Carole Carcillo Mesrobian, À part l’élan

Carole Carcillo Mesrobian, À part l’élan

Poésie vivante comme le mot vivant vacille au couchant. Carole Merosbian offre, dans cet ouvrage fugueur décousu recousu, sa vision littéraire pétrie d’analogies salvatrices. Sauver le signe dans le mot ou par les mots assemblés, rendre au signe son pouvoir créateur en oubliant au détour une syntaxe contraignante, s’emploie-t-elle.

Dans ce poème de langue signe dessin fondus ensemble, poème de tous les sangs mêlés, sang de l’écriture, sang du signe signifié et signifiant par la mise en page de l’ouvrage, sang des sentiments balancés à la ligne : « Est rouge d’antilope la cicatrice de mon passage », sang des lèvres mordues : « Vermillon ma merveille tes cheveux sont bouclés. », dans ce poème qu’aurait pu aimer Philippe Soupault inventant une nouvelle manière d’écrire, le Surréalisme, qui  s’enthousiasma et écrivit : « J’agissais comme un boulet de canon. » Dans ce poème meurt la littérature. Naît l’instance divine, la mort de la beauté, par la beauté écartelée retrouvée.

Dans la fulgurance des rapprochements inédits, À part l’élan, joue la musique heurtée de la complainte du corps perdu dans la géographie, elle-même soumise aux aléas de la friction :

Carole Carcillo Mesrobian, Jean-Jacques Tachdjian, 
A part l'élan, La Chienne éditions, Roubaix, 2019.

Plus de rivage et le frisson
Parachevé jamais ne pille
Le matin nu à la saison

 

On sent bien à la lecture du texte de Carole Merosbian tout ce qu’il doit aux surréalistes mais aussi à Marinetti (école futuriste) par le rapprochement de termes hasardeux formant une dynamique nouvelle, un horizon nouveau au phrasé : du non-sens surgit l’image surréelle qui vient impacter les certitudes. Nous sommes au cœur de l’Art poétique décalotté, destiné non à conforter, non à décrire le beau, mais à questionner la fondation. La pratique de l’analogie très lointaine vient ponctuer et remodeler la sensation battant l’intelligence ; j’emploie à dessein cette forme : la sensation battant l’intelligence ! pour effrayer le sens et battre la fondation.

Il faut sans cesse remiser (sa) la raison dans la cabane des sensations pures qu’élabore la poésie de Carole Mesrobian ; une pureté infinie en émane. Sa clarté vient paradoxalement de la construction démiurge, de cette analogie lointaine déjà notée, comme dans le poème Partir vivre comme on va mourir

 

Mes lèvres la poussière au clos de mes paupières
Et mes perles où ton ombre
Douceur démesurée comme un mot prononcé
D’un roi de sous le nombre

 

Ton ombre, douceur démesurée… Il nous faut parler aussi de l’ombre portée par la mise en pages, le dessin du poème dans la page – le dessin des idées et des sensations venant renforcer le signe brut. La distance perçue entre habillage des mots, relations entre eux, phrases, dessins, occupation de l’espace et vide ponctuant le chant produit par l’ensemble est un répond scandé, musical à la mise en écriture du verbe. Ce qui inclut pleinement le travail de Carole Merosbian dans la dynamique de la poésie visuelle et littéralement typographique avec le changement incessant de corps et de modèles des lettres utilisés. On se souvient de Mallarmé, Apollinaire, les surréalistes, Dada, précurseurs de cette manière. À part l’élan, réussit cette gageure et mène ce combat de la poésie totale sur une surface plane, la page du livre. Le regret d’en rester malgré tout à ces deux dimensions est contenu dans les pages finales nommées Introduction  (en miroir) et ne contenant rien d’autre que cela.

Résumons (c’est impossible mais…) ce texte par l’un de ses poèmes titré Asymptote, soit l’usage littéraire d’une donnée mathématique ancienne qui montre une droite se rapprochant en permanence d’une courbe mais ne pouvant jamais l’atteindre. C’est le chant déchirant de l’amour courbé hébété mal entendu pressé qui se résout dans un autre poème, Ouverte, par deux vers beaux

 

Je suis venue de lin déposer ton linceul
Sur un verbe mué 

 

Un verbe mué ! À part l’élan invente un horizon, mais derrière l’horizon quoi ? Cette courbe file plus vite que la droite lancée pourtant à vitesse prodigieuse.




