Paul Verlaine, Nos Ardennes

Voici un Verlaine inédit dans la peau d’un « excursionniste », comme il le dit lui-même, et qui ressemble fort, pour l’occasion, à un guide de tourisme. Le poète nous dit son amour des Ardennes qui, à ses yeux, « présentent à l’observateur ou même au simple touriste toutes les qualités et toutes les richesses de la terre et de l’âme françaises ». Il l’affirme dans une série de six articles publiés en 1882 et 1883 dans Le Courrier des Ardennes et aujourd’hui réédités.

 

On sait ce qui lie le Lorrain Paul Verlaine (né à Metz en 1844) au massif des Ardennes. Il y a, avant tout, son aventure orageuse avec l’Ardennais Rimbaud originaire de Charleville. Mais on sait moins que son père était originaire des Ardennes belges. C’est là que le jeune Verlaine passa souvent, chez une tante, des vacances d’été. Puis il y eut son emploi de répétiteur dans un collège de Rethel où il se prit d’affection pour un élève originaire de Juniville. C’est dans cette commune qu’il résida de 1880 à 1882 et entreprit la rédaction d’articles pour Le Courrier des Ardennes.

Verlaine nous entraîne dans les pays de Rethel et de Vouziers. Et, bien sûr, il nous parle longuement de Juniville « avec sa rivière bien nommée (La Retourne) qui l’enveloppe de ses mille replis et son bois de peupliers pleins de ruisselets, d’air pur et de doux ramages ». Il le reconnaît : « Je me suis étendu un peu sans doute sur Juniville mais j’y ai longtemps vécu, y laissant les bribes de ma destinée, et j’éprouve un mélancolique plaisir à en parler trop ».

Le poète excursionniste nous raconte ses Ardennes par monts et par vaux. Des localités qui fleurent bon le terroir s’illuminent sous sa plume : Tagnon, Neuflize, Alincourt, Bignicourt, le Mesnil-Annelle, Perthes, Sorbon… Il a un mot pour chacune. Ici une « église de craie », là un « village de pure culture », Ailleurs « des toits rouges et noirs », plus loin « un clocher illustre et des cheminées pittoresques »…

Paul Verlaine, Nos Ardennes, La Part Commune, 50 pages, 6,50 euros.

Parfois (rarement),  il se désole en parcourant, dans le Vouzinois, une campagne « bien plate, bien laide, disons-le, quoi ? Pas un arbre ». Verlaine est à l’affût. Il peut se désoler mais il contemple avant tout. Les sens en éveil. La vue, mais aussi l’ouïe. Ainsi est-il particulièrement sensible aux parlers locaux. « Au Châtelet et à Juniville, par exemple, le français, suffisamment correct, traîne à la normande (…) Et dès Coulommes commencent les patois, légers encore, pour se renforcer de lieue en lieue vers le Nord et l’Ouest ».Rejoignant Attigny, il note « la joliesse de parler paysan de ce coin des Ardennes ».

Ainsi va Verlaine, devenu apprenti linguiste ou ethnologue, nous racontant le pèlerinage de saint Méen dans la même commune d’Attigny ou encore « le petit chemin de fer de Vouziers ». Les stigmates de la guerre de 1870 – il le note - sont encore présents sur place. Le voici à Voncq, un « village pillé par les Prussiens », puis à Chestres « brûlé, lui, terriblement (…) par ces féroces Bavarois ». Plus loin, il parle même de ces « laides têtes carrées où n’entraient ni le respect des vaincus, ni celui d’eux-mêmes ». Honte, donc, à ceux qui ont voulu défigurer ses Ardennes, « microcosme français », « heureux résumé de la patrie ». C’est ce pays que chantera aussi plus tard, dans son livre Lointaines Ardennes (éditions Arthaud), l’écrivain et poète André Dhôtel, né dans cette commune d’Attigny où s’était attardé Paul Verlaine.

Présentation de l’auteur

Paul Verlaine

Paul Verlaine est un écrivain et poète français né le 30 mars 1844 à Metz (Moselle).

Il  publie son premier recueil, Poèmes saturniens, en 1866, à 22 ans. Il épouse en 1870 Mathilde Mauté. Le couple aura un enfant, Georges Verlaine. Sa vie est bouleversée quand il rencontre Arthur Rimbaud en septembre 1871. Leur vie amoureuse tumultueuse et errante en Angleterre et en Belgique débouche sur la scène violente où, à Bruxelles, Verlaine, d'un coup de revolver, blesse au poignet celui qu'il appelle son « époux infernal ». Jugé et condamné, il passe deux années en prison, où il écrit les recueils Sagesse (1880), Jadis et Naguère (1884) et Parallèlement (1889). Usé par l'alcool et la maladie, Verlaine meurt à 51 ans, le 8 janvier 1896, d'une pneumonie aiguë.

