Guy Allix & Michel Baglin, Je suis… Georges Brassens, Les Copains d’abord

La collection « je suis… », dirigée par Jean-Paul Chich, donne la parole - par plume  interposée - à des figures littéraires, politiques, scientifiques… dont le nom a été attribué à un établissement scolaire – elle constitue ce que l’éditeur nomme « un Panthéon de papier » en tête de la liste des titres : presqu’une cinquantaine de noms de personnalités d’exceptions qui défendirent les valeurs de la République.

Pas sûr que Georges aurait aimé cette introduction, lui, l’anar, le libertaire, qui a si souvent brocardé les honneurs et les institutions… et qui donne son nom à pas moins de 236 établissements scolaires… l’apothéose pour cette « mauvaise herbe » qui faisait peur aux « braves gens » et se moquait des trompettes de la renommée avec beaucoup de provocation...

 C’est  bien lui pourtant qu’on entend, sous les plumes conjuguées de Guy Allix, poète baladin interprétant ses textes et ceux des autres avec sa guitare, et de Michel Baglin,  poète, directeur de la revue Texture, et cheville ouvrière du festival Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée. Michel a tiré sa révérence juste avant la sortie du recueil, dont il a suivi les corrections jusqu’à la fin, malgré la maladie tenue secrète – en vrai fils de Brassens, le brave. Il n’a pas assisté aux hommages tenus à l’espace Brassens et ailleurs, même si ses mots et son esprit planaient sur Sète en juillet, tant il manque à tous ceux qui l’ont connu. D’ailleurs, la 4ème de couverture semble aussi parler de lui, quand lui et son complice font dire à Georges :

Guy Allix & Michel Baglin, Je suis… Georges Brassens,
Les Copains d’abord, Jacques André éditeur, 2019, 99p.,
10 euros.

Je voudrais, si vous me le permettez, qu’on se souvienne de moi pas seulement pour avoir passé ma vie à écrire des chansons et les avoir interprétées… ces chansons étaient avant tout une forme de poésie, des célébrations de la vie, de l’amour et surtout de l’amitié. J’ai tellement aimé mes amis. 

C’est donc Georges qui parle dans ce petit opus, comme une conversation à cœur ouvert, avec les mots de ses chansons, illustrés par de délicates encres réalisées par FredKha, non créditée, et on le regrette, tant elles ajoutent de tendresse à ce portrait d’un ours pourfendeur de bourgeois et de bien-pensance, dont les textes résonnent encore avec beaucoup d’actualité. Qu’on songe à l’époque du mouvement « me too » et des luttes pour le respect des femmes, combien résonne moderne sa superbe « non demande en mariage » ou sa « complainte pour les filles de joie », sans compter la revendication de « Quatre-vint-quinze pour cent» ! Et l’attention portée à la misère et à la solidarité qui l’accompagne, à travers l’ensemble de ses textes, fait pendant à l’actuelle  violence  d’une société où s’accroissent les écarts entre « bourgeois et gueux » ostracisés par le retour du mépris de classe.

De l’enfance sétoise du mauvais sujet dont la famille n’a pas soutenu les projets d’études musicales, en passant par les rencontres faites à Paris, chez Jeanne (dont la chanson éponyme vante l’universelle générosité), la bohème et sa misère, les débuts tardifs sur scène, et la soudaine notoriété, l’amour de Pupchen jamais démenti et les amitiés jamais reniées… on découvre aussi des éléments de la « fabrique » des chansons, technique ou sources d’inspiration, on se remémore le timide bourru créateur d’esclandres,  enthousiasmant les salles, on découvre la lutte contre la maladie et la confrontation avec la Faucheuse, souvent tournée en dérision mais si tôt présente dans la vie de l’artiste… On a envie de réentendre les disques, d’entonner de nouveau avec lui Le Gorille ou L’Orage… On est pris – ému, et heureux .

Très sérieusement, ce petit ouvrage indispensable aux amoureux du grand Georges offre des repères chronologiques et la liste des personnages importants de  sa « bande de cons », ainsi qu’affectueusement il nommait, par antiphrase, ses amis. Et on se dit aussi que, modestement, puisqu’on l’aime, on en fait un  peu partie .

Présentation de l’auteur

Guy Allix

Né en 1953 à Douai (59). Vit à Rouen (76). Poète, critique littéraire, auteur jeunesse, auteur-compositeur-interprète. Nombreux recueils de poésie aux éditions Rougerie, au Nouvel Athanor, aux éditions sauvages et à l'atelier de Groutel. Parmi les dernières publications : Le sang le soir (poésie)Le Nouvel Athanor, 2015. Au nom de la terre (poésie), Les éditions sauvages, 2017. En chemin avec Angèle Vannier (essai), éditions Unicité, 2018. Oser l'amour suivie de D'amour et de douleur (poésie, bibliophilie), Atelier de Groutel, 2018. Je suis... Georges Brassens, co-écrit avec Michel Baglin, Jacques André éditeur, 2019.
En préparation : Les amis, l'amour, la poésie, CD chansons et poèmes interprétés par Guy Allix, autoproduction. Vassal de la poésie, (recueil d'articles), Les éditions sauvages. 

