Marie-Josée Christien, Choix de textes

Affolement du sang (extraits)

Je voudrais dire la vie
et je dis la douleur

Quelque chose en moi
s’est éteint.

*

Chaque fois au bord
de me taire
dans la nausée des heures

le vide ouvert
sous les mots
où tout se pétrifie

il n’y a rien
à attendre
que l’attente.

*

A Claire Fourier
(en écho à son  roman Les silences de la guerre)

Se taire
n’est pas convoquer
le silence

c’est l’usurper.

*

La vie incertaine
noue nos illusions
à nos ombres

Tout ce qui fut
n’est que sable
qui fuit
du creux de nos mains.

*

Sans bruit sans trace
chaque mot pèse
de son poids de vie

lancine
ruisselle
dans le corps

comme fou
dans la chaleur
du sang en cru.

*

Ce n’est qu’un chemin
pris par mon sang
un long évanouissement

le peu qu’il me reste
quand les mots se font rudes

je n’ai plus
pour me réchauffer
que le vertige
des points de suspension
accaparés par l’attente.

Extraits de Affolement du sang (Al Manar, 2019)

∗∗∗

Les extraits du temps

La fenêtre s’ouvre
un écran immense où se tord la nuit
des lambeaux s’échappent
Le reflet du monde va s’éteindre
bien plus loin

La suite des jours est incertaine
l’air se met à vibrer
quand le sanglot de la nuit cesse
le temps est soudain clair
comme une goutte d’eau

Et le calme du ciel
épuise le courage
qui soulevait nos mains.

*

Les forces du chagrin
ont atteint leur limite
et mon désir glisse sur la ronde
du temps
mon cœur obscur
jeté aux crevasses du doute
l’œil inquiet qui regarde
de temps en temps
par-dessus l’épaule du soir
si rien ne vient
à la rencontre des regards détournés

Tout est tiède dans l’air
Tout est froid dans le cœur
c’est un mélange de mort et de lumières
où les pétales sans odeur
claquent contre les murs où somnole la fièvre.

*

Le froid resserre l’étau
des passions clandestines
dans les dentelles tamisées
je dirai le chagrin
qui tissait ma lumière

C’est l’ardeur de vivre
qui dirige
la peur de perdre
de jouer son sort
au moindre bruit

Je n’espère rien du néant
Je n’oublie pas le présent
auquel il me faut tenir tête.

In Les extraits du temps (Les Editions Sauvages), Prix des Bretons de Paris 2009

∗∗∗

Marais secrets

C’est ici
une vieille terre
aux noires écorchures
qui s’effacent dans la brume

un territoire de traces fossiles
d’une forêt immémoriale

le souffle acide
d’un pays caché.

*

L’œil rivé
à chaque pas
qui s’enfonce
dans la tourbe spongieuse

on marche
comme on prie

dans l’apesanteur des sèves
et l’escapade des genêts.

*

Le cœur bat
plus calmement
dans l’immobilité
des marais silencieux
toute pensée est plus lente.

*

Les roseaux
se mesurent à la patience

la vie insiste
persiste

silencieusement.

*

Têtes basses
les joncs battus
de vent glacé
sont les rescapés opiniâtres
d’un continent englouti

en dormition.

*

Des saules tortueux
dessinent
des idéogrammes
dont on aurait oublié
le sens.

*

Le marais
se fige
comme une immense flaque
dans le paysage sans couleur
résistant vaillamment
aux ruissellements.

*

C’est une eau immobile
que rien
ne distrait

la litanie de nos pas
n’atteint pas ses secrets.

Extraits de Marais secrets, Les Editions Sauvages, 2022

 

∗∗∗

A propos de poésie 

     Ce que je cherche dans la lecture d’un poème ? Le tremblement qui le traverse.

     La poésie est ce qui fait sens avec nos sens, avec ferveur.

     Le poème est à destination de l’œil et de l’oreille.

     La poésie n’a pas pour but d’expliquer le monde mais de le vivre intensément, et par là espérer
le comprendre.

     Le  poème fait sens, mais n’a pas de message à délivrer.

     La poésie ne demande pas d’être déchiffrée ni comprise, mais éprouvée.

     La poésie réside en ce va-et-vient continu entre l’intériorité et l’extériorité. C’est pourquoi elle
mêle si bien en elle voix personnelle et voix collective.

     La poésie affronte toutes les questions qui bousculent les certitudes. Elle porte ainsi en elle
l’essence de la vie.

     Ceux qui associent la poésie à la rêverie et à l’imaginaire en sont bien éloignés.  Que dire de
ceux qui en parlent comme d’une détente ou d’un loisir !

     La poésie a pour domaine le réel et bien au-delà.

     Si un poème ne tient que par quelques artifices, il n’a aucune raison d’être.

     La poésie a une lecture polysémique, mais malgré tout, que de contresens quand le lecteur se
met à imaginer ce que l’auteur a voulu dire.

     Un poème ne peut pas être lourd de sens. Sous sa gravité apparente, il y a au contraire tant de
directions à explorer qu’il ne peut être réduit à la certitude d’un seul sens.

      Je n’aime pas le mot recueil  pour désigner tout ouvrage de poésie. Il sous-entend que l’auteur
a recueilli  ses poèmes dans l’ordre chronologique de leur écriture. Or, dans la plupart des ouvrages
poétiques authentiques, il n’en est rien : leur architecture est organisée, composée, structurée.

     La malédiction de la poésie est d’avoir été enfermée dans la littérature, et avec elle, dans la
sphère culturelle.

     La musique pour la voix du poème est un écrin qui la protège et la met en lumière.

     N’est pas automatiquement poète celui ou celle qui a écrit quelques livres de poésie.  C’est
avant tout aux lecteurs et aux critiques d’en juger.

     La poésie n’a pas à divulguer. Au contraire, elle a à préserver, à garder secret pour ceux qui
sauront découvrir.

     La langue n’est pas le sujet du poème. Elle est seulement le matériau qui le sublime.

     La poésie n’est pas un supplément d’âme. Elle est l’âme même.

     Ne pas confondre vivre en poésie et vivre de la poésie.

     La poésie est un état de veille.

     Le poème est ce qui résiste de plus humain de nous.

