Marie Tavera, Le temps vient

 

quelque chose dure

quelque chose comme une aile

une plaine

je traverse les pas les chiffres qui avancent

l'allure de la forêt

vers le corps

au milieu des hectares il y a un sentiment

ou la durée du champ

jusqu'au bord

 

*

 

depuis la langue

le pas depuis la langue ailleurs est autre chose

comme une solitude

une flaque de verre

ce qui quand se construit

autre chose                     autre part                   

une durée longue

 

dans l'espace dépassé d'une demeure la lumière dépassée

atteint le jour

atteint le ciel blotti de nos bras

l'orée du bleu

les accords tangibles

on marche dedans c'est la neige

 

 

touchant le temps de se le dire

cette nue solitude                              

a pénétré l'espace au plus clair de nos doigts

 

 

*

 

quitter le jour

 

quitter le jour qui vient

 

nous quittons nos mains de velours pour partir nous n'avons

pas de place

pour partir

l'espace trop grand au bord vient le temps de le dire

l'une après l'autre chaque chose

 

                                                           disparaît

            chaque chose égarée

la place des arbres ou le bruit des fenêtres

il n'y a rien à dire

de cela dans le silence

mais tout s'écoule

la neige est forte comme les graines

du silence passe

on met la main autour du silence passe

dans les ajours des doigts

la neige lourde recouvre d'un bruit de passereau

ou de source

 

 

*

 

le temps dévoré

distinctement

une plaie ouverte au sol

on recouvre sans arrêt le lieu ouvert de soi

Présentation de l’auteur

Marie Tavera

Née à Paris en 1974, j'ai vécu en Suisse la majeure partie de ma vie et me suis installée en Ardèche en 2014. Je m'y consacre à mon travail artistique : écriture et dessin, après une vingtaine d'années à naviguer entre recherche historique et travail social auprès de personnes en situation de handicap mental.

Ce parcours a nourri l'étonnement qui anime aujourd'hui mon écriture autant que mon dessin : qu'est-ce que voir, percevoir, et d'où regarde-t-on ? Avec quelle focale, depuis quel endroit (de soi, du monde, de nos perceptions, mémoires, etc) ? Commune autant qu'inépuisable expérience de la porosité et du mouvement : entre (in)visible et (il)lisible, ce qui traverse.

Dans ma pratique picturale comme dans ma poésie, je cherche une focale qui dise à la fois l'adossement au tangible et son affranchissement: le lieu qui vient, qui est perçu, qui échappe. Peut-être à cause de mon regard de myope, peut-être parce que le vivant est déjà forcément ailleurs, hors de sa trace, dans le mouvement et la texture.

Bibliographie 

Frau(x), collectif, éditions Le Frau, 2019

Prédations, avec des cyanotypes de Claude Baudin, La Baraque de chantier, 5 ex, 2019

Les jardins de décembre, avec des encres de Nicolas Blondel, livret de la collection « Bêtes noires », éditions Le Frau, 2018

Levées, éditions Le Miel de l'Ours, 2017

Nids variables, éditions Le Miel de l'Ours, 2008

en revues : Traversées n°94, Faire-part n°38-39, Diérèse n° 74, La canopées 25 et n°27, Paysages écrits revue vraien°29, N47 Revue de poésie nos 29 et 31, Ecrit(s) du Nord, nos  31-32, L'intranquille n°12, Lichen n° 4, La Couleur des jours, nos 2 et 13, Inédits Le Courrier, 3 avril 2018, Terre à ciel sept.21, L'Épître n°347.

 

Résidences d'écriture :

« Aux extrémités de notre Univers », autour de l'exposition de Gerda Steiner et Jörg Lenzinger, commande du Musée de Valence, 2019

« Le moment du paysage », résidence en ligne, éditions du frau, 2020

Marie Tavera, Hameau La Faurie, 07240 Silhac.

mtavera@netcourrier.com

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