie Alloy entre en parfaite résonnance avec ce recueil fait de gravité et d’ardente douceur. De prime abord, c’est la couleur qui domine : des nuances d’ocre rouge et des gris bleutés, dans un juste équilibre d’ombre et la lumière. Puis se détachent des formes et des reflets, des silhouettes d’arbres apparaissent, finement esquissées dans l’incandescence de la toile.

Un livre que j’ai « lu », « vécu » et que la lectrice que je suis ne peut qu’« approuver » !

 

 

Présentation de l’auteur

Jean-François Mathé

Né en 1950, il a été professeur agrégé de lettres en lycée. L’essentiel de sa bibliographie poétique est constitué de 15 recueils parus et d’un à paraître aux éditions Rougerie dont certains ont reçu divers prix (Prix Antonin Artaud en 1988, Prix du livre en Poitou-Charentes en 1999, Prix Kowalski de la ville de Lyon en 2002). Contributions à de nombreuses revues, poèmes traduits en espagnol, allemand, tchèque. Membre du comité de la revue Friches. Il a reçu en 2013 le Grand Prix International de Poésie Guillevic-Ville de Saint-Malo pour l’ensemble de son œuvre. Il vit dans un village du Poitou.

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Autour des éditions Rougerie

Les éditions Rougerie, basées à Mortemart, en Haute-Vienne, ont publié en avril 2018 deux ouvrages de poètes figurant de longue date à leur catalogue : Jean-François Mathé (Prendre et perdre), et Olivier Deschizeaux (Ours)

Il s’agit de deux volumes sobres où se reconnait la facture de la maison Rougerie : couverture blanche, impression du titre en rouge, livres non massicotés nécessitant une intervention physique du lecteur : ces livres, il faut décider de les lire, et, pour ce faire, s’emparer d’un bon couteau qui évitera d’endommager les pages. Notons toutefois qu’Olivier Rougerie n’a pas imprimé les livres « à la maison » mais chez un imprimeur local.

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Jean-François Mathé, Prendre et perdre 

Le recueil de Jean-François Mathé, où l’on reconnaîtra la manière de l’auteur, en particulier un art de filer la métaphore, rarement démenti d’une publication à l’autre, semble parcouru par de grandes ombres noires. En effet, le décor évoqué par les poèmes, parfois un peu parnassien (arbres, oiseau, ciel, étoiles, nuages, fleurs), sans qu’il y ait ici la moindre nuance péjorative, mais plutôt l’intention de signaler que l’auteur s’appuie sur une longue tradition poétique, se trouve peu à peu rongé par une inquiétude, vague d’abord, puis de plus en plus prégnante au fur et à mesure que l’on progresse dans la lecture. En vers tantôt libres, tantôt mesurés et rimés, l’auteur exprime nombre de pensées délicates et ingénieuses. Trois parties distinctes scandent cette progression des ténèbres, ou vers les ténèbres : Vivre au bord ; Passage entre chien et loup, Débuts de dénouements. Quelque chose de grave se joue dans cette poésie. On passe insidieusement d’une vie en limite à un épisode crépusculaire, avant que s’amorce, sous la forme d’une hantise lourde, l’idée d’un glissement vers un ailleurs, ou un au-delà.

Revenons-en à la question de l’écriture. J-F Mathé déploie souvent la comparaison ou bien file la métaphore : « J’ai vu passer,/comme des fourgons lourds et clos, / les nuits les plus noires, / maculées de la boue de nos rêves / qu'elles écrasaient. // Mais quand au matin / on dételait les chevaux / qui les avaient tirées / eux étaient toujours / blancs et sans taches. // Où est le vrai de la vie ? » (p.22). Il y a là, dans une vision presque baudelairienne (pensons à « Spleen »), un souci de cohérence, de densité, de construction, voire de démonstration, dans lequel l’image perd peut-être en surprise ce qu’elle gagne en cohérence. Le choix du « nous » (nos rêves) confère volontiers à ces textes une dimension moraliste : J.-F. Mathé donne le sentiment de vouloir, tout en les exprimant, dépasser des inquiétudes personnelles, interroger notre condition, créer une connivence avec le lecteur, à qui on laisse entendre que les expériences vécues sont aussi les siennes. Autre exemple : « Vieux voyageur devant l’éternel / tu avais fait de nous tes auditeurs / pour que les innombrables feuilles / qui bruissaient en toi /et que l’âge allait bientôt dessécher / se greffent et revivent / aux branches nues encore de notre jeunesse. // […] quand tu te taisais, nous étions devenus / des oiseaux perchés à la cime d’un rêve / et dont le cœur battrait bientôt / plus vite que les ailes, après l’envol / vers les étonnements que tu disais plus nombreux / dans la vie que la foule d’étoiles dans ta fenêtre » (p.12).   