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Michel Baglin

Michel Baglin, né en 1950 dans la région parisienne, vit depuis ses onze ans à Toulouse. Après la fac et de nombreux « petits boulots », il devient journaliste. Guy Chambelland édite son premier recueil en 1974. Depuis, il a publié plus d’une vingtaine de romans, essais, recueils de poèmes et de nouvelles. Il est notamment l’auteur de Les Mains nues (L’Âge d’Homme), L’Obscur vertige des vivants (Le Dé bleu), Entre les lignes (La Table Ronde), L’Alcool des vents (Le Cherche Midi), Les Chants du regard, poèmes sur 40 photographies de Jean Dieuzaide (Privat), La Balade de l’escargot (Pascal Galodé) et De chair et de mots (Le Castor Astral).

Il a reçu le prix Max-Pol Fouchet en 1988. Critique pour divers journaux et revues et fondateur de la revue Texture, il anime aujourd’hui le site littéraire revue-texture.fr

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Michel Baglin, trois poèmes extraits de Un Présent qui s’absente

L’éternité

 

Si nous ne sommes pas assignés à résidence,

nous le sommes à l’instant,

au temps sans fond ni rives

où nous croyons baigner,

que nous portons en nous et produisons

comme le sang.

Ainsi ne seront-nous jamais

Ces morts promis

puisqu’un mort par définition

n’existe pas.

Peut-être croirons-nous nous voir mourir

et nous serons pourtant vivants

aussi longtemps que nous n’aurons pas passé le seuil

que nul ne franchit jamais

sans s’être au préalable dépouillé

de son identité.

Ainsi toujours plus près du terme,

et se sachant mortels,

sommes-nous condamnés à hanter

l’éternité

des derniers moments.

 

 

 

Michel <Baglin, Un Présent qui s’absente, éditions
Bruno Doucey, 2013, avec l’autorisation de l’éditeur

 

*

Sillage

 

Une vie, à peine un peu

d’écume dans son sillage,

guère plus de traces

que l’oiseau n’en laisse

dans l’air qu’il fend.

 

Une vie, ce qu’il en reste,

cette traînée d’images

dans les mémoires amies

s’évaporant avec les ans.

 

Un vie, une voile, un vol ,

un grain de lumière

dans les sillons du vent.

 

(ces deux poèmes sous le titre «Faux départs », avec enépigraphe « Quand on ne sait où l’on va, il faut se souvenir d’où l’on vient. » (proverbe africain)

 

*

Extrait de « Jeux de miroirs », avec l’épigraphe de Charles Juliet : « Ecrire, c’est exprimer cette part de soi qu’on découvre chez autrui, cette part d’autrui qu’on reconnaît en soi-même 

 

»

 

3

On dit « l’autre » et l’on pense au migrant, à la faim qui le pousse à l’exil.

On pense aux terres lointaines et aux charters de l’aventure encadrée.

A ce maelström obscène autour de la planète de la misère et du tourisme qui se croisent

- les uns dans les aéroports, les autres dans une galère de clandestins – sans jamais se rencontrer.

On dit « l’autre » mais sait-on qui l’on stigmatise ainsi, qui l’on tient à distance avec un mot,

Quand l’autre reste en nous la part obscure et sans langage ?

La ressemblance rend possibles l’empathie et la fraternité,

mais aussi l’efficacité des bourreaux.

La différence conduit à l’incompréhension, parfois,

mais enrichit l’avenir de tous les métissages.

Ainsi l’autre nous est d’autant plus nécessaire

qu’il a de multiples façons de nous ressembler.

 

*

Le poème suivant est extrait de l'anthologie personnelle,  publiée au Castor Astral sous le titre De Chair et de mots en 2012

 

Cette vie, la porter...

 

Cette vie la porter

jusqu'à l'incandescence

comme un bouquet fragile

d'étincelles sauvées

dont seul l'éclat fertile

aurait un peu de sens.

La porter comme un feu

au temps des hommes nus,

comme un noyau de braises

à transmettre à tous ceux

qui refont la genèse

en paradis perdu.

 

Cette vie, l'arpenter

d'un bon pas de marcheur

qui saurait cependant

qu'il peut se dérouter,

qu'il n'est ni lieu ni heure

pour arriver à temps.

L'arpenter ou flâner,

c'est selon la saison,

la manière qu'on a

de chercher l'horizon

et d'accorder son pas

au monde traversé.

 

Cette vie, l'enchanter

d'un sourire entrevu,

de ces bonheurs fortuits

du passant amusé

et des odeurs cueillies

par hasard dans la rue.

L'enchanter à l'envie,

à petits coups de cœur,

à petits coups de chance,

en quêtant l'âme sœur

ou la clarté d'enfance

dans un regard surpris.