Entretien avec Jean-Jacques Tachdjian

Jean-Jacques Tachdjian, sur votre site internet, jeanjacquestachdjian.com, vous vous définissez comme un « créateur de culture visuelle », et vous précisez que votre démarche est une démarche « de décloisonnement et de liberté ». Pouvez-vous nous expliquer vos objectifs ?
Hahaha ! Ça commence fort 😉
Je pense que ces termes peuvent paraître assez flous, effectivement, et qu'une précision personnelle s'impose, « votre question est donc très intéressante et je vous remercie de me l'avoir posée » comme l'aurait dit, paraît-il, un grand homme de la Ve république.
Je mets à l'intérieur de la jolie valise formée par les mots « culture visuelle » et sous la peau des mots « démarche de décloisonnement et de liberté » des tas de perceptions que je ne demande qu'à partager. Je préfère parler de culture visuelle plutôt qu'employer les termes « art » ou même « création », car je pense à tout ce qui est à déguster avec les yeux. Qu’il s’agisse de l'image sous toutes ses formes et tiroirs, illustrations, peinture, sculpture, photo, Street art, Raw art, tralalart et j'en passe pour ce qui est des images fixes ou du cinéma, vidéo, web, animation, jeux vidéo et autres pour ce qui est de l'image animée, tout ceci fait partie d'une vaste culture qui ne mérite pas autant de cloisonnements qu'elle n'en a. Le crime profite, bien sûr, à ceux qui s'érigent en spécialistes et qui en font de l'argent et du pouvoir, et qui ont donc tout intérêt à ce que les choses restent ainsi, les universitaires, les marchands, les critiques et tous ceux qui en profitent largement.
Comme je suis un peu touche-à-tout et que j'aime apprendre des choses nouvelles sans arrêt et les mélanger pour voir ce qu'il va en résulter, je vois plutôt les choses comme un bricoleur curieux et gourmand d'apprendre plutôt que de chausser une casquette d'artiste… de toute façon une casquette on ne peut pas marcher avec car les pieds sont dans le même pot, ça n'aide pas à se mouvoir.
Pour ce qui est de la « démarche de décloisonnement et de liberté », même si cette association de termes peut sembler pompeusement pompière, elle n'est que le prolongement de la précédente : j’essaie de mélanger toutes sortes de choses, techniques, matières, disciplines, bref je ne cherche pas à maîtriser un savoir-faire mais à expérimenter des choses pour ne garder que ce qui m'intéresse. Je ne sais pas si j'y parviens mais ça vaut la peine d'essayer et de recommencer sans cesse, la liberté est à ce prix je pense. Bien sûr, c'est assurément marginalisant puisque les tiroirs sont faits pour être remplis et les vaches seront bien gardées, mais en ligne de mire je pense que la création, tous les types de créations, qu'elles soient artistiques, scientifiques ou autres, sont ce qui fait de nous des humains. La vie sociale devrait s'articuler autour de cette réalité plutôt qu'autour du pouvoir et de l'argent comme c'est le cas aujourd'hui, alors que ce ne sont que pures fictions, la création n'étant, quant à elle, non pas fictive mais narrative, ce qui est radicalement différent.
Jean-Jacques Tachdjian

 

 

 

Qomme questions, à Jean-Jacques Tachdjian, La chienne Edith

Qomme questions, à Jean-Jacques Tachdjian par Vanina Pinter, Carole Carcilo Mesrobian, Céline Delavaux, Jean-Pierre Duplan, Florence Laly, Christine Taranov,  Editions La chienne Edith