Jean-François Mathé, Prendre et perdre,
Editions Rougerie, 2018.

J.-F. Mathé mêle ici l’anecdote au symbolique : l’arbre « réel », dont la figure, personnifiée, ramifie dans tout le poème, appelle l’oiseau, l’envol, les « étonnements », les « étoiles ». Le « nous » inclut de nouveau le poète dans une communauté, réelle ou symbolique, restreinte ou universelle, c’est selon.

On en vient parfois à se poser la question du « poétique » et de « l’image » (comparaison, métaphore…), singulier rapport au monde, à soi, au mot, qui devrait, selon nous, excéder l’idée d’un simple enjolivement : « J’ai regardé le ciel / soulever des oiseaux blancs / […] // Et qu’ils volent ou se posent, / le monde reste / un arbre multicolore / aux fruits ronds et pleins » (p.10). Vision rassurante, évoquant plénitude et permanence, « vision de poète », pourrait-on dire, en contradiction flagrante avec la représentation contemporaine d’un monde et d’une nature humiliés, moribonds et menacés à brève échéance par la dégradation, l’anéantissement. J.-F. Mathé délivre ainsi la vision d’un paysage intérieur fait d’harmonie, que l’on craint de quitter : en effet, c’est, dans un univers presque virgilien, la disparition du sujet qui semble au cœur du recueil que nous sommes en train de lire. Rappelons à ce propos la définition que donnait Casanova de la mort : « La mort est un monstre qui chasse du grand théâtre un spectateur attentif avant qu’une pièce qui l’intéresse infiniment finisse » (éd. pléiade, p.12). J.-F. Mathé, toujours sensible au spectacle du monde, interroge notre disparition, en tant que personne, et le fait avec émotion. Sans doute la conscience de cette disparition conduit-elle à magnifier le réel. Le poète est en outre bien présent dans le tableau qu’il compose : « On avait versé le café dans les tasses / et dans chacune maintenant / tremblait un îlot de nuit / que tu regardais / comme quand tu attends les étoiles / dans tes ciels nocturnes. / Les autres riaient haut, / forts de la force de midi / et de l’immortalité qu’ils croyaient y puiser. / Ils buvaient d’un trait / et toi si lentement que tu semblais retarder / le moment où le vide de la tasse / s’emplirait du vide de ta vie » (p.61). L’image finale, paradoxale, appelle le néant. Fin de partie ? La vie comme une tasse de café, bien noire et bien amère à la fin, que l’on ne se hâte pas de terminer. L’image, polyvalente, apparaissait dans un recueil précédent, à propos d’un couple d’amoureux, au matin, face à une tasse de café (La Vie atteinte, Rougerie, 2014, p.15).

La mort encore : « Une fois le vent tombé, / me reste un arbre nu en travers du regard. / Je cherche ses feuilles / comme si elles avaient emporté / les battements de mon cœur. Mais la porte est ouverte / et m’appelle, nu, à étreindre l’arbre nu, à accepter en moi comme lui les a acceptées / les racines par où / naissent mêlées la vie et la mort » (p.67). L’arbre, finalement, figure poétique majeure du recueil, donne une leçon de sagesse : accepter notre condition, la mort notamment, cette grande force noire surgie de l’obscur de la terre.

Prendre et perdre. En fin de compte, c’est de notre vie qu’il s’agit : nous prenons : jouissons des dons de la vie et de la terre ; puis nous perdons : ce lieu, il faut songer à le quitter. Rien que nous ne sachions déjà, en somme, mais J.-F. Mathé nous propose une forme de méditation personnelle nourrie d’expériences sensibles, où la nature, les anecdotes du quotidien, les insuffisances du corps, du souffle, la beauté du monde sensible, dans ses aspects parfois les plus traditionnels, « poétiques » pourrait-on dire, apparaissent comme autant de célébrations mélancoliques d’un plaisir de vivre. En témoignent les nombreuses dédicaces placées en épigraphe, lesquelles célèbrent l’amitié, on l’imagine volontiers.

