L’immunité merveilleuse de Jean-Pierre Otte

               Être l’artiste de sa vie

Jean-Pierre Otte a depuis longtemps compris que nous étions  programmés, formatés, parasités, piégés par avance par la famille, la société, l’éducation, l’histoire et les médias sous contrôle, et qu’il s’agit progressivement  de s’en détacher pour ...se retrouver soi-même.

La vie et l’écriture ne sont donc pas sans risques ni sans défis. Tant pour  l’écrivant que pour le lisant, l’aventure livresque, quand elle se délie à travers les sens, sans que l’on sache de quel endroit elle provient en nous-mêmes ni à partir de quelle matière dans la mémoire ou l’imaginaire elle se dévide, aboutit à une manière exaltante d’être au monde.Il s’agit de s’accompagner en tout, devenir son propre ami, son propre complice.

Pour Jean-Pierre Otte, écrire-lire un livre, c’est au sens le plus strict se dé-livrer. Il faut d’abord viser l’autolibération. Se désentraver de tout. Se libérer du connu. Se dégager de toute éducation en ayant la volonté, l’ambition ou le désir d’être soi-même en expansion. Deux vers d’Une saison en enfer  jouent comme un déclic : Nous ne sommes pas au monde et La vraie vie est absente.

Si nous n’avons que peu de pouvoir
 sur ce qui survient, le désastre,
le drame, l’aubaine ou l’accalmie,
en revanche nous avons toute puissance
sur ce que le désastre, le drame et l’aubaine
peuvent devenir  en nous-mêmes.
Celui qui explore et exploite ses propres
possibilités devient l'artiste de sa vie.

Jean-Pierre Otte, L’immunité merveilleuse (Aventure sans alibis),éditions Sans-Escale, 2024 , 97 pages, 15 €. ISBN  :978-2491438265.

Sa vérité est désormais celle-là: être véritablement au monde, refuser une vie programmée, La vie n’a aucun sens mais c’est pour cela même qu’elle est passionnante.

 

C’est le réel de sa propre présence qu’il faut
affronter quand on s’éprouve en vie dans la vie.

 

 Ce dont nous souffrons, c’est d’abord d’une vie trop étroite, d’une stagnation dans l’ornière et sous l’œillère, d’un manque d’invention et d’audace. Toute œuvre véritable a pour dessein de nous inscrire plus intensément dans la vie, de nous ouvrir au monde et de nous rendre plus présent dans le présent. C’est le moyen d’atteindre en soi un lieu que l’on ne pourrait atteindre autrement.

 

Faisant le vide dans ton esprit, tu
tentes de réaliser cet état intérieur
de blancheur, de mer sans rides et de silence,
que connaissent les rêveurs et les musardiers,
les esprits curieux en flânerie entre deux rives.
N’en fais qu’à ta guise et tu seras à ton aise.

 

Les poèmes de Jean-Pierre Otte s’inscrivent avant tout et après tout dans une invitation à vivre. À chacun de se connecter différemment à lui-même, d’être diversement au monde, porté à une autre dimension, à la dimension même, complexe et exaltante, du présent.

Présentation de l’auteur

Jean-Pierre Otte

Textes

Né à Ferot-Ferrières dans les Ardennes liégeoises le 10 septembre I949, vit depuis les années quatre-vingt à Larnagol, au petit domaine d'Arnal, sur un causse du Lot.

         A la fois écrivain et peintre, il est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages  ayant trait aux mythologies cosmogoniques du monde, aux rituels amoureux du monde animal et aux aventures de la vie personnelle au bénéfice même de la présence au monde et du plaisir d'exister.

         Après des humanités scientifiques,  il devient auditeur libre à l'université pendant quatre années. Avide de savoir, il étudie des disciplines aussi diverses  que la biologie, la physique, la philosophie, les mythologies du monde, les littératures du monde entier. Encouragé à ses débuts d'écriture par André Pieyre de Mandiargues, Roland Barthes et Anaïs Nin, il écrit des brefs récits et  des poèmes, publie un recueil en 1970 : Pouhon bleu la veillée  dont de larges extraits seront repris dans La nouvelle Poésie Française de Bernard Delvaille (Seghers).