Ceci étant dit, pour en revenir au petit bout de question que tu as négligemment semée au bout de ta phrase, je n'ai pas, à proprement parler, d'objectifs. Je pense que vivre au quotidien grâce à la petite merveille que sont l'étonnement et la curiosité qui l'engendrent est suffisant pour que, peut-être un jour, s'en dégagent quelques traces qui pourront être utiles aux autres. La recherche est dans le plaisir et le plaisir dans la recherche, c'est sans doute ainsi que l'on peut envisager faire du cabotage mental sur le chemin de la découverte car, comme l'a dit le prophète Jimi Hendrix, « l'important est le voyage pas la destinature », à moins que ce ne soit un autre prophète et que dans « destinature » il n'ait pas mis « nature ». Mais ceci est une autre histoire.
Je constate que dans vos productions vous consacrez une place prépondérante aux textes dont la mise en scène s’effectue dans un espace scriptural utilisé comme lieu d’un dialogisme avec l’image. Vous mêlez les arts graphiques et les arts visuels à un travail remarquable sur la typographie. Cet intérêt pour l’écrit motive-t-il le fait que vous affirmez que vous êtes un « poète par défaut » ?
Vous voulez certainement dire (je traduis pour les personnes qui ne pratiquent pas le vocabulaire universitaire, qui, même s'il semble être d'une puissante précision, est quand même un tantinet pompier) que je pratique un mix visuel de textes et d'images où la composition utilise beaucoup la typographie. Je sais c'est bien moins glamour mais la simplicité d'expression verbale peut avoir un charme aussi fort et bien moins « perruque poudrée » que le langage universitaire, qui a tendance à s'enfermer dans un petit fortin pour happy few et oublie qu'il n'est pas le Victor Hugo de la précision de l'expression écrite.
Eh bien oui, chère Carole, et si je me présente avec l'expression « poète par défaut » ce n'est pas en l'affirmant comme il semblerait que vous l'ayez perçu, mais par simple pirouette à double sens, même si le « par défaut » reste au singulier car je ne suis pas complètement schizophrène.
La poésie c'est l'état premier de la vie quotidienne, qui est hélas, aujourd'hui, reléguée au simple rôle de rayon malingre dans une bibliothèque. C'est assez agaçant car, comme le dit si bien Edgard Morin, « le but de la poésie est de nous mettre en état poétique », ceci en regard de l'état prosaïque qui est, hélas, notre quotidien « par défaut ».
C'est pourquoi, je me présente avec une intention narquoise, bien sûr, comme étant un « poète par défaut ». Mais ce n'est pas une devise ni une profession de foi, je pense que la vie est poésie, que le monde est poésie, une danse cosmique amusée et chaotique qui joue avec elle-même et dans une joie que peu perçoivent quotidiennement dans nos contrées riches et désabusées. Il n'y a plus de Chamans au cœur de nos pratiques sociales et les béquilles qui les remplacent (scientifiques, médecins, artistes...) offrent bien peu d'amour dans leurs actes.
Je ne sais pas si vous l'avez perçu comme prétentieux, car la poésie vous tient à cœur, je l'ai bien senti, et vous devez sans doute mettre un point d'honneur à la défendre contre le vulgaire et le falsificateur. C'est d'ailleurs tout à votre honneur, mais je la considère comme un outil pour le réel, comme un moteur pour la création. Elle en est son carburant principal.
Et pour en revenir à la typographie, je la pratique avec poésie, je lui fais dire des choses via le dessin de la lettre, qui permettent de s'affranchir de son usage prosaïque. C'est pourquoi je préfère me présenter comme « typonoclaste » plutôt que typographe. La lettre est aujourd'hui banalisée depuis l'avènement des computers mais je viens d'une époque où elle était l'apanage de quelques doctes personnes qui s'érigeaient en gardiens du temple, le pied de nez est né précisément à ce moment-là.
Votre travail sur la lettre ainsi que votre démarche ne sont pas sans rappeler celles du dispositif présent dans les manuscrits du Moyen Age, dans lesquels l’enluminure s’offre comme un résumé de ce qui figure sur la page, ou bien comme vecteur d’un message permettant de décrypter les symboles présents dans le texte. Peut-on faire un rapprochement entre votre pratique et cette mise en scène de l’image en lien avec un sens révélé ou dévoilé de l’écrit ?
Mais elle persiste et insiste la bougresse ! 🙂 Tu finiras immolée un soir de pleine lune avec une totale perte de sens, de sensations et de sens de l'histoire si tu continues !
Les enluminures des manuscrits du Moyen-Age européen n'étaient, certes, pas uniquement décoratives. Elles donnaient certaines clefs de compréhension du texte dans une époque où l'image était encore teintée de mystère, et de magie parfois. Image et magie sont d'ailleurs en anagramme, ce qui est éminemment remarquable (prononcer « caibeule »).
En ce qui me concerne je préfère jouer à une imbrication plus solidaire des composants textes et images, l'un n'étant pas l'appoint de l'autre ni son illustration ni son code de décryptage. J'essaie de parvenir à un équilibre (un des-équi-libre?) texte-image qui soit en quelque sorte un métalangage écrit et dessiné à la fois, un peu un retour aux sources hiéroglyphiques. Je ne sais pas si j'y parviens mais je cherche à jouer avec ça dans mes mises en pages, par exemple. C'est quelque chose qui est rendu possible beaucoup plus simplement qu'autrefois, à l'époque de la composition plomb et de la gravure, grâce à l'usage du computeur. Je trouve que les outils de pré-presse qui sont à notre disposition aujourd'hui sont un peu sous-employés. On peut désormais envisager des choses spécifiques au livre et au web écrit qui puissent aller bien plus loin et plus précisément que de simple émojis – culs de lampes ou de bribes d'images. Le web a remplacé la plupart des moyens de communication écrits et le livre peut désormais évoluer, quitter la simple duplication de textes ou d'images pour devenir quelque chose qui lui est propre. Ça reste encore à inventer, et ça le sera toujours car le plaisir de l'encre sur du papier est unique.
