Lambert Savigneux, Amina mutine ou les ensorcellements de l’ile, extraits

 

Rive à l’âme

 

Refermé 
les bras  

Traversé le désert 
et tendu l’essentiel

                                              Au 
les ai                                              sortir 
réouvert                                                                               

L’air perçait                       j’ai laissé chanter  

Vu les lignes amarrer 
en silence  
Et autour enlacer

Mes mains ont façonné lentement 

La Nuit      
La poigne du  vers  
tranchant 

S’exclame et s’efface 
simple libre 
la danse 
hisse
et lisse  

(…)

Baiser la beauté n’a qu’une peau 
elle rappelle l’eau au matin

La grève se met en garde 
paupières sur le lointain 

Bouche sur le proche 

Proche sur le lointain

Quand s’ouvre
le proche quand ferme 
le lointain 

C’est aussi

L’île

À laquelle il faut revenir 

Les ailleurs partent de l’île et îles en reviennent 

(…)

 

Voix sans croix 

 

Mais y tombant 
sans poids  
me dépliant 
sans voix 

J’accueille 
tout ce que le ciel sous-tend 
de la tendresse 
aux chutes des satellites

Attendant ta venue

Voix morne     
corde totémique 
les rames continentales 
assenant à l’île 
flotte à
la barre indéfinie 

À la nuit
j’ai lancé la pirogue 
mis le cap sur l’espérance 
et à la nuit
au sextant 
jouxté les points lucides (…)

 

Raclées et risées

 

Mais je crois qu’à force elles construisent une barrière de fer

À force de chercher à détacher 
l’air

À force de forcer la terre à lâcher l’air …

À force que l’air s’infiltre dans nos têtes 

Les paroles sous couvert

Et les fossés

Et l’habitude des bombes

Finissent par ouvrir en soi 

Comme un chemin

 Par se retourner contre soi

 Contre la paix

Le poids de l’enfance

D’un silence

Et l’attente d’une rosée

Ce sont  nos yeux qui s’éteignent

Le fer et les paroles qui  ferment

Les cris  
entament  le corps 

Les rêves ne savent plus rêver

Et l’esprit

Ne parvient qu’à retourner vers les lieux de la  blessure (…)

 

Amina

 

Amina, c’est le nom que je te donne
sa farine touche à toutes les rives, je n’ose les dire.

La peau s’éclat soie noire comme nuit au soleil, 
elles pourraient disparaitre

Fruit et fleur
abeille mutine à rive d’elle
une carte marine
charme
sombre
la profondeur océane

Les plis de la bouche touchent au bords de l’ébène
cœur mûre
l’œil serré
la peau brune
les veines d’un noir bleu de lave

Lisses 
les cheveux ramenés comme deux mains 
saisissent le ciel 

Isthme
Le ciel déferle profond
comme la mer
rouge fébrile
les vagues murmurent un séisme entre les émeraudes qui te sont seins (…) 

 

Ile en elle 

 

Est-ce le feu cette touffe cendrée

Le givre dissout l’étreinte 

La violence du choc fut telle 
qu’île en elle
en trombe
l’azur soudain par l’éclat des yeux évanouit le jour 

Allumé
le feu regorge l’amertume
est une ride à l’espérance 

Astre majeur
le gouffre en tombe aspire l’ajour

Rive
cette déchirure
à l’écrin indigo 
la chaleur africaine cerne
l’opposition féconde (…)

 

Textes tirés de Amina mutine ou les ensorcellements de l’ile, Lambert Savigneux, Editions du petit véhicule, avril 2018 .