Lionel Bourg, Un oiseleur, Charles Morice
Avec ce nouvel ouvrage, publié par Le Réalgar, Lionel Bourg nous conte l'histoire de Charles Morice, écrivain oublié, compagnon de route des deux Paul (Gauguin et Verlaine), comme s'il nous racontait une histoire. Une histoire d'un homme certes, mais aussi et surtout l'histoire d'une époque : l'après Commune à la fin du 19ème siècle "A Montmartre, la Commune n'est plus qu'une poignée de cerises écrasées sous la botte versaillaise." avec ses drôles d'oiseaux libertaires et ses merles moqueurs...
Lionel Bourg, Un oiseleur, Charles Morice, Le Réalgar, 2018, 40 p., 5€.
Et toujours le style gourmand de Lionel Bourg pour si bien décrire la société de l'époque : "Rubiconds, le gilet boutonné sur une proéminence abdominale proportionnelle à d'augustes coups de fourchette, le boîtier de montre dûment astiqué, les bourrelets au chaud sous un solide bandage herniaire et, le ridicule ne tue pas, le pantalon tire-bouchonnant sur des bottines vernies, huissiers, soyeux, ingénieurs, avocats, clercs et hauts fonctionnaires s'y gargarisaient de thèses paternalistes ou d'alexandrins affligés d'arthrose avant de batifoler au bordel."
Lui aussi poète maudit sans doute, "Charles Morice, d'emblée, sut reconnaître le génie de Camille Claudel et, l'un des premiers, regarder les toiles de Pablo Picasso. Qu'à cela ne tienne ! La vie n'est pas accommodante. Démuni, les poches vides, réduit aux expédients d'articles destinés à des revues indignes de son talent, il fréquenta d'assez près l'indigence ". Pourtant, si l'on en croit Anatole France, Morice était promis pourtant à un bel avenir...
Ce livre parle aussi de la fragilité de la reconnaissance pour les écrivains facilement oubliés : qui connaît aujourd'hui Charles Morice, pourtant théoricien du symbolisme, Francis Poictevin, Felix Fénéon, Laurent Tailhade? Les frères Goncourt sont-t-ils encore lus de nos jours? Les poètes ne sont-ils pas encore de nos jours, pour la plupart des poètes maudits?
Après avoir lu cet ouvrage, je me suis replongé dans le site Gallica pour découvrir les deux ouvrages de poésie de Charles Morice : Quincaille et Le rideau pourpre. Quand la lecture mène à la lecture... Et quand internet permet de faire revenir les mots oubliés...