     Un vrai poète se reconnaît à sa capacité de sortir de lui-même et de dépasser l’horizon de sa
propre parole, à son généreux désir  de partage.

     Les poètes belges me semblent d’une fantaisie pure, absolue. Celle des poètes bretons est plus
mélancolique, plus grave.

     Une poésie qui ne s’adresse pas aux êtres humains, qui se complait dans l’incommunicabilité,
est inutile, infondée. Sinon, on pourrait se satisfaire de poèmes écrits par une intelligence artificielle.

     J’aime les auteurs qui me parlent à l’oreille, qui me chuchotent d’âme à âme.

     L’écriture d’un poème commence toujours par l’émotion et doit également se clore dans
l’émotion. Le long processus de sa genèse doit rester invisible et indétectable au lecteur.

     Et si la poésie était la langue du silence ?

 

Extraits de Petites notes d’amertume (Les Editions Sauvages, 2014)
et de Eclats d’obscur et de lumière (Les Editions Sauvages, 2021)

∗∗∗

Généalogie de la matière

In memoriam Michel Baglin

« La vie, c’est la matière à son niveau le plus structuré.»
Hubert Reeves

Nous ne connaîtrons les réseaux
du cosmos
qu’en perçant les mystères
de notre corps

tous les itinéraires
tous les appels
nous mèneront alors
là où nous verrons
ce qu’avant nous
on ne voyait pas.

*

Au peintre  Francis Rollet,

La blancheur des galaxies
passe par la lumière
des ténèbres
croise
les laminaires célestes

dans une enveloppe de silence.  

*

A Jean-Pierre Luminet, astrophysicien et poète

La nuit en silence
ramène
l’éternité
à un trou noir

guettant la moindre lumière
où se profile
le souffle
d’une froide illumination stellaire.

*

 L’œil magnétique

 A Aurélien Barrau, astrophysicien et poète
Au photographe du ciel Laurent Laveder

Soutenu
par l’arche
des ganivelles

en silence

le regard
se projette
au cœur de la galaxie

magnétique

la pensée
voit
l’extrême mouvement
des astres.  

Extraits de  Généalogie de la matière, en cours d’écriture

Présentation de l’auteur

Marie-Josée Christien

Marie-Josée Christien, née en 1957 dans la Cornouaille morbihannaise, vit dans le Finistère à Quimper. Poète, auteur jeunesse, critique littéraire, collagiste, elle est responsable de la revue annuelle Spered Gouez / l’esprit sauvage qu’elle a fondée en 1991.
En tant que critique, elle collabore régulièrement à la revue bimestrielle
ArMen et occasionnellement au magazine numérique Unidivers. Vents d’ouest, sa chronique consacrée aux maisons d’édition, est accueillie dans la revue Interventions à Haute Voix.

Présente dans une cinquantaine d’anthologies et d’ouvrages collectifs, traduite en allemand, bulgare, espagnol, portugais et breton, elle a publié une quarantaine de livres et collaboré à des livres d’artistes.
Deux ouvrages lui sont consacrés :
La poésie pour viatique (Chiendents n°118, Editions du Petit Véhicule, 2017) et Marie-Josée Christien passagère du réel et du temps (Ed. Spered Gouez, coll. Parcours, 2020).

Pour l’ensemble de son œuvre, elle est lauréate du Prix Xavier-Grall et du Grand prix international de poésie francophone.

Site : https://mariejoseechristien.monsite-orange.fr

Egalement sur wikipédia

Bibliographie

Poésie
Affolement du sang
(préface de Jean-François Mathé, encres de André Guenoun), Al Manar, 2019
Aspect du canal, Sac à dos Editions, 2010
Constante de l’arbre, avec le photographe Yann Champeau, Les Editions Sauvages, coll. Carré de création, 2020
Conversation de l’arbre et du vent (photographies de Jean-Yves Gloaguen), coll. jeunesse A la cime des mots, Tertium éditions 2007, Tapabord, 2018, Liste de référence de l’Education Nationale
Correspondances, recueil à deux voix avec Guy Allix, Les Editions Sauvages, coll. Dialogue, 2011
Lascaux & autres sanctuaires, Jacques André Editeur, 2007
Marais secrets, en collaboration avec le photographe Yann Champeau, Les Editions Sauvages, coll. Carré de création, 2022
Les extraits du temps (préface de Guy Allix), Les Editions Sauvages, coll. Askell, 2009, Prix des Bretons de Paris
Temps morts (préface de Pierre Maubé, encres de Denis Heudré), coll. La Pensée Sauvage, Les Editions Sauvages, 2014
Quand la nuit voit le jour (photographies de Yann Champeau), coll. Jeunesse A la cime des mots, Tertium éditions, 2015

Prose
Eclats d’obscur et de lumière
(collages de Ghislaine Lejard), Les Editions Sauvages, coll. La Pensée Sauvage, 2021
Petites notes d’amertume (préface de Claire Fourier, land art de Roger Dautais), coll. La Pensée Sauvage, Les Editions Sauvages, 2014

Autres lectures

Chiendents n° 118, consacré à Marie-Josée CHRISTIEN

Marie-Josée Christien est née en 1957 à Guiscriff en Cornouaille morbihannaise. Sa poésie est très marquée par sa Bretagne natale où elle vit. "La poésie pour viatique" est bienvenue. Gérard Cléry, Guy Allix, [...]

Marie-Josée Christien, Constante de l’arbre

L’arbre est dans le vent. On l’enlace, c’est bon pour la santé. On fait une marche en forêt et tout va pour le mieux. Mais le poète  - et pas seulement les thérapeutes [...]

Marie-Josée Christien, Eclats d’obscur et de lumière

Les aphorismes de Marie-Josée Christien Faire halte, regarder le monde sans complaisance, mais aussi savoir s’émerveiller. La poétesse quimpéroise Marie-Josée Christien distille des graines de sagesse sous forme d’aphorismes ou de pensées lapidaires. [...]

Marie-Josée Christien et Yann Champeau, Marais secrets

Marais secrets Le marais est une belle matière poétique. Monde entre deux mondes (la terre et l’eau), il confine par définition au mystère au point d’être considéré, notamment du côté des Monts d’Arrée, [...]




