Pierre Tanguy, Poètes du monde

Le monde entier entre dans ce livre de Pierre Tanguy qui accueille des voix multiples en amitié poétique : quarante-sept poètes d’hier et d’aujourd’hui, de vingt pays différents nous invitant au voyage hors de nous-mêmes. C’est dire si le livre s’abreuve aux sources les plus variées et vise, comme l’auteur le dit en avant-propos, à « apprécier la constante vitalité de la poésie, notamment portée par ceux qu’on appelle les petits éditeurs ».

Point de volonté exhaustive pourtant, dans ces « lectures choisies ». Pierre Tanguy évoque en âme sensible et flâneuse les poètes qu’il apprécie et ceux qu’il a choisi de lire et de recenser. En résonance à Poètes en Bretagne et Écrivains en Bretagne publiés également aux Éditions Sauvages. Loin des modes, en prenant son temps. Des lectures de passage. Des lectures en partage. Le livre dessine ainsi une promenade sous toutes les latitudes et à toutes les époques, hautement révélatrice du regard posé sur le monde de Pierre Tanguy.

L’auteur donne leur place à Gustave Roud et Philippe Jaccottet à l’égard de qui il a une filiation naturelle. Comme à ceux qui sont porteurs de cette fibre spirituelle qui lui tient à coeur, François Cheng et Jean-Pierre Lemaire. Le poète reconnaît là ses dettes. Comme le dit Julien Gracq, « on écrit d’abord, parce que d’autres avant vous ont écrit ».

Pour évoquer cette poésie au pluriel, Pierre Tanguy s’attache à citer les noms, les biographies, les œuvres. Il nous emmène de Virgile à Seamus Heaney et Cypris Kophidès, d’Edith Brucq à Attila Jozsef, de Paul Guyon à Sôseki. D’un poète taoïste du Japon du 4è siècle à la redécouverte du poète ukrainien Taras Chevtchenko, heureusement traduit par Guillevic. Avec quelle force il résonne son recueil, Notre âme ne peut mourir, en ces temps d’invasion russe actuelle :

Pierre Tanguy, Poètes du monde, Les Éditions Sauvages, 2024.

Quand je serai mort
Mettez-moi
Dans le tertre qui sert de tombe
Au milieu de la plaine immense
Dans mon Ukraine bien-aimée

Ces « lectures choisies » forment ainsi une sorte de bibliothèque idéale en poésie du monde entier. Chaque recueil s’y voit présenté, documenté et judicieusement éclairé.

Nous avançons dans le compagnonnage de ces poètes, tantôt intimiste, fulgurant d’Emily Dickinson, tantôt minimaliste de l’iranien contemporain Reza Sâdeghpour nourri de tradition persane. Ou bien c’est le souci de la terre de la québécoise Hélène Dorion ou le chant d’exil du haïtien Antony Phelps. La poésie de langue française d’Henri Bauchau à Estelle Fenzy, d’Yves Namur et de Benoît Reiss montre la diversité des registres, la variété et l’inventivité de ses écritures contemporaines.

La parole poétique engagée, à des titres divers, n’est pas absente. Telle celle d’Anna Akhmatova, de l’irlandais Yeats, du marocain Abdellatif Laâbi, du palestinien Mahmoud Darwich, des femmes iraniennes rassemblées fort opportunément dans l’anthologie Zabouré zane et celle de l’anthologie des poètes féministes américaines. Il est à noter la présence importante des œuvres de femmes dans le livre de Pierre Tanguy. Il faut le saluer. Combien d’anthologies, sous la plume d’auteurs d’aujourd’hui, occultent purement et simplement toute poésie féminine.

Écoutons Hélène Dorion :

Mes forêts
quand je m’y promène
c’est pour prendre le large vers moi-même

Ces proses livrées ici donneront envie de lire, de découvrir au lecteur curieux d’aller voir plus loin sur ces chemins voyageurs, balisés ou non. Tant il est vrai que Pierre Tanguy, poète lui-même, fait allègrement vibrer cette compagnie de poètes du monde.

Présentation de l’auteur

Pierre Tanguy

Pierre Tanguy est originaire de Lesneven dans le Nord-Finistère. Ecrivain et journaliste, il partage sa vie entre Quimper et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire.

Ses recueils ont, pour la plupart, été publiés aux éditions rennaises La Part commune. Citons notamment  Haïku du chemin en Bretagne intérieure  (2002, réédition 2008), Lettre à une moniale (2005),  Que la terre te soit légère (2008), Fou de Marie (2009), Les heures lentes (2012), Silence Hôpital aux éditions La Part commune (2017).

Il est également l'auteur de recueils de haïkus

 Haïku du chemin en Bretagne intérieure, La Part Commune 2002, réédition 2006. Postface de Alain Kervern

Haïku du sentier de montagne, La Part Commune, 2007. Préface de Alain Kervern

Ici même,  avec des peintures du Michel Remaud, La Part Commune, 2014. Postface de Alain Kervern

Silence hôpital,  La Part Commune, 2017, postface de Alain Kervern

En anthologies ou livres collectifs

Chevaucher la lune, anthologie du haïku français contemporain, éditions David (Québec), 2001

Anthologie du haïku en France, bilingue français-anglais, éditions Aléas, 2003

L’arbre sort du bois, éditions Pippa, 2017

Le petit livre du haïku, First éditions 2018

Sav-Heol, Soleil levant, Rising sun,  haïkus et tankas de Bretagne et du Japon, Futurescan, 2019

Haïkus d’hommes, éditions Pippa, 2020

 

 

 

 

Pierre Tanguy

Autres lectures

« J’écris dehors », sur Pierre Tanguy

J’écris dehors Pierre Tanguy Combien révélatrice de son œuvre est cette confidence de Pierre Tanguy. Oui, à la manière des peintres impressionnistes qui sortirent brosses et chevalets des ateliers académiques, Pierre [...]