 

Cette vie, l'inventer

contre l'usure des mots,

les lèvres trop prudentes,

les gestes  étriqués

et les rêves falots

qui nous lient dans l'attente.
L'inventer à propos,

puisque le cœur réclame

un peu plus de vertige,

un peu plus d'états d'âme,

et que le chant exige

et la langue et la peau.

 

Cette vie, la jouer,

un peu de jazz au ventre

pour panser la blessure

et que l'eau du large entre

délayer la saumure

des sanglots ravalés.

La jouer triomphante,

s'il le faut contre nous

quand la peur nous défait,

mais n'oublier jamais

cet abîme au-dessous

des ailes qu'on s'invente.

 

Cette vie, l'éclairer

à la danse des flammes

sur une hanche nue,

aux feux de camp des femmes,

à l'étoile allumée

sur un visage ému.

L'éclairer d'allégeances

faites à la lumière,

à la terre, à la pluie,

au navire en partance,

à la fontaine claire

comme à l'alcool des nuits.

 

Cette vie, l'agrandir

par le corps réveillé,

l'infini paysage

qui nourrit le désir

de trouver un passage

et de reprendre pied.

L'agrandir par la mer,

par la vague et par l'aile,

par la voile et le vent.

L'inventer fraternelles

par les yeux grands ouverts

qui nous font plus présents.

 

Cette vie, la fêter

en allant jusqu'au bout

dans la paix et la fièvre,

ayant su la risquer

en se tenant debout

et la caresse aux lèvres.

La fêter en secret

en lui offrant son temps

et croire désapprendre

la peine et les regrets

en leur abandonnant

les jours tombés en cendre.




Michel Baglin, Un présent qui s’absente, Entre les lignes

Que le voyage soit, de bout en bout, le lieu, le thème, le support des poèmes nouveaux que Baglin propose aux Ed. Bruno Doucey, semble non seulement une fidélité à ses autres ouvrages mais une invite sûre à recueillir

Né en 1950, publiant des poèmes et des proses depuis une petite quarantaine d’années, Michel Baglin entretient avec la poésie des relations privilégiées, dont rend bien compte la revue Texture qu’il dirige sur la toile.

Le titre de ce nouveau livre, architecturé en cinq parties toutes liées entre elles, dit assez la nostalgie qui embue le regard de celui qui voit le temps passer et nombre de fantômes aimés et aimants revenir garnir les rétines de la mémoire. Ainsi faut-il comprendre, encadrant le livre, les deux parties qui font surgir le passé et le présent.

Aux images de « Faux départs » qui s’articulent autour des quais, des gares, des ports où l’on peut à l’envi musarder, répondent les nouveaux venus d’horizons étrangers, déjetés pour la plupart, trouvant çà et là parfois quelque réconfort mais aussi combien de déveines !

Michel Baglin, Un présent qui s’absente, Editions Bruno Doucey, 2013, 112 p., 15€.

Le poète sait conter les réalités dérisoires d’un présent qui perd de ses valeurs, qui pollue, qui encrasse les âmes. Que répondre « aux tristes effigies de la mode » ? L’auteur questionne de plus en plus notre place ici-bas, notre rôle : qu’est-ce être, pour tout dire ?

Dans un lyrisme, légèrement démâté, le poète renfloue notre propre mélancolie face à un monde qui ne conserve des anciennes formes que le peu, le rien, et que la mémoire intacte de son auteur restitue. Ses découvertes de Paris, des petits quartiers impressionnent par leur justesse et l’on embraie avec lui, pour de réelles traversées. Le beau Paris, où l’on peut musarder ! Comme il semble à la fois proche et éloigné ! Comme le souvenir de Fargue et d’Hardellet traverse ces beaux poèmes (des sonnets parfois) que la rime – occasionnellement – remaille à la trame choisie. Dans ces longs poèmes, Baglin dit toute sa foi en la poésie et en l’empathie. Qui écrit semble si frère de ceux qu’il convie sous sa plume ! Nombre d’hommages et de dédicaces honorent les amitiés partagées et les soucis humanistes. Le « nous «  résonne avec force et conviction.

Et puis qui a parlé souvent de trains, de quais, d’embarquements, sait confier au poème ses désirs de voyages et de départs. Mais tout n’est-il pas dit ? Vu l’âge ? Vu le temps qui lui reste ? On sent, prégnante, l’amertume gagner le sable des berges, et le cœur, lui, tient bon et nous vaut ces mains tendues, « pleines de poèmes » comme disait Aragon parlant du bon Carco.

Je vous invite à entrer dans ces poèmes fluides, qui prennent le temps de s’accorder au cœur qui pense, marche et regarde, qui dessinent du monde une image assez fidèle à toutes les tensions et attentions qui s’y nouent. C’est la beauté de ce livre, ouvert, fidèle.

