Maureen Boyle : Printemps d’Irlande
Présentation et traduction Aidan Coyle et Hadrien Thine
Maureen Boyle est une poète irlandaise qui vit à Belfast et qui est l'autrice de trois recueils de poésie. Le plus récent, The Last Spring of the World, a été publié en 2022 par Arlen House, Dublin. Elle a reçu plusieurs prix, notamment l’Ireland Chair of Poetry Prize, le Strokestown International Poetry Prize, le Fish Short Memoir Prize et l’Ireland Chair of Poetry Travel Bursary, dont c’était la première édition. Son prix le plus récent lui a été décerné par le Conseil des arts d'Irlande du Nord afin qu'elle puisse effectuer des recherches sur l'histoire de la broderie botanique dans le cadre d'un projet de poésie écologique. Elle est également mentor pour la poésie et les mémoires auprès de l'Irish Writers' Centre à Dublin.
Poèmes publiés dans le recueil de Maureen Boyle, The Work of a Winter (Arlen House, Dublin, 2018 : p 69).
Lilas du Champ de Mars
Apportant des brassées de lilas du champ de Mars,
les filles rougissantes les cachent sous leurs jupes de coton,
raidissant leurs jupons comme le filet de crin des danseuses
acheté au rouleau scintillant qu’elles ont vu porter
chez le costumier de la rue voisine à Saint-Pétersbourg.
Sur place, elles doivent braver les babouchkas
assises dans les couloirs sombres du vieux théâtre,
qui, en raccommodant les chaussons des danseuses,
tiennent la pointe dans le satin où le sang
a imprégné le tissu. Les fleurs cachées bruissent à chaque pas,
et, une fois à l’intérieur, sont arrachées dans un tourbillon
de parfum printanier, délicatement tendues par-dessus le balcon
et descendues dans la loge couverte, où elles attendront jusqu’au dernier
battement de son pas-de-deux et tomberont ensuite dans une pluie
de pétales. Des fleurs réchauffées par les cuisses
des filles en guise d’offrandes au jeune dieu.
∗
Lilacs from the Field of Mars
Bringing armfuls of lilacs from the Field of Mars
blushing girls hide them under cotton skirts,
stiffening petticoats like the dancers’ horsehair net
bought by the shimmering bolt they have seen carried
to the costumier’s in the neighbouring street. Once in place
they must brave the babushkas who sit in the dusky
corridors of the old theatre knitting, darning the dancers’
shoes, holding the block in the satin where blood has
soaked into cloth. The hidden flowers rustle as they walk
and when inside are pulled out in a wash of spring scent
to be handed carefully over the balcony and down to the
blind box where they will wait until the last beat of his
pas-de-deux and then fall in a lilac shower. Flowers warmed
by the thighs of girls as offerings for the young god.
Maureen Boyle lit If This is the Last Spring of the World (Si c'est le dernier printemps du monde) à la bibliothèque Linen Hall, Belfast. Conservé dans les archives des lectures de poésie irlandaise. Cette lecture est extraite de : The Last Spring of the World. Arlen House, 2022).
Si c’est le dernier printemps du monde
Si c’est le dernier printemps du monde
le remarquerons-nous ?
Le monde saura-t-il qu’il fleurit
pour la dernière fois ?
Pouvons-nous redevenir enfants
pour retrouver la terre et observer :
les nouvelles pousses sur l’aubépine
les minuscules étoiles du millepertuis
la richesse volubile de la vesce
la fragilité de l’oxalis et de l’anémone ?
Pouvons-nous goûter les poivres de la terre surgir
dans les feuilles – menthes et patiences sauvages ?
Verrons-nous que les saisons ont une couleur ?
Que le mois d’avril commence avec le jaune
des ajoncs ou du genêt, envoyant l’odeur
de la noix de coco, là où elle ne pousserait jamais,
des pissenlits brillants au bord de la route,
de timides coquelicots d’Islande
survivant à une explosion de forsythia ?
Et puis la glisse vers la mousse crémeuse
de mai et du début de l’été :
le cerfeuil sauvage, la viorne obier,
la neige de l’aubépine qui poudre
les haies de toutes parts ?
N’y aurait-il plus jamais de printemps ?