Marie-Josée Christien et Yann Champeau, Marais secrets

Marais secrets

Le marais est une belle matière poétique. Monde entre deux mondes (la terre et l’eau), il confine par définition au mystère au point d’être considéré, notamment du côté des Monts d’Arrée, en Bretagne, comme l’une des portes de l’enfer. Les poèmes de Marie-Josée Christien et les photographies de Yann Champeau se font brillamment l’écho, dans un superbe album à quatre mains, de ce halo de mystère qui entoure les marais.


On connaissait les poèmes de Xavier Grall sur les marais de Yeun Elez (où « crient les landes à minuit ») ou ceux de Gérard Le Gouic dans son livre Les marais et les jours parlant de ces marais qui s’étendent « à perte de mémoire ». Il faudra désormais ajouter à ce panthéon poétique des marais les textes de Marie-Josée Christien et les images de Yann Champeau. C’est l’image qui est première dans cet album. Le poème vient s’adosser à la photographie, la décrypter et susciter un écho sous formes d’aphorismes, de courtes pensées, voire de méditations. « Le marais/ est-il le seuil/de la vie/ou de la mort ? », interroge la poète.

Dans le viseur du photographe, il y a toutes les facettes du marais, celles scintillantes des reflets d’un soleil couchant, celles sombres et inquiétantes de tourbières encombrées de branches mortes. Dans cet univers de sphaignes, de bruyères, d’aulnes et d’osiers, de joncs ou de genêts, le colvert et la corneille s’ébrouent à l’aise. 

Marie-Josée Christien et Yann Champeau, Marais secrets, Les Editions Sauvages, 120 pages, 29 euros.

Dans ses poèmes, Marie-Josée Christien nomme tous ces mots caractérisant le marais que Yann Champeau transfigure dans d’éblouissantes et parfois énigmatiques photographies. Du grand art comme cela était déjà le cas dans Constante de l’arbre (Les Editions Sauvages, 2020) et Quand la nuit voit le jour (Tertium éditions, 2015), deux précédents livres des deux auteurs.

Les marais décrits ici sont anonymes même si, subrepticement, nous sommes conduits vers des lieux emblématiques de la Bretagne sans qu’ils soient jamais nommés. « Sur le mont lointain/une vigie se dresse/flèche de lumière/entre terre et nuages//comme une présence/qui mendie l’éternité », écrit Marie-Josée Christien les yeux rivés vers le mont Saint-Michel de Brasparts et les pieds dans les marais de Yeun Elez. Mais le plus important demeure la capacité à nous éblouir sur des lieux « ordinaires » qui ne relèvent jamais du cliché de carte postale. « La bruyère s’embrase/la lumière se répand ». Ailleurs, voici un « essaim d’iris », un « monde des molécules » qui « se lit à cœur ouvert » ou encore une tourbière, « retable humide ».

Dire le beau (en images et en poèmes) à partir de réalités frustes, c’est le pari réussi des deux auteurs. Il faut dire que le marais « consent/à de brusques métamorphoses ». On passe ainsi, insensiblement, du plus sombre au plus lumineux, du plus inquiétant au plus rassurant, au point que le marais peut même devenir un lieu de transfiguration ou, pour le moins, à même de répondre à une forme de quête spirituelle. « On marche/comme on prie/dans l’apesanteur des sèves/et l’escapade des genêts », écrit Marie-Josée Christien. Le marais questionne. Il peut conduire le poème à dire l’indicible.




Présentation de l’auteur

Marie-Josée Christien

Marie-Josée Christien, née en 1957 dans la Cornouaille morbihannaise, vit dans le Finistère à Quimper. Poète, auteur jeunesse, critique littéraire, collagiste, elle est responsable de la revue annuelle Spered Gouez / l’esprit sauvage qu’elle a fondée en 1991.
En tant que critique, elle collabore régulièrement à la revue bimestrielle
ArMen et occasionnellement au magazine numérique Unidivers. Vents d’ouest, sa chronique consacrée aux maisons d’édition, est accueillie dans la revue Interventions à Haute Voix.

Présente dans une cinquantaine d’anthologies et d’ouvrages collectifs, traduite en allemand, bulgare, espagnol, portugais et breton, elle a publié une quarantaine de livres et collaboré à des livres d’artistes.
Deux ouvrages lui sont consacrés :
La poésie pour viatique (Chiendents n°118, Editions du Petit Véhicule, 2017) et Marie-Josée Christien passagère du réel et du temps (Ed. Spered Gouez, coll. Parcours, 2020).

Pour l’ensemble de son œuvre, elle est lauréate du Prix Xavier-Grall et du Grand prix international de poésie francophone.

Site : https://mariejoseechristien.monsite-orange.fr

Egalement sur wikipédia

Bibliographie

Poésie
Affolement du sang
(préface de Jean-François Mathé, encres de André Guenoun), Al Manar, 2019
Aspect du canal, Sac à dos Editions, 2010
Constante de l’arbre, avec le photographe Yann Champeau, Les Editions Sauvages, coll. Carré de création, 2020
Conversation de l’arbre et du vent (photographies de Jean-Yves Gloaguen), coll. jeunesse A la cime des mots, Tertium éditions 2007, Tapabord, 2018, Liste de référence de l’Education Nationale
Correspondances, recueil à deux voix avec Guy Allix, Les Editions Sauvages, coll. Dialogue, 2011
Lascaux & autres sanctuaires, Jacques André Editeur, 2007
Marais secrets, en collaboration avec le photographe Yann Champeau, Les Editions Sauvages, coll. Carré de création, 2022
Les extraits du temps (préface de Guy Allix), Les Editions Sauvages, coll. Askell, 2009, Prix des Bretons de Paris
Temps morts (préface de Pierre Maubé, encres de Denis Heudré), coll. La Pensée Sauvage, Les Editions Sauvages, 2014
Quand la nuit voit le jour (photographies de Yann Champeau), coll. Jeunesse A la cime des mots, Tertium éditions, 2015

Prose
Eclats d’obscur et de lumière
(collages de Ghislaine Lejard), Les Editions Sauvages, coll. La Pensée Sauvage, 2021
Petites notes d’amertume (préface de Claire Fourier, land art de Roger Dautais), coll. La Pensée Sauvage, Les Editions Sauvages, 2014

Autres lectures

Chiendents n° 118, consacré à Marie-Josée CHRISTIEN

Marie-Josée Christien est née en 1957 à Guiscriff en Cornouaille morbihannaise. Sa poésie est très marquée par sa Bretagne natale où elle vit. "La poésie pour viatique" est bienvenue. Gérard Cléry, Guy Allix, [...]