Michel Baglin, Entre les lignes

Un fou de chemin de fer, de voies, de chemins de fer électriques perfectionnés...Sans doute, au sens d'une passion irrépressible, qui vous vient d'enfance.

Une manière de raconter la vie de ses proches, son frère, ses parents, les amis de ceux-ci toujours par le biais d'une gare, d'une barrière à surveiller, de locos à soigner, de voies..

 

Michel Baglin, Entre les lignes, La Table ronde, 2002, 112 pages,

Michel Baglin, que les récents "Chemins d'encre" (2009) et "L'alcool des vents" (2010) font connaître pour son "métier d'écrire" et son lyrisme où il "rend grâce" à tous ses domaines de prédilection, est le type d'auteur à nouer entre les époques des aiguillages inédits.

Le voilà bien entrepris quand il songe à se donner, passé la cinquantaine, de petites gares et des lignes comme étapes d'une initiation qui remonte loin.

Ce qu'on retire de cette lecture de "Entre les lignes", tout à la fois référence aux vapeurs, aux caténaires, aux rails, et aussi à l'écriture même de ce récit fervent, c'est un bout d'histoire familière, époque bénie où les gens aimaient encore se retrouver pour un petit verre de blanc, casser la croûte ensemble, rire franchement entre deux plats. Un peu le monde d'Hardellet, des zincs, de la banlieue féconde.

Les lieux défilent à la vitesse des trains : le petit Parisien que fut Baglin a fait la connaissance de la province, du sud, et ses souvenirs sont riches : les années cinquante pourvoyeuses d'expériences, sensibles aux codes. Ainsi, cet épisode où un machiniste se fait tancer par un jeune petit chef pour excès de fumée en pleine gare, alors que son expérience n'est plus à prouver, qui prend une amende mais évite, grâce à sa réputation, le blâme !

Tant d'autres épisodes seraient à citer. Du reste, l'écriture fluide, nerveuse relaie bien le mouvement des trains, c'est le sens du voyage, c'est le goût des ailleurs qui nous happe.

Ce beau récit initiatique reconstitue non seulement une époque, il explicite une conscience littéraire, née littéralement "entre les lignes" de chemin de fer !

 

Présentation de l’auteur

Michel Baglin

Michel Baglin, né en 1950 dans la région parisienne, vit depuis ses onze ans à Toulouse. Après la fac et de nombreux « petits boulots », il devient journaliste. Guy Chambelland édite son premier recueil en 1974. Depuis, il a publié plus d’une vingtaine de romans, essais, recueils de poèmes et de nouvelles. Il est notamment l’auteur de Les Mains nues (L’Âge d’Homme), L’Obscur vertige des vivants (Le Dé bleu), Entre les lignes (La Table Ronde), L’Alcool des vents (Le Cherche Midi), Les Chants du regard, poèmes sur 40 photographies de Jean Dieuzaide (Privat), La Balade de l’escargot (Pascal Galodé) et De chair et de mots (Le Castor Astral).

Il a reçu le prix Max-Pol Fouchet en 1988. Critique pour divers journaux et revues et fondateur de la revue Texture, il anime aujourd’hui le site littéraire revue-texture.fr

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Lettre poème en hommage à Michel Baglin

À Michel BAGLIN   Tes poèmes sont ces vagues qui continuent de remuer nos plages d'existence nos laisses d'errances notre soif inextinguible de partances dans le creux de nos fatigues passagères sur [...]




Lettre poème en hommage à Michel Baglin

À Michel BAGLIN

 

Tes poèmes sont ces vagues qui continuent de remuer nos plages d'existence
nos laisses d'errances notre soif inextinguible de partances

dans le creux de nos fatigues passagères
sur la crête de nos espoirs insatiables

nos immobiles voyages

portés par LAlcool des vents*
inépuisable, inaltérable
intarissable

 

Des chevelures se soulèvent au souffle de tes mots -épis fertiles sur nos champs d'inculture,
hennissements sauvages surgis de nos crinières rebelles, alezans rétifs à suivre les circulaires de

                                                                                                                                                      manège…

enfants bâtards de nos chiennes d'enfances en quête encore ou nostalgiques de caresses offertes paume tendrement tendue
-jamais main menaçante au-dessus
de nos fronts ouverts sur la tendresse intérieure ne saurait nous donner la confiance
d'un regard doux comme celui que l'on pose museau fidèle sur les frères et sœurs de lait reconnus
d'instinct, au flair, à vie-

"Les feux de naufrageurs" allumés par l'enfance, Michel, sont sentinelles ardentes des frères poètes
recouvrant de leur chaleur vacillante mais vibrante
le désespoir agité par "nos croisières d'adultes"

Aucun pavillon de complaisance ni pavois de possessions triomphantes
n'auront guidé tes convois
-plutôt ta roulotte-cheminote
brinqueballant sur les rails du soleil
-éclisses roues ô lueurs du voyage-
sous nos carcasses sur nos amitiés solidaires en route par la voie minoritaire
avec
pour solde de tout compte l'aventure
cette hune hissée
vers nos ciels de cocagne

essieu huilé à la force
de nos poignets francs
de nos espoirs soudés / partagés

 