Pierre Tanguy et Michel Remaud, Ici Même

  Les belles éditions rennaises La Part Commune publient Ici même sous la plume de Pierre Tanguy rehaussée du subtil pinceau de Michel Remaud. Ouvrage où il nous est donné à contempler, De [...]

Pierre Tanguy, Silence hôpital

Vivre la maladie, en poète Petit recueil mais, on le sait, le nombre de pages n’a rien à voir avec la densité. Dans l’univers de l’hôpital, tout compte de son poids de souffrance. [...]

Antoine Arsan et son « éloge du haïku »

Encore un essai sur le haïku, direz-vous ? Le genre poétique n’en finit pas, en effet, de susciter commentaires et appréciations de toute nature. Avec le livre d’Antoine Arsan, publié dans la prestigieuse collection [...]

Pierre Tanguy, Poètes en Bretagne

Poètes en Bretagne qui est paru en mai 2021 aux éditions Sauvages dans la collection « La Pensée sauvage » rassemble les « lectures choisies » de Pierre Tanguy sur de nombreux recueils écrits par des poètes [...]

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Pierre Tanguy, Poètes en Bretagne

Poètes en Bretagne qui est paru en mai 2021 aux éditions Sauvages dans la collection « La Pensée sauvage » rassemble les « lectures choisies » de Pierre Tanguy sur de nombreux recueils écrits par des poètes de Bretagne entre 2010 et 2020.

Il s’agit d’une anthologie originale proposée par un poète, critique et ancien journaliste, qui nous dévoile pas moins de 56 poètes qui vivent ou ont vécu dans la région. « Ce sont des lectures choisies parce que plusieurs de ces poètes me sont familiers et que je suis particulièrement attentif à leurs publications. » Pierre Tanguy nous propose donc un panorama personnel non exhaustif de poètes dont il apprécie l’écriture. Nous y trouvons également avec plaisir des poètes « consacrés » et disparus comme Hélène et René Guy Cadou, Xavier Grall, Guillevic, Alain Jégou et Paul Quéré. 

Chaque poète est présenté brièvement entre quatre et six lignes, présentation suivie d’une ou de plusieurs notes de lecture qui ont, chacune, fait l’objet d’une publication antérieure en revue. « Un poète n’est-il pas là, d’abord, pour nous interpeller sur le sens de l’existence ? » (p.22), écrit-il à propos du livre Les questions innocentes de Gilles Baudry, moine bénédictin de Landévennec, paru en 2017 aux éditions L’œil ébloui. « Il y a des mots, des lieux qui sauvent la vie. Y a-t-il plus belle mission pour la poésie que celle-là ? En le disant, Eve Lerner se range du côté de la vie, du regard émerveillé sur le monde (ce qui ne l’empêche pas de cibler avec vigueur ses turpitudes) » (p.212) sur Partout et même dans les livres (éditions Sauvages, 2020, Prix Paul-Quéré 2019-2020).

Pierre Tanguy, Poètes en Bretagne (Lectures choisies), Editions Sauvages, 2021, 246 pages, 15€.

« A quoi reconnaît-on un poète breton ? A sa familiarité avec la mort ou, plutôt, à sa capacité à faire se rencontrer, dans ses textes, les vivants et les morts » (p.36) au sujet d’A mes amis envolés de Louis Bertholom (Vivre tout Simplement, 2020). A travers ses notes, à travers la voix des poètes, Pierre Tanguy synthétise d’une certaine manière ce que signifie vivre en poésie aujourd’hui en Bretagne (mais valable aussi, selon moi, ailleurs, tant les questions soulevées sont universelles) : résistance face à un monde qui se délite, spiritualité, ancrage au territoire (terre et mer), aux êtres, à l’histoire et à la langue. Ce qui contribue peut-être à la spécificité des poètes bretons, c’est le souffle qui émane de leurs vers et surtout leur amour inaliénable et infini pour la Bretagne. 

Les lectures choisies par Pierre Tanguy nous invitent à découvrir et à lire les ouvrages de poésie de Guy Allix, Marc Baron, Gilles Baudry, Louis Bertholom, Jean-Pierre Boulic, Hélène Cadou, René Guy Cadou, Jean-Claude Caër, Marie-Josée Christien, Gérard Cléry, Jean-Louis Coatrieux, Jean-Claude Albert Coiffard, Jean-Pierre Colleu, Chantal Couliou, Olivier Cousin, François de Cornière, Michel Dugué, Yves Elléouët, Xavier Grall, Guénane, Christine Guénanten, Jean-Albert Guénégan, Eugène Guillevic, Roland Halbert, Denis Heudré, Alain Jégou, Jacques Josse, Didier Jourdren, Daniel Kay, Paol Keineg, Alain Kervern, Nicole Laurent-Catrice, Jean Lavoué, Henry Le Bal, Marie-Laure Le Berre, Geneviève Le Cœur, René Le Corre, Denise Le Dantec, Mérédith Le Dez, Gérard Le Gouic, Mireille Le Liboux, Yvon Le Men, Anne-José Lemonnier, Thierry Le Pennec, Eve Lerner, Brigitte Maillard, Paul Morin, Jean-Pierre Nedelec, Lydia Padellec, Fañch Peru, Jacques Poullaouec, Gérard Prémel, Yves Prié, Paul Quéré, Claude Serreau, Colette Wittorski.