Marie-Josée Christien, Constante de l’arbre

L’arbre est dans le vent. On l’enlace, c’est bon pour la santé. On fait une marche en forêt et tout va pour le mieux. Mais le poète  - et pas seulement les thérapeutes [...]

Marie-Josée Christien, Eclats d’obscur et de lumière

Les aphorismes de Marie-Josée Christien Faire halte, regarder le monde sans complaisance, mais aussi savoir s’émerveiller. La poétesse quimpéroise Marie-Josée Christien distille des graines de sagesse sous forme d’aphorismes ou de pensées lapidaires. [...]

Marie-Josée Christien et Yann Champeau, Marais secrets

Marais secrets Le marais est une belle matière poétique. Monde entre deux mondes (la terre et l’eau), il confine par définition au mystère au point d’être considéré, notamment du côté des Monts d’Arrée, [...]




Marie-Josée Christien, Eclats d’obscur et de lumière

Les aphorismes de Marie-Josée Christien

Faire halte, regarder le monde sans complaisance, mais aussi savoir s’émerveiller. La poétesse quimpéroise Marie-Josée Christien distille des graines de sagesse sous forme d’aphorismes ou de pensées lapidaires.

A la manière de ses précédentes Petites notes d’amertume (Les Editions Sauvages), elle met au jour le côté pile et le côté face de nos existences. Ou, comme le suggère le titre de son nouvel opus, leurs aspects aussi bien lumineux qu’obscurs.

Pratiquer l’aphorisme, c’est faire le choix d’aborder une grande variété de sujets. C’est parler de la vie et de la mort, du rapport aux autres, de l’amitié, de l’amour, des religions, du monde moderne et de ses travers, de la comédie humaine, des réseaux sociaux, de l’écriture, de la poésie…Marie-Josée Christien évoque tout cela dans son livre. Ce qu’elle apprécie avant tout c’est la sincérité et la loyauté. Ce qui relève de l’esbroufe suscite ses remarques les plus acerbes. Ainsi la voit-on inaugurer son livre par une série de propos bien sentis sur le « cynisme » et les « pauvres messages » des « usurpateurs de l’art contemporain ». Même sévérité quand il s’agit d’une « poésie qui se complaît dans l’incommunicabilité ».

Marie-Josée Christien, Eclats d’obscur et de lumière, collages de Ghislaine Lejard, Les Editions Sauvages, 2021, 67 pages, 12 euros.

Marie-Josée Christien plaide pour la « simplicité » qui est, à ses yeux, « l’une des marques du génie poétique ». Mais s’il y a création – y compris poétique – c’est parce qu’il y a blessures et fêlures, nous dit la poétesse. « L’obscur a des fêlures d’où s’échappe et rayonne la lumière ».

La fêlure, pour ce qui la concerne, trouve sans doute sa source dans une pauvreté originelle dont elle a su, d’une certaine manière, en faire un tremplin. « Mon enfance a été pauvre mais pas malheureuse puisqu’il y avait l’espoir ». C’est l’éducation et la culture qui en seront les vecteurs (Marie-Josée Christien sera professeure des écoles), ce qui ne l’empêche pas de continuer à affirmer ses engagements en faveur de ceux que le monde laisse au bord de la route. L’occasion pour elle d’évoquer ici sa sympathie pour le combat des Gilets jaunes des ronds-points. Car « écrire c’est manifester notre désaccord avec la marche convenue du monde ». Mais, dans ses textes comme dans ses poèmes, elle le fait sans esprit militant. On la voit même plaider pour les valeurs dites « désuètes » qui ont pour nom « la discrétion », « la loyauté », « la solidarité ».

Dans ce livre d’aphorismes, c’est la femme Marie-Josée Christien qui se profile. Forte de ses espoirs, de ses attentes. Forte de son combat intime contre la maladie qu’elle a évoquée dans un beau précédent livre (Affolement du sang, Al Manar). « J’essaie de vivre en symbiose avec elle », écrit-elle aujourd’hui.

Enfin pour affronter le monde et la vie, elle est grande lectrice. Cioran, Kundera, Bachelard, Max Jacob, parmi beaucoup d’autres, sont sur ses étagères. Elle les cite et elle s’en inspire. « C’est quand on accepte enfin la mort que la vie peut commencer », confie-t-elle, philosophe.

Présentation de l’auteur

Marie-Josée Christien

Marie-Josée Christien, née en 1957 dans la Cornouaille morbihannaise, vit dans le Finistère à Quimper. Poète, auteur jeunesse, critique littéraire, collagiste, elle est responsable de la revue annuelle Spered Gouez / l’esprit sauvage qu’elle a fondée en 1991.
En tant que critique, elle collabore régulièrement à la revue bimestrielle
ArMen et occasionnellement au magazine numérique Unidivers. Vents d’ouest, sa chronique consacrée aux maisons d’édition, est accueillie dans la revue Interventions à Haute Voix.

Présente dans une cinquantaine d’anthologies et d’ouvrages collectifs, traduite en allemand, bulgare, espagnol, portugais et breton, elle a publié une quarantaine de livres et collaboré à des livres d’artistes.
Deux ouvrages lui sont consacrés :
La poésie pour viatique (Chiendents n°118, Editions du Petit Véhicule, 2017) et Marie-Josée Christien passagère du réel et du temps (Ed. Spered Gouez, coll. Parcours, 2020).

Pour l’ensemble de son œuvre, elle est lauréate du Prix Xavier-Grall et du Grand prix international de poésie francophone.

