Michel Dugué, Veille

Etre en état de veille. N’est-ce pas, fondamentalement, le rôle d’un poète ? Michel Dugué regarde la nature qui l’habite, revisite des pans de son enfance, nous dit ce qu’il y a « ici » et maintenant quand il scrute le monde. Le territoire qu’il nous dévoile est aussi, d’une certaine manière, celui de beaucoup d’entre nous. Comment ne pourrait-il pas nous toucher profondément avec son nouveau recueil ?

On connaît les attaches de Michel Dugué (il vit dans la région rennaise) avec les lieux qui lui sont familiers en Bretagne. Il en a notamment fait état dans un livre en prose poétique (Mais il y a la mer, Le Réalgar, 2018) où il évoquait son Trégor-Goëlo intime du côté de Plougrescant. On retrouve ici des couleurs et des intonations qui nous ramènent à cette terre d’élection : le cordon de galets, l’estran, les oiseaux criards, les « mouvements musculeux des vagues », les « éclats d’eau brillante / que se disputent les pies », les « entailles de bleu », « la mer – sa présence le soir / flaque brève aperçue / par le carreau de la chambre ». Michel Dugué ne joue jamais « couleur locale ». Surtout pas ! Ce qu’il veut, à travers toutes ces notations fugitives, c’est élargir la focale, creuser le mystère de ces grèves ou de ces sentiers qu’il arpente sans répit. « Chaque chose travaille à son éternité », écrit-il, lui « installé ici / à demeure, dirait-on ».

Toutes les manifestations de la nature que son œil recueille sont, le plus souvent, pétries de questionnements. « Croire à la rumeur de l’eau / mais non ! Ce serait plutôt / le bruit lointain d’une machine ». On croit entendre Philippe Jaccottet s’interrogeant sur la signification d’un son lointain de cloche (La clarté Notre-Dame, Gallimard, 2020) ou, à la lumière de septembre, se posant la question : « Dans ce nid brumeux de lumière / qu’est-ce qui est couvé, / quel œuf ? » (La seconde semaison, Gallimard, 2004). Loin de la Drôme chère à Jaccottet voyant le brouillard gagner les flancs du Ventoux, Michel Dugué, pérégrinant sur les rivages costarmoricains, peut écrire : « Il y a dans l’air / des écharpes de brume. / On dirait des fumées / après le feu éteint ».

    Michel Dugué, Veille, Folle avoine, 62 pages, 12 euros.

Il y a un autre feu qui couve dans les pages de ce livre, c’est celui de l’enfance. Michel Dugué en rameute des « parcelles ». Visions fugitives, d’abord, comme sorties d’un rêve : « une mare d’eau », « le lavoir », « un vieil outil laissé dans l’herbe », une vieille femme « de noir vêtue avec une coiffe blanche » … Le poète ne cultive pas pour autant une quelconque nostalgie. « Monde d’hier / ce n’était pas un royaume ». Mais dans ce monde d’hier triomphait malgré tout une forme d’innocence. « Est-il possible que cela fut / d’être aussi légers ? », note-t-il. « Nous mêlions tout/éclats de rires et de larmes ». Michel Dugué (il est né en 1946) voit la vie qui défile. « C’était il y a longtemps / sans les mots pour dire / l’étonnement d’être là ».

Présentation de l’auteur

Michel Dugué

Michel Dugué est né à Vannes (Morbihan) en 1946. Après des études de sciences économiques, il travaille dans l’administration de l’éducation nationale qu’il quittera pour l’enseignement. Il est actuellement professeur d’économie au Lycée de Fougères en Ille et Vilaine. Il habite dans la campagne rennaise.

Bibliographie

    • Veille, Folle Avoine, 2022.
    • Mais il y a la mer, Le Réalgar, 20183.
    • Tous les fils dénoués suivi de Nocturnes, Folle avoine, 2014.
    • L'âme du cidre (textes accompagnant des photographies de Pascal Glais), Apogée, 2013.
    • Contrée élémentaire, poèmes, La Porte, 2009.
    • Les alentours, poèmes, Folle Avoine, 2005.
    • Vannes pour mémoire, récit, éditions Apogée, 2004.
    • Le chemin aveugle, récit, éditions Apogée, 2002.
    • Césure, avec des peintures de Françoise Bailly, photographie de Pierre Gaigneux galerie Ombre et lumière, 2001.
    • Éléments, formes, nuages, prose, Dana, 2000.
    • Le jour contemporain, poèmes, Folle Avoine, 1999.
    • Le paysage, prose, Wigwam éditions, 1993.
    • Le salut à l'hôte, poèmes, Folle Avoine, 1989.
    • Un hiver de Bretagne, roman, Ubacs, 1985.
    • Nocturnes, in poésie partagée, poèmes, Folle Avoine, 1984.
    • Une escorte très nue, poèmes, Folle Avoine, 1983.
    • La mer, la mort poèmes, - collection manuscrits - Encres vives, 1975.
    • Métatracas poèmes - collection manuscrits - Encres vives, 1971.
    • Terre vigilante, poèmes, Encres vives, 1969.

Poèmes choisis

Autres lectures

Michel Dugué, Veille

Etre en état de veille. N’est-ce pas, fondamentalement, le rôle d’un poète ? Michel Dugué regarde la nature qui l’habite, revisite des pans de son enfance, nous dit ce qu’il y a « ici » et [...]