Présentation de l’auteur

Pierre Tanguy

Pierre Tanguy est originaire de Lesneven dans le Nord-Finistère. Ecrivain et journaliste, il partage sa vie entre Quimper et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire.

Ses recueils ont, pour la plupart, été publiés aux éditions rennaises La Part commune. Citons notamment  Haïku du chemin en Bretagne intérieure  (2002, réédition 2008), Lettre à une moniale (2005),  Que la terre te soit légère (2008), Fou de Marie (2009), Les heures lentes (2012), Silence Hôpital aux éditions La Part commune (2017).

Il est également l'auteur de recueils de haïkus

 Haïku du chemin en Bretagne intérieure, La Part Commune 2002, réédition 2006. Postface de Alain Kervern

Haïku du sentier de montagne, La Part Commune, 2007. Préface de Alain Kervern

Ici même,  avec des peintures du Michel Remaud, La Part Commune, 2014. Postface de Alain Kervern

Silence hôpital,  La Part Commune, 2017, postface de Alain Kervern

En anthologies ou livres collectifs

Chevaucher la lune, anthologie du haïku français contemporain, éditions David (Québec), 2001

Anthologie du haïku en France, bilingue français-anglais, éditions Aléas, 2003

L’arbre sort du bois, éditions Pippa, 2017

Le petit livre du haïku, First éditions 2018

Sav-Heol, Soleil levant, Rising sun,  haïkus et tankas de Bretagne et du Japon, Futurescan, 2019

Haïkus d’hommes, éditions Pippa, 2020

 

 

 

 

Pierre Tanguy

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Pierre Tanguy, Ai-je tout dit ? et autres poèmes

Un ensemble confié à recours au poème en décembre 2013.

Renoncules d’eau
dressées comme des cierges
sur la table des nénuphars.

Fleurs mauves des ronciers
pâlissant le long du sentier.

Ai-je tout dit de ce pays
quand l’oiseau lance ses trilles
au faîte des peupliers ?
N’y-a-t-il dans les sous-bois
que l’orchis à l’ombre des fougères ?
Dois-je attendre pour me lever
le départ d’une fourmi
dans son labyrinthe d’herbe ?

Le printemps tergiverse aujourd’hui.
Mon visage tourné vers le ciel,
je capte seulement le message
des nuages bas qui partent nonchalants
vers l’intérieur des terres.

Les clairières de soleil franc
sont toutes minutées.

La girolle est une pépite
dans le talus de mousse.
Je ramasse des brindilles
pour ma cheminée.

Il coule il coule
le ruisseau dans la prairie.
Les taureaux sont ébahis.

Sous de sombres futaies,
pays de fougères et de frênes,
la marche est sévère.

Petit chat à l’écluse,
tu t’ennuies et tu pleures.
Tu viens salir tes chaussons blancs
sur le sentier boueux.
 

La chute d’eau
n’est pas un torrent de montagne.

La nuque dans le trèfle
que butinent les abeilles,
j’entends les joueurs de boules
qui poussent un peu loin le bouchon.

La chute d’eau
n’est pas un torrent de montagne.
Je peux même entendre
des mères penchées sur des berceaux.

Cathédrale de verdure,
son parvis de trèfle et d’épilobe.
Gloire du peuplier,
son chant dans le ciel bleu.

Une branche de chêne
me protège d’un soleil ardent.
Un nuage se disperse
comme un troupeau de moutons.

Le chemin transpire,
il a bu les ondées.
Des hommes s’affairent
autour des moissons.

A flanc de colline,
les chevaux blancs à l’ombre.
Éclat bleu de la libellule
sur la feuille d’ortie.

J’explore des parfums,
des goûts de miel.
Les vaches tranquilles
s’approchent des abreuvoirs.

Campagne ardente
rafraîchie par le ruisseau brun.
Les papillons blancs
ont droit de cité.
 

(cinq haïkus)

Chapelle de la Palud
Sainte Anne instruit Marie
Au son de la bombarde

Jardin des moines
Les pommes anciennes
Mûrissent en silence

En fleurissant
Les plants de giroflée
Ressuscitent ma mère

Dans la mare
Traversée par un rayon
Un bigorneau tranquille

Du sang sur mes lèvres
Je mouline
Ma confiture de cassis

Présentation de l’auteur

Pierre Tanguy

Pierre Tanguy est originaire de Lesneven dans le Nord-Finistère. Ecrivain et journaliste, il partage sa vie entre Quimper et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire.

Ses recueils ont, pour la plupart, été publiés aux éditions rennaises La Part commune. Citons notamment  Haïku du chemin en Bretagne intérieure  (2002, réédition 2008), Lettre à une moniale (2005),  Que la terre te soit légère (2008), Fou de Marie (2009), Les heures lentes (2012), Silence Hôpital aux éditions La Part commune (2017).