Idem pour ce qui est de la typographie, il existe des centaines de millier de polices de caractère et il s'en crée de nouvelles tous les jours. Mais hormis les fontes « fantaisies » de titrage, il n'existe pas de travaux de polices de lecture qui jouent avec ce que permet la programmation intégrée à la fonte elle-même, ou qui vont au-delà de simples variantes de classiques des siècles passés. Là aussi il y a matière et c'est jubilatoire de savoir que l'on a du pain sur la planche qui nous attend.
À la fin du siècle dernier, il y eut quelques levées de boucliers de puristes conservateurs qui s'insurgèrent, comme le font toujours les puristes, de la perte de la « culture Livre » (qui n'est ni la culture livresque ni la culture du livre) sacrifiée sur l'autel du multimédia et des réseaux. Vingt ans ont passé et le livre est toujours là…pourtant sont arrivés les Smartphones et les tablettes. Je considère que c'est une chance de plus sur notre chemin. La presse écrite se meurt et se clone elle-même, l'édition est devenue une vilaine industrie à l'exception de niches qui peuvent enfin respirer, le grand public et les institutionnels de la culture s'intéressent même désormais à l'édition indépendante, aux fanzinats et graphzines etc... Chose inimaginable il y a vingt ans où les acteurs de ces scènes culturelles étaient marginalisés et considérés comme des « amateurs » au sens figuré car le propre de l'amateur c'est avant tout d'aimer.
Après cette courte digression qui n'en est pas une, je reviens au fond de ta question et je pense que l'imbrication texte-image, qui existe depuis Dada et les avant-gardes du début du XXe siècle, va pouvoir sortir de son ghetto semi-élitiste cantonné à la chose artistique, pour devenir plus courante. Je pense que la poésie va couler sur des fleuves d'encre d'imprimerie et que des poètes graphiques vont éclore de ci de là, avec des styles qui leur seront propres : leurs vocabulaires, styles et tournures personnels. On verra, en tout cas je l'appelle de mes vœux car la poésie est aussi un outil pour réparer le monde, n'est-ce pas déjà le cas ? J'imagine un Apollinaire du desktop publishing, ça fait rêver non ?
Une des fonctions de la poésie est de permettre au langage de déployer un sens qui s’éloigne de la littéralité de son emploi usuel. Le dialogue entre le texte et l’image, éminemment poétique dans vos productions, ouvre à une dimension supplémentaire du signe, ne pensez-vous pas ?
Je pense que ta question m'amène d'abord à apporter une précision à ce que tu nommes « emploi usuel ». La langue parlée « prosaïque » est constituée de la même matière que ce qu'on pourrait considérer comme la langue poétique. Je pense aussi que la poésie apportée à la langue n'est qu'une manière de l'habiter, de la pratiquer, de l'intégrer à son être, à son vécu, à sa vie. Tout le monde aspire à être dans la béatitude, l'extase, le partage, la communion, la connaissance... Et pour moi, la poésie c'est quand cette aspiration guide le langage, le précède ou l'habille. C'est ce que Morin appelle « l'état poétique ». C'est un peu ce que j'essaie de faire avec mes compositions textes-images : j'essaie de les « habiller » de poésie pour que le sens des images, des textes et de leurs imbrications procède de cet « état poétique ». Évidemment, comme dans le langage oral, la réception par l'autre n'est toujours que parcellaire, mais si une grande partie du contenu émotionnel passe les mailles du filet et parvient le moins possible modifié chez le récepteur. C'est merveilleux lorsque le partage s'établit, et c'est vraiment jubilatoire. Je ne suis qu'aux prémices de ces possibilités que j'entrevois au loin et qui pourraient être, sans doute, en tout cas pour moi car nombreux sont ceux qui y sont déjà parvenu avec brio, le début d'un travail long et passionnant. Mais comme il n'y a pas assez de minutes entre les secondes je n'y parviendrais sans doute pas avant ma fin… mais bon, c'est le voyage qui est intéressant n'est-ce pas, pas la destination, comme le disait si justement, et avec à-propos, un grand homme qui devait sans doute mesurer 75cm de poésie au garrot, ce qui lui permettait sans doute de regarder sous les mini-jupes prétentieuses de ses contemporains toujours montés sur des tabourets de fierté mal placée.
Pour ce qui est du signe, là aussi, il est en perpétuelle évolution, mutation. Parfois il est un peu en régression, lorsque quelques frondeurs avant-gardistes sont peu ou mal compris et qu'ils provoquent une réaction inverse dans les pensées majoritaires, et parfois il fait un bond en avant, à la faveur d'une nouveauté technique, technologique ou d'un nouvel outil pour communiquer. Par exemple, depuis vingt ans que l'internet fait partie du quotidien d'une grande partie des gens sur notre planète, on en est encore aux balbutiements d'une expression poétique purement liée aux réseaux de communications. Qu'en sera-t-il dans dix ans ? J'ai le sentiment de percevoir une kyrielle de nouveaux usages, emplois et libertés prises avec l'expression poétique ces dernières années. Pour détourner une citation célèbre « le XXIe siècle sera poétique ou ne sera pas ! ».
Cet « état poétique de la langue » ne serait-il pas dans la démultiplication des potentialités du signe à « vouloir dire » hors de son emploi usuel ?
Comme je te le disais précédemment, je pense que ce qui est actuellement « l'emploi usuel » est un sous-emploi des potentialités de l'expression, qu’il s’agisse de l’expression écrite ou orale. Parler est un jeu, chaque époque en a fait un usage lié aux modes et usages du moment. Je pense que nous pourrions envisager de mettre un peu plus de poésie dans le sens de ce que nous exprimons. Ça ne signifie pas qu'il faille rendre la langue éthérée ou forcée mais simplement qu’il faut tenter de mettre plus de vie, d'humour, d'amour ou de dramatisation dans ce que l'on dit. Cette époque est terriblement prosaïque, c'est une traduction de la façon dont la grande majorité d'entre nous l'appréhende, la vit et la fabrique au quotidien. C'est terrible de le constater et la seule façon de résister, car il s'agit bien là d'une forme ouverte de résistance, c'est de teinter de poésie sa vie et la façon dont on communique.
