Jean-Denis Bonan, Et que chaque lame me soit un cri

La mer, l’amour dans la poésie de Jean-Denis Bonan

Il y a tant de façon de poétiser : lyrique, ironique, sauvage, vitupérante, etc. Ouvrir le recueil d’un auteur inconnu, c’est déjà le plaisir de découvrir un ton, une personnalité pour ne pas dire un style que l’on ignorait jusque-là. On aimera ou pas mais ce plaisir-là, au moins, aura existé, fût-ce brièvement.

A quoi s’ajoutera, ou pas – car tous les éditeurs ne font pas les mêmes efforts –, le plaisir d’avoir en mains un agréable objet, de tourner les pages d’un beau papier à la typographie élégante et aérée. Jean-Denis Bonan nous offre tous ces plaisirs avec, de surcroît, ce qui est quand même l’essentiel, celui d’être transporté dans un univers de phrases ciselées, souvent incantatoires (« L’oracle avait beuglé son troupeau de mots hébétés »), des figures sans cesse renouvelées et sur lesquelles on souhaite chaque fois s’arrêter.

L’auteur qui a déjà une œuvre derrière lui en tant qu’auteur, en particulier, de documentaires pour la télévision, n’a commencé à montrer sa poésie qu’en 2021 avec un premier recueil, Meutes (éd. Abstractions, 2021). Et que chaque lame soit mon cri est son deuxième recueil publié à l’initiative de l’Institut du Tout-Monde, avec en couverture un tableau de Sylvie Séma-Glissant. 

Comme le remarque Loïc Céry dans sa préface, il y a du Perse chez Bonan ; il lui a d’ailleurs consacré un documentaire dans la série « Un siècle d’écrivains » sur France 3 en 1995. On note encore une certaine parenté avec le poète Edouard Glissant (fondateur de l’Institut du Tout-Monde) auquel il a consacré également un film, Carthage Edouard Glissant (2006). Carthage, c’est la Tunisie d’où Bonan est originaire comme cela transparaît dans certains poèmes.

Jean-Denis Bonan, Et que chaque lame me soit un cri, Paris, Editions de l’Institut du Tout-Monde, 2022, 84 p., 18,50 €.

Bien que le recueil soit divisé en deux parties, « Eaux-fortes » et « Tant aimées », l’eau sera partout présente : « Je dédie ce recueil à la joie des océans, aux larmes des océans, au chant des houles », la mer est son « temple des noces et des adorations ». « Tu étais mon amour, je t’appelais ‘rivage’. Et je fus le mensonge de la mer ». Le charme de la poésie de Bonan tient à son art de jouer avec les tropes : les océans sont joyeux, la houle chante, l’aimée est rivage, lui-même n’est qu’un mensonge.

« Vos baisers sont des navires chargés de révoltes et d’or ». Ici l’image est celle des vaisseaux des conquistadors et de la traite des esclaves. Plus loin, ces mêmes baisers seront « ces grenades qui trouent la nuit » : métaphore doublée de syllepse s’il faut prendre grenade au double sens du fruit et de l’instrument de combat. Ne point trop en dire : « J’ai ligoté le dernier désir au mat du navire » ; c’est à nous de décider si nous voulons voir Ulysse comme la figure de ce désir.

Les images chez Bonan paraissent naturelles tout en échappant au cliché : « la sirène oppressée des brouillards », « les yeux vitre d’eau », « dans le brouillon du paysage, grogne le manuscrit raturé de la mer », etc. De temps en temps un terme un peu plus cru, ajoute une note de trivialité : « la mer ruant dans ses entraves crache de ses naseaux la morve de sa colère » ; « crasse de mer roulant ses déchets ».

« Eau toi, rêveuse qui sur mon front passe tes mains comme sur le visage d’un blessé, dis au troupeau dont tu es la gardienne que je suis un roi sous la tente dont tu as tissé la laine ». Réminiscence de Perse ou, plus proche, de Laurent Gaudé cette phrase qui conclut le poème « A celle qui m’aimait » ? Bonan a plus d’une corde à son arc. Il nous offre même un poème à la mère en alexandrins non rimé mais savamment construit, réminiscence, cette fois des lointains troubadours : quatre quintils, le premier constitué de cinq vers ABCDA, les trois suivants commençant et se terminant successivement par les vers B, C et D du premier.

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Annie Dana, Le deuil du chagrin

Après L’usure du chagrin paru en 2022 chez le même éditeur, en voici le deuil. On pourrait voir dans ce poème le récit d’une résolution, sachant que ce mot comporte deux versants : on dit d’une équation qu’on la résout, on dit aussi qu’on se résout à prendre une décision…

Peut-être s’agit-il dans ce poème des deux acceptions à la fois : c’est quand on se résout à perdre son illusion que l’on résout le problème qu’elle posait. Alors le deuil du chagrin deviendrait possible.