         En 1976, paraît son premier roman (Le cœur dans sa gousse) et dès 1978, il vit exclusivement de sa plume et de sa voix. Outre son travail d'écrivain, il multiplie les activités : chroniqueur dans les journaux ( La Libre Belgique, le Monde, la Nouvelle Revue Française,...), plus récemment dans Les Hors-série du Nouvel Observateur,  l’Express et  Notre Histoire). Conteur à la radio, à la télévision et en spectacle (RTBF, France Culture, Festival de Radio-France à Montpellier,...)). Depuis 1990, conférencier régulier dans plusieurs universités espagnoles. Voyages à plusieurs reprises en Europe de l'Est, en Islande, en Turquie et dans les pays baltes.

         Spécialiste des mythes de la création des civilisations tribales, Jean-Pierre Otte les a transcrits pendant une dizaine d’années dans Les Matins du Monde. Il s’adonne aussi à la botanique et l’observation des insectes et manifeste son allégresse de vivre dans ses Histoires du plaisir d’exister et la  Petite tribu de femmes. Il a reçu le prix Nature de la Fondation de France, jury présidé par Jean Dorst de l’Institut des Sciences Naturelles ; prix décerné pour la rigueur scientifique et la qualité littéraire de ses travaux en botanique et en entomologie.

Certains ouvrages ont été traduits notamment en Chine, aux États-Unis, en Italie, en Grèce et en Russie. Une vingtaine de mémoires et de thèses universitaires a déjà été consacrée à son œuvre.

 

 

 

                       

  1. Les Fables de l’enfance

 

Le Cœur dans sa gousse (Robert Laffont, La Renaissance du Livre)

Julienne et la rivière (Robert Laffont, La Renaissance du Livre)

Blaise Menil mains-de-menthe (Robert Laffont, Espace Nord, La Renaissance du Livre)

Nicolas Gayoûle (Robert Laffont)

Les Gestes du commencement (Robert Laffont)

 

  1. L’Amour au naturel

 

L’Amour au jardin (Phébus, Libretto,France-Loisirs)

L’Amour en eaux dormantes (Julliard)

L’Amour en forêt (Julliard, Pocket)

La Sexualité d’un plateau de fruits de mer (Julliard, Pocket, Le Grand Livre du Mois, France Loisirs)

La Sexualité domestique (Julliard)

Amours en vol (Julliard)

L’Épopée amoureuse du papillon (Julliard)

Les Amours de Sailor le chien (Julliard)

La Vie amoureuse des fleurs dont on fait les parfums (Julliard)

  1. Les Matins du monde

Mythes de la création du cercle polaire à l'Océanie

Les Aubes sauvages (Seghers)

Les Aubes enchantées (Seghers)

Les Naissances de la femme (Seghers, Le Grand Livre du Mois)

Le Chant de soi-même (Julliard)

Le Feu sacré  (Julliard)

Les mythes de la création - Les Aubes sauvages, Les Aubes enchantées, Les Naissances de la femme - (Les Belles Lettres)

 

  1. Les Essais d’ouverture

 

Livret pour les temps présents (Le Relié)

La Littérature prend le maquis ( Sens et Tonka)

L’Amour sur parole ( La Maisnie Trédaniel)

Retour émerveillé au monde (Fayard, Mille et Une Nuits)

 

  1. La Vie personnelle

 

Celui qui oublie où conduit le chemin (Robert Laffont)

Le ravissement (Robert Laffont)

Histoires du plaisir d’exister (Julliard, Pocket)

Petite tribu de femmes (Julliard, Pocket, Le Grand Livre du Mois)

Un camp retranché en France (Julliard)

Un cercle de lecteurs autour d'une poêlée de châtaignes (Julliard)

Le labyrinthe des désirs retrouvés (Julliard)

Strogoff (Julliard)

 

                  Peintures, poèmes et pictogrammes:

 

Pouhon bleu la veillée (L'Atelier de l'agneau)

Premiers émois (Le Pré aux sources)

Recours aux couleurs (Le Grand miroir)

Noir profond (Calligramme)

D’or et d’ombre (Sens &Tonka)

Une nouvelle constellation (Andromede Ldt)

Cette nuit est l'intérieur d'une bogue (Le Temps qu'il fait)

 

 

                  

     

         Extraits de presse

 

« Tant de pages enchanteresses sont d'un écrivain hors pair »

Michel Cournot, Le Nouvel Observateur

 

« Un écrivain merveilleux, des livres délicieux... »

Bernard Pivot, Le journal du Dimanche

 