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Olivier Deschizeaux, Ours

Le ton change avec Olivier Deschizeaux qui, d’emblée, dans son recueil sobrement nommé Ours, évoque des racines espagnoles : « Gloire à l’ombre qui plonge dans la rivière noire de peine et sombre en ses flots, le ciel est notre territoire de déraison, notre hiver. // Le négoce du duende se fait dans le sang. // Une neige brune, poisseuse grignote mes yeux de mauvaise vie et mes lits d’inconstance » (p.7). Le poète se réfère à une notion, le « duende », à laquelle, par le passé, Federico Garcia Lorca avait consacré une réflexion développée dans une conférence de 1930 : « Jeu et théorie du duende ». La « mauvaise vie » et « les lits d’inconstance » évoquent l’image d’un « picaro » de la poésie.

De fait, l’image du picaro, ce personnage truculent et vivant d’expédients, issu de la littérature espagnole, apparaît explicitement à la page 36 du recueil, comme pour confirmer cette intuition initiale : « Sans doute ai-je plus à gagner au cœur picaresque qu’à la valise amputée ». O. Deschizeaux tient manifestement à donner une vie poétique à des racines espagnoles, ne serait-ce qu’incidemment : « sur l’autel au cœur de braise le fou respire ce qui reste d’adn à notre saint curé, d’el paso à séville c’est toujours le même aigle qui s’envole » (p.10). Notons, au passage que tout est nom commun dans les poèmes en prose constituant Ours : lyon, séville, gargantua, xanadou, le rhône, le jourdain, etc., sont dépourvus de majuscules. Cette poésie récuse le nom propre : tout y est donc commun.

La nature ursine du recueil attendra la page 51 pour connaître un semblant de dévoilement : « Je suis un ours à l’âme orpheline depuis que tu n’es plus là, alors merci pour les souvenirs, les soleils de juillet com[m]e ceux d’octobre, merci pour la mort et l’amour, merci pour les larmes » (p.51).

Olivier Deschizeaux, Ours,
Editions Rougerie, 2018.

Le poète que l’on a fait coïncider avec la figure d’un imprécateur révèle tout d’un coup une nature humaine, l’empreinte d’un chagrin. On comprend plus loin qu’il s’agit de la figure de la mère, disparue, réellement ou en idée, qui peu à peu s’impose comme la destinataire du recueil : « Maman n’est plus là, la mort peut-être, l’amour sans doute, elle n’est plus ni dedans ni dehors, brisée par la démence, elle nous a quittés en claquant la porte d’un revers de la raison, elle est loin maintenant, assise en pleurant quelque part dans une grande maison aux murs blancs » (p.59). La dernière prose confirme l’hommage et le chagrin : « Je dépose une gerbe de flammes sur l’herbe de ton âme, ô maman qu’ai-je oublié de toi en cette grande nuit » (p.61). L’image de l’ « ours à l’âme orpheline » s’explique alors aisément.

Le recueil surprend en effet par sa véhémence. Il est constitué de proses assénées au lecteur, de phrases gnomiques, ou sentences souvent paradoxales : « Nous engloutissons des oranges laissées par des livres trop absurdes, la surréalité des voyants n’a nul besoin de boule de cristal » (p.23) ; « La poésie est ma phobie la plus vaste » (p.32) ; « […] je n’oublie pas que l’enfance est ce qui peut arriver de pire à un homme » (p.44). Tout cela évoque quelque peu les mânes de René Char, voire des surréalistes.

