Marie-Anne Bruch, Cristallins secrets (et Doubles traîtres)
Décrue
Les veines font
moins de bruit que les vagues,
Les cils portent
moins d’ombre que les silences.
La maison a encore maigri cette nuit,
à l’aube les combles se sont vidés de tous mes rêves exagérés, de toutes mes peurs
extrapolées.
Le sommeil traîne ses dernières loques derrière l’armoire, sur le plancher des réalités toutes
crues.
Je plante mes migraines dans le verger neuronal puis je coupe la poire en deux.
La lumière fait brûler le vide des vitres et le trop-plein des instants morts.
∗∗∗
Délectations mordorées
La lune avait répandu partout
son odeur de cire vierge, ses pâleurs de cierge vicié.
On ne croit pas que la solitude bien ordonnée commence par soi-même.
La chair encore striée de sommeil attend pour s’abreuver le soleil aigre-doux.
La fin de la nuit ouvre le ciel sur nos visages.
L’hôpital se moque du charivari de la nostalgie et les ambulances traînent des acouphènes
dans les caniveaux.
L’hémisphère gauche, pour prendre quelque altitude, a toute latitude.
La fin de la nuit fait tomber nos paupières dans le tiroir à gants.
∗∗∗
L’averse en vitesse
Le ciel perd son temps,
La voiture épaissit sa carapace.
Les essuie-glaces ont de plus en plus de caractère.
Le pare-brise peine à ramer contre le mal au cœur.
La grisaille en travers de la gorge, on voudrait dessiner des étoiles sur les vitres.
C'est la condensation qui fait pleurer le soleil.
Les gouttes couinent comme des vieux métronomes.
Le cœur navigue à vue et la buée enfile des perles.
Maintenant, le ciel tombe en panne.
∗∗∗
Chambranles et vantaux
La peinture s’écaille,
La porte s’écarte.
Accrochées au bout des cils
les fluctuations d’un sommeil,
les ondes d’une solitude.
Résister au réveil –
Sous la douleur d’un rêve amputé,
les paupières
se déchirent de l’intérieur.
La peau comme un paravent de pierre
dissout l’enchantement.
Tenir debout –
le bout du pied cherche
les terminaisons nerveuses
de cette nuit épuisée.
Subir les subites démangeaisons
du plafonnier tyrannique.
Le café se résigne sans délai
à sa noirceur clairvoyante.
Le marc de mon mal-être
n’arrive plus à filtrer
le futur qui décante.
∗∗∗
Focus sur le flou
La simplicité de la vie
est une vaste cacophonie,
la lumière provient
toujours de sources impalpables.
Nos vœux cognent sans cesse
contre une faiblesse implacable.
Les horizons les uns après les autres
se chevauchent et se confondent
avec les doutes du voyageur.
Le monde dessine des ellipses,
des astres glissent sur leurs éclipses,
nos champs de vision sont
moissonnés par les ténèbres.
À force d’attendre
la pérennité du désir,
il s'est couvert de mousses.