Il est également l'auteur de recueils de haïkus

 Haïku du chemin en Bretagne intérieure, La Part Commune 2002, réédition 2006. Postface de Alain Kervern

Haïku du sentier de montagne, La Part Commune, 2007. Préface de Alain Kervern

Ici même,  avec des peintures du Michel Remaud, La Part Commune, 2014. Postface de Alain Kervern

Silence hôpital,  La Part Commune, 2017, postface de Alain Kervern

En anthologies ou livres collectifs

Chevaucher la lune, anthologie du haïku français contemporain, éditions David (Québec), 2001

Anthologie du haïku en France, bilingue français-anglais, éditions Aléas, 2003

L’arbre sort du bois, éditions Pippa, 2017

Le petit livre du haïku, First éditions 2018

Sav-Heol, Soleil levant, Rising sun,  haïkus et tankas de Bretagne et du Japon, Futurescan, 2019

Haïkus d’hommes, éditions Pippa, 2020

 

 

 

 

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Pierre Tanguy, Haïkus du confinement

 

Mon heure de sortie –
aller chercher des médicaments
pour ma vieille voisine

 

 

Aujourd’hui il me faut
un laissez-passer
pour aller voir l’aubépine

 

 

Des cris d’enfants
derrière la haie -
l’heure de la récréation

 

Une feuille morte
dévale la rue –
un chien aboie

 

 

 

Premiers coups de bêche
dans le jardin –
la visite d’un merle

 

 

Dans ce sentier en pente
je passe et repasse
acclamé par des clochettes

 

Elle quitte son déambulateur
pour pousser dans la rue
sa  poubelle

 

 

Eh ! les pies -
sur ce tapis de pâquerettes
respectez le silence

 

 

Longeant le crématorium
ce chemin conduit
vers les lilas en fleurs

 

Pas un enfant dans le parc
pour souffler
la bulle des pissenlits

 

Présentation de l’auteur

Pierre Tanguy

Pierre Tanguy est originaire de Lesneven dans le Nord-Finistère. Ecrivain et journaliste, il partage sa vie entre Quimper et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire.

Ses recueils ont, pour la plupart, été publiés aux éditions rennaises La Part commune. Citons notamment  Haïku du chemin en Bretagne intérieure  (2002, réédition 2008), Lettre à une moniale (2005),  Que la terre te soit légère (2008), Fou de Marie (2009), Les heures lentes (2012), Silence Hôpital aux éditions La Part commune (2017).

Il est également l'auteur de recueils de haïkus

 Haïku du chemin en Bretagne intérieure, La Part Commune 2002, réédition 2006. Postface de Alain Kervern

Haïku du sentier de montagne, La Part Commune, 2007. Préface de Alain Kervern

Ici même,  avec des peintures du Michel Remaud, La Part Commune, 2014. Postface de Alain Kervern

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En anthologies ou livres collectifs

Chevaucher la lune, anthologie du haïku français contemporain, éditions David (Québec), 2001

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Le petit livre du haïku, First éditions 2018

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Haïkus d’hommes, éditions Pippa, 2020

 

 

 

 

Pierre Tanguy

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« J’écris dehors », sur Pierre Tanguy

J’écris dehors Pierre Tanguy Combien révélatrice de son œuvre est cette confidence de Pierre Tanguy. Oui, à la manière des peintres impressionnistes qui sortirent brosses et chevalets des ateliers académiques, Pierre [...]

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Antoine Arsan et son « éloge du haïku »

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Poètes en Bretagne qui est paru en mai 2021 aux éditions Sauvages dans la collection « La Pensée sauvage » rassemble les « lectures choisies » de Pierre Tanguy sur de nombreux recueils écrits par des poètes [...]

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Antoine Arsan et son « éloge du haïku »

Encore un essai sur le haïku, direz-vous ? Le genre poétique n’en finit pas, en effet, de susciter commentaires et appréciations de toute nature.

Avec le livre d’Antoine Arsan, publié dans la prestigieuse collection blanche de Gallimard, on aborde le haiku par le biais « civilisationnel », comme l’a déjà fait le Brestois Alain Kervern dans son Histoire du haïku (éditions Skol Vreizh) et dans La cloche de Gion (éditions Folle avoine).

Antoine Arsan, pour sa part, souligne la rupture entre l’époque d’Edo (qui commence vers 1600) et les temps qui ont suivi l’ère Meiji (1868-1912). Chaque période a sa façon à elle d’appréhender le haïku. Dans la première, selon l’auteur, le haïku participe profondément de la culture japonaise notamment dans sa dimension spirituelle (même si on ne peut le réduire à cela). Dans la seconde, le haïku s’ouvre au monde, s’ouvre au « je » : le poète devient véritablement le témoin des troubles de son temps, ce que n’étaient pas les ermites ou les moines pérégrins de l’époque d’Edo. Du fonds de la pivoine/sort l’abeille/a contre-cœur », écrit Bashô au 17e siècle. Tandis qu’au 20e siècle, un haïjin japonais peut écrire :

  Dans un coin de mon ventre
il y a le ciel
de Pearl Harbour.

Rien de trop, éloge du haïku, Antoine Arsan, Gallimard, 95 pages, 11 euros.