On a parfois l’impression que le texte est habité par l’âme de Lautréamont : « Dans ma cage fleurissent les ménageries humaines » (p.23) ; « je suis un cadavre prématuré, ouvert aux quatre vents, fermé à ce ventre de crinoline, ma cellule se couvre d’une crinière, mon pays est léonin » (p.15) ; ou encore, ces deux extraits évoquant pour le lecteur de poésie ce passage des Chants de Maldoror : « Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux quand ils me regardent vomissent » (op.cit., chant IV) : « J’étais sauvage, blême, ta peau incandescente ruisselait sur ma chair brûlée, tes pierres de carême dégoulinantes de chants obscènes ressemblaient à un fruit d’orage, comme une croix de feu pendue au soleil des nuits » (p.38) ; « Je suis un arbre sale, seul sur le seuil de ses silences, je n’ai pour son cœur que battements de porte et raison morte, il est des villes plus périphériques que les siennes mais les cloportes ne colportent plus d’amour en mon corps, c’est ainsi » (p.39). Mêmes images de corps, de cœur et de raison ravagés, même goût du « sale », du « dégoulinant ».

Ours, paradoxalement, est un ouvrage cultivé. Les références y abondent. Nous évoquions à l’instant les surréalistes, qui vénéraient Lautréamont. Il se trouve qu’ils avaient également de l’intérêt pour le marquis de Sade, dont la présence nous semble perceptible dans cet extrait des proses d’O. Deschizeaux : « Les chambres de mon âme sont occupées par les égéries du vice érigées là par des marquis de dux, vieillissant comme des venises perdues en eau de bohême avec pour seule bohème la terreur d’un sexe aux obsèques frelatées. »  Il s’agit-là d’une évocation complexe : Dux et Venise rappellent Casanova, né à Venise, mort à Dux, en Bohême, où il écrivit Histoire de ma vie. Mais Casanova n’a jamais été marquis, à peine chevalier de Seingalt, ce qui n’est pas le cas de Sade. Sans doute y-a-t-il ici association de ces deux figures subversives, chacune à leur façon. Le rapprochement « égéries / érigées » vient nous rappeler en outre, mais nous y reviendrons qu’O. Deschizeaux travaille la matière sonore des mots.

Pour en finir avec les références, disons qu’O. Deschizeaux évoque vraisemblablement les figures qui lui tiennent à cœur et structurent sa poésie : on reconnait la figure de Rimbaud, plusieurs fois : « zutique » (p.52), « argenterie rimbaldienne » (p.36), celle de Kerouac, avec les « rouleaux de big sur » (p.48), voire celle de Louis-Ferdinand Céline, avec « Bardamu », autre héros picaresque (p.54), ou encore de Rabelais, avec « Gargantua » (p.44). Le « duende » n’est pas étranger à Lorca et le ton général oscille entre la Saison en Enfer et Les Chants de Maldoror.

Du point de vue de l’écriture, l’auteur joue beaucoup avec la matière sonore du langage, qu’il s’agisse des « égéries / érigées », des « cloportes / qui ne colportent plus d’amour », déjà cités, mais encore : « je les nomme de mon faix assombri » (p.9), où l’on reconnait l’expression toute faite de « fait accompli ». Les exemples en sont assez nombreux pour que nous nous contentions d’attirer l’attention du lecteur sur un fait qu’il constatera de lui-même.

Comme Apollinaire, en 1913, introduisait en poésie « avion », « automobile » et « sténo-dactylographe », O. Deschizeaux utilise « adn », « azerty », « drone », « boycotter », « cowboy », etc. Cela donne à ce recueil l’allure d’une fête langagière.

Parfois, même, on devine la tentation, diabolique, de subvertir les textes religieux : « Je ne suis riche d’aucune misère. // Toute misère est pauvreté. // Du père du fils comme de l’esprit saint je suis le défunt et le craquement sain, amen // Festin des gisants, hosanna, hosanna. // Nationale vallée, visions saturniennes, des sept églises » (p.20).

Alors, poésie d’énergumène, au sens étymologique, sans doute, et c’est bien ainsi. Espérons que le poète ne soit pas un vrai prophète et se trompe sur ce point : « Plus personne ne te lit, poète, ta lyre est un lit de mort » (p.29).

À noter toutefois : la présence de quelques coquilles dans un ouvrage à l’impression soignée, ce qui démontre que la relecture reste un art difficile : « come » (p.51) ; « que nous seront » (p.19), « à l’aunedes reflets » (p.49), etc.