Le chagrin était l’ombre portée d’une joie perdue, fût-elle désirée autant que vécue. En lui la trace d’un bonheur subsistait, en négatif, ce qui était une façon de le faire survivre malgré tout, il a fallu le perdre aussi. 

Il en aura donc fallu
Des deuils
Des ruptures
Des rejets
Pour accepter la vie comme un fleuve

Annie Dana, Le deuil du chagrin, coll. Plis urgents, Rougier V. éd., 2023, 13 €.

 

En ce sens cette résolution par le vide est une libération. Une fois l’illusion déçue, écrit Annie Dana, « se déploie la certitude / qu’aucun destin ne nous entrave ».

 Voilà ce que je tire de mon énigmatique lecture. Car encore une fois, comme souvent avec les poèmes, j’ai le sentiment d’être face à une idiosyncrasie, une langue faite de sous-entendus que seul le poète entendrait :

Nous trichons pour ne pas avouer
Notre histoire devenue sacrilège
Si facile de la délégitimer d’un rire

Si le poète enfouit son dire personnel c’est sans doute pour l’élargir, il ne souhaite pas en rester à ses « petites histoires », on peut le comprendre. Est-ce une pudeur, un penchant pour les secrets ? Pour ma part, j’aurais plutôt tendance à penser qu’il n’y a rien de plus universel que l’intime : les questions que pose Annie Dana sont existentielles, elles impliquent tout lecteur.

Reprenons :

Hier nous avions le cœur
Comme une dent de roue
Entrainée sans fin dans un engrenage
Hier nous ignorions qu’avec la chute du désir
Se dissout l’obstination

Le désir, donc, comme une mécanique qui nous entraîne dans ses rouages, malgré nous. On pourrait voir dans le poème entier le paradoxal éloge de l’aphanisis, que les psychanalystes décrivent comme la disparition du désir sexuel, laquelle serait, plus ou autant qu’une perte, une libération. C’est dire que deux voies mèneraient à l’extase. La  Thérèse  mystique nous  a décrit la voie  positive, cataphatique, à l’extrême de son désir elle débouche sur la joie de l’indifférence, la voilà détachée d’elle-même. Annie Dana nous emmène sur la voie négative, l’apophatique : l’abolition du désir nous ouvre à l’heureuse indifférence du monde.

On se lève un matin avec la foi du charbonnier
C’est au cœur d’un hiver que l’on guette l’été
Le prévisible nous ennuie
Quand l’impossible est accueillant
… ce serait bien mais…
S’il est mortifère
D’aimer trop longtemps sans retour
Et de labourer le champ du refus
Pour mieux l’irriguer d’illusions
Papillon qui virevolte sans fin
Autour de l’ampoule

Il n’empêche :

Mais comment renoncer aux rêves
Qui dictent à l’âme son destin

Nous resterons donc dans cet entre-deux : si le chagrin a disparu nous en porterons néanmoins le deuil, une fois dénouée la mécanique du désir c’est le délice qui nous reste.

Présentation de l’auteur




Irène Dubœuf, Palpable en un baiser

Ces vers d’Irène Dubœuf sont d’une extrême élégance, avec un sens aigu de l’émotion et de la nature, dans une étroite union entre matériel et immatériel :

 

 

En retrait du monde
dans des jours indociles
que rien ne vient éteindre
pas même la nuit
chaque chose se mesure à sa lenteur.

Irène Dubœuf, Palpable en un baiser, Éditions du Cygne, 2023, 60 pages - 10,00 €.

Les trames du sensible et du mental se fondent dans des images fluides, mouvantes et contrastées prenant naissance dans la méditation et le souvenir, dans la thématique de la présence et de l’abandon, de la présence dans l’abandon.

Dans l’oratoire secret
du poème
l’air brûle en silence
pas à pas
j’écris
au plus près de toi.

Sais-tu que la peau des mots
frissonne sous mes doigts ?

La matière même de l’amour, qui apparaît en filigrane, prend une dimension métaphysique : entre visible et invisible, possession et dépossession, être et néant, caractéristique de la tradition littéraire du pays d’appartenance.

Dans nos montagnes
le printemps ne fleurit qu’en été
les jours passent
enveloppant le temps de pétales de roses.

Ici on a passé un pacte avec la terre.
En échange, elle laisse entrevoir
le visage des choses.

À la matérialité de ce qui est terrestre vient s’unir le souffle ardant du silence, comme un renouveau rilkien, des choses et de l’humain au sein même des images. De même apparaît clairement l’usage des temporalités, lesquelles, dans leur stratification, confèrent un caractère d’absolu à la pérennité des affects, une pérennité qui prend vie dans la dimension charnelle de l’image, écho, comme chez Hölderlin et chez Rilke, de la poésie comme un « dire-vrai » et le fondement de la réalité, s’opposant à la stérilité du snobisme et des on-dit. Et enfin "Vivre" :

Substantiel, le rêve,
diaphane et léger comme la brume
au bord des fleuves
dans les mains de l’hiver,
car rêver
c’est vivre sans rien posséder
aimer
dans la clameur du silence.

