Raphaël Rouxeville, Dans le cœur blanc des arbres
Dans le cœur blanc des arbres
Franc-Tireur
D'une idée et d'oxygène
J'ai épaulé, contracté léger le biceps
En direction des engrenages, d'un arbre et des tableurs
J'ai senti la crosse douce à ma joue
Et le métal de la langue était tiède
Quand mon index l'a un peu pressée
J'ai créé le silence
Il ne s'est rien passé : un oiseau est tombé
L'amour nichait dans l'arbre.
Le cap
Et ce n'est que moi
qui dis pour moi le cap
sans père pour ressentir
que moi et le cap
sans mère par où gémir
Et ce n'est que moi
qui vis de moi sentant
un cap par où marcher
pour le jour et la nuit
Et ce n'est que moi
qui vibre hors de moi
cercle d'eau d'ondes
et traverse ce monde
de lumières de gens
Jusqu'au cap.
La nuit sépia
La lune tourne un film aux nuages sépia.
Deux enfants veillés par l'araignée
passent derrière les arbres sur une barque.
Une brunette à couettes se tient aux murs
avant le passage des tornades.
Jeté sur le tas de pierre, mon mégot incandescent luit sous ce carton-pâte.
Il parle du soleil au ver luisant.
Moi, j’absorbe des aérolithes.
J’ai du sel de lumière sur la langue.
Toi, si tu voyais le jour
Tu ferais demi-tour et reprendrais ta place dans la nuit sépia.
Les nochers
Sur quel pied tu danses ici-là ?
Parce que, quand même, qu'est-ce qu'on est bougés
Ancrés, mal arrimés à nos langues tordues
Crochetées dans du ciment mou - ça bougeait moins avant
On croyait aux pommiers
Encordés pour ne pas partir, juