Nicolas Rouzet, Villa mon rêve

Il vit aujourd’hui à Marseille. Mais c’est un homme du Nord. Nicolas Rouzet revient, dans son livre, sur les secrets familiaux autour de ses années d’enfance du côté de Dunkerque. Tout un univers revit sous sa plume. Il le fait sous forme de fragments, dans une prose (poétique) de belle facture.

Présentant ce livre, l’éditeur souligne qu’il accueille dans sa collection « brèche », « des textes en marge, du roman et de la poésie : récits brefs, nouvelles, proses inclassables, théâtre ». Villa mon rêve, qui donne son titre au livre de Nicolas Rouzet fait à la fois partie de ces « récits brefs » et « proses inclassables » (à forte connotation poétique) qui font l’originalité et la force de certains auteurs. On pense, en Bretagne, à Jacques Josse qui revient inlassablement dans ses écrits sur un terreau familial (et plus largement de voisinage) du côté du Goëlo dans les Côtes d’Armor.

Avec Nicolas Rouzet, on est dans le même type d’écriture mais cette fois sur le littoral de la Mer du Nord (autour d’une « villa mon rêve »), pour nous parler de destins cabossés ou de personnages qui « sortent des clous », à l’image de ce grand-père Guy qui termina sa vie dans une remise, presque aveugle.

 

Nicolas Rouzet, Villa mon rêve, éditions Mazette, 57 pages, 10 euros.

« Il jouait des lieder sur un clavier muet dont il avait peint les touches blanches et noires », raconte l’auteur. « En ces temps-là, dit-il ailleurs, nous avions pour voisin l’ingénieur Wadeck et sa sœur. Trépané, Wadeck avait perdu l’usage de la parole ».

En toile de fond de ce livre, il y a la guerre et ses désastres (« cet été-là, les crevettes énormes buvaient le sang des noyés »), le temps des compromissions ou des engagements, celui de secrets familiaux soigneusement entretenus.  Voilà le pays où l’auteur voit le jour. Pays plat, pays froid, avec les cris des mouettes revenant chaque hiver « avec la même régularité, la même acuité ». Pays portant les lourds stigmates de la guerre. « Dans les jours de mon enfance, nous jouions, je me souviens comme on raclait le bitume, pour extraire de la cour de l’école des cartouches, des munitions sous le sable, sous la terre ». Et quand les petits écoliers trouvaient un tibia il s’en servaient pour faire des « passes d’armes »avant de se le faire confisquer.

Le jeune Nicolas n’arrive pas à « briser la glace de l’étrangeté du monde » dans ces « jours ternes » de son enfance. Un monde s’agite autour de lui dont il ne saisit pas tous les mystères. Des adultes, souvent brinquebalants, se fourvoient dans certaines impasses de la vie amoureuse. Ainsi nous dit-il, à propos de son père, qu’il « rencontra une autre femme au sanatorium. Elle était entièrement paralysée, seul le sourire un peu crispé sur son visage et ses yeux étaient encore mobiles. Il la trouvait très belle… »

Il faut lire Nicolas Rouzet. Sa prose acérée vise juste. Il nous parle de l’humanité comme le fait, à sa manière, le cinéaste Bruno Dumont, un autre homme des rivages austères du nord de la France.

Présentation de l’auteur

Nicolas Rouzet

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