 

Traduction de l’italien par Irène Dubœuf.

Présentation de l’auteur




Eric Dubois, Paris est une histoire d’amour suivi de Le complexe de l’écrivain

Paris est une histoire d’amour 

Il s’agit ici d’un livre idéal pour le lecteur en panne ; il est composé en effet de chapitres brefs et vivants qui encouragent à tourner les pages. L’obsession du narrateur à retrouver une jeune fille, appelée Milena comme la fiancée de Kafka et rencontrée dans un café, est tout de suite mimée par un style haletant. Le récit lui-même se construit d’emblée à l’aide d’idées-chocs, de clichés amoureux et attachants :

J’étais sidéré par sa beauté, à la fois figée comme une statue et en mouvements par la chorégraphie spontanée et naturelle de ses gestes. 

A l’aide aussi de quelques repères autobiographiques parisiens :

C’était au début des années 60, après ses trois ans obligatoires sous les drapeaux en Algérie, il ne voulait plus continuer à vivre dans sa Normandie natale, auprès de sa mère veuve mais se rapprocher de sa grande sœur mariée qui occupait une loge de concierge rue du Faubourg Montmartre au numéro 5. 

Eric Dubois, Paris est une histoire d’amour suivi de Le complexe de l’écrivain, éditions Unicité, 2022, 13 €.

L’histoire donc du père du narrateur est éponyme du titre puisque c’est à Paris qu’il a connu une grande histoire d’amour en épousant sa mère.

On  avance dans la lecture en apprenant que l’attente est scandée par des coups de fil à son ami Hervé et par ses promenades dans la Ville lumière où il se « passe toujours quelque chose ».

Cette constatation et l’histoire familiale rendent ainsi tous les espoirs possibles même si, alors que l’expression s’alourdit, avoir cinquante ans semble un obstacle au bonheur. Notre homme veut cependant écouter les conseils de sa voisine de palier qui lui parle de l’urgence « de bien vivre ».

Le chapitre 7 présente bel et bien un moment d’acmé si on se souvient qu’Eric Dubois est aussi poète et souvent expert en pépites comme dans ce paragraphe :

Il y a de faux plafonds à l’âme humaine. Un désir ardent et impétueux d’atteindre le ciel. Pour ma gouverne, je n’étais pas loin du but. Milena était un ange accessible, parce que composé de chair et de sang. 

Nous l’accompagnons dans sa quête amoureuse, épousant  les strates de son expérience et de son caractère, et dans la hâte de voir arriver la conclusion souhaitée.

Mais les dernières séquences se jouent, semble-t-il, entre rêve et réalité dans « Paris, ivre de la folie des mondes. » où seul l’amour permettrait de lutter contre l’ennui si la clef finalement n’était pas la folie.

Eric Dubois est passé maître, on l’a cité plus haut, dans l’étude de l’âme mais aussi de l’esprit des hommes et la fin de l’opus est un modèle du genre.

 

Présentation de l’auteur




Antoine Simon, Rien du Tout

Le rien dont il s’agit ici n’est pas le rien du tout, mais celui du Tout, le Tout qui n’étant rien peut tout être. Antoine Simon nous emmène dans une promenade à pas de mots dans son univers tout d’identification à l’autre et de jouissance de l’instant, loin des constructions factices de l’esprit.

Car le poète marche comme il écrit, écrit comme il marche, fait à tout instant jaillir le monde des mots et des pas qu’il imprime à la terre, qui est aussi celle du poème : « La poésie monte en toi / par les pieds / à chaque pas son mot / la poésie vient de la terre à chaque pas / la poésie te pulse / t’investit dans sa danse ». L’esprit du recueil est posé dès les premières pages : « les arbres sont pressés / se tiennent par les branches / comme pour une fête / où tout est réuni / le soleil lui aussi / projette ses rayons / comme des étamines / toutes les abeilles du monde / se sentent la reine aujourd’hui / toute fleur et tout fruit s’engage / dans cette marche lente et pleine de vigueur / c’est ta respiration qui fait surgir le monde / rien n’existait avant ton premier mouvement ». Partout, l’idée que lorsqu’il y a tout, il n’y a rien, l’un, peut-être, pure possibilité de l’autre : « il y a tout il n’y a rien et les extrêmes se ressemblent ». Le monde coule paisible, le chemin parcouru chaque jour n’est jamais le même, chaque jour à la fois semblable et différent, toute chose autour de soi se relie au monde et s’offre : « le canal pendant ce temps poursuit / son bruissement tranquille / comme s’il fabriquait une île / loin des vastes effarements / le ciel tend les bras vers la terre / tous deux se donnent sans limite ». Marchant sur la terre, convoquant de sa marche pas et mots, le poète se met en quête du poème - c’est le poète ici qui se laisse écrire par le poème - : « et tu le guettes le poème / voilà qu’il t’apparaît / parfois tu le laisses passer / tu ne fus pas assez rapide // d’autres fois il s’expose un peu / comme victime expiatoire / te laisse pénétrer ses mots / sans opposer de résistance / délivrer son message clair / comme le chant de la rivière / ou le hennissement des feuilles / qui se cabrent au vent d’hiver ».