Site : https://mariejoseechristien.monsite-orange.fr

Egalement sur wikipédia

Bibliographie

Poésie
Affolement du sang
(préface de Jean-François Mathé, encres de André Guenoun), Al Manar, 2019
Aspect du canal, Sac à dos Editions, 2010
Constante de l’arbre, avec le photographe Yann Champeau, Les Editions Sauvages, coll. Carré de création, 2020
Conversation de l’arbre et du vent (photographies de Jean-Yves Gloaguen), coll. jeunesse A la cime des mots, Tertium éditions 2007, Tapabord, 2018, Liste de référence de l’Education Nationale
Correspondances, recueil à deux voix avec Guy Allix, Les Editions Sauvages, coll. Dialogue, 2011
Lascaux & autres sanctuaires, Jacques André Editeur, 2007
Marais secrets, en collaboration avec le photographe Yann Champeau, Les Editions Sauvages, coll. Carré de création, 2022
Les extraits du temps (préface de Guy Allix), Les Editions Sauvages, coll. Askell, 2009, Prix des Bretons de Paris
Temps morts (préface de Pierre Maubé, encres de Denis Heudré), coll. La Pensée Sauvage, Les Editions Sauvages, 2014
Quand la nuit voit le jour (photographies de Yann Champeau), coll. Jeunesse A la cime des mots, Tertium éditions, 2015

Prose
Eclats d’obscur et de lumière
(collages de Ghislaine Lejard), Les Editions Sauvages, coll. La Pensée Sauvage, 2021
Petites notes d’amertume (préface de Claire Fourier, land art de Roger Dautais), coll. La Pensée Sauvage, Les Editions Sauvages, 2014

Autres lectures

Chiendents n° 118, consacré à Marie-Josée CHRISTIEN

Marie-Josée Christien est née en 1957 à Guiscriff en Cornouaille morbihannaise. Sa poésie est très marquée par sa Bretagne natale où elle vit. "La poésie pour viatique" est bienvenue. Gérard Cléry, Guy Allix, [...]

Marie-Josée Christien, Constante de l’arbre

L’arbre est dans le vent. On l’enlace, c’est bon pour la santé. On fait une marche en forêt et tout va pour le mieux. Mais le poète  - et pas seulement les thérapeutes [...]

Marie-Josée Christien, Eclats d’obscur et de lumière

Les aphorismes de Marie-Josée Christien Faire halte, regarder le monde sans complaisance, mais aussi savoir s’émerveiller. La poétesse quimpéroise Marie-Josée Christien distille des graines de sagesse sous forme d’aphorismes ou de pensées lapidaires. [...]

Marie-Josée Christien et Yann Champeau, Marais secrets

Marais secrets Le marais est une belle matière poétique. Monde entre deux mondes (la terre et l’eau), il confine par définition au mystère au point d’être considéré, notamment du côté des Monts d’Arrée, [...]




Marie-Josée Christien, Sentinelle, Guy Allix, Vassal du poème

Marie-Josée Christien, Sentinelle

Tout poète est sentinelle, veilleur, qu'il(elle) soit au bord de l'estran ou bien sur les sentiers d'un quelconque ubac, il doit au monde la clarté du regard et la transformation du silence en une forme de substance vive des mots.

Les Éditions Sauvages viennent de publier le dernier ouvrage de Marie-Josée Christien intitulé justement Sentinelle. Et qui mieux que Marie-Josée Christien, toujours en veille dans sa terre finistérienne assaillie par les tempêtes, pour incarner cette sentinelle, depuis son poste d’observation dans la revue Spered Gouez qu’elle anime. Observer les mots, les siens et ceux des autres, à travers le corps, observer le corps à travers la poésie, le silence, quand "Le corps / prend le chemin / de l'esprit".

Car Marie-Josée Christien est une autrice en veille continuelle, toujours en avance d'une perception, qui continue d'avancer vers où "l'horizon s'efface / retranché derrière son écho". Et demeure constamment à l'écoute des "Souffles du monde / portés / par le silence".

Poète "d'une sobre sagesse / aux aguets", voilà bien trois mots clés pour décrire cette autrice. Et après les aguets, passons à la sagesse et l’humilité :

Marie-Josée Christien, Sentinelle,
Les Editions Sauvages, 2021, 
54 pages, 12 €.

"Nous sommes ces atomes quantiques / captifs d'une autre légende." et la poésie ne fait qu’accélérer ces particules de langage semées à la volée. Et qui connaît Marie-Josée Christien sait qu'elle fuit les prétentieux, les arrogants imbus de leur talent...

Sa poésie ne recule pas dans l'affrontement avec les éléments, comme bon nombre de poètes bretons. Une poésie qui ne craint donc pas le vertige du silence, le "rebond de la tempête", "le silex du vent", mais aussi "l'univers à vif". En prise avec les éléments comme les îles bretonnes qui composent une "escapade insulaire" en seconde partie de l'ouvrage qui ne figurait pas dans le recueil initialement publié par Emmanuelle Le Cam aux éditions Citadel Road. Ici c'est tout naturellement qu'elle rend hommage aux phares qui, la nuit éclairent et guident les navigateurs.

En évitant le je parfois pesant des poèmes, Marie-Josée Christien fouille dans les alluvions de nos vies quand "La peur de vivre / à vif / nous habite / jusqu'à l'os". A signaler aussi, cet ouvrage d'une belle poésie est complété par des collages des plus oniriques de l'artiste Marie-Josée Christien. Un jour, la Bretagne saura ce qu'elle doit à Marie-Josée Christien...

 

∗∗∗

 

Guy Allix, Vassal du poème, Eléments pour une poétique

Les poètes ne sont-ils jamais que les vassaux du poème ? C'est en tout cas ce qu'affirme Guy Allix dans son dernier ouvrage publié aux éditions sauvages. Être au service du poème, Guy Allix le pratique depuis plus de quarante ans.

Il écrit, il lit, il a enseigné, il diffuse ses notes de lectures, il chante ses textes et ceux des autres. Et tout cela, toujours dans l'amitié et le souci du partage. Et c'est maintenant, définitivement posé en Bretagne, son pays de cœur à défaut de naissance, après toute une vie en poésie et en chanson, qu'il nous invite à réfléchir à une forme d'éthique de l'écriture, ce qu'il appelle sa poéthique.