Rien de trop, éloge du haïku, Antoine Arsan, Gallimard, 95 pages, 11 euros.

Antoine Arsan détaille, bien sûr, dans son livre tout ce qui fait le charme du haïku : son grain, son timbre, sa tonalité si particulière, sa capacité à cultiver l’intériorité, le lâcher prise, sa sensibilité au cycle inaltérable des saisons, son humour, parfois sa trivialité, son art de la divagation et à faire « vivre l’éternité en restant terre à terre ». Tout cela été développé par de nombreux essayistes mais il sait l’exprimer avec beaucoup de talent.

La poésie occidentale est-elle «  haïku-compatible » (permettez ce tic de langage contemporain) ? Difficilement, estime l’auteur, eu égard à « l’écart des cultures » du moins quand il s’agit du haïku classique.

Nous vivons dans une civilisation née d’un Dieu créateur où l’homme se perçoit comme un achèvement des espèces et se flatte de s’être détaché de la nature, ce vieux foyer de paganisme, avant de l’avoir dominée », estime Antoine Arsan.

Au Japon, où la Création ne signifie rien, la nature est sacrée depuis les origines.

Il n’y a que de rares exceptions en Occident. L’auteur souligne en particulier ces « collines, sources, bois sacrés » qui participaient de la civilisation des Celtes. Sur un autre registre, il rappelle que chez nous « le poète change l’ordre établi, on attend de lui un nouveau regard sur le monde alors que le haïku s’inscrit dans le quotidien sans relever de l’historicité ».

Ce profond fossé culturel amène Antoine Arsan amène à considérer que le poème court peut être cet « avatar du haïku » parce que « plus accessible, moins ambitieux que le haïku, il est à, la fois école de légèreté et apprentissage permanent, long cheminement qui permet l’errance du regard jusqu’à rencontrer le caillou blanc ». Et il cite à tire d’exemple ce poème court d’Octavio Paz :

Crépuscule
l’oiseau sur la clôture
un contemporain.

Cet « éloge du haïku » maintient donc surtout le haïku dans le terreau qui l’a vu naître, ceci en dépit d’un constat que l’on peut faire aujourd’hui : la mondialisation galopante de ce genre poétique.




Pierre Tanguy, Silence hôpital

Vivre la maladie, en poète

Petit recueil mais, on le sait, le nombre de pages n’a rien à voir avec la densité. Dans l’univers de l’hôpital, tout compte de son poids de souffrance. Pour en parler, il serait indécent de tomber dans le mélo, d’en rajouter. L’amenuisement, la faiblesse physique exigent l’économie des mots et cela ne saurait déplaire à Pierre Tanguy, familier de l’art du haïku.

Hospitalisé le temps d’un cycle entier de saisons, le malade dont l’identité demeure incertaine (est-ce Pierre Tanguy ou l’un de ses proches ?) passe de longs moments couché sur le dos tel un hanneton épuisé. Il en profite pour observer quand ses forces le lui permettent ce monde clos où le temps s’écoule comme le goutte à goutte ou s’évalue aux minutes passées dans l’ascenseur avant de rejoindre la salle d’opération. Attentif à repérer ce qui échappe aux biens portants, comme les tâches de couleur qui tranchent avec le blanc des lits et des mains sortant des blouses blanches.

Pierre TANGUY, Silence hôpital, éditions La part commune, février 2017, 83 pages, 13 €.

Pierre TANGUY, Silence hôpital, éditions La part commune, février 2017, 83 pages, 13 €.

Près du lit
le soleil couchant
dans les poches de perfusion
L’aiguille dans la veine-
 le sang bleu
Soudain rouge

Rouge encore, la pointe de la cigarette d’une femme en peignoir…
Et c’est avec la même sensibilité, la même discrétion qu’est évoquée la douleur de l’épreuve, de la séparation

Une tête penchée
au creux d’une épaule
deux cœurs navrés
Des sanglots
au fond du couloir
– quelqu’un vient de mourir

Circulant dans l’hôpital, le poète radiographie les paysages bretons accrochés aux murs et nous fait partager le quotidien dans lequel l’extérieur s’immisce par petites touches, notamment par le biais des saisons.

Après l’automne, ses châtaignes, ses marrons et ses feuilles mortes, vient l’hiver sur lequel il ne s’attarde pas. Puis, c’est enfin le temps des nids, des iris, de l’élagage du camélia
Le recueil s’achève sur cette renaissance et cette interrogation :

Fera-t-il beau cet été ?

Présentation de l’auteur

Pierre Tanguy

Pierre Tanguy est originaire de Lesneven dans le Nord-Finistère. Ecrivain et journaliste, il partage sa vie entre Quimper et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire.

Ses recueils ont, pour la plupart, été publiés aux éditions rennaises La Part commune. Citons notamment  Haïku du chemin en Bretagne intérieure  (2002, réédition 2008), Lettre à une moniale (2005),  Que la terre te soit légère (2008), Fou de Marie (2009), Les heures lentes (2012), Silence Hôpital aux éditions La Part commune (2017).