Antoine Simon, Rien du Tout, La rumeur libre, 2021, 83 pages, 15 €.

Le poète se fait marcheur immobile : « l’espace avec toi se déplace / rien ne s’amasse sous tes pas / sinon des effusions verbales ». Tout se passe dans l’instant, les mots sont à la fois le chemin et le but : « les mots et les pas mènent au même endroit / c’est toujours là que tu te trouves / ce lieu chaque fois différent », « maintenant tu te reposes / entre les branches du vent / chaque vague de l’espace / métaphorise le temps // une fois de plus à renaître / sans avoir rien à connaître / tout est offert au regard // tu sais chaque instant du monde / son autonomie première / sa vanité primordiale / Son importance inutile ». Chemin à la vocation initiatique, dont il nous est suggéré qu’il n’est pas une fin en soi, mais une étape vers une liberté à conquérir :

Un chemin de mots sous tes pieds
tu marches sur la langue
une langue inconnue de racines qui t’interpelle
avec patience et véhémence
tu marches tu l’ignores
comme sans importance
comme si ceci n’avait rien à te dire
dans ses gestes d’espoir

tu marches sur des pieds qui t’attestent le corps
qui te ficellent dans l’incommunicable
rien de tout ça n’a d’importance aux yeux de ton regard
tu sauras voler de tes propres ailes
quand tu auras su déchiffrer
tout ce qui se fomente
dans l’interstice de tes pas

Les mots, paradoxalement pour le performeur de la parole poétique qu’est Antoine Simon, dont il dit de lui-même qu’« il préfère le public à la publication », c’est le moins possible qu’il faut en dire : « Marcher sur la pointe des pieds / pour ne pas déranger / l’ordre de l’univers // parler le moins possible / pour ne pas rajouter / les froissements de langue ». Parler, mais en silence, comme on marche, parler du seul rythme de son pas : « Marcher surtout ne pas / chercher les mots / tu as trop pris l’habitude de sonner les mots en marchant / tu pars avec l’idée préconçue d’utiliser les mots / dans la marche mais non / ne pas chercher les mots / les laisser venir / les laisser s’emparer de la marche / ce n’est pas toi qui marches ce sont les mots les phrases », laisser seulement parler les mots : « les seuls mots que tu veux garder / sont ceux qui viennent sans penser / les mots directs du fond de l’être / … / de cette profondeur de l’être / où l’être n’est pas singulier / identifié / séparé ». C’est précisément dans ce processus d’écoute directe, à la source même de l’être collectif, en amont de tout savoir, que l’instant saura se faire commencement d’autre chose : « Tu marches sans savoir ce que font tes pieds // tu écris sans savoir ce que disent les mots // tu ne sais rien mais par ce non-savoir / tu arrives toujours quelque part », « car le non savoir c’est là que tout se produit / tout ce que tu sais est ancien n’a plus aucune valeur / c’est dans le non savoir que se fomentent les découvertes / comme dans le seul instant vivant qui est chaque fois le début du monde / le début du temps ». Du chemin de mots que nous foulons de nos pas, le poète écrit qu’il est pur scintillement de l’être véritable :

Le chemin n’est pas le chemin
il est le chemin par lequel le chemin arrive
du chemin matériel à l’autre il n’y a que le pas que tu veux bien franchir
le chemin n’est pas un chemin mais il commence à l’état d’ouverture
c’est un chemin en étoile
tout chemin véritable est une étoile qui scintille
sans condition
ton interrogation viscérale sur l’être ne répondra jamais de façon satisfaisante
l’être est une évidence qui ne souffre aucune démonstration
ce n’est pas la pensée qui fait l’être c’est le scintillement de l’étoile