Pour ce qui est de l'expression écrite, et plus précisément de la composition de textes (car on compose un texte comme une image ou une partition) je ne pense pas qu'il s’agisse comme tu le dis, de « démultiplication ». Je préfère penser qu'il y a un sous-emploi du potentiel, et qu'il faut s'attendre à ce que dans un futur proche, on puisse plus communément utiliser des façons plus personnelles de faire s'exprimer le contexte graphique de la mise en scène de l'écrit. Nous dirons que ce qu'il reste encore à traverser de XXIe siècle sera poétique ou ne sera pas one more time :-). Cet innocent petit émoji-smiley n'est que la préhistoire de ce parcours.
Est-il possible de maîtriser l’orientation de la réception d’une œuvre ? Le destinataire n’a-t-il pas une subjectivité, dont feraient partie son vécu et ses savoirs, qui motive les modalités de son décodage d’une œuvre d’art ?
Bien sûr, le créateur d'un travail artistique n'est que l'émetteur d'une quantité d'informations qui se recroisent avec le récepteur. L'intérêt n'est pas de faire une œuvre ouverte, ou soi-disant ouverte, qui serait universelle. Ce serait faire preuve d'une immense prétention doublée d'une inconscience qui frôlerait la correctionnelle… Non, il s'agit d'envoyer des signaux au-delà de la perception-préception commune. Le « destinataire », que je nomme récepteur car l'humanité est de plus en plus télépatate, a sa propre lecture de ce qu'il reçoit, liée, bien sûr, à sa culture et à son vécu, mais aussi au croisement immédiat, aux heurts qu'il découvre. Plus le heurt est important et plus l'impact souhaité par l'émetteur est abouti. Je trouve cette notion apparemment « froide » d'émetteur-récepteur assez juste. Je perçois cet échange comme une partie de ping-pong ou de bataille navale sur un cahier d'écolier. Ce n'est qu'un jeu et les soi-disant grands amateurs d'art qui se pâment devant des « Œuvres » ne font que masquer leur manque d'immersion dans les gros bouts de poésie que l'artiste leur envoie. Comme dans tout ce qui confère socialement un peu de pouvoir il y a toujours des spécialistes auto-proclamés qui s'accaparent le décodage, mais la plupart sont à côté de la plaque tournante du monde dont ils parlent.
Vous évoquez le fait que naissent de nouvelles habitudes de lecture de la poésie, liées à l’utilisation de l’internet. Effectivement, le poème, fragmentaire par essence, peut être lu sans avoir nécessairement besoin du contexte offert par le livre pour exprimer toute sa portée sémantique. Ne pensez-vous pas toutefois que le livre représente une globalité qui apporte un sens supplémentaire à la lecture d’un texte même fragmentaire ?
Je pense que chaque support a un apport en rapport au port d'attache qui a vu ses liens se briser au-delà des océans d'incompréhension qui le séparent des autres. Certains sont complémentaires, d'autres cantonnés à des rôles précis de transmission, mais comme c'est un jeu il est toujours agréable de brouiller les œufs de la gestation du sens.
Le livre est un support qui a déjà des centaines de façons d'être. Il n'y a pas que la production industrielle de livres, il y a des tas d'utilisations de l'objet, de son usage et des centaines restent à inventer, ce qui est intéressant c'est que rien n'est figé et que tout est en perpétuelle ré-invention. Le livre n'est qu'à un des tournants de son histoire et il en aura beaucoup d'autres. La production industrielle (imprimerie de masse) l'avait cantonné à un rôle de support. Aujourd'hui il est plus aisé de chercher des informations sur l’internet que de lire tout un livre technique. Donc le support retrouve une fonction principale de transmission de sens et d'émotion qu'il avait acquise, et avec les possibilités techniques actuelles on peut s'attendre à de belles surprises. D'ailleurs il y en a déjà beaucoup depuis vingt ans et elles ne sont plus uniquement expérimentales et confidentielles depuis de belles lunettes ! Tant qu'il y aura un livre à rêver de faire, le monde sera fascinant, there is no final frontier !
Selon vous, de quelles manières les nouvelles technologies pourraient-elles contribuer à une métamorphose de l’objet livre ?
Well, je ne pense pas que les TIC puissent faire « évoluer » l'objet livre. Il y a déjà eu des tas de tentatives et de magnifiques réussites dans ce que l'on a nommé au tournant du siècle dernier « le multimédia » : des CD Rom experimentalo-grenadine des années nonante aux sites web turbochiadés, en passant par les applis pour tablettes. Mais pour ce qui est du livre « imprimé » sur du papier, la mise en scène graphique est LA chose qui peut évoluer et approfondir l'usage de l'objet, du moins c'est principalement là que j'y trouve un intérêt, en tant qu'auteur. Il y a bien les entités « cross-media » qui associent divers media pour une lecture multiple et complémentaire du contenu. Mais c'est souvent assez poussif et les spécialistes auto-proclamés de la question n'ont en général qu'assez peu de poésie dans leurs façons de concevoir. Cela signifie d'une part qu'il y a beaucoup de chose à inventer. Sans doute le terrain n'est-il pas encore saturé de scories marchandes et utilitaristes, et aussi que la porte est ouverte à l'expérimentation. On peut hélas constater que bon nombre des travaux réalisés sont centrés autour de la seule performance technique et que le maître mot utilisé par les afficionados du genre est « bluffant »… ô tempora, ô vision limitée… Je pense que le livre papier, le simple objet qu'il représente, a énormément évolué au fil des siècles et des cultures, et qu'il y a encore énormément de chose à en faire pour ne pas avoir à chercher du côté de ce que le monde contemporain qualifie de « nouvelles technologies ». Mêler la forme au fond dans un objet imprimé qui n'a besoin que de doigts très légèrement humectés pour faciliter le tournage de ses pages laisse encore une infinité de possibles sans recourir à l'électrique et au numérique. L'odeur de l'encre mêlée à celle du papier a encore de très beaux jours devant elle.

