Paul Guillon, La couleur pure
De la poésie de Paul Guillon, on appréciera surtout la « disponibilité au présent » comme l’avait déjà dit Jean-Pierre Lemaire en préfaçant La vie cachée, un de ses précédents recueils. La couleur pure est fait de la même encre. Ce recueil dit les jours et les heures dans leur simplicité. Mais toujours sous le signe d’une forme d’émerveillement.
Qu’il nous entraîne sur ses pas dans la contemplation de peintures italiennes ou qu’il nous parle de la vie de ses jeunes enfants, Paul Guillon dresse avant tout des tableaux. Précisément à la manière des plus grands artistes. C’est par exemple le cas quand il saisit cette femme qui allaite son enfant « sur cette plage publique minuscule » ou quand il fait le constat que « ce qui subsiste du bleu / s’est rassemblé dans le balancement vaporeux des glycines ». Il y a aussi ce véritable tableau de genre à Venise quand il voit le vaporetto des touristes croiser une vedette-corbillard.
Cette « vie cachée » dont Paul Guillon nous avait parlé dans son premier recueil chez Ad Solem en 2007, resurgit à nouveau au fil des pages. Elle prend avant tout les couleurs de l’enfance quand le poète nous parle avec tant de douceur et de justesse du « premier âge » de ses propres enfants.
Ce qui se manifeste avec acuité, c’est l’attention particulière du père à l’apparition des premiers mots sur leurs lèvres.
Paul Guillon, La Couleur pure,
Ad Solem, 87 pages, 14,90 euros.
« Tu es à ce moment dont parle tout poème / où tu devines notre langage / où tu nous parles sans parole », note le papa énamouré. « Tu répètes à l’envi / la fin de tous nos mots ». Et puis, un jour, les premiers mots surgissent : « é-mé, é-mé » devant la mer que l’enfant désigne par ces mots ou, sortant plus tard de l’école maternelle les doigts tachés de couleurs : « J’ai peindé, papa ».
Plus loin, l’évocation de Maud, «effondrée brusquement » à l’âge de huit ans, ravive des plaies encore bien ouvertes. « Elle a laissé en moi ce silence / d’où surgit la poésie ». Mais la vie (cachée) continue envers et malgré tout. « Avec mon fils de trois ans / je démine lentement la plage / de ses palourdes et de ses coques ».
Paul Guillon qui se laisse « visiter » par des textes bibliques (la Visitation, l’Annonciation…), nous dit l’urgence de vivre en dépit des ébranlements intimes qu’elle peut provoquer. Et de ce vieux poète qu’il « visite » sur son lit d’hôpital, il peut dire : « Il ne peut plus écrire / et c’est pour cela que le poème / est enfin là ».