Être ouvert à l’autre, communiquer l’incommunicable, voilà bien le thème fondamental du livre. Savoir que cet autre qu’on croise n’est que reflet de soi-même, apprendre à connaître l’autre pour se reconnaître soi-même : « Quand je regarde l’autre / et que je le vois différent de moi-même / c’est que mon regard n’a pas pu percer n’a pas su percer / la vérité des choses ». Savoir que l’essentiel ne peut se dire par les mots, « incapables qu’ils sont de s’ouvrir / sur le tout », car « quand tu veux noter l’essentiel / les mots tournent en périphrases / ils ne sont jamais faits pour ça / métaphores de métaphores / l’abyme les abîme ». Offrir les mots, en laisser la libre disposition à celui qui les reçoit, le performeur ici parle : « tu es une machine à produire des mots / incantatoires / des mots gilets de sauvetage / à chacun de s’en revêtir / de s’en parer pour les uns / de s’en rêver pour les autres / de s’en être pour les derniers / dans le seul ordre de la phrase / car les mots ne veulent rien dire / ils sont leur propre consentement ». Ne pas chercher le partage avec l’autre dans les mots eux-mêmes, mais plutôt dans le silence (la résonance du cri libérant les mots ?) : « Quand tu dis “c’est beau !” / c’est pour partager / mais cette beauté partagée / se divise se dérobe / tu la perds // quand tu ne dis rien / c’est que tu es seul / c’est que tous les autres / sont avec toi / sont en toi / c’est que tu n’as pas besoin / d’exprimer / c’est que / c’est ». Silence donc pour exprimer l’être, cet être collectif enclos dans la solitude du moi profond, accord dans le silence avec cet autre qui est aussi nous-même. L’amour, peut-être un temps négligé, ultime attribut qui tient ensemble tous les autres : « Il ne manquait plus rien / ou plutôt presque rien / qu’une petite chose / singulière oubliée / que tu ne voyais pas / que tu ne touchais pas / que tu ne sentais pas / que tu n’entendais pas / que tu pensais futile / provisoire inutile / qui s’avéra pourtant / être / plus importante / que tout le reste / être / le ciment de tout le reste / qui permet de faire tenir / ensemble l’ordre et le chaos / être / le ciment de l’être / l’amour ». Et voici qu’enfin le poète, ayant su déchiffrer « tout ce qui se fomente / dans l’interstice de [ses] pas », peut renaître et prendre son envol :

bientôt tu connaitras ta langue
et tu perdras ce parler d’homme
forgé sur les définitifs

l’avenir est une aile ardente
Phénix amoureux de sa flamme

venu du plus profond passé
l’avenir danse dans tes pieds

Une poésie simple et lumineuse pour dire la liberté d’aller et faire résonner pas et mots du bonheur de l’instant réinventé.




Alain Dantinne, Chemins de nulle part

Alain Dantinne n’en finit pas de voyager. Il s’aventure dans ce nouveau recueil en des contrées toujours plus intérieures, à la recherche du silence et de la solitude. Et c’est la poésie qui le conduit sur ces chemins, bordés des effrayants abîmes de ce siècle, qui ne sont pas sans rappeler ceux du sulfureux Heidegger, lesquels, on le sait, ne menaient nulle part. L’époque a des relents de fin de règne.

La civilisation est un jeu de dupes, une montagne qui, au final, a accouché d’une souris. Les idéaux humanistes ont fait long feu et les étendards du désenchantement flottent sur les décombres d’un monde peut-être perdu pour lui-même. Beaucoup de remous font tanguer les être et les choses. L’inspiration du poète, aussi, dans une démarche volontiers ontologique, dont la feuille de route se propose de toucher au mystère / de l’être même / sa déchirure. L’agitation de l’époque, les ravages du temps qui emporte tout, les amours déçues, éphémères, les amitiés fauchées par la mort, tout cela donne du sens à la démarche poétique d’Alain Dantinne, laquelle tend de plus en plus vers une vérité primordiale, essentielle, définitive, d’où tout émane et tout retourne, dans le mouvement irrépressible de la vie. Et oui, sans doute, là est toute l’errance du poème. Un nomadisme intérieur et perpétuel, qui ne dépend de rien ni de personne. Un souffle qui nous précède et nous suit, sur quoi il convient d’accorder son verbe. Le poème est langage, il reformule et recrée, tout en n’étant dupe de rien. Il est un véhicule pour atteindre l’ineffable et cibler le cœur de la vérité : la langue, oui / comme parole / comme présence à soi. Trouver le lieu et la formule, en quelque sorte, et accomplir la prophétie de L’Homme aux semelles de vent. D’autres voix s’unissent pour jeter quelque clarté dans la pénombre de la poésie : celles de Mathieu Riboulet, Volker Braun, Johannes Kühn, Reiner Kunze et même Léonard Cohen. Toutes participent à leur endroit à la construction de l’édifice en assurant les fondations d’une écriture vouée depuis des décennies à la liberté intérieure. Alain Dantinne signe ici une étape fondamentale de son périple personnel dont l’empathie pour l’Homme et son destin tourmenté n’est plus à démontrer.

Alain Dantinne, Chemins de nulle part, peintures de Jean Morette, éditions L’Herbe qui tremble, 2023, 124 p, 17 €.

Écoutons donc sa parole monter du crépuscule, où se fondent toutes les nuances sensibles de la vie telle qu’elle est, avec ce qu’il faut de nostalgie assumée et d’inquiétude consciente d’elle-même. Vers la lumière. Plus près, toujours plus près, escortée des œuvres richement dépouillées d’un Jean Morette au sommet de son art.




Germain Roesz, La collerette était rouge

Germain Roesz est plasticien, il sait donner du corps à la langue ; ici égrenée sous forme de distiques dans un format à l’italienne, 6 centimètres de haut, 20 de large, que l’on feuillette et c’est comme un kaléidoscope. Soit le récit d’une agonie à peine suggérée.