Présentation de l’auteur

Jean-Jacques Tachdjian

Poète par défaut

« Faiseur d’images », comme il se définit lui-même, Jean-Jacques Tachdjian a élaboré, en profond amoureux de toutes formes d’images et de création, un univers singulier qui en fait un artiste culte pour toute une génération. 

Un univers nouveau et déroutant en France, quoique très en vogue aux Etats-Unis avec des artistes qui sont des idoles comme Gary Panter, Joe Coleman, Mark Ryden ou encore Hans Ruedi Giger. La preuve en est quand il expose à Los Angeles à la Galerie Overtone avec Jonathon Rosen et Robert Williams, des artistes qui se rapprochent de la BD, de l’art populaire, du Pop Art et du Surréalisme. 

Jean-Jacques Tachdjian façonne son multivers de « Surréalisme Pop », à la croisée d’une dynamique de recherche et d’un espace de jeu, qui convoque toutes formes de création, sans jugement de valeur entre haute et basse culture. Depuis les figures de comics, jusqu’aux références les plus classiques de l’histoire de l’art, en passant par l’imagerie punk, le cinéma, le street art ou encore la typographie, elles sont « dégustées », puis combinées, articulées, remaniées, transformées, interprétées, mixées en un langage unique. Graphiste de formation, il enchâsse naturellement les mots et les lettres avec les images, jouant du dessin de la lettre et cherchant plus profondément une intrication texte-image où résonne le sens subtil des concordances. 

 

Jean-Jacques Tachdjian

Créateur de fanzines cultes, « Sortez la chienne », « Couverture » qui ont vu l’émergence de nombreux artistes tels que Stéphane Blanquet, Pakito Bolino, Pit, Remi Malingrey…, musicien de groupes Punk et de Hard Rock, concepteur de logos, de typographies, d’affiches de concert, sont autant de facettes de sa vie, qu’il conçoit comme une expérimentation de l’acte renouvelé de création. 

S’il ne cesse de surprendre, de dérouter, c’est voulu et c’est qu’il mixe dans son travail, avec une curiosité insatiable et une gourmandise flagrante, tout ce qui l’inspire. Il n’en propose pas moins un cheminement et un travail d’une puissante identité visuelle et conceptuelle. 

Jean-Jacques Tachdjian affectionne particulièrement les images luxuriantes, baroques, très ouvragées, les images où «  c'est un délice de fignoler les détails, de soigner chaque centimètre carré, au risque de se perdre soi-même, et d'ailleurs avec délectation ». Des images à même d’accroître la perception du sens, mais également de mobiliser les émotions en sorte d’appréhender le monde en son « état poétique » et de partager l’émerveillement avec le regardeur. 

Chez lui, l’explosion de couleur, la violence du champ chromatique, l’emprunt de figures populaires s’associent à un message à tendance anarchiste, situationniste qui aime à jouer du pastiche et du détournement. Son travail parle de la société, de la violence, de la sexualité, de la souffrance comme de petits bonheurs et de la grandeur humaine. Ainsi dit-il qu’il « bricole pour réparer le réel »

Il en résulte la figuration d’un univers propre, d’un système personnel complet. Ce travail n’en découle pas moins d’une forte affirmation de la vie, de la joie, qui lui confère un caractère éminemment chaleureux et jubilatoire. Il invite à jouir d’un « univers dont les humains ne sont qu'une infinitésimale partie mais qui est leur seule maison »...