"Je rends grâce à ma naissance qui m'a fait Noir, même si
ça ne se voit pas
", écrivais-tu. "Arabe aussi. Et Juif(...) Indien
(...)et dissident pour m'inventer des frères"

Sitting Bull écrivit dans une formule-sagesse
cette Nature que l’Homme oublie encore
ces peuples que l’Homme a décimés,
ce que l’Homme a su abîmer :
"Quand ils auront coupé
le dernier arbre
pollué le dernier ruisseau
pêché le dernier poisson
Alors ils s’apercevront que l’argent
ne se mange pas
"
Écoutons, Michel, la symphonie
du Nouveau Monde
Tandis que Dvoràk
transcende les frontières de l’espace
Un poète interroge la lune
Mission Apollo 11
Neil Armstrong écoute la symphonie
du Nouveau Monde d’Antonin
Dvoràk – Y voyait-il un Indien
sur la lune ?
Entamons le Voyage Grand Tournesol,
Michel - Je fais aussi peau neuve
Je suis peau noire
Rose des vents fleur de terre
Source vive et sans frontières

Tu écris encore
intimant doucement à la rose
-remuant le feuillage
de nos pensées rétives
de nos rêves inachevés-
de continuer
d'éclairer
nos chemins d'aube claire
nos sentes d'aubépine

 

Tu écris tenant tête au silence établi
écartant le rideau de l'oubli
sur nos fenêtres
de l'éternel aujourd'hui

pour qu'advienne/revienne à qui le désirera
le poème ardent
enfoui
dans le ciel ébouriffé de nos têtes
levé sous l'encre
par les oiseaux de la nuit
les oiseaux de la vie
par nos oiseaux de ligne

-Regarde, la voix de ton poème
Michel,
nous dessine déjà un arc-en-ciel...   

 

 

 




Avec Michel Baglin pour Brassens

à Jackie, Hélène et Serge Baglin

 

C’est d’abord une rencontre lors du Printemps de Durcet, je ne sais plus en quelle année exactement mais pas avant 2010. Avant cela j’avais lu Michel et il m’avait même chroniqué mais il fallait cette rencontre dans ce lieu magique qu’est Durcet (« village en poésie » qu’on ferait mieux d’appeler "capitale de la poésie" ) pour le connaître vraiment.

Une amitié coup de foudre et je sais trop que ces amitiés-là au contraire des coups de foudre amoureux sont le plus souvent durables. Le dieu de l’amitié, au contraire de Cupidon, qui s’en fout certains jours, ne tire pas ses flèches au hasard.

Et dès la première fois, entre autre chose, peut-être parce que j’avais dû entonner lors de la soirée du samedi une ou deux chansons du maître avec ma plus fidèle fiancée (cette guitare dont je gratte le ventre maladroitement mais le plus amoureusement possible) nous avons évoqué Brassens et alors est né déjà ce projet d’un livre sur lui. Deux idées ont vu le jour ensuite : un dialogue où l’on se renverrait des chansons commentées (je pensais par exemple au Blason que je trouve sublime) et un livre sur « la morale libertaire » de Brassens tant il nous semblait que ce point n’avait pas toujours été bien compris. Et notre vision de la chose était convergente.

Nous en reparlons à Camps-la-source invités tous deux au festival par l’amie Colette Gibelin au printemps 2017. Mais là encore l’étincelle n’est pas là. Bien sûr avec la distance Toulouse-Rouen ce n’était pas facile de se lancer… La suite nous prouvera le contraire.

La suite, ou plutôt le vrai début, c’est à Sète en 2017. Je viens aux « Voix vives » pour la première fois, invité par l’amie Colette qui a loué un appartement. L’un des passe-temps favoris de Michel là-bas, en dépit d’un agenda très chargé, c’était d’organiser des repas pour faire se rencontrer ses amis : Michel était un amoureux de la vie, de la relation humaine et de l’amitié tout simplement. Et lors du premier repas où je fus convié, nous nous mîmes tous deux à entonner a capella moult couplets et un jeune couple magnifique vint même rejoindre la table de vieux rieurs qui s’égosillaient pour chanter avec nous. Cela donna l’idée à un certain Jacques André que je ne connaissais jusqu’alors que de nom de nous lancer ce défi : « Et si vous m’écriviez un « Je suis… Georges Brassens » les gars ! La soirée était vraiment magique ! Jacques nous annonça que c’était pour dans deux ans et que tout serait précisé l’année suivante. Mais je me dois de dire que dès septembre 2017 je reçus de Michel le premier jet du chapitre 1 du livre. Il avait été journaliste pendant trente ans et un journaliste ça ne traine pas comme un petit poète besogneux. Je dus le retenir un peu pour qu’on ne présente pas le tapuscrit un an avant la date limite.