 

∗∗∗

 

Olivier Rougerie a ainsi, sans doute est-ce une coïncidence, publié simultanément deux ouvrages différant par la forme ; le contenu épousant, semble-t-il, la grande variété des souffrances humaines. C’est le mérite d’une maison d’édition, nous semble-t-il, de rester ouverte à la diversité des talents, des voix poétiques, de ne pas s’enfermer dans une « ligne éditoriale » trop restrictive, d’accueillir la poésie quelle que soit la forme dont elle se revêt, à partir du moment où elle s’appuie sur une expérience que l’on peut qualifier d’authentique.

 




Jean-François Mathé, Vu, vécu, approuvé

Vu, vécu, approuvé
Dix poèmes inédits

 

 

 

Un petit nuage est arrêté en plein ciel

comme ce qu’il reste d’un cri dans la gorge.

A peine commencée la saison ne sait plus où aller

et me laisse incertain dans son incertitude.

Mais l’essentiel a peut-être été dit,

crié avant que le temps n’ouvre ses autres portes

à des ciels de plus en plus transparents

d’où tomberont des ailes fatiguées.

 

 

 

Ce furent des jours,

encore des jours,

et des nuits peut-être

mais vécues entre des parenthèses

légères comme des rideaux

qui s’écartent avant d’avoir rien retenu.

Il s’habitua à vivre sans rêves,

presque sans sommeils

dans le poing toujours serré sur lui de la lumière.

S’il allumait une cigarette,

il n’en regardait que la fumée légère

où sa vie oubliait un instant

qu’elle devenait une pierre.

 

 

 

Une feuille, morte avant nous,

flotte d’un bord à l’autre du vent.

Nous lui envions sa légèreté

que notre vie ne nous accorde pas,

même si nos jours, nos nuits

sont des feuilles, mais, elles,

alourdies de pluie

et qui tombent de l’arbre au sol

tout droit comme s’il

n’y avait pas de vent

pour les aimer.

 

 

 

Je regardais le feu

vivre du bois qu’il faisait mourir

et la neige tombait sans amasser

du silence sur le toit,

comme si rien ne pouvait poser

la paix sur le monde.

Un murmure aurait déchiré la voix,

mais se taire

ne faisait pas taire la mémoire

acharnée à creuser son chemin

vers le souvenir des morts

qui n’étaient morts qu’après la souffrance,

comme le bois dans le feu.

 

 

 

Et vint l’été qui m’arracha

les ombres dont je faisais mes poèmes.

L’été violent.

En bas moins d’herbe que de pierres,

en haut un ciel que le bleu ne calmait pas.

Où que j’aille,

je trouvais la lumière

sans porte à ouvrir sur de l’inconnu.

Elle avait effacé tous les rêves

avant qu’on les rêve.

 

 

 

J’ai demandé à l’horizon

qu’il libère les chevaux

qui étaient allés mourir au-delà de lui.

Qu’ils reviennent où je les attends,

avec ce galop de silence

qui est désormais le leur

et ne réveille pas les pierres.

Il y a ici la nuit et l’herbe des rêves

dans un pré où j’irai les caresser

comme quand j’étais enfant,

comme s’ils étaient vivants.

Ils ouvriront vers moi leurs yeux aveugles

qui ne voient que les souvenirs.

 

 

 

Quand tu t’en vas derrière tes yeux,

ce n’est ni pour dormir ni pour oublier.

C’est pour t’égarer dans la nuit où

l’on ne trouve ce qu’on cherche qu’en s’égarant.

Les chemins de l’ombre sont plus nombreux

que ceux du jour, et eux tu les as parcourus

sans jamais rencontrer personne

capable de t’offrir des mots

auxquels tu aurais aimé répondre.

L’ombre, elle, aime que ton silence

réponde au sien.

 

 

 

J’aime regarder

le vent qui ne se voit pas,

j’aime poser les pierres

sur la peau de l’eau

pour qu’elles y disparaissent,

j’aime feuilleter les pages

dont la blancheur en dit plus

que les mots qui y sont écrits,

j’aime que le vide, en tout, tienne

la porte ouverte à qui ne veut que partir.

 

 

 

Faire à pied

le tour de l’instant heureux

pour qu’il dure,

et me laisse le temps

de poser mes mains

si loin de moi

que l’angoisse jamais

ne pourra plus les serrer

sur ma gorge et

les mots qui voudraient crier.

 

 

 

J’aimerais que quelqu’un m’attende

comme un poème lu

sur la page

encore blanche