RENAUD FAROUX, Historien de l'art

Autres lectures

Entretien avec Jean-Jacques Tachdjian

Jean-Jacques Tachdjian, sur votre site internet, jeanjacquestachdjian.com, vous vous définissez comme un « créateur de culture visuelle », et vous précisez que votre démarche est une démarche « de décloisonnement et de liberté ». Pouvez-vous nous expliquer [...]

Carole Carcillo Mesrobian, À part l’élan

Carole Carcillo Mesrobian, À part l’élan Poésie vivante comme le mot vivant vacille au couchant. Carole Merosbian offre, dans cet ouvrage fugueur décousu recousu, sa vision littéraire pétrie d’analogies [...]




Claude PÉLIEU, New poems & sketches, par Alain Brissiaud

 

Des textes inédits de Claude Pélieu publiés par un de ses proches amis, Alain Brissiaud, voici qui déjà interpelle. La couverture du recueil, d’un rouge épais, et les mises en page illustrées par Jean-Jacques Tachdjian, ne démentent pas cette promesse de tenir un livre rare, dense, et mesuré à l’aune d’une histoire littéraire américaine qui a semé ses graines libératoires sur ce territoire, mais aussi en France. La Beat Génération a en effet marqué toute une génération d’artistes. A commencer par Kerouac, qui offre au monologue intérieur de nouvelles voies d’expression, sans oublier Ginsberg et Burroughs. Ce dernier prête à Alain Brissiaud la citation de sa quatrième de couverture :

 

 

Dés le début des années 1950 aux Etats Unis ces auteurs et d’autres se sont élevés contre l’establishment et le conservatisme. Inspirés par la culture afro américaine dont la musique tient une place importante. Ils ont milité pour la liberté d’expression et de mœurs, mais aussi contre le racisme. La littérature, engagée, virulente, devient une arme qui permet de soutenir la lutte menée pour établir une société plus juste. Allan Ginsberg, Jack Kerouac et William Burroughs sont les représentants de ce mouvement littéraire, qui entretient d’étroites relations avec le jazz et permet d’associer à cette émulation libératoire des noms comme Cab Galloway et Charlie Parker. C’est à Jack Kerouac que nous devons l’invention de la Beat Generation : c’est ainsi qu’il nomme, à New York, en 1948, ce groupe de romanciers, poètes et artistes unis par la même ambition de renouvellement social et artistique.

Claude Pélieu fréquente de très près ces écrivains de la Beat Génération. Avec sa compagne Mary Beach il produit les toutes premières traductions françaises de William S. Burroughs, d’Allen Ginsberg et d’Ed Sanders. Il est aussi poète. Très largement influencé par les surréalistes, il pratique la technique du cut-up et expérimente diverses techniques qui lui permettent de produire du texte de manière aléatoire. Il se livre également à une production poétique abondante qui cultive l’art de la confrontation de textes souvent courts et organisés, pour bon nombre, en « journal-poème ». Cette proximité avec les écrivains américains comme Burroughs ou Giensberg, ainsi que la teneur expérimentale de son œuvre, lui vaudront d’être considéré comme le seul des écrivains français de la Beat Génération.

se retrouvent bien des thématiques chères à ces auteurs d’outre atlantique. A commencer par l’évocation de l’univers urbain, perçu comme déshumanisé, et vecteur de mal être. Lieu de perdition plus qu’environnement qu’il s’agit d’investir de manière positive,évoqué grâce à une syntaxe déstructurée et à l’emploi de champs sémantiques qui évoquent une urbanité acrimonieuse et permettent le tracé d’un univers citadin morne, déshumanisé et menaçant :

 

« Pylônes, autoroutes, aéroport-

la Planète blanche

éveille les couleurs-

la brise tiède

s’immobilise avec le temps-

Translucide ce silence

échoué sur la plage.

 

Les âmes s’envolent,

les hélicoptères patrouillent-

le soleil couchant

répand des bulles de lumière

sur un monde qui se noie.

 

Tout est possible-

la vérité

se répand en pluie.

 

Un monde plein d’échos-

un univers sonore

anesthésié au-dessus du vide-

et des gens qui parlent

parlent-de l’absurde-

de la pourriture-du désespoir-

du mal de vivre-etc-

ceci-cela-coma-

vrai ? faux ? peut-être ?-

et alors ?