Nous nous sommes donc retrouvés l’année suivante à Sète pour de nouvelles agapes et le vrai lancement du projet avec notre bel éditeur. Ce fut le début d’une magnifique aventure. Et la confirmation d’une vraie amitié. Jacques nous avait dit que l’écriture à quatre mains c’était compliqué et… parfois conflictuel. Il n’en fut rien. Nous alternions les chapitres et chacun corrigeait l’autre un peu ou beaucoup. Je me dois de dire qu’il m’a plus corrigé que je ne l’ai fait. Mais mes corrections ou suggestions étaient aussitôt acceptées avec cette humilité qui caractérisait, entre autre qualité, Michel. Et il en fut de même de mon côté tant j’avais confiance en sa sureté de jugement et de plume. Cela nous permettait aussi des discussions passionnantes dont notre éditeur était le témoin privilégié, quelque peu admiratif de notre complicité. Nous nous sommes enrichis mutuellement sur la connaissance de notre maître et nous échangions aussi sur tout ce qui tournait autour du projet de livre ainsi pour une demande de préface, ce toujours sous le regard attentif de Jacques.

Une belle aventure d’écriture mais surtout une expérience humaine rare. Le fait est que Brassens c’était un univers où nous nous retrouvions entièrement Michel et moi et où nous allions, dans les passages plutôt consacrés au idées du bonhomme, au plus profond de nous-mêmes : nous avions tant hérité de lui. C’était une langue commune, une culture qui permettaient un dialogue intense. Je ne peux bien sûr donner un avis objectif sur ce que nous avons fait ensemble . Les écritures de Michel en tout cas me semblaient d’une extrême justesse. J’avais vraiment l’impression de lire Brassens lui-même. Et puis ce livre n’a pas vocation à être un chef d’œuvre ou un ouvrage de référence sur le maître. Des ouvrages de référence il y en a des tas sur Georges Brassens. Réaction de la fille de Gibraltar, impasse Florimont quand je lui ai dit que je préparais un livre sur Brassens avec un ami : "Encore un" ! Il s’agit plutôt simplement d’un livre de vulgarisation au sens noble du terme, il s’agit d’une porte d’entrée que peut franchir même un collégien. C’est là du reste le but de la collection. Et la bio à la première personne vous prend le lecteur par la main et par le cœur.

Et puis un matin de janvier je crois Michel me téléphone. Nous avons terminé l’essentiel du tapuscrit. Il m’annonce sa maladie. Il est très lucide devant sa gravité mais il veut se battre. Il me passe entièrement le relais pour ce qui suit : épreuves, corrections, ajouts etc. Il doit d’abord subir une lourde opération, puis c’est la chimio dont les médecins ne lui ont pas caché les effets redoutables. L’opération sera longue et difficile. Mais Michel passe le cap. L’ami Pierre Maubé qui est en contact avec Hélène, la fille de Michel et Jackie, son épouse, m’informe du mieux qu’il peut.

Michel me téléphone une fois bien passé l’opération. Il affronte courageusement mais me dit qu’il est très diminué par la chimio. Il me confirme qu’il ne peut plus suivre le travail (mais il a tant donné déjà ! ) et me renouvelle sa confiance.

 

Je continuais de le mettre en copie de mes échanges avec Jacques et il répondit une fois qu’il approuvait toutes mes corrections. Puis ce fut le silence ou presque jusqu’au 17 juin. Il venait de recevoir ses exemplaires d’auteur et me dit sa satisfaction devant le livre. Il m’annonçait qu’il rentrait le lendemain à l’hôpital pour une nouvelle chimio, Les médecins eux-mêmes avaient avoué l’échec de la première. C’était donc une chimio de la dernière chance : « Soit j’obtiens un répit, soit… on connait la suite ». Il avait du mal à parler, ne retrouvait plus l’adresse et le téléphone de Jacques qu’il avait pourtant… Tout devenait très difficile.

Suivirent trois semaines d’inquiétude et de silence. Comme depuis le début je ne voulais pas trop écrire directement à Michel afin de préserver son repos je n’avais aucune nouvelle. L’ami Pierre Maubé n’avait cette fois pas plus d’informations que moi et ce fut Marie Rouanet qui m’annonça au téléphone le vendredi précédant le décès que Michel avait été mis dans le comas et qu’il ne s’en réveillerait pas. Le lundi suivant j’apprenais que Michel était parti rejoindre le paradis des poètes et..... des mécréants.

Notre aventure commune semblait s’arrêter là et Michel avait écrit avec Je suis… Georges Brassens l’un de ses derniers ouvrages sinon le dernier. Alors que je savais que cela se terminerait ainsi la douleur était là, cruelle.

Jacques et moi nous nous sommes demandés si nous pouvions, dans ces conditions, continuer la promotion du livre. Nous avons eu envie d’arrêter. Par décence et respect et douleur. En même temps nous étions conscients que Michel nous aurait engueulés de faire cela s’il avait pu.

