Mariela Cordero, Transfigurer est un pays que tu aimes
Mourir est un pays que tu aimais.
Yves Bonnefoy
Tu trafiques avec des noms,
les pactes et les ombres
couds et découds
l'anatomie fragile
maquilles la voix et l'accent,
incarnes le repos et la rafale
laves la désolation prédestinée
et l'habilles de joie
qui erre dans la nuit,
tu diminues le sommeil jusqu'à l'éveil,
unis la brume et la lumière
dans la communion d'un ciel de plomb,
humidifies la peau
pour masquer les symptômes de la sécheresse,
tu congèles et fais bouillir le coeur
selon le climat que tu veut posséder.
Tu pervertis la dureté
jusqu'à la blessure
tendre
qui ouvre ta main.
Transfigurer
c'est un pays que tu aimes.
∗∗
Les traits pressentis
Tous les visages sont perdus
dans le voyage,
la mémoire affamée
aspire à les retenir
mais les traces
et les signes
sont dilués dans la marée
de l'incertitude.
Au milieu de la foule
fleurit comme un coup
un aspect unique
inconnu
qui devient puissant
et ça te dérange
jusqu'à être percé
pour le bonheur fulminant
qui crie:
la recherche est terminée.
Le visage aimé
rassemble
tous le traits pressentis.
∗∗
Tu aimais transfigurer.
tu étais la pluie qui a précédé la semaille
la dévastation qui a miné les récoltes.
un corps fleuve, un grondement de sève et de lumières
un cadavre enraciné dans la terre noire
le feu agité dans la paume de mes mains
la virulence hivernale qui m'a abrité quelques nuits
tu n'avais pas de nom, ou de sol
ni état terrestre.
Tu étais
un coup de pinceau né d'un autre,
tu n'as aimé que transfigurer.
∗∗
L'autre moitié des flammes.
Tu rêves d'extraire
rien de plus
que la chaleur de la combustion
et aspires à conserver
uniquement
la brûlure embellie
qui fait plaisir à l'oeil.
Tu ne voulais pas pas posséder
l'autre moitié des flammes.
Tu fuis du feu total
qui dévaste et transforme
tout mouvement en pierre moulue
tout l'amour en amnésie
tout coeur
en cendres.
∗∗
Ce qui ne t'a pas percé.
Tu cherches en moi ce qui n'a pas été annoncé
et ton oeil exhale une prière circulaire.
Le brouillard persistant ce qui ne t'a pas percé
corrompre ton certitude.
Tu cherches en moi ce qui blesse.
un trait fauve
l'incommunicable, qui subsiste
anesthésié
pour la belle enveloppe et les étoiles plastiques.
Tu cherches l'anti-matière palpitante
insaisissable,
et en sueur
secoué par le chaos
te rendes
à celui qui n'a pas de nom.