Comment vivre sans conscience
de la terre qui met au monde,
l’épuisement de la saison dans ses poussées
de croissance au fil des jours qui s’allongent
et les vastes cieux qui s’ouvrent lumineux
et restent bleus dans la nuit
remplis du chant des merles
amplifié dans cet auditorium de lumière ?
Comment vivre privé de cela ?
∗
If this is the last spring of the world
will we realise it?
Will the world know it is blooming
only once more?
Could we bring ourselves as children again
to the level of the earth to notice:
new shoots on the hawthorn
the tiny stars of stitchwort
the twining richness of the vetch
the frailty of wood sorrel and anemone?
Can we taste the earthy peppers of the soil
come up into leaves – wild mint and dusty docks?
Will we notice how the seasons have a colour?
That April starts with yellow in whin or broom
sending out the smell of coconuts
where they’d never grow,
dandelions bright by the roadside,
shy Icelandic poppies surviving
an explosion of forsythia?
And then how time drifts into the creamy frothiness
of May and the start of summer:
Queen Anne’s lace, cow parsley, guelder roses,
the snow of hawthorn that powders hedges for miles?
How could there never be another spring?
How could we live without the sense
of the earth surging into labour,
the exhaustion of the season
in its growth spurts in the lengthening days
and the big skies that open luminous
and stay blue into the night
filled with the sound of blackbirds
amplified in that auditorium of light?
How could we live without this?
The Last Spring of the World (Arlen House, Dublin, 2022 : pp 13-14).
∗
La Montagne Noire vue d’une classe d’anglais à Belfast
Parfois, au milieu d’un cours, nous nous arrêtons
et regardons par la fenêtre. La plus haute et la plus grande
du lycée, elle encadre une courbe de la montagne
qui donne une impression de l’ouest de la ville.
Les petites rues deviennent une belle géométrie
lorsque la lumière éclaire des rangées de cheminées
identiques, grises sous le vert de la montagne. Un nuage
orthographique paresseux s’étendra le long de son sommet
le matin jusqu’à ce qu’il soit déplacé ou fondu par le soleil.
Et un jour, il y a un incendie, un pompier sur une échelle
pisse de l’eau sur une maison en feu. De temps en temps,
une vague de mouettes blanches s’élève en tournoyant
comme une surprise au-dessus des toits. Une haute rangée
de peupliers qui borde le cimetière des religieuses
a été taillée en têtard, austère face au ciel hivernal.
Souvent, le temps se déchaîne, la pluie blanchissant
toutes les couleurs en un flou gris, avant de réapparaître
en contrastes éclatants après l’averse.
∗
Black Mountain viewed from English
Sometimes in the middle of a class we’ll stop
and look out the window. It is the highest and
biggest in the school and framed by it is a sweep
of mountain that gives a sense of the west
of the city. The little streets become beautiful
geometry as the light catches identical parades
of chimneys grey below the mountain’s green
and on the top a lazy orthographic cloud
will lie along it in the morning until moved
or melted by the sun. And one day there’s a fire
with the fireman up a ladder peeing his water
on a burning house and every so often a sun-burst
of white gulls will wheel upward lifting like a surprise
across the rooftops and the tall row of poplar trees
that bind the nuns’ graveyard have been pollarded
stark against the winter sky and often weather
will roll in and down, rain bleaching all the colour
out to a grey blur, only for it to come back
in bright contrasts after the shower.
The Work of a Winter (Arlen House, Dublin, 2018 : p 60).
Maureen Boyle lit Enclosure (Enceinte) à la bibliothèque Linen Hall, Belfast. Conservé dans les archives des lectures de poésie irlandaise. Cette lecture est extraite de : The Last Spring of the World. Arlen House, 2022)
Promenade dans la vieille ville
Le jour le plus court, je me promène dans la vieille ville.
Elle est pleine de fantômes.
Des maisons dont nous connaissions autrefois
les odeurs, chacune subtilement différente,
abritent aujourd’hui des inconnus.
À chaque endroit, le souvenir d’une époque
où être adulte sentait l’essence,
lors d’un après-midi langoureux
de jardins, de haies et de voisins.
Plus tard, les lieux des rendez-vous secrets ;
la maison d’un jeune homme bien aimé
où j’ai gardé un enfant et organisé mes premiers dîners,
où j’ai été pour la première fois ivre et malade.