Les rebondissements de l’Histoire

arrachés aux rêves,

aux énigmes, aux visions,

aux flots de réalités

se dédoublent-et les chansons-

s’amarrent aux nuages-

tout est possible. »

 

 

On y ressent l’extrême solitude des électrons humains perdus dans cet univers urbain dont la préhension quasi carcérale ne laisse d’autre issue que l’évasion, dans un imaginaire dont l’altitude est atteinte grâce à des substances dont l’auteur met en scène les effets sur ses perceptions du réel. Ainsi l’alcool et les drogues sont évoqués comme une modalité d’évasion et un symbole de la perdition d’une génération qui s’interroge sur les finalités d’une existence dévolue à une époque de désenchantement.

 

« La bonne odeur

du tabac de Virginie

entre en trombe

dans les poumons vides-

l’alcool me mord les lèvres-

le café noir fume-

Un manège doré tourne

sur les vitres bleues-

le sirop d’érable se répand

sur les beignets. »

 

Mais perce aussi une parole politique, celle d’un questionnement quant à l’avenir de l’humanité, interrogé en regard de l’état des lieux d’une société convoquée à travers l’énonciation d’un observateur externe à un système dont Claude Pélieu ne cesse, à l’instar des poètes américains de la Beat Generation, de dénoncer l’ineptie :

 

« Les nains ont horreur de l’espace.

Nous avons affaire à une race de ventres,

de squelettes , de culs, de bites, de barbares merdeux,

de magie. Les incidents violents rétablissent l’ordre

Les ventriloques débiles jouissent comme des rats

sur des barricades d’immondices, restaurant le temps

du mépris aux quatre coins du monde-Dans les rues

règne la laideur, la peur et la violence ont remplacé

ont exilé la parole dans la boue du ciel en réduisant

l’homme au mensonge. La réalité s’est effondrée. »

 

« A force de déconner et de danser sur une

planète morte les hommes font pleurer

les anges-Dieu, dans le sanctuaire

des étoiles réfléchit sur l’irréparable. »

 

 

Le langage et la parole poétique sont eux aussi interrogés, et avec son évocation la figure du poète, être humain hors du système et regard acerbe dont la parole tente de restituer l’acuité :

 

« Rue des poètes

les photos sont brûlées vives-

Cow Boy Alpha

et ses moines

sont assis sous les orangers.

Ils écoutent le vol d’une libellule.

Ils regardent vraiment la pluie tomber.

Ils contemplent l’arc-en-ciel

clouté de fleurs-

ici, des bruits blancs

se colorent en mourant,

sur les murs des écrans.

 

Les élus et les victimes

n’ont pas fini

de meubler l’univers.

 

Dans les cavernes

de l’enfance le sang

frais explose, les étamines

électriques du langage

la syntaxe du monde.

Nous voyageons entre deux

sphères de fiction. Nous sommes

les avaleurs de temps. Les autres meurent dans le tumulte

les pauvres, avec les bruits

qui courent, les autres meurent`

dans les trous-odeurs de la ville. »

 

« Impitoyablement

le poète traque

la logique

et les adeptes

 

Les images du hasard

ne doivent pas être

persécutées

par le vocabulaire.

 

Les images de la poésie

que Dieu nous dispense

au compte-gouttes

sont peut-être nos consciences. »

 

Ce livre, de belle facture, nous offre également le plaisir d’admirer le travail d’un artiste plus que d’un illustrateur. La poésie de Claude Pélieu y trouve l’occasion d’être révélée par la mise en page opérée par Jean-Jacques Tachdjian, qui a fait ici un travail remarquable. Sur les pages, aux angles noirs, ces textes, inédits, sont accompagnés de graphismes mêlant l’art du cut up et l’élaboration de typographies dont l’invention reprend la thématique de chaque poème. Certains d’entre eux sont entièrement mis en exergue, sur des pages consacrées à leur mise en scène scripturale. Ils deviennent alors de véritables œuvres picturales. Les titres ont eux aussi fait l’objet d’un travail particulier, puisque certains d’entre eux, dont la typographie est élaborée par le graphiste, apparaissent sur la page de gauche, introduisant ainsi le texte, centré en regard de cet appareil tutélaire dont la sémantique est alors étayée par les choix typographiques d’une mise en œuvre toute particulière.

 

Alain Brissiaud a mis en exergue de manière magistrale cet univers sémantique et paradigmatique grâce à un agencement éditorial dont on ne peut que louer l’architecture. Fidèle à l’oeuvre de Claude Pélieu, il nous offre l’occasion de renouer avec toute une époque, et de retrouver des thématiques dont l’évocation ne nous laissera pas insensibles, tant par l’actualité des problématiques évoquées que grâce à la prégnance d’une écriture qui est savamment mise en œuvre dans ce livre qui allie le trait des mots aux illustrations. Offrant une lecture particulière des textes,  ce recueil propose de toute évidence un discours critique sur les poèmes,  tant les liens sémantiques tissés entre l’iconographie et l’écrit s’entremêlent, pour donner naissance à une trame discursive qui fait écho aux propos déjà transcendants de l’auteur.