Ce qui en est dit :

La main tremble
Dans la main qui tremble

L’un s’en va, l’autre ne sait plus s’il a froid, faim…

Je vois flou
Ce sont tes larmes

Germain Roesz, La collerette était rouge, coll. Bas de page, éd. Les Lieux-Dits, 50 pages, 6 €.

La confusion est une fusion. L’un s’en va, l’autre ne sait plus où il en est… L’ensemble énoncé avec pudeur : cette intimité a une valeur universelle. La mort d’un proche a pour effet de nous décaper, ne subsistent que les mots clés, juste le nécessaire ; sauf à jouer les pleureuses, les pleureurs, ce n’est pas le genre de Germain Roesz, qui connaît une curieuse inversion des rôles :

La main tient les barreaux
D’un berceau de vieillard

En position de soignant, même si nous sommes cantonnés au rôle d’un accompagnateur impuissant, nous nous retrouvons en position parentale. Est-ce nous, redevenus petit enfant, qui partons avec lui ? Sans doute quelque chose de nous s’évanouit avec lui. Déjà, nous ne sommes plus dans son regard. Et puis…

Je caresse la joue
chaude encore

Le lecteur n’a pas à redouter un texte triste, qui mettrait le bourdon. Nous sommes au-delà de ça…

Présentation de l’auteur




Cécile A.Holdban, Toutes ces choses qui font craquer la nuit

  L’art du bref. Cécile A.Holdban nous le démontre à nouveau en publiant pas moins de 208 haîkus et tercets qu’elle accompagne de ses propres peintures. L’artiste et poète fait état, dans ce nouveau livre, du fruit de ses travaux lors d’une résidence littéraire et artistique en Ardèche.

Cécile A.Holdban a plusieurs cordes à son arc. Poète, peintre, traductrice (hongrois, anglais…), elle « écripeint », comme elle le dit elle-même, dans des livres ou des revues. A propos d’un de ses premiers recueils (Un nid dans les ronces, La Part Commune), on avait noté « la tendresse vigilante qu’elle portait aux paysages et à ceux qu’elle porte en elle ».

 Nous voici, à nouveau, de plain-pied dans cette approche sensorielle du monde. Cécile A.Holdban empoigne le réel avec à la fois l’exigence et la simplicité qui sied aux poètes authentiques. Ce réel, c’est d’abord une nature dans laquelle elle plonge sans retenue. Fidèle en cela aux principes fondateurs du haïku, elle touche du doigt le monde qui vit autour d’elle en jetant son dévolu sur tout ce qui bouge au bord du chemin, souvent le plus insignifiant. « Une joie discrète/savoir nommer/les herbes du sentier », écrit-elle. « Jour après jour/je vois s’arrondir/la pomme reinette ».

Attentive à ces instants de déambulation vécus dans la campagne ardéchoise, elle peut aussi écrire : « Depuis le vieux pont/jusqu’à la chèvrerie/la piste des crottes ». Car Cécile A.Holdban n’écrit pas de n’importe où. Son texte porte la marque du terroir qui l’accueille. Voici, sous sa plume, les châtaigniers, les cèpes et les girolles, le chêne-vert ou la marjolaine. « Aube violette/trois prunes blettes/sur le chemin ». Et que dire de tous ces oiseaux qui lui tiennent compagnie, qu’elle nomme ou qu’elle peint avec gourmandise. Pic-épeiche, Rouge-queue, sittelle, geai, buse : ils traversent ses pages d’un coup d’aile et ses haïkus en gardent la trace. « Le toc-toc du pivert/m’offre les portes/d’un pays d’arbres »

Cécile A.Holdban, Toutes ces choses qui font craquer la nuit, Exopotamie Editions, 105 pages, 17 euros.

Du haïku on peut même glisser en douceur vers la pensée ou l’aphorisme. « Prendre ce qui vient/laisser le reste au vent/vivre comme un arbre ». Et sans doute penchée sur ces ruisseaux qui irriguent les collines ardéchoises, elle écrit : « Les souvenirs ricochent/plus longuement que les galets », tandis qu’à la fin d’une journée qu’on imagine riche en cueillettes de toutes sortes, elle écrit ces mots à haute valeur émotionnelle : « Dans un bouquet/l’enfance de ma mère/et celle de mes enfants ».  De bout en bout, on sent l’artiste-peintre qu’elle est s’efforcer de  rester fidèle à ce que ses yeux ont vu. « Chercher longtemps/la nuance exacte/de l’ombre d’un pétale ». Ce  souci de la justesse et de l’exactitude qui la caractérise.

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Marc Alyn, Forêts domaniales de la mémoire

Marc Alyn rêvait jeune « d’une poésie verticale, toujours en marche ». Son vœu est exaucé. Qui mieux que les forêts peut rendre compte des « ressources infinies du Temps » ? Surtout lorsque, « domaniales », leur titre de propriété appartient à tout le monde ?

