Michelle Hourani, Au bord du ciel, un chemin
Venue de loin
Les fenêtres de la ville se coiffent pour la nuit
Le silence se lève sur la pointe des pieds
Seule, je veille et m'enferme
Dans ton sommeil
Ici, tu oublies tes habits de sang
Les morsures de ton visage
et ce long tunnel
d'où tu es sortie fragile.
Désormais l'obscurité est décapitée
incrédule mais reconnaissante,
Je bois la lumière d'une source de vie
Qui chante fraîche,
debout à travers toi.
La nuit
Un lit entre deux dormeurs
L’aube sur le lit
Le lit près de la fenêtre
La fenêtre sous l’arbre
Un nuage au-dessus de l’arbre
Un songe dans les nuages.
Désespoir
On a brisé la boule du bonheur
Où l’on vivait comme dans un rêve
Une fille aux grands yeux de fée
Etait ensanglantée
Tournée vers les murs sombres de son cœur
Jeunesse défigurée dans un été pâle
Sourires oubliés dans les bras du tressaillement
Que faut-il pour devenir fragile ?
Un brin imperceptible du destin
Qui change de voie
Et s’oriente vers les ténèbres d’à côté
Des sources inquiètes montent en moi
Et j’y trébuche en plein jour
Dans ce sentier exécrable
Où même l’écho est décoloré
On ne nous reconnait plus
Car même nos ombres
Ressemblent à des loups de rancune
Hurlant chacun seul dans la nuit.
Petit bateau
Un bateau en papier
Dort sur le lit d’une rivière
Il pêche
Les songes
En regardant
Les poissons
En forme de nuages.
Violence
Le vent gifla la mer
Qui se souleva, se cambra
Puis s’abattit d’un coup
La vague se pressa et mordit
De ses milliers de dents
Le rocher
Il s'effrita sur la grève
En d'infinis galets
Les sanglots d'un espace lointain
Retentirent sur les rives de l'horizon
Et le temps qui regardait ces instants
Sombres de violence
Pressa la marche morbide du temps
Le soleil coula dans son disque sanguin
La lune épousa sa lumière de froidure
Que les lâches n'ignorent pas la loi des ténèbres
Gravée dans la sentence de nos Destins.
Communion
Le soleil se lève tranquille
Chapeauté d’un nouveau jour
Je le salue
D’un signe de main,
Il me répond à sa façon
Une dernière étoile à disparaitre
Avant le matin,
Clignote timidement
Dans le bleuissement
De mes yeux.
L'accident
Du haut de la vallée
Elle ne vit que sa peur
Elle eut beau hurler
Tout passa telle une lueur
La chute se fit rapide
Mais elle put apercevoir
Derrière la vitre limpide
La mort habillée de noir
Effrayée elle ferma les yeux
Puis lança désespérée
Un cri qui troua les cieux
Déconcertant la mort qui souriait
Quand on la retira d'en bas
On ne vit pas que gisaient là
Deux ailes blanches ensanglantées
Repliées, paisibles de l'avoir sauvée.
Jeunesse d'aujourd'hui
Le visage ganté de confiance
Elle a des répliques de silex
Les mains aux abois
Des orages dans ses rires
De la poussière dans ses rêves
La chair crevée de désillusions
Une ombre gavée de stupéfiants
Et l'ennui meurtri qui
La poursuit de ses griffes.