Il est également l'auteur de recueils de haïkus

 Haïku du chemin en Bretagne intérieure, La Part Commune 2002, réédition 2006. Postface de Alain Kervern

Haïku du sentier de montagne, La Part Commune, 2007. Préface de Alain Kervern

Ici même,  avec des peintures du Michel Remaud, La Part Commune, 2014. Postface de Alain Kervern

Silence hôpital,  La Part Commune, 2017, postface de Alain Kervern

En anthologies ou livres collectifs

Chevaucher la lune, anthologie du haïku français contemporain, éditions David (Québec), 2001

Anthologie du haïku en France, bilingue français-anglais, éditions Aléas, 2003

L’arbre sort du bois, éditions Pippa, 2017

Le petit livre du haïku, First éditions 2018

Sav-Heol, Soleil levant, Rising sun,  haïkus et tankas de Bretagne et du Japon, Futurescan, 2019

Haïkus d’hommes, éditions Pippa, 2020

 

 

 

 

Pierre Tanguy

Autres lectures

« J’écris dehors », sur Pierre Tanguy

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Pierre Tanguy, Silence hôpital

Vivre la maladie, en poète Petit recueil mais, on le sait, le nombre de pages n’a rien à voir avec la densité. Dans l’univers de l’hôpital, tout compte de son poids de souffrance. [...]

Antoine Arsan et son « éloge du haïku »

Encore un essai sur le haïku, direz-vous ? Le genre poétique n’en finit pas, en effet, de susciter commentaires et appréciations de toute nature. Avec le livre d’Antoine Arsan, publié dans la prestigieuse collection [...]

Pierre Tanguy, Poètes en Bretagne

Poètes en Bretagne qui est paru en mai 2021 aux éditions Sauvages dans la collection « La Pensée sauvage » rassemble les « lectures choisies » de Pierre Tanguy sur de nombreux recueils écrits par des poètes [...]

Pierre Tanguy, Poètes du monde

Le monde entier entre dans ce livre de Pierre Tanguy qui accueille des voix multiples en amitié poétique : quarante-sept poètes d’hier et d’aujourd’hui, de vingt pays différents nous invitant au voyage hors de [...]




Fil de lecture de Denis Heudré : Gilles Baudry et Pierre Tanguy / Titos Patrikios / Imhauser

 

Abbaye de Landévennec, l’âme d’un lieu

 

Ayant quitté le chemin de la foi depuis de nombreuses années, j’ai peu l’habitude de lire des livres religieux. Mais attiré sans doute par les noms de Gilles Baudry et Pierre Tanguy, poètes bretons aux mots souvent justes, je me laisse attirer vers un lieu plein de mystère : l’abbaye de Landévennec. « Un mystère s’ouvre à moi fait de beauté et de mystère… » (P.Tanguy). Véritable cocon spirituel, cette abbaye retirée au fond de la rade de Brest au détour d’une boucle de l’Aulne, a été fondée au cinquième siècle et possède l’âme de tous les lieux d’histoire. Mais avec en plus, l’âme des mots inspirés du silence, écrits par G.Baudry. Ou comment l’homme peut contribuer à l’âme d’un lieu…

Mystère de la vie monacale pour le simple passant comme moi, « ce sentiment de rentrer par effraction dans un domaine où des paroles venues d’ailleurs bruissent même entre les feuilles » (Pierre Tanguy). L’abbaye, lieu de retrait, de silence et de lenteur (« Nos pas / seraient plus purs / s’ils avaient la lenteur de la sève / et notre sang / battrait à l’unisson de la forêt » G.Baudry), à l’opposé du monde moderne que l’on nous impose, attire chaque année de nombreux pèlerins de tous horizons. Et cette vie monacale est sans doute pour beaucoup dans le dénuement de la poésie de Gilles Baudry comme elle l’a été pour Pierre Reverdy et Max Jacob. Aller à l’essentiel des mots qui font sens…

Mais au-delà du simple mystère, ce livre cosigné par Gilles Baudry et Pierre Tanguy et illustré par Jacques Dary, est celui de l’attachement à la terre, cette foi dans un lieu qui rapproche souvent toutes les religions partout dans le monde et qui devrait les unir plutôt que les opposer. De l’attachement à la terre de Bretagne « Pays aux vents de haute lisse / Où brodent les fougères / Où d’herbe en arbre / La sève remonte le fil de sa mémoire » (G.Baudry).

Gilles Baudry publie depuis plus de trente ans, la plupart chez Rougerie, des ouvrages d’une poésie dépouillée, à l’aplomb du silence du lieu qu’il ne quitte jamais. Et tous ses écrits contribuent à ajouter de l’âme à ce lieu de pierre et de terre, de vent et d’eau.

Un lieu plein d’âme conserve une présence en nous même dans l’éloignement : « Nous avons beau nous éloigner / le paysage ne nous quitte pas // sur l’estuaire / il s’ouvre comme un livre d’heures » (G.Baudry). C’est pour cela également que les livres ont aussi une âme et ce livre-là n’en manque assurément pas.

 

***

 

Sur la barricade du temps – Titos Patrikios

 

 

 

Avec la publication d'une anthologie bilingue des œuvres du poète grec Titos Patrikios, les éditions Le Temps des Cerises nous offrent l'occasion de comprendre la crise grecque par le prisme de la poésie tout aussi efficace que celui de l'économie ou de la sociologie. En effet, avec les poèmes de ce grand auteur maintes fois primé, et dont la vie fut un combat pour la liberté et la démocratie, nous plongeons dans l'histoire difficile d'un pays aux multiples souffrances.