Comme le suggèrent le titre du livre et ses trois mouvements : « Forêts voyageuses », « Avant-postes de la mémoire » et « Marcheur des aubes violettes », il s’agit pour le poète de vivre le temps sous toutes ses dimensions, dont celle de l’espace, la mémoire étant perçue conjointement comme une marche dans le Temps et comme une vastitude à explorer, verticales et horizontales d’un même arbre.

Les forêts nous ressemblent, aussi voyageuses que nous. Les arbres « marchent » « en route vers les confins ». Ce compagnonnage dynamique a valeur d’interrogation sur ce que nous faisons au temps et sur ce qu’il fait de nous. Le traverse-t-on comme une forêt ou se laisse-t-on traverser par lui ? Que nous laisse-t-il et que lui laissons-nous ?

L’arbre, décrit comme un « inlassable pérégrin » porteur de « l’écriture initiale », est l’intercesseur qui conduit le « rêveur des sous-bois » à « la porte du temps ». Grâce à lui, le poète partage l’expérience physique et métaphysique de la « Durée » tout en vivant la forêt comme une géographie mentale, une « demeure onirique ». Les forêts, l’arbre, « orphique labyrinthe », assurent le passage vers d’autres espaces, ceux de « l’Image », de la pleine vision qui ramène à la vie, tel un phénix « monarque des braises ». Cette métaphore revient à plusieurs reprises dans le recueil, symbole du désir ardent. L’oiseau de feu, pour peu que sa flamme soit pure et non incendiaire à l’instar du vaniteux Érostrate destructeur du temple d’Artémis, offre une « seconde enfance », dans une sorte de résurrection permanente où se retrouvent paysages et êtres familiers.

Marc Alyn, Forêts domaniales de la mémoire, La rumeur libre, mai 2023, 136 pages, 17 euros.

Le poète, au contact des forêts, redevient l’enfant qu’il était, avide de mystère, émerveillé par le « cœur fertile de la rose ».  « Je suis arbre », écrit-il. C’est donc un retour aux origines, les siennes, mais aussi à celles, immémoriales, du monde qu’il nous donne à vivre. Les « siècles effarés » se mêlent aux paysages aimés, vignes et oliviers, ceux des Crémats, non loin d’Uzès où vécut longtemps Marc Alyn. (Le lecteur averti de sa vie et de son œuvre reconnaîtra aisément les lieux et événements évoqués.) Et c’est au tour du poète de s’interroger sur son propre temps sous l’écorce.

Le poète est un être toujours « entre deux éveils ». « Entaille irrécusable », il est biface sur son « entre-seuil », tel le dieu Janus, appartenant à deux temps, deux lieux, cet « outre-ciel » commun à tous. Canopées entrelacées, le présent peut se conjuguer au passé et la mémoire aux « battements ressuscités du cœur cosmique ». Car, au fil de la marche, le temps, présent, passé, nomadise au cœur des « branches inextricables des réminiscences » : âges, pays, paysages, expériences fondatrices, mirages, incandescences, illuminations, quête d’absolu, alphabets, signes, écriture… associés dans une sorte d’« incipit de l’éternité ». Le futur est convoqué lui aussi, comme interrogé à rebours par le « passeur des songes à venir », car tout s’inverse sur les chemins de la Mémoire, dans une remontée à la source. Le temps et l’espace se tricotent dans tous les sens : avant/après, haut/bas, dessus/dessous, ici/ailleurs, visible/invisible, la conscience poétique voyage à sa guise « par la fenêtre du rapide ».

On retrouve dans ces 96 poèmes ce qui fait la singularité de l’écriture de Marc Alyn. Déjà on dénombre dans les trois sections 30, 36 et 30 poèmes. Le lecteur pourra s’amuser à interpréter ces nombres selon la symbolique qui lui convient, la lecture étant magie elle aussi. La pensée ésotérique, chère à l’auteur, « bête et ange à la fois », est très présente car le « soleil alchimiste » garde ses entrées dans la « Chambre verte des voyances ». Le mot « prophéties », si on y songe, ne contient-il pas le mot « poésie » ?

Si les poèmes s’offrent sur la page de façon verticale et aérée, chacun, à l’image d’un arbre, brille avec densité et éclat. L’écriture, précieuse et diamantée, est sculptée avec précision. « Affranchi(e) du carcan des lexiques », elle possède ses luxuriances et ses ruptures de ton, ses écarts d’humour : « les morts bruts/de décoffrage/ne savaient sur quel pied danser ». Elle s’amuse à détourner les mots : « pèlerin aux pieds nus/s’acheminant vers le temple d’Encore», à associer le dissemblable : « Le Temps casseur d’assiettes / et de tours de Babel ». La liberté est grande entre la flamboyance des « vocables irradiés » à même la forge et les espiègleries de l’autodérision. L’enfantine fantaisie miroite, soleilleuse, entre les feuilles.