Le lundi 15 juillet à Seilh après la cérémonie quand je lui ai dit au revoir, Jackie m’a fait promettre de porter le livre. Je ne pouvais pas refuser car je savais que désormais Michel vivrait avec les mots qu’il avait publiés. Bien sûr en priorité ses superbes poèmes, ses romans, son théâtre, d’autres livres comme ses Lettres d’un athée à un ami croyant que j’ai chroniquées et qui posent des questions essentielles aujourd’huiMais je sais aussi, par sa fougue d’écriture sur ce livre où il a tant donné, combien il lui tenait à cœur. A parcourir un peu l’ouvrage aujourd’hui j’entends la voix de Michel dans celle de Brassens et je relis aussi tous nos échanges si complices.

Hommage à Michel Baglin, Festival Voix vives 2019, images et montage : Thibault Grasset - ITC Production

Je sais combien Michel était proche de Brassens par son exigence, sa générosité, son goût pour le rire, son indépendance, sa fidélité, son sens de l’amitié, sa passion de la liberté et de la justice, sa passion pour la poésie… C’est une part importante de Michel, un peu d’une flamme qui n’est pas près de s’éteindre.

Merci Michel ! C’était si bon de te savoir ici. C’est si beau ce que tu nous as laissé pour mieux habiter le monde.

Présentation de l’auteur

Michel Baglin

Michel Baglin, né en 1950 dans la région parisienne, vit depuis ses onze ans à Toulouse. Après la fac et de nombreux « petits boulots », il devient journaliste. Guy Chambelland édite son premier recueil en 1974. Depuis, il a publié plus d’une vingtaine de romans, essais, recueils de poèmes et de nouvelles. Il est notamment l’auteur de Les Mains nues (L’Âge d’Homme), L’Obscur vertige des vivants (Le Dé bleu), Entre les lignes (La Table Ronde), L’Alcool des vents (Le Cherche Midi), Les Chants du regard, poèmes sur 40 photographies de Jean Dieuzaide (Privat), La Balade de l’escargot (Pascal Galodé) et De chair et de mots (Le Castor Astral).

Il a reçu le prix Max-Pol Fouchet en 1988. Critique pour divers journaux et revues et fondateur de la revue Texture, il anime aujourd’hui le site littéraire revue-texture.fr

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Lettre poème en hommage à Michel Baglin

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Paola Pigani, Indovina

 

Indovina semble vouloir signifier devine ou la voyante, selon le contexte : je ne maîtrise pas l'italien. Le mot ici est le titre d'un recueil de poèmes, la polysémie n'est d'aucun secours. Mais le titre d'un livre de poèmes est toujours énigmatique. Alors, il faut faire avec…

    Ce recueil est composé de deux suites de poèmes : Indovina qui donne son titre à la plaquette et Ailleurs naît si vite. Dans Indovina, Paola Pigani ne semble pas se préoccuper du vers car le poème est "standardisé", il n'est à première vue qu'une succession de vers libres "standards" de longueur inégale correspondant à des groupes grammaticaux. Ce n'est pas sans charme, mais cela manque de rigueur, du moins à mon goût. Cependant cette poésie reste très actuelle comme dans La voix des migrants qui dénonce les dérives racistes et sociales de la société contemporaine tout en jouant habilement de l'effet de surprise : "Je cherche la bonté" dit le dernier vers… D'ailleurs, Paola Pigani explore cette veine en opposant les notations ponctuelles comme dans Le costume de Diégo ou d'autres poèmes comme Piazza del Veneto. C'est là que Paola Pigani donne le meilleur d'elle-même et que le poème est le plus construit.

    J'ai préféré Ailleurs naît si vite, ensemble de poèmes consacrés à ces silhouettes qu'on ne voit plus dans nos villes tant elles sont devenues banales bien que toujours dérangeantes : je parle de ces immigrés réduits à mendier leur pitance. Pas d'angélisme dans mes propos : je sais les maffias, les pickpockets du métro, les vols à la tire… Mais je sais aussi l'enfant qui a faim, la mère qui aime son enfant et les rencontres imprévues précieuses par leur richesse… Et c'est cela que je retrouve dans les poèmes de Paola Pigani qui dit les choses avec une grande économie de moyens en évitant d'apitoyer son lecteur. Car elle dénonce le sort fait à ces Rroms qu'elle met en évidence. Si la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, elle ne manque pas d'élever la bouffe en compétition et d'être fière de ses grands restaurants auxquels n'a accès qu'une minorité friquée ! J'arrête d'épancher ma bile car ce torrent de fiel ferait un bien piètre texte ! Paola Pigani dit crûment ce qu'elle voit dans la ville et soigne la chute de ses poèmes (comme dans Quatre CRS… ou Deux petits garçons…, par exemple).

    Sommes-nous encore fiers du temps qui ne coule pas sur nous ? C'est la question que je me pose à lire la poésie de Paola Pigani… Indovina (la devineresse ?) est un recueil que j'ai apprécié, malgré les réticences exprimées plus haut.