Bibliographie

  • Biblio-sonnets (1913)

Recueils érotiques

Verlaine a publié trois œuvres licencieuses « sous le manteau » afin de contourner la censure :

  • Les Amies, scènes d'amour sapphique (1867), Auguste Poulet-Malassis, Paris.
  • Femmes (1890), Kistemaeckers, Bruxelles (écrit entre 1888 et la parution du recueil.
  • Hombres (1903), Albert Messein, Paris (écrit à l'hôpital en 1891).

Œuvres non recueillies

  • Premiers vers (1858-1866) : La Mort [fragment d'une imitation des Petites Vieilles de Baudelaire], Crépitus, Imité de Catulle, Imité de Cicéron, Aspiration, Fadaises, Les Dieux, Charles le fou (fragment), Des Morts, À Don Quichotte, Un soir d'octobre, Torquato Tasso, L'Apollon de Pont-Audemer, Vers dorés.
  • Œuvres en collaboration (1867-1869) : Qui veut des merveilles ?, revue de l'année 1867, en collaboration avec François Coppée (paru dans Le Hanneton dirigé par Eugène Vermersch, 7e année, no 1, 2 janvier 1868) ; Vaucochard et Fils Ier, opéra-bouffe en un acte (fragments), en collaboration avec Lucien Viotti, musique d'Emmanuel Chabrier (vers 1869).
  • Poèmes contemporains des Poèmes saturniens et des Fêtes galantes (1866-1869) : « D'ailleurs en ce temps léthargique » (quatrain).
  • Appendice à La Bonne Chanson (1869-1870) : Vieilles « bonnes chansons » : Vœu final, L'Écolière, À propos d'un mot naïf d'elle.
  • Contribution à L'Album zutique (vers 1871-1872) : À Madame ***, Sur un poète moderne, Vieux Coppées (« Souvenir d'une enfance … » ; « Le sous-chef est absent … » ; « Bien souvent dédaigneux … »), Bouillons-Duval, « Offrant à Jésus-Christ… ».
  • Poèmes contemporains de La Bonne Chanson et des Romances sans paroles (1870-1873) : Les Renards (1870), Retour de Naples (1871).
  • Reliquat de Cellulairement et poèmes contemporains de Sagesse (1873-1878) : ΙΗΣΟΥΣ ΧΡΙΣΤΟΣ ΘΕΟΥ ΥΙΟΣ ΣΩΤΗΡ (1873), Faut hurler avec les loups ! (chansonnette écrite sous le pseudonyme de Pablo de Herlañes, chantée par Edmond Lepelletier au théâtre des Folies-Hainaut) ; « Les écrevisses ont mangé mon cœur » (Vieux Coppées, été 1873) ; Sur Jules Claretie (1874) ; « Dites, n'avez-vous pas », « Pour charmer tes ennuis », « Endiguons les ruisseaux » (Vieux Coppées, 1874) ; Autres Vieux Coppées : « Épris d'absinthe pure » (24 août 1875), « La sale bête ! » (hiver 1875-1876), « C'est pas injuss' de s'voir » (1876), « Je renonce à Satan », « N. DE D. ! J'ai rien voyagé » (fin 1876), « Ah merde alors, j'aim' mieux » (1877) ; Sur Rimbaud (Londres, 1876 ?), La Tentation de Saint-Antoine (1878).
  • Poèmes contemporains de Parallèlement (1889) : En 17… (15 janvier 1889), Écrit entre Chambéry et Aix (1889), « Ça, c'est un richard qu'on emporte » (quatrain), « On m'a massé comme un jeune homme » (quatrain), Sur Raoul Ponchon (1889), Écrit en marge de « Wilhelm Meister »(21 novembre 1889).
  • Poèmes divers (1890-1896) : Éventail Directoire, « Vos yeux sont deux flambeaux » (juillet 1890), À Eugène Carrière (7 novembre 1890), Dédicace manuscrite à Vanier (1891), À Mademoiselle Sarah, Rotterdam (novembre 1892), Le Rouge, À Madame ***, « Plus d'infirmière », « J'fus un bel enfant bleu », Je suis un poète entre deux, Triolets (1893 ?), Le Charme du Vendredi Saint : « La Cathédrale est grise admirablement » (Paris, 30 mars 1893) et « Le soleil fou de mars » (31 mars 1893), Voyages (1er mai 1893), Impression de printemps (1er mai 1893), Demi-teintes (juin 1893), Ex Imo(8 août 1893, hôpital Broussais), À Ph…, À ma femme (26 août 1893, Broussais), Cordialités : « Dans ce Paris] où l'on est voisin et si loin », « Deux colibris parisiens, deux cancaniers », Pour une fête, Pour les gens enterrés au Panthéon, « La Croix sans or du Panthéon » (1893), À Monsieur et Madame Tarlé (7 septembre 1893, Broussais), Contre la jalousie (7 septembre 1893, Broussais) : « La jalousie est multiforme », « D'ailleurs, la jalousie est bête », « Bah ! confiance ou jalousie ! », « Et pourquoi cet amour dont plus d'un sot s'étonne », Craintes (septembre 1893, Broussais), Visites(octobre 1893), Retraite (octobre 1893), Paris, À Mademoiselle Marthe (5 novembre 1893, Broussais), Conquistador (Londres, novembre 1893), Souvenir du 19 novembre 1893 (Dieppe-Newhaven), Paul Verlaine's Lecture at Barnad's Inn (Londres, 21 novembre 1893), Oxford (novembre 1893), Traversée (Douvres-Calais, décembre 1893), In the refreshment room (novembre ou décembre 1893 ?), Bergerades, Morale, Hôpital, Lamento, Toast(30 janvier 1894), Féroce (10 février 1894), Tristia, Meloria, Optima, Pâques, Assomption, Prière, À Fernand Crance (7 septembre 1894), Pour une affiche du salon des « Cent » (20 septembre 1894), À Madame Marie M… (1er novembre 1894), Écrit sur un lvre de notes intimes (7 décembre 1894, hôpital Bichat), Quand même (27 décembre 1894, Bichat), Pour le Nouvel An, Acte de foi, À Célimène (11 février 1895), Pour E… (« Ô la femme éternellement »), Pour E… (« J'aime ton sourire »), Pour E… (« Quelle colère injuste et folle »), À Eugénie : « Ô toi, seule bonne entre toutes ces femmes », « Mais il te faut m'être si douce », Épilogue en manière d'adieux à la poésie « personnelle » (mars 1895), Ægri Somnia (16 mars 1895), Anniversaire (30 mars 1895), Conseil (4 mai 1895), Début d'un récit diabolique (mai 1895 ?), Souvenirs d'hôpital : « La vie est si sotte vraiment », « D'ailleurs, l'hôpital est sain », Intermittences, Sites urbains, Clochi-clocha, En septembre (septembre 1895), Reçu (Mardi gras 1895), Distiques : « Bloy, Tailhade et Jean Moréas », « Ces faux chauves qui sont les plus beaux trios », « Richepin, Péladan et Catulle Mendès », Qui est beau, Impromptu, Monna Rosa, Mort ! (décembre 1895) ; Vive le Roy ! (29 octobre 1895) ; poèmes d'Arthur Symons traduits par Verlaine : Prélude aux « London Nights », Aux Ambassadeurs, Prière à saint Antoine de Padoue, Dans la vallée de Llangollen.
  • Le Livre posthume (1893-1894).
  • Œuvres oubliées (1926-1929).