Mais ici point de doctes préceptes, assénés à coups de grands principes péremptoires et comminatoires. Tout se passe ici dans la modestie de celui qui cherche, et non pas celui qui affirme avoir trouvé. Dans l'humilité de l'homme qui ne perd pas de vue cette destination humus qui nous attend tous et qui nous rend si fragiles. Humilité et modestie sont l'essence même de la sagesse et de la noblesse d'âme comme le courage, l'humanisme, la fraternité, la générosité. Que des mots à replacer en une de nos journaux, nos discours, nos réseaux sociaux...

Guy Allix, Vassal du poème, Les Éditions Sauvages, 2020, 124 pages, 12 €.

Guy Allix a le « courage de l'humilité » tel que l'évoquait André Comte-Sponville. Car il faut du courage pour écrire de la poésie et n'en tirer aucun bénéfice. Il faut du courage pour y affirmer son humilité face à la vanité des préoccupations matérielles, face à l'immensité des connaissances qui nous font défaut. Pour qui connaît l'homme, son humilité n'est pas feinte. Aucun orgueil ne se déguise derrière cette modestie d'un poète, injustement méconnu du public que l'on dit grand...

Cette humilité de Guy Allix se manifeste donc quand il s'affirme"vassal du poème", au service des mots. Il est de cette école des Cadou « Je ne conçois pas le poème sans un miracle d'humilité à la base. », des Christian Bobin « Les orgueilleux m'ont appris l'humilité [...] », des Jean Follain « La seule connaissance que nous apporte le poème est cette connaissance d'une impossibilité de connaissance. » Quant au soi-disant hermétisme de la poésie, Guy Allix y voit une considération liée à l'impatience des lecteurs qui veulent chercher à comprendre, quand il ne s'agit juste que de ressentir « le poème est ouvert comme un corps vers tous ses possibles de sens, dans l'infini de ses possibles », de travailler à ressentir « Car là même où il travaille la langue avec le plus d'acharnement pour découvrir du nouveau et éclairer le monde, il nous demande aussi notre effort et notre participation. C'est ce travail sur la nuit de l'âme, cette aventure aux portes de l'indicible, cette ouverture vertigineuse du poème qui éloigne et ferme le lecteur. »

Guy Allix consacre également un chapitre à la poésie pour enfants (voir ses Poèmes pour Robinson aux éditions Soc et Foc) en affirmant « Oui, la poésie pour les enfants me semble, hélas, le plus souvent la forme la plus censurée qui soit. Parce que, enfin, il ne faudrait parait-il, ne parler que de choses gaies, mignonnes. Ne jamais évoquer de choses graves et douloureuses. » Propos à relativiser cependant quand on voit la masse d'ouvrages pour enfants racontant des histoires autour de la mort...

Les figures tutélaires de Guy Allix sont Eugène Guillevic et Jean Follain. L'analyse qu'il fait de leur œuvre se focalise sur leur façon d'aborder les objets : plutôt en les montrant du doigt pour Follain, et en les touchant, les palpant, les caressant pour Guillevic. Jean Follain, poète discret et singulier cultivait sa singularité en refusant les métaphores et en s'attachant aux faits anodins.

Guy Allix nous livre donc ici une œuvre aux valeurs salutaires quand cynisme, égocentrisme, haines et théories paranoïaques sont assénés à longueur de jour sur les écrans.

Présentation de l’auteur

Marie-Josée Christien

Marie-Josée Christien, née en 1957 dans la Cornouaille morbihannaise, vit dans le Finistère à Quimper. Poète, auteur jeunesse, critique littéraire, collagiste, elle est responsable de la revue annuelle Spered Gouez / l’esprit sauvage qu’elle a fondée en 1991.
En tant que critique, elle collabore régulièrement à la revue bimestrielle
ArMen et occasionnellement au magazine numérique Unidivers. Vents d’ouest, sa chronique consacrée aux maisons d’édition, est accueillie dans la revue Interventions à Haute Voix.

Présente dans une cinquantaine d’anthologies et d’ouvrages collectifs, traduite en allemand, bulgare, espagnol, portugais et breton, elle a publié une quarantaine de livres et collaboré à des livres d’artistes.
Deux ouvrages lui sont consacrés :
La poésie pour viatique (Chiendents n°118, Editions du Petit Véhicule, 2017) et Marie-Josée Christien passagère du réel et du temps (Ed. Spered Gouez, coll. Parcours, 2020).

Pour l’ensemble de son œuvre, elle est lauréate du Prix Xavier-Grall et du Grand prix international de poésie francophone.

Site : https://mariejoseechristien.monsite-orange.fr

Egalement sur wikipédia

Bibliographie

Poésie
Affolement du sang
(préface de Jean-François Mathé, encres de André Guenoun), Al Manar, 2019
Aspect du canal, Sac à dos Editions, 2010
Constante de l’arbre, avec le photographe Yann Champeau, Les Editions Sauvages, coll. Carré de création, 2020
Conversation de l’arbre et du vent (photographies de Jean-Yves Gloaguen), coll. jeunesse A la cime des mots, Tertium éditions 2007, Tapabord, 2018, Liste de référence de l’Education Nationale
Correspondances, recueil à deux voix avec Guy Allix, Les Editions Sauvages, coll. Dialogue, 2011
Lascaux & autres sanctuaires, Jacques André Editeur, 2007
Marais secrets, en collaboration avec le photographe Yann Champeau, Les Editions Sauvages, coll. Carré de création, 2022
Les extraits du temps (préface de Guy Allix), Les Editions Sauvages, coll. Askell, 2009, Prix des Bretons de Paris
Temps morts (préface de Pierre Maubé, encres de Denis Heudré), coll. La Pensée Sauvage, Les Editions Sauvages, 2014
Quand la nuit voit le jour (photographies de Yann Champeau), coll. Jeunesse A la cime des mots, Tertium éditions, 2015

Prose
Eclats d’obscur et de lumière
(collages de Ghislaine Lejard), Les Editions Sauvages, coll. La Pensée Sauvage, 2021
Petites notes d’amertume (préface de Claire Fourier, land art de Roger Dautais), coll. La Pensée Sauvage, Les Editions Sauvages, 2014

Autres lectures

Chiendents n° 118, consacré à Marie-Josée CHRISTIEN

Marie-Josée Christien est née en 1957 à Guiscriff en Cornouaille morbihannaise. Sa poésie est très marquée par sa Bretagne natale où elle vit. "La poésie pour viatique" est bienvenue. Gérard Cléry, Guy Allix, [...]