«  Là où Ernst Jünger, fasciné, s'immobilise sur le seuil intangible d'un autre monde, Jean-Pierre Otte continue, lui, son avancée dans l'intime infini qui l'entoure. Alors, en lui, le spectateur se fait acteur, l'observateur explorateur et le voyeur devient voyant. »

Jacques Lacarrière

 

« Antidote au cynisme et à la médiocrité dont l'époque nous gave souvent, l'œuvre de Jean-Pierre Otte devait être prescrite à quiconque souffre de voir la langue française, la culture et la vie régulièrement insultées. »

François Busnel, L'Express

 

« Certains auteurs, irrésistiblement, donnent envie de les connaître, pour de vrai. Jean-Pierre Otte fait partie de ceux-là, amoureux de la vie et  intéressés par les êtres qui sont en eux-mêmes toute une histoire et ne ressemblent à personne. »

Claude Amstutz, Lechoixdeslibraires.com

« Un merveilleux voyageur...Un grand styliste... » 

Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur

 

« Dans une écriture étonnante et une exceptionnelle sensibilité esthétique, Jean-Pierre Otte mêle le familier et le savant, le lyrisme candide et la précision scientifique pour sortir l'oiseau de la cage où le tient notre ignorance. »

Michel Grisolia, Lire

 

« Ce qui est admirable dans la quête encyclopédique et sensible de Jean-Pierre Otte, c'est qu'elle passe par l'expérience de la méditation et la recherche d'un style élégant, élaboré, subtil, pour exprimer le monde qu'il découvre avec émerveillement. »... «  Ses livres tiennent tout à fois du long poème en prose, de l'ouvrage philosophique, de la leçon de choses, du livre érotique et du manuel de maintien . »

Jean-Claude Raspiengeas, La Croix

 

 « Jean-Pierre Otte  a la discrétion des officiants du théâtre Nô : peut-être par tempérament, mais surtout par stratégie poétique. Finalement, il nous invite à corriger une erreur de jugement : notre monde contemporain formerait un bloc sans surprise, mondialisé et unifié.Au contraire, par l'attention qu'il porte au vivant, il démontre que la planète demeure un « monde inconnu » et offre aujourd'hui encore un « spectacle intact ». Surtout, il réaffirme la puissance de la littérature qui explore les confins ignorés et initie à l'aventure de la vie. »

Fabrice Rozié, Le Monde

 

« Un maître en matière de style. »

Serge Sanchez, Le magazine littéraire

 

« Jean-Pierre Otte est l'écrivain des animaux et des plantes, de leurs rituels les plus intimes. Il possède au plus haut degré ce don d'allier les saveurs sensuelles d'une Colette et la précision d'un entomologiste maniaque et émerveillé. »

Patrick Grainville, Le Figaro littéraire

 

« C'est la fête d'un langage plein de sève où les mots germent en alliances insolites pour mieux capter les sensations. Ces foisonnements bucoliques masquent des émotions subtiles, une allégresse et une force tranquille qu'habite la saveur du monde. »

Monique Pétillon, Le Monde

 

« Jean-Pierre Otte a étudié la biologie, la physique, la philosophie et vous ensorcelle avec une diversité d'intrigues ayant trait au big-bang, aux mythes de la création ou au sommeil des mérous. Il fait vibrer toutes sortes de cordes. Il est à son affaire dans l'émotion, l'humeur, l'humour, le drame et la tendresse. Au fond, il est à son affaire dans le monde.»

Jean-Louis Ezine, Le Nouvel Observateur

 

 

 

 

 

 

 

 

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Jean-Pierre Otte, L’âme au maquis

Y aurait-il un défi
à ne pas devenir son propre passé,
sa propre mémoire accrochée
ainsi qu'une verrue à la grande

mémoire géologique du monde,
et peuplée de feux éteints et de lits défaits,
de papillons épinglés à la pelote du cœur ?
Le verre plein que tu serres entre les doigts

vole soudain en éclats,
et le vin se répand dans l'épaisseur des draps,
dessinant un large glaïeul rouge
qui n'en finit pas de t'obséder, toi, sans bouger,

immobile entre deux mouvements.

 

 

Il y a des galaxies
dans un grain de poussière,
une moraine dans le moindre mot,
et ce carreau cassé dans les herbes

reflète des images morcelées.
Nous voilà révélés en parties,
l'esprit pareillement, au diapason.
Nul n’ignore plus

qu'un feu obscur brûle dans l'euphorbe
et qu'à l'équinoxe d'automne,
les oies de passage
laissent dans la moelle des os

une phosphorescence bleuâtre.