Recueils abandonnés ou inachevés

  • Les Vaincus : recueil exaltant l'héroïsme des « vaincus » de la Commune de Paris.
  • Cellulairement : recueil de poèmes composés, comme son titre l'indique, en prison, entre octobre 1873 et janvier 1875. Ce recueil a été reconstruit et publié en 1992 par Jean-Luc Steinmetz chez Le Castor Astral, puis par Olivier Bivort en 2003 chez Le Livre de Poche (édition revue sur le manuscrit original en 2010), puis par Pierre Brunel en 2013 chez Gallimard (édition comportant le facsimilé du manuscrit original conservé dans le Musée de Lettres et Manuscrits de Paris). En 2020, le recueil est publié en espagnol — traduit par Pedro José Vizoso, sous le titre Celulariamente: Poemas y cartas de la cárcel — avec une étude et des notes (l'édition comportant en outre les lettres de prison de Verlaine et le texte en français du manuscrit original).
  • Varia : recueil projeté vers 1893, très probablement alimentaire, composé de 57 poèmes tous récupérés dans les Poèmes divers.

Œuvres en prose

Œuvres de fiction

  • Les Mémoires d'un veuf (1886).
  • Louise Leclercq (recueil de nouvelles comprenant : "Louise Leclercq", "Le Poteau", "Madame Aubin" et "Pierre Duchatelet60" -1886).
  • Histoires comme ça (1888-1890).
  • L'Obsesseur (1893).
  • Conte pédagogique (1895).