Aujourd’hui je connais plus de citadins dans le cimetière
que parmi les vivants.
Nous rendons donc visite à chacun tour à tour,
leur monde réduit à ce petit espace,
mon père allongé sur le côté où il était couché,
un espace de l’autre pour ma mère
quand viendra son tour.
J’imagine une version du rêve de Tevye ici à Strabane,
mes grands-parents et mes tantes ceilidhant 2
sur leurs pierres tombales la nuit,
me souvenant de la mise en scène
d’Un violon sur le toit par le lycée local,
le père Doherty assis dans le lit
à côté de la femme qui jouait son épouse.
Je traverse les logements sociaux, illuminés pour Noël,
les arbres noirs qui forment une petite forêt
sur la pelouse, magnifique et austère
contre le ciel brûlant de l’ouest.
Étrange, je pensais autrefois que les arbres mouraient
en hiver, que leur noirceur était vide,
alors qu’ils sont pleins de bourgeons,
attendant leur heure.
∗
Walking the town
I am walking the old town on the shortest day.
It is full of ghosts.
Houses that were once houses we knew the smells of,
each one subtly different,
now have strangers there.
In every place, the memory of a time
when being adult smelled of petrol
on an open-ended afternoon
of gardens, hedges and neighbours.
Later, places of assignation
– the house of a beloved boy
where I babysat and held my first dinner parties,
where I first got drunk and sick.
More I know now are in the cemetery
than with the living,
and so we visit each in turn,
their world shrunk to that small space –
my father lying on the side he lay in bed –
room on the other
for my mother
when her turn comes.
I imagine a Strabane version of Tevye’s dream,
my grandparents and aunts ceilidhing
on their headstones of a night,
remembering the time the local high school
did Fiddler on the Roof,
Father Doherty sitting up in bed
with the woman who was playing his wife.
I walk through the Trust Houses
lit for Christmas
the black trees that form a small forest on the green,
beautiful and stark against the burning western sky.
Strange that I once thought trees died in winter,
that their blackness was empty,
when instead they are full of buds biding their time.
Maureen Boyle lit un extrait de The Winter's Tale : I. Emilia à la Linen Hall Library, Belfast. Conservé dans les archives des lectures de poésie irlandaise. Cette lecture est tirée de The Work of a Winter, publié à Arlen House en 2018.
Mirabel-aux-Baronnies
inspiré d’un tableau de Pierre Bonnard
L’après-midi s’étiole
alors qu’un orage se profile.
C’est la sieste,
l’heure de retrouver
la pénombre humide du puits.
La pièce est telle la chair d’une figue,
rouge et chaude,
comme le vert des arbres
– citronnier, ginkgo, laurier-rose, bougainvillier –
pointille les murs,
égaie les surfaces.
Craquettent les cigales, le moteur des arbres ;
grenouilles et cloches du village
sonnent la distance des collines.
Une fille dort sur un transat bleu,
rêvant au plus profond de la terre,
un chat noir paresseux à ses pieds.
Le pot de zinnias à la glaçure bleue
capte la lumière
et répand son parfum sur elle,
comme si l’été perdure
et qu’elle est toujours là.
Le Hollandais laisse une offrande
de haricots verts à la fenêtre
et s’en va.
∗
inspired by a painting by Pierre Bonnard
Maureen Boyle
The afternoon wilts
as a thunderstorm looms.
It is siesta,
time to find
the well’s dank darkness.
The room is like the flesh of a fig,
red and warm,
but the green of the trees
– lemon, gingko, oleander, bougainvillea –
stipples the walls,
washes the surfaces.
Cicadas sing – the engine of the trees –
honey-frogs and village bells
ring the distance of the hills.
Black cat lazy at her feet,
a girl sleeps in a blue chair,
dreaming deep into the earth.
The blue-glazed pot of zinnias
catches the light
and sends its scent over her,
as if it is always summer
and she is always there.
The Dutchman leaves an offering
of green beans by the window
and goes away.
Maureen Boyle lit The Magdalene Reading à la bibliothèque Linen Hall, Belfast. Conservé dans les archives des lectures de poésie irlandaise. Cette lecture est extraite de « The Work of a Winter », publié à Arlen House en 2018.
