Marian Drăghici, Poèmes

Traduction du roumain par Sonia Elvireanu

hymne. à la  jouissance complète

 

j’ai eu un étang
j’ai eu une maison
avec un étang

maintenant

au bord d’aucune eau
je demeure
et regarde dans l’eau: le ciel

avec des poissons et des étoiles
avec le petit verre parmi elles.

ce fut
le but de ma vie

je peux

te contempler, Dieu,
à cet instant
éternellement

tout

 

imn. juisării complete

 

am avut heleşteu
am avut casă
cu heleşteu

acum

la margine de nicio apă
stau
şi mă uit în apă : cerul

cu peşti şi stele
cu păhăruţul printre ele.

ăsta fuse
rostul vieţii mele

pot

să te contemplu, Doamne
în clipa asta
veşnic

tot

 

la trace. une cantilène

 “Dichterexistentz als Sünde” (Rilke)

 

de mon temps, pendant les fêtes
il neigeait aux petits verres sur le village
du crépuscule à l’aube
de l’aube au crépuscule
de l’aube au crépuscule

à blancs petits verres il neigeait
à blancs petits verres il tourbillonnait
à blancs petits verres il neigeait
à blancs petits verres il tourbillonnait

il neigeait,
il neigeait aux petits verres en tourbillons
sur les traces de l’enfant parti
seul
au monde
à faire ses voeux.

seul
au monde
à faire ses voeux.

en regardant sa trace
remémorée
en regardant sa trace
remémorée de tant de blanc immaculé
ma foi, je me suis enivré
de tant de blanc immaculé
ma foi, je me suis enivré :

assez, c’est terminé
avec l’existence
du poète
comme péché !

le ronronnement de la chatte
à la fenêtre quand elle écrit
en soi une poésie
une grande, absolue poésie
dont personne ne sait
comme du tombeau du désert
comme du tombeau du désert

c’est ma seule nostalgie
c’est ma seule
ma seule
nostalgie.

 

urma. o cantilenă

 “Dichterexistentz als Sünde” (Rilke)

 

la vremea mea, în sărbători
ningea cu păhăruţe peste sat
din înserare până-n zori
din zori şi până-n înserat
din zori şi până-n înserat

cu albe păhăruţe fulguia
cu albe păhăruţe viscolea
cu albe păhăruţe fulguia
cu albe păhăruţe viscolea

ningea,
ningea cu albe păhăruţe ‘nvolburat
pe urmele băiatului plecat
singur
în lume
la urat

singur
în lume
la urat.

privind în urma lui
rememorat
privind în urma lui
rememorat de-atâta alb imaculat
pe cinstea mea, m-am îmbătat
de-atâta alb imaculat
pe cinstea mea, m-am îmbătat:

gata, s-a terminat
cu existenţa
poetului
ca păcat!

torsul pisicii
la geam când scrie
în sinea ei o poezie
o mare absolută poezie
de care nimeni nu ştie
ca de mormântul din pustie
ca de mormântul din pustie

e singura mea nostalgie
e singura singura
mea
nostalgie.

 

 

 

 

 

Présentation de l’auteur

Marian Drăghici

MARIAN DRĂGHICI (n.1953). Poète par excellence, il est rédacteur de la prestigieuse revue littéraire La vieroumaine, fondée en 1906, et membre de l’Union des écrivains roumains. Il a publié : De l’art poétique (1988), La partie de billard de la forêt russe (1995), Le franc-tireur (1996), Le franc-tireur & le coq en tôle (1996), Harrum, le livre de l’échec (2004), Licht, lansam/Lumină, încet, (édition bilingue) publiée par les Éditions Wieser Verlag, Klagenfurt, Autriche, en 2004, lancée à Vienne lors d’un récital extraordinaire du poète, bénéficiaire par la suite d’une bourse remise par Austria Kulturkontakt (en 2005), La Négresse (2005), lumière, doucement (2013). Il a fait de nombreuses lectures publiques lors des festivals de poésie en Roumanie et à l’étranger. Il a reçu de nombreux prix et distinctions, dont les plus importants : Prix de la revue Ramuri pour son premier recueil en manuscrit, Le verre au rayon (1985), Frontiera Poesis (1996), Chevalier de l’Ordre du Mérite culturel (2004), Prix « Virgil Mazilescu » (2009), le prestigieux Prix national « Tudor Arghezi » pour Opera Omnia (2014), remis par l’Union des écrivains roumains et l’Institut culturel roumain. Ses poèmes sont inclus en anthologies dans le pays et à l’étranger. Il est traduit en anglais, français, allemand, albanais et macédonien.

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