Titos Patrikios, l'un des poètes les plus importants de Grèce et ami de Yannis Ritsos, fait partie de ces intellectuels qui, après la seconde guerre, par le seul fait d'être communistes et porteurs d'une autre vision du monde, ont eu à connaître l'emprisonnement dans des camps de « réhabilitation ». La vie de ce poète trop peu connu en France illustre parfaitement la devise grecque : « la liberté ou la mort ». Car sa vie fut un combat et son temps une barricade où il tenta toujours d'y chercher le bonheur « Le bonheur ici et maintenant / le bonheur où que ce soit, toujours / bonheur seulement dans le combat ».

Comme si le combat contre les nazis (Patrikios s'engagea à 14 ans en 1942 dans la résistance) ne suffisait pas pour ce peuple berceau de la civilisation européenne, il fallu souffrir sous la férule d'anciens collabos remis au pouvoir par les bons soins des anglais et des américains dans l'immédiat après-guerre. Malheureusement pour elle, la Grèce n'a pas eu la chance d'avoir un de Gaulle pour unifier la résistance et défendre les intérêts de la démocratie dans la reconstruction. Il faudra attendre 1974 pour mettre fin à la dictature et le retour de Patrikios dans son pays un an plus tard après un exil en France (1959-1964) et en Italie (1967-1975).

L'aventure d'une telle vie n'est pas une quelconque distraction télévisuelle, elle n'est pas non plus une compétition mais un appétit de liberté qui appelle aux armes. Titos Patrikios sait cependant rester modeste (mais peut-il en être autrement pour un poète?). « A l'âge que j'ai atteint désormais / quel pouvoir ai-je acquis / sur les autres, sur moi ? / Quelle vérité ai-je réussi à dire ? / J'essayai de répondre / quand le rêve suivant a surgi. »

Mais Patrikios est un poète et le combat n'empêche pas la réflexion sur la langue « c'est dans cette langue que me parlaient même les morts », sur la poésie « c'est là que te trouve la poésie » et sur les mythes qui ont bâti la Grèce.

Dans ma lecture silencieuse, j'entends résonner l'histoire difficile d'un pays en souffrance. « Pauvre Grèce, aux pieds gonflés / dans de vieilles chaussures déformées, / avec les défroques des patrons »... Le diktat des marchés et de l'Europe mercantile venant après celui des nazis et des dictatures qui s'en sont suivies. A lire Titos Patrikios, je pense aux combats actuels du peuple grec et j'ai envie de dire aux français « Ne tirez pas sur un pays qui souffre. » Mais gardons confiance, un pays qui s'est libéré seul du joug nazi, oui seul, sans les alliés, est capable de se libérer de la dictature des spéculateurs. L'éclaircissement par l'histoire, c'est un peu ce que propose cette anthologie bilingue, dans une traduction de Marie-Laure Coulmin Koutsaftis.

 

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Intempéries d’Emmanuelle Imhauser

 

 

 

Poète belge née en 1959, Emmanuelle Imhauser publie aux Ateliers de l’agneau un deuxième ouvrage de poésie placé sous la saisonnalité de l’existence et de la joie d’écrire ce temps qui passe. «  ne pas se laisser prendre à l’obscurité froide de / contrées sans saisons / et trouver dans le pli des rides de l’été / le foin fumant et chaud ». Sous-titré « zeit wetter » ce recueil prend les saisons comme point commun entre le temps qui passe (en allemand : zeit) et le temps qu’il fait (wetter). A chaque saison ses Intempéries. Réflexion sur ce temps qui nous laisse périr, sur son expression, son langage et la façon de l’écrire. Car le jour n’est pas qu’une lumière, c’est aussi un morceau de temps. « un peu de temps gagné /// la pluie tombe toujours / assez fine et légère /// le carillon qui sonne // zeit » Et puis pour exemple, ce bel alexandrin qui joue bien sur la dualité sémantique de ce temps : « demain se lèvera aux yeux mouillés de l’aube ».

Car Emmanuelle Imhauser marie l’alexandrin avec le quotidien de sa vie de femme, de mère. « mais que fait-on ce soir / a-t-on fait à manger / la table est-elle mise // le service attendu à l’heure bien précise // il ne faudrait pas rire de choses aussi graves ». Gourmande d'écriture gourmande des petits moments à écrire car le temps c'est aussi une succession d'instants passés à nettoyer la cave, à renouer son écharpe, à ne pas dormir et penser à son petit. ..
Mais « pourquoi chercher ailleurs les pistes du langage »? Le temps qui passe. Des années-alexandrins de douze mois bien taillés. Mais pour rompre ce ronronnement à douze temps, l’auteur casse le rythme en cherchant à écrire une « langue presque parfaite / l’humus d’une voix qui murmure à l’oreille les / terreaux de l’automne ».

C’est pourquoi ces intempéries proposées par Emmnuelle Imhauser ne sont pas à redouter. Plutôt s’en délecter.

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Pierre Tanguy et Michel Remaud, Ici Même

 

Les belles éditions rennaises La Part Commune publient Ici même sous la plume de Pierre Tanguy rehaussée du subtil pinceau de Michel Remaud. Ouvrage où il nous est donné à contempler, De l’Extrême-Orient à ‘l’Extrême-Occident’, le « haïga », association d’un haïku à une image, comme l’explique fort bien l’éminent ‘haïkiste’ Alain Kervern, dans la postface du recueil.