Œuvres autobiographiques

  • La Goutte (1885 ?).
  • Gosses (1889-1891) : Gosses ; Histoires comme ça. Gosses ; [Jeanne Tresportz] ; Gosses ; Gosses [Mômes-monocles].
  • Mes hôpitaux (1891).
  • Souvenirs (1891) : Mes souvenirs de la Commune ; Souvenirs sur Théodore de Banville ; Souvenirs d'hôpital ; Au quartier. Souvenirs des dernières années.
  • Bénéfices (1891).
  • Le Diable (1891).
  • Chronique de l'hôpital. L'Ennui, là (1892).
  • Souvenirs d'un Messin (1892).
  • Mes prisons (1893).
  • Quinze jours en Hollande. Lettres à un ami (1893) avec un portrait de l'auteur par Philippe Zilcken.
  • Onze jours en Belgique (1893).
  • Un tour à Londres (1894).
  • Croquis de Belgique.
  • Confessions (1895).
  • Croquis de Belgique (1895).
  • [Dernières chroniques de l'hôpital] (1895).
  • Enfance chrétienne (posthume).
  • [Fragment dont on a pu retrouver la date, et où Verlaine parle de sa mort à cinquante-deux ans] (posthume).
  • La Mère Souris (posthume)62.
  • Les Bigarrures de l'honneur (posthume).

Œuvres critiques

  • Articles et préfaces (1865-1886) : Charles Baudelaire, Les Œuvres et les Hommes par J. Barbey d'Aurevilly, Le Livre de jade par Judith Walter, Hernani(Première représentation — Reprise), Obsèques de Ch. Baudelaire, Paris par Victor Hugo, Les Intimités par François Coppée, L'Article du Triboulet sur Sagesse, Préface pour la première édition des Illuminations.
  • Les Poètes maudits (1884 et 1888).
  • Articles et préfaces (1888-1889) : Lettre au Décadent et nommément à Anatole Baju, Un mot sur la rime, Nos poètes par Jules Tellier, Histoires insolites par M. le comte de Villiers de L'Isle-Adam, Préface à Sodome par Henri d'Argis, Jules Tellier.
  • La Décoration et l'Art industriel à l'Exposition de 1889 (1890).
  • Articles et préfaces (1890-1892) : Critique des Poèmes saturniens, À propos d'un récent livre posthume de Victor Hugo, À propos de l'article de Leon Cladel sur Baudelaire, Préface à L'Infamie humaine d'Eugène Vermersch, Le Pèlerin passionné par Jean Moréas, Là-bas par J.-K. Huysmans, Les Cornes du faune par Ernest Raynaud, Au Pays du mufle par Laurent Tailhade, Préface à Premiers poèmes de George Suzanne, À la bonne franquette par Gabriel Vicaire, Au Poète de Missive, Arthur Rimbaud, Devoirs d'Histoire de France par E. Delahaye.
  • Les Hommes d'aujourd'hui (1885-1892) : vingt-sept biographies de poètes et de littérateurs, parues dans Les Hommes d'aujourd'hui entre 1885 et 1892 :
  • [Conférences] (1892-1894) : conférence à La Haye ; deuxième conférence à La Haye ; notes sur la poésie contemporaine : fragments de conférences faites à Bruxelles et à Charleroi ; conférence sur les poètes contemporains ; conférence à Anvers ; conférence à Nancy et Lunéville ; conférence sur Les Poètes du Nord63 (Marceline Desbordes-Valmore, Sainte-Beuve, Charles Lamy et Alexandre Desrousseaux) donnée au Café Procope à Paris.
  • Articles et préfaces (1893-1895) : Charles Cros ; Les Baisers morts de Paul Vérola ; À propos d'un livre récent ; Tout bas par Francis Poictevin ; Préface à Dame Mélancolie par Émile Boissier ; Préface à Chansons d'amour par Maurice Boukey ; Au bois joli par Gabriel Vicaire ; À propos de Desbordes-Valmore ; Opinions sur la littérature et la poésie contemporaines, Éphémères par le vicomte de Colleville ; Auguste Vacquerie : Notes et souvenirs inédits ; Henri Murger ; Deux poètes français (Édouard Dubus ; Le Parcours du rêve au souvenir par le comte de Montesquiou-Fezensac) ; Deux poètes anglais : Arthur Symons, L. Cranmer Byng ; préface de Arthur Rimbaud : Ses poésies complètes ; Arthur Rimbaud ; Nouvelles notes sur Rimbaud ; Arthur Rimbaud : Chronique.
  • Articles anglais (1894-1896) : Notes on England: Myself as a french master ; Shakespeare and Racine ; Notes respecting Alexandre Dumas the younger ; My visite to London.

Œuvres polémiques et récits de voyages

  • Les Imbéciles (1867).
  • Articles du Rappel (1869).
  • Voyage en France par un Français (1880) : ouvrage très composite à portée polémique consacré entre autres à la triple défense de la langue française, de l'idée de nation et des vertus qui en découleraient.
  • Vieille Ville (1889) : texte a priori inachevé consacré à Arras.
  • Nos Ardennes (1882-1883).

Poèmes choisis

Autres lectures

Paul Verlaine, Nos Ardennes

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