 

Veille toujours à avoir du temps à perdre,
traînaille avec tes habits de dévoyé,
vagabonde sans hâte,
sans hachures dans l'haleine,

par les chemins qui sinuent
et en même temps s'insinuent en toi-même.
À celui qui le contemple par incidences,
le monde se découvre sans cesse en d'autres facettes

et d'autres lentilles, multiplié à l’envi,
jamais pareil, toujours inédit,
tandis que l'on se hasarde,
devancé par quelques pensées insensées

par les grands chemins clairs.

 

 

 

Foin de toute mystique
qui voudrait saisir
l’effervescence par la fixité,
cherchant ailleurs un sens

qui ne soit pas circonscrit

 

par l'accomplissement de la vie
sur la source qui la décline.
Ce n'est plus le miroir du monde

mais le monde sans miroir,
et l'esprit est à vif et sans ambages.
Regarde, tout est là :
des femmes échevelées,

les jupes retroussées sur les chevilles nues,
foulent à grandes éclaboussures pourpres
les grappes de raisin mûr
à la clarté encerclante des torches.

L'ébriété est donnée par surcroît.

 

 

 

Par-devers nous, 
les feuillages se referment
en larges froissements d'ailes,
alors que l'on se fraye le passage

dans le labyrinthe des buis.
De même, hier, sur la lande des bruyères,
le brouillard bougeait avec nos mouvements,
s'ouvrait devant et se ressoudait derrière.

Ainsi, toujours enclos,
l’esprit circonscrit par le vol de l'autour,
et, au milieu de la chair,
cette clairière intacte,

avec des taches de soleil qui tremblent.

 

 

 

Hiver d'hermine,
le jour pris dans l'ampoule pelue du gel,
l'apparente inertie de la vie hiémale,
avec ses clartés de laiterie nue

et ses géraniums aux fleurs de sang séché.
Le silence nous affine à notre insu
et nos yeux s'emplissent du satin gris des saules.
Le zéro obsède tel un os d'oiseau.

Il y a une lente électricité étrange dans les sens
et, quand on retient sa respiration,
le ciel est tout transparent ;
un grand vide se fait sous la peau

tel un même vertige blanc.

 

 

Pour le voyageur sans voyage,
tout est regards
et tout reste à voir. L'esprit
est telle l'alouette ascendante

qui est tout autant dans son entrain à grisoller
que dans l'entrelacs versatile de son vol.
Dans le moment même
(l'instant, c'est ne pas s'installer),

on rêve d'une langue non récursive
où il n'y aurait plus
la conjugaison des verbes
au passé composé ni au futur antérieur.

L'eau même ne peut dissimuler sa nudité.

 

 

 

 

 

Pour le voyageur sans voyage,
tout est regards
et tout reste à voir. L'esprit
est telle l'alouette ascendante

qui est tout autant dans son entrain à grisoller
que dans l'entrelacs versatile de son vol.
Dans le moment même
(l'instant, c'est ne pas s'installer),

on rêve d'une langue non récursive
où il n'y aurait plus
la conjugaison des verbes
au passé composé ni au futur antérieur.

L'eau même ne peut dissimuler sa nudité.

 

 

 

Après nos cheminements en solitaire,
l'âme vacante et les épaules incurvées
accordées à l'accolade des collines,
après toutes les chicanes à la lune croissante,

les passages à gué et les ponts légers
dans le souffle qui fume en hiver,
nous nous retrouvons au gré des croisées.
Nous revoilà plusieurs,

en même temps que, chacun, nous sommes
plusieurs au partage de notre vie,
multipliés de toutes parts.
C'est toujours l'autre, le semblable distinct,

qui, par sa capacité à nous recevoir,
nous rend capable de ce que nous sommes.
Et la parole nous vient
en ébullition de voyelles,

sans ambages, dévêtue et libre.

 

 

Cette résonance au profond de la poitrine
et qui se propage jusque dans la moelle des os,
tels les cercles excentriques
d'une pierre lancée à la surface des eaux mortes,

voilà qu’elle nous rend à la mesure
et à la démesure du monde entier.
À quoi servirait-il d'être immortel
quand on fait l'expérience de l'éternité

dans l'instant frais qui s'esquive ?