Noureev 1
« Quand vous écoutez Bach, c’est un peu de Dieu que vous entendez. Quand vous me
regardez danser, c’est un peu de Dieu que vous voyez. »
– Rudolf Noureev
Prologue
Apportant des brassées de lilas du champ de Mars,
les filles rougissantes les cachent sous leurs jupes de coton,
raidissant leurs jupons comme le filet de crin des danseuses
acheté au rouleau scintillant qu’elles ont vu porter
chez le costumier de la rue voisine à Saint-Pétersbourg.
Sur place, elles doivent braver les babouchkas
assises dans les couloirs sombres du vieux théâtre,
qui, en raccommodant les chaussons des danseuses,
tiennent la pointe dans le satin où le sang
a imprégné le tissu. Les fleurs cachées bruissent à chaque pas,
et, une fois à l’intérieur, sont arrachées dans un tourbillon
de parfum printanier, délicatement tendues par-dessus le balcon
et descendues dans la loge couverte, où elles attendront jusqu’au dernier
battement de son pas-de-deux et tomberont ensuite dans une pluie
de pétales. Des fleurs réchauffées par les cuisses
des filles en guise d’offrandes au jeune dieu.
1
Né dans un train, son premier souffle tiré
des profondeurs du lac immémorial où le Christ
est venu et a déclaré qu’au-delà il n’y avait rien.
Né avec l’odeur de la glace qui s’échappe de ses courbes
trop tôt pour le printemps, un vieil esprit des profondeurs
l’a pénétré, la fluidité d’un poisson absorbée dans son échine.
Soufflé sur la Bargouzine cette première nuit, ce premier jour,
le soleil l’a trouvé et une âme agitée.
2
Sur la photo qu’il trimbale, il est un petit enfant
assis sur ses propres genoux ; l’adulte, travesti
comme pour danser l’infirmière dans un ballet oublié.
Il est beau et bronzé par le soleil des champs,
vêtu de cotons d’été imprimés, sans la cicatrice
sur sa lèvre supérieure ; le visage de sa mère
qu’il oublierait s’il n’était pas le sien.
Dans ses années de gloire, il trouve parfois le temps
de téléphoner et d’être transporté dans leur petite pièce.
Il peut alors évoquer l’odeur d’un été russe
ou la sueur aigre des vêtements de travail de son père
et de son tabac doux. Il se demande si son père
était encore un garçon rêveur, agenouillé en prière
dans la madrassa, prendrait-il son appel
et lui parlerait-il sans colère à travers les affres du temps ?
Lorsqu’il rend visite à sa mère une fois dans les temps nouveaux,
elle est dans une pièce vide avec une lampe à huile
et un vieux kilim et il pense à ceux
qu’il collectionne dans son appartement parisien
et aimerait lui montrer tout cela,
qui semblerait la richesse d’un tsar.
3
Quand Avedon lui demande de danser et le capture,
il reste à la fin de la séance pour lui demander
son accord d’être photographié dansant nu.
Il l’a déjà fait une fois, enfant, sans l’encombrement
des vêtements, se sentant divin dans un champ
où le maïs le voilait et où chaque pas
laissait une empreinte de piétinement.
Il voit dans les yeux du photographe un regard
qui deviendra un regard qu’il connaîtra.
Il dit oui.
4
Il survole les étendues sauvages canadiennes jusqu’à l’hôpital
où Erik est en train de mourir. Chacun a essayé d’être la vie
de l’autre, sans succès. En entrant dans la chambre, il se souvient
de l’histoire d’Erik qui, petit garçon au Danemark, est sorti
de lui-même alors qu’il était bien installé dans un pommier,
a entendu l’appel de sa mère pour le dîner et s’est vu,
un petit garçon assis dans un pommier, sa mère l’appelant.
Il doit maintenant grimper sur le lit chirurgical comme s’ils étaient
tous deux enfants, comme s’il s’agissait de leur toute première danse,
les portés devant être soigneusement étudiés, car mal tenu, il tombera.
Il s’agit maintenant de trouver quelle partie tenir, de déplacer
leurs membres entre les tubes sans le faire souffrir.
Maintenant il n’y a plus de mouvement,
il n’y a plus que le porté.
