Miche Talon, Dans les agates
Avec Dans les agates Michel Talon nous propose un nouveau recueil accompagné de ses propres illustrations (photos, collages…) dans lequel on entre comme dans un grenier : le regard mystérieusement surpris par le bric-à-brac coloré de la couverture où s’entremêlent des visages, la voilure blanche d’une goélette en modèle réduit, un balai, le dos d’un violon, l’avant d’une bicyclette, d’étranges arabesques noires, un énorme livre aux pages tournées par une main invisible, fragments hétéroclites d’une mémoire prête à se distiller au fil des poèmes dans des images aussi inattendues que secrètes car « On a tous l’histoire qu’on ne raconte pas. » écrit l’auteur.
Le poète qui « tire les cartes au désir » tout en sachant que « les roses ne mentent pas » a sur le cœur « quelque chose de gris ». Restent « les mots à réchauffer/chemin de croix des étoiles filantes » mais « maladroit à ouvrir les secrets » il nous livre des bribes énigmatiques, fulgurances poétiques qui affleurent sur la page dans l’isolement des mots « Morsures, brouillard, orties » qui peu à peu se lient à d’autres et se dévoilent dans des vers parcourus de silhouettes de chats, de rouges-gorges, de jeunes filles, de sons de violons, de bruits de trains…
À chaque page, Michel Talon nous donne rendez-vous avec l’insolite : dans la forme, par l’utilisation de points d’interrogation à la fin de phrases affirmatives ou négatives (fausses questions ? Fusion de deux attitudes au sein d’un même vers ?), « Je ne sais qui frappe à la porte ? », dans le fond aussi : quelqu’un s’endort au moindre bruit, le chant est un « silence subtil » …
Michel talon, Dans les agates, Éditions le Citron Gare 2020, 92 pages, 10 euros.
Nous sommes emportés bien au-delà des mots : « Une pizzeria pittoresque gonfle la voilure », « la lune consulte les marabouts pour une sortie honnête », dans un imaginaire empreint parfois d’une douce mélancolie comme ce « point bleu » qui « se laisse mourir », la tristesse du jour où s’incline « une arabesque aux/ épaules vides », ou encore ces bancs du jardin qui vieillissent ensemble. Dans les agates est aussi un livre parcouru de sensualité :
« Rouge/L’amour chair » « Le sucre des silences », « […] Le soleil touche à tout me/ raconte le chuchotement de la fille en jeans qui/ couvre tous les autres bruits. Étincelle », « Soirée sous la lune. Peau libre. »
Nous sommes à Vichy, la ville où vit l’auteur, mais aussi à Paris et à Commentry. Le poète, quant à lui, écrit : « Je ne suis pas là », « Je suis nulle part ». Les lieux se mélangent ainsi que les saisons et la couleur des souvenirs se stratifie comme au cœur des agates, pierres auxquelles l’on prête la vertu d’harmoniser le corps et l’esprit et qui aideraient à la révélation des choses cachées. Perceptions fugitives qui rendent le dérisoire grandiose et les émotions avouables dans l’espace protégé du poème.
Les belles rencontres
défient le feu
enlacent le lointain du regard.
C’est assurément à une bien « belle rencontre » que nous convie l’auteur à travers les poèmes de Dans les agates.