Marie-Josée Christien, Constante de l’arbre

L’arbre est dans le vent. On l’enlace, c’est bon pour la santé. On fait une marche en forêt et tout va pour le mieux. Mais le poète  - et pas seulement les thérapeutes [...]

Marie-Josée Christien, Eclats d’obscur et de lumière

Les aphorismes de Marie-Josée Christien Faire halte, regarder le monde sans complaisance, mais aussi savoir s’émerveiller. La poétesse quimpéroise Marie-Josée Christien distille des graines de sagesse sous forme d’aphorismes ou de pensées lapidaires. [...]

Marie-Josée Christien et Yann Champeau, Marais secrets

Marais secrets Le marais est une belle matière poétique. Monde entre deux mondes (la terre et l’eau), il confine par définition au mystère au point d’être considéré, notamment du côté des Monts d’Arrée, [...]

Présentation de l’auteur

Guy Allix

Né en 1953 à Douai (59). Vit à Rouen (76). Poète, critique littéraire, auteur jeunesse, auteur-compositeur-interprète. Nombreux recueils de poésie aux éditions Rougerie, au Nouvel Athanor, aux éditions sauvages et à l'atelier de Groutel. Parmi les dernières publications : Le sang le soir (poésie)Le Nouvel Athanor, 2015. Au nom de la terre (poésie), Les éditions sauvages, 2017. En chemin avec Angèle Vannier (essai), éditions Unicité, 2018. Oser l'amour suivie de D'amour et de douleur (poésie, bibliophilie), Atelier de Groutel, 2018. Je suis... Georges Brassens, co-écrit avec Michel Baglin, Jacques André éditeur, 2019.
En préparation : Les amis, l'amour, la poésie, CD chansons et poèmes interprétés par Guy Allix, autoproduction. Vassal de la poésie, (recueil d'articles), Les éditions sauvages. 

Autres lectures




Marie-Josée Christien, Constante de l’arbre

L’arbre est dans le vent. On l’enlace, c’est bon pour la santé. On fait une marche en forêt et tout va pour le mieux. Mais le poète  - et pas seulement les thérapeutes -   a aussi son mot à dire ainsi que le photographe.

Le livre à quatre mains de Marie-Josée Christien et de Yann Champeau élargit en effet le champ des possibles.

« Constante de l’arbre », titrent les deux auteurs. Mais qu’est-ce-à dire ? Un détour par le dictionnaire n’est pas superflu. « Constante, n.f. Tendance, orientation générale. Donnée dont la nature et la valeur sont déterminés. Caractéristique physique qui assure la cohésion des atomes et des molécules ». Passé cette définition un tantinet scientifique, on entre de plain-pied dans le regard des deux créateurs. Pour la page de droite, le photographe. Pour la page de gauche, le poète.

Yann Champeau nous convie ici à un bel exercice de contemplation. L’arbre y est magnifié et présenté, dans le chatoiement des saisons, sous toutes ses couleurs et toutes ses coutures (branche, racine, feuille, tronc…).

Marie-Josée Christien, Constante de
l’arbre,
 Les éditions Sauvages, 76
pages, 23,50 euros

On reste ébahi devant tant de beauté saisie avec bonheur par l’artiste : l’arbre et ses frondaisons d’automne, l’arbre sous la neige, l’arbre séculaire, l’arbre illuminé par un soleil couchant, l’arbre dans le chaos des rochers, l’arbre enraciné, l’arbre et l’arc-en-ciel, l’arbre et la pomme… Et, au bout du compte, un arbre qui semble bien être  un compagnon de route. Les saisons de l’arbre sont aussi nos saisons du cœur et de nos états d’âme, partagés entre ombre et lumière, semblent nous dire ces photographies.

Pour « faire route » avec ces arbres-là, on ne pouvait concevoir que des mots à la frontière de la poésie et de l’aphorisme. Des mots marqués, forcément, du sceau de la méditation voire de l’interrogation métaphysique. « A quel moment un arbre/quelconque/devient-il/dans nos pensées/l’arbre ? ». Marie-Josée Christien sait manier avec bonheur cette forme d’expression poétique. « Passager immobile/l’arbre n’a que le vent/pour envisager/ses destinées lointaines ».

La poète rassemble ici des textes sur l’arbre disséminés dans des recueils qu’elle a publiés entre 1982 et 2011 (Les extraits du temps, Aspects du canal, Conversation de l’arbre et du vent). Elle y ajoute un « bonus inédit » marqué, comme ses autres courts poèmes, par une sobriété de bel aloi. « Dans le givre du matin/l’arbre somnolent/revient à la léthargie/du lierre//Il rend visible/la patience du monde/des racines ». Un très beau livre.

Présentation de l’auteur

Marie-Josée Christien

Marie-Josée Christien, née en 1957 dans la Cornouaille morbihannaise, vit dans le Finistère à Quimper. Poète, auteur jeunesse, critique littéraire, collagiste, elle est responsable de la revue annuelle Spered Gouez / l’esprit sauvage qu’elle a fondée en 1991.
En tant que critique, elle collabore régulièrement à la revue bimestrielle
ArMen et occasionnellement au magazine numérique Unidivers. Vents d’ouest, sa chronique consacrée aux maisons d’édition, est accueillie dans la revue Interventions à Haute Voix.

Présente dans une cinquantaine d’anthologies et d’ouvrages collectifs, traduite en allemand, bulgare, espagnol, portugais et breton, elle a publié une quarantaine de livres et collaboré à des livres d’artistes.
Deux ouvrages lui sont consacrés :
La poésie pour viatique (Chiendents n°118, Editions du Petit Véhicule, 2017) et Marie-Josée Christien passagère du réel et du temps (Ed. Spered Gouez, coll. Parcours, 2020).

Pour l’ensemble de son œuvre, elle est lauréate du Prix Xavier-Grall et du Grand prix international de poésie francophone.