En trois parties, Sur la côte, Dans les terres, Au jardin, ces chemins, ces lieux qui sont les siens et probablement son univers, Pierre Tanguy se fait le créateur de l’instant qu’il rend vivant. Il palpe les rapports intimes et secrets des choses, les correspondances et les analogies ainsi que Michel Manoll a voulu l’écrire au sujet de l’œuvre de René Guy Cadou.

Et pour l’exprimer, il confie à ces moments offerts leur part d’émotion : Montant dans le train/elle serre très fort/son bouquet de lilas ; La pointe rouge/du premier bouton de camélia/me rassure ; leur trace d’humour Grands gravelots trottinant/dans la laisse de mer/quelle pagaille ! ; leur surprise : Cette racine brune/glissant entre mes pas/une petite couleuvre ; Un renard bondit/devant la roue de mon vélo/la belle journée ; aussi la tendresse de l’amour : Au cœur du trèfle violet/la voix de mon père/traversant un champ ; la bêche de mon père/son vieux manche/me donne des forces ; En fleurissant/ces plants de giroflées/ressuscitent ma mère.

Il faut ajouter que chaque page, sans confusion aucune, sans illusion, sans complaisance, en butinant mots et couleurs, laisse deviner quelque chose du mystère de la vie ainsi que les livres de Pierre Tanguy nous le donnent chaque fois à sentir et goûter (ah ! la confiture de cassis).

C’est sûrement ce que Michel Remaud, maître de son art, dans un langage personnel et épuré, révèle ou ressuscite en ouvrant le regard aux perceptions de ce qui nous dépasse, ces couleurs de l’âme qu’il met « en pleine lumière » selon son propos.

Voilà un recueil où tout peut se lire, se contempler avec François Cheng, c’est-à-dire communier et faire advenir la beauté, selon la citation portée en exergue de l’ouvrage.    




Pierre Tanguy, Un air de Cornouaille

 

(cinq haïkus)

 

Chapelle de la Palud
Sainte Anne instruit Marie
Au son de la bombarde

 

 

Jardin des moines
Les pommes anciennes
Mûrissent en silence

 

 

En fleurissant
Les plants de giroflée
Ressuscitent ma mère

 

 

Dans la mare
Traversée par un rayon
Un bigorneau tranquille

 

 

Du sang sur mes lèvres
Je mouline
Ma confiture de cassis

Présentation de l’auteur

Pierre Tanguy

Pierre Tanguy est originaire de Lesneven dans le Nord-Finistère. Ecrivain et journaliste, il partage sa vie entre Quimper et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire.

Ses recueils ont, pour la plupart, été publiés aux éditions rennaises La Part commune. Citons notamment  Haïku du chemin en Bretagne intérieure  (2002, réédition 2008), Lettre à une moniale (2005),  Que la terre te soit légère (2008), Fou de Marie (2009), Les heures lentes (2012), Silence Hôpital aux éditions La Part commune (2017).

Il est également l'auteur de recueils de haïkus

 Haïku du chemin en Bretagne intérieure, La Part Commune 2002, réédition 2006. Postface de Alain Kervern

Haïku du sentier de montagne, La Part Commune, 2007. Préface de Alain Kervern

Ici même,  avec des peintures du Michel Remaud, La Part Commune, 2014. Postface de Alain Kervern

Silence hôpital,  La Part Commune, 2017, postface de Alain Kervern

En anthologies ou livres collectifs

Chevaucher la lune, anthologie du haïku français contemporain, éditions David (Québec), 2001

Anthologie du haïku en France, bilingue français-anglais, éditions Aléas, 2003

L’arbre sort du bois, éditions Pippa, 2017

Le petit livre du haïku, First éditions 2018

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Pierre Tanguy, Cantique de l’été

 

Cathédrale de verdure,
son parvis de trèfle et d’épilobe.
Gloire du peuplier,
son chant dans le ciel bleu.

Une branche de chêne
me protège d’un soleil ardent.
Un nuage se disperse
comme un troupeau de moutons.

Le chemin transpire,
il a bu les ondées.
Des hommes s’affairent
autour des moissons.

A flanc de colline,
les chevaux blancs à l’ombre.
Éclat bleu de la libellule
sur la feuille d’ortie.

J’explore des parfums,
des goûts de miel.
Les vaches tranquilles
s’approchent des abreuvoirs.

Campagne ardente
rafraîchie par le ruisseau brun.
Les papillons blancs
ont droit de cité.
 

Présentation de l’auteur

Pierre Tanguy

Pierre Tanguy est originaire de Lesneven dans le Nord-Finistère. Ecrivain et journaliste, il partage sa vie entre Quimper et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire.

Ses recueils ont, pour la plupart, été publiés aux éditions rennaises La Part commune. Citons notamment  Haïku du chemin en Bretagne intérieure  (2002, réédition 2008), Lettre à une moniale (2005),  Que la terre te soit légère (2008), Fou de Marie (2009), Les heures lentes (2012), Silence Hôpital aux éditions La Part commune (2017).

Il est également l'auteur de recueils de haïkus

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Ici même,  avec des peintures du Michel Remaud, La Part Commune, 2014. Postface de Alain Kervern

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