Rudik, qui était si brutal dans leurs ébats amoureux,
est maintenant le plus tendre, le tient par derrière,
réalisant à quel point il serait léger à porter
et il n’y a plus de mots.
Il apprendra la mort sur son île.
Assis sur un balcon avec une amie,
baignés dans le parfum du jasmin de nuit
il dira : « Erik est mort aujourd’hui. »
∗
Nureyev
“When you listen to Bach you hear a part of God, when you watch me dance you see a part
of God.”
– Rudolf Nureyev
Prologue
Bringing armfuls of lilacs from the Field of Mars
blushing girls hide them under cotton skirts,
stiffening petticoats like the dancers’ horsehair net
bought by the shimmering bolt they have seen carried
to the costumier’s in the neighbouring street. Once in place
they must brave the babushkas who sit in the dusky
corridors of the old theatre knitting, darning the dancers’
shoes, holding the block in the satin where blood has
soaked into cloth. The hidden flowers rustle as they walk
and when inside are pulled out in a wash of spring scent
to be handed carefully over the balcony and down to the
blind box where they will wait until the last beat of his
pas-de-deux and then fall in a lilac shower. Flowers warmed
by the thighs of girls as offerings for the young god.
1
Born on a train, his first breath pulled
out of the depths of the ancient lake where Christ
came and declared that beyond it there was nothing.
Born with the smell of ice coming off its sweeps
too early for spring, some old spirit of the deep
entered him, the fluidity of a fish come into his spine,
blown on the Barguzin that first night and day,
sunshine found him and a restless soul.
2
In the photograph he carries with him he is a small child
sitting on his own knee – the grown one in drag as if to
dance the nurse in some forgotten ballet. He is beautiful
and sun-tanned from the fields in printed summer cottons
without the scar on his upper lip – his mother’s face
that he would forget if it was not his own.
In the heady years, he will sometimes find a time
to phone and be transported to their small room.
He can conjure then the smell of a Russian summer
or the sour sweat of his father’s work clothes
and his sweet tobacco. He wonders if his father was still
a dreaming boy, kneeling to pray in the madrassa,
would he take his call and speak to him
without anger across the acres of time.
When he visits his mother once in the new times
she is in an empty room with only an oil lamp
and an old kilim and he thinks of those
he collects in his Paris apartment
and wishes he could show all this to her
that would seem the wealth of a Czar.
3
When Avedon asks him to dance and captures him,
he stays at the end of the shoot to ask
if he would be photographed dancing naked.
He has done this once before as a boy, danced
unhindered by his clothes, feeling divine in a field
where the corn shielded him and where each step
left a trampled damage. He sees a look in the
photographer’s eyes that will become a look he knows.
He says yes.
4
He flies over the Canadian wilderness to the hospital
where Erik is dying. Each has tried to be the other’s life
and it has not worked. Entering the room he remembers
Erik’s story of once, as a little boy in Denmark, going out
of himself as he sat ensconced in an apple tree, heard
his mother’s call for dinner and saw himself,
a little boy sitting in an apple tree, his mother calling.
Now he must climb up onto the surgical bed
as if they are both children, as if this was their first
ever dance, the holds to be worked out so carefully
since held wrongly he will fall. Now it is a case
of finding places to hold, to move their limbs
among the tubes and in ways that will not hurt him.
Now there is no more movement, only the hold.
Rudik, who was so rough with him in their lovemaking,
is now the gentle one, now the one
who holds him from behind realising how light
he would be to carry and there are no more words.
He will hear of the death on his island.
Sitting on a balcony with a friend,
bathed in the smell of night jasmine
he will say "Erik died today"
- Lors de la première publication de cette œuvre en anglais, le prologue était présenté comme un poème distinct,
intitulé « Lilacs from the Field of Mars », suivi de « Nureyev » sous la forme d'une séquence de quatre parties.
À la demande de la poète, la version en français est présentée sous la forme dans laquelle le poème a été conçu à
l’origine, c’est-à-dire un prologue suivi de quatre parties sous un seul titre. La version en anglais est disponible
dans le recueil de Maureen Boyle, intitulé The Work of a Winter (Arlen House, Dublin, 2018 : p 69 à 73).
Maureen Boyle, The Work of a winter, Arlen House ; 2nd edition, 2018, 110 pages.