 

 

 

 




Michel Baglin, Dieu se moque des lèche-bottes

    Aucun genre littéraire ne laisse indifférent Michel Balgin : on connaissait le romancier, le nouvelliste, le poète, l'essayiste…, avec ce nouvel opus, Dieu se moque des lèche-bottes, on découvre l'auteur de théâtre puisque ce livre se donne pour une farce théâtrale.

    Quatre actes, quatorze scènes… Le dialogue est enlevé, l'humour est bien présent, chaque personnage a son parler original malgré les noms très généraux pour désigner quelqu'un en particulier (le SdF, le banquier, la femme, la religieuse) quand il ne s'agit pas d'entités abstraites comme l'Astropithèque ou la Synthèse…. Mais, face à Dieu, pouvait-il en être autrement ?

    Pas de didascalies : on sent que Michel Baglin est avant tout  l'homme des mots car il privilégie le dialogue à travers lequel il donne vie à ses personnages. Très rapidement, et je ne veux rien dévoiler de l'intrigue, le SdF se révèle être Dieu qui est venu incognito sur Terre pour étudier les résultats de sa création ! Le blasphème et l'intolérance s'expriment librement, non sans humour. Mais, mine de rien, Michel Baglin remet en cause, tout en les tournant en dérision, toutes les prescriptions de la religion (une invention des hommes, inscrite dans l'histoire), les dogmes comme  la réincarnation ou la mort. Et même le langage qui, avec ses mots, permet à l'homme de se poser des questions "métaphysiques" ; c'est jubilatoire.

    Tout passe au crible de la fantaisie de Baglin : le suicide, l'euthanasie (on a parfois l'impression de lire un catalogue des questions dites "sociétales" !). Il est sans pitié pour tout ce qui opprime l'homme, ce qui l'amène à faire preuve de tolérance à l'égard de celle (la religieuse) qui a bénéficié des largesses du mécréant (voir II, 5 qui est le moment fort de la démonstration de Michel Baglin). Il fait dire à l'un de ses personnages : "La charité est généralement surfaite : une manière de payer son salut". Mais voilà, tout est dans l'adverbe généralement. Dieu apparaît comme un personnage sympathique, l'antipathie s'abattant sur les prêtres et autres fonctionnaires des religions.

    Mais il est inutile de résumer cette farce. Il suffit de dire que Michel Baglin a une vision de poète des choses : n'affirme-t-il pas que "Personne n'est davantage en prise avec le monde que les poètes" ?  Il sait faire la différence entre les croyants dignes de respect et les croyances qui méritent son ire…

    Le chemin s'invente en marchant ; il n'y a pas de solution toute faite. Dieu, ce personnage plutôt libertaire, s'exclame vers la fin de la  farce : "La suite vous appartient". Tout est dit.




Michel Baglin, Loupés russes

Alain Kewes, éditeur à l'enseigne de Rhubarbe, a décidé de fêter les dix ans de son activité à sa façon : 12  plaquettes à raison d'une par mois, Michel Baglin ayant droit à la septième qui est en fait la sixième à paraître puisqu'il a été précédé par les n° 12 à 8 ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? À zéro, comme dans une bande dessinée célèbre, les plombs sauteront !  Loupés russes (jeu de mots approximatif mais de bon aloi) renvoie à un voyage que Michel Baglin fit en Russie en 2013, à Moscou et Saint-Pétersbourg (Lénine étant passé à la trappe !). Mais cette nouvelle est bien une œuvre de fiction et non un récit de voyage car l'auteur s'est amusé avec tous les poncifs qui circulent sur l'empire que veut (voudrait ?) reconstituer l'ex-camarade Poutine et dénonce ainsi les fantasmes des journalistes, spécialistes et autres baveux du moment.

Michel Baglin n'oublie pas dans sa fiction l'aspect reportage, il émaille son récit de passages de prose touristique : c'est ainsi que sont décrits (rapidement) l'Université et le métro de Moscou mais aussi les lieux traversés lors de la croisière en Russie et il fait parler d'abondance la guide… Ce qui contribue au suspens et met à rude épreuve les nerfs du lecteur qui attend autre chose de l'histoire. Suspens renforcé par le survol en hélicoptère du groupe de touristes : le lecteur s'attend à un dénouement tragique… qui ne vient pas ! Un indice d'apparence banale est disséminé parcimonieusement mais de façon récurrente tout au long de la nouvelle, accroissant ainsi le mystère du voyage d'Elena, à quoi il faut ajouter la construction non chronologique de la nouvelle… Le coup de théâtre final est alors bienvenu tout en étant une ode brève à "la solitude, la lumière et le vent". Décidément le détective  amateur est un bien piètre enquêteur…

Loupés russes rappelle que Michel Baglin n'est pas seulement poète mais un bon auteur de nouvelles et un amateur de littérature noire…