Le poète, qui est un érudit, allie dans ses vers les mythologies égyptienne, celtique, gréco-romaine, judaïque, chrétienne jusqu’au tarot divinatoire, tant tout fait sens dans la « chambre de l’imaginaire », du signe cabalistique dûment codifié au bec de l’oiseau frappant au carreau. Renaissant chaque fois à lui-même, ce « Veilleur / du Temps circulaire » voyage dans toutes les cosmogonies, depuis la Terre jusqu’aux lointaines galaxies, accordé à la grande roue de l’Univers. On s’avance avec lui dans la forêt des symboles, des légendes, des époques, le regard à hauteur de ramures, d’horizons et d’astres. Nombreux sont ses « mots de passe ». Nombreux ses entrelacs de sens, tours et détours, qui se donnent ou se dérobent au fur et à mesure qu’on pérégrine avec lui.

« À pas de racines et d’aubiers », c’est toute l’histoire humaine qui se met en marche en cercles concentriques sous les semelles du poète, le cœur des arbres rejoignant à des années-lumière, comme dans une sorte de dendrochronologie cosmique, les « vents stellaires », et les « collisions astrales ».

La poésie de Marc Alyn est une poésie de haut lignage à souffle d’épopée (on remarquera l’emploi fréquent de majuscules). Elle s’efforce depuis ses débuts « de soigner le temps par l’espace » afin de « se rencontrer ailleurs sous d’autres traits, faute de réussir à se perdre » (Revue Phœnix n° 1, janvier 2011).

Et c’est assez, pour le poète, d’entrer dans la Mémoire des forêts.

∗∗∗

Extrait 

Ai-je vraiment vécu
ou fus-je une fumée
entre les doigts du scribe,
cendre et semence
dans le vent ?

Sans cesse
obstinément
j’ai fait choix du non-être
pour m’approprier
le chant d’un merle de passage
ou d’un rai de soleil.

Aussi préférais-je me tenir immobile
dans la Mansarde natale de la Mémoire
où un poste à galène
m’informait du changement d’adresse
de Dieu.

(Page 84, in Avant-postes de la mémoire)

Présentation de l’auteur




Colette Wittorski, Ephéméride

Elle vit aujourd’hui en Ephad dans le Centre-Bretagne et publie un recueil sous le titre Ephéméride. Colette Wittorski (96 ans) parle de son grand âge, de tout ce qui l’anime ou l’agite, en une série de poèmes courts écrits au cours des trois dernières années.

Dans un précédent livre, L’immensité des liens (L’Harmattan, 2020) Colette Wittorski parlait déjà du « couteau des heures » qui « accomplit son office ». Mais, en dépit de tout, elle persistait à habiter la vie intensément (« Si bref est l’instant, hâte-toi ») et pouvait même affirmer que « décliner n’est pas mourir ».  Trois ans après, on retrouve cette tonalité dans les mots d’une « vieille femme qui ne veut pas mourir » et se dit, pourtant, « réduite à l’inventaire de l’instant ». Lucide de bout en bout, elle fait aussi ce terrible aveu : « Je suis une plante en pot/restreinte/j’ai besoin d’être arrosée ». Mais avec un brin de malice, elle ajoute : « Je choisis mes jardiniers ». On saluera cette lucidité et cette capacité de prise de distance avec l’état de vieillesse qui est le sien.

Colette Wittorski n’est pas dupe. Il y a « la grande paix des bruits » qu’elle n’entend plus et cette solitude qui fait d’elle une « guetteuse de riens ». Evoquant son « âme encapuchonnée » et « le bois vermoulu » de sa mémoire, elle nous offre, dans le grand âge, des petites pépites poétiques arrachées à la chair de sa vie, tout en continuant à entretenir une profonde complicité avec la nature. Elle salue le vieil arbre qui lui offre ses pommes et la voilà « penchée pour les ramasser ».D’autres arbres, entrevus sur le talus, elle en parle ailleurs comme des « danseurs bien accordés » qui « se tiennent par les branches ».

Au cœur de ce « bord à bord mouvant », dans cette  vieillesse qu’elle assume, demeure, indestructible, le sentiment fugitif d’exister encore, malgré tout, pleinement. « Du silence et de la solitude/parfois surgit la joie// une source entre deux pierres/dont soudain j’entends la voix ». Sa capacité d’émerveillement demeure intacte. « Splendeur !/ la lande est tachée par le sang des bruyères/criant leur déchirure ».

Colette Wittorski,  Ephéméride, L’Harmattan, 78 pages, 12 euros.

Quand à l’au-delà, elle pose la question du droit d’accès. « Serons-nous dans l’autre monde/des émigrés de la terre/dont les anges et les déjà morts se méfient/comme nous le faisons avec ceux d’ici ». Et, la lisant, l’on pense aux mots de de Léo Ferré : « Poète, vos papiers ! ».

Présentation de l’auteur