Site : https://mariejoseechristien.monsite-orange.fr

Egalement sur wikipédia

Bibliographie

Poésie
Affolement du sang
(préface de Jean-François Mathé, encres de André Guenoun), Al Manar, 2019
Aspect du canal, Sac à dos Editions, 2010
Constante de l’arbre, avec le photographe Yann Champeau, Les Editions Sauvages, coll. Carré de création, 2020
Conversation de l’arbre et du vent (photographies de Jean-Yves Gloaguen), coll. jeunesse A la cime des mots, Tertium éditions 2007, Tapabord, 2018, Liste de référence de l’Education Nationale
Correspondances, recueil à deux voix avec Guy Allix, Les Editions Sauvages, coll. Dialogue, 2011
Lascaux & autres sanctuaires, Jacques André Editeur, 2007
Marais secrets, en collaboration avec le photographe Yann Champeau, Les Editions Sauvages, coll. Carré de création, 2022
Les extraits du temps (préface de Guy Allix), Les Editions Sauvages, coll. Askell, 2009, Prix des Bretons de Paris
Temps morts (préface de Pierre Maubé, encres de Denis Heudré), coll. La Pensée Sauvage, Les Editions Sauvages, 2014
Quand la nuit voit le jour (photographies de Yann Champeau), coll. Jeunesse A la cime des mots, Tertium éditions, 2015

Prose
Eclats d’obscur et de lumière
(collages de Ghislaine Lejard), Les Editions Sauvages, coll. La Pensée Sauvage, 2021
Petites notes d’amertume (préface de Claire Fourier, land art de Roger Dautais), coll. La Pensée Sauvage, Les Editions Sauvages, 2014

Autres lectures

Chiendents n° 118, consacré à Marie-Josée CHRISTIEN

Marie-Josée Christien est née en 1957 à Guiscriff en Cornouaille morbihannaise. Sa poésie est très marquée par sa Bretagne natale où elle vit. "La poésie pour viatique" est bienvenue. Gérard Cléry, Guy Allix, [...]

Marie-Josée Christien, Constante de l’arbre

L’arbre est dans le vent. On l’enlace, c’est bon pour la santé. On fait une marche en forêt et tout va pour le mieux. Mais le poète  - et pas seulement les thérapeutes [...]

Marie-Josée Christien, Eclats d’obscur et de lumière

Les aphorismes de Marie-Josée Christien Faire halte, regarder le monde sans complaisance, mais aussi savoir s’émerveiller. La poétesse quimpéroise Marie-Josée Christien distille des graines de sagesse sous forme d’aphorismes ou de pensées lapidaires. [...]

Marie-Josée Christien et Yann Champeau, Marais secrets

Marais secrets Le marais est une belle matière poétique. Monde entre deux mondes (la terre et l’eau), il confine par définition au mystère au point d’être considéré, notamment du côté des Monts d’Arrée, [...]




Chiendents n° 118, consacré à Marie-Josée CHRISTIEN

Marie-Josée Christien est née en 1957 à Guiscriff en Cornouaille morbihannaise. Sa poésie est très marquée par sa Bretagne natale où elle vit. "La poésie pour viatique" est bienvenue. Gérard Cléry, Guy Allix, Bruno Sourdin, Michel Baglin, Jacqueline Saint-Jean, Luc Vidal (l'animateur des éditions du Petit Véhicule) et Jean Chatard collaborent à cette livraison de Chiendents qui dresse le portrait de M-J Christien.

Authenticité et sensibilité au monde sont les caractéristiques de cette œuvre que Gérard Cléry met en évidence. Sensibilité au monde, à l'univers et non sensibilité étriquée à la Bretagne : Marie-Josée Christien se sert du paysage qui l'entoure pour interroger l'univers et en tirer des conclusions qui concernent tous ses lecteurs, quel que soit l'endroit où ils vivent. Guy Allix met en lumière la concision de ces poèmes et leur aspect "mystique" (l'important est dans les guillemets, car l'athéisme est de mise ici) : le n° 19 de Spered Gouez (L'Esprit sauvage, en breton !) n'est-il pas intitulé "Mystiques sans dieu(x)" ?  Le miracle - et c'est Miche Baglin qui l'explique - c'est que Marie-Josée Christien, tout mystique qu'elle soit, ne perd jamais le contact avec le réel. Elle ne cultive pas la couleur locale, pour autant.

Chiendents n° 118 : Marie-Josée Christien

Chiendents n° 118 : Marie-Josée Christien

La partie la plus captivante de ce numéro de Chiendents est celle où Marie-Josée Christien répond aux questions de Gérard Cléry. On y apprend que, pour elle, "écrire est ce qui lui permet de tenir" (p 19), qu'elle se méfie de l'intellectualisme en vogue actuellement chez les poètes, que l'école primaire et le lycée ont beaucoup compté pour son éveil à la poésie, que son intérêt pour le peintre Tal Coat explique son goût pour "la venue de lointains profonds, les lents dépôts millénaires" (p 22) qui lui permet de saisir la fulgurance et le surgissant, qu'elle a le goût de la préhistoire, qu'elle se sent éloignée "de la morne poésie du quotidien" (qui a pourtant donné de belles réussites pleines de sensibilité comme chez François de Cornière, mais sans doute, ne mettons-nous pas les mêmes mots derrière l'expression…), qu'elle condamne l'art contemporain pour des raisons politiques… C'est une véritable leçon de poésie !

Un choix de poèmes poursuit la livraison. Poèmes courts souvent aux vers brefs dont, malheureusement le lecteur ignore s'ils sont inédits (à moins de le deviner aux titres qui renvoient à des recueils déjà publiés et à l'avant-dernier texte qui indique qu'il s'agit d'extraits inédits d'un ouvrage en cours d'écriture tout comme le dernier ensemble). Mais poèmes qui sont bien à l'image de Marie-Josée Christien encore que les Éclats d'ombre et de lumière fonctionnent comme une accumulation de versets indépendants l'un de l'autre…

Ce n° 118 de Chiendents est représentatif de l'œuvre tout en prouvant que Marie-Josée Christien sait se montrer inattendue… ll se termine par  deux études (ou deux lectures) l'une de Luc Vidal (consacrée à un florilège, Les Extraits du temps, préfacé par Guy Allix) et l'autre de Jean Chatard (consacrée à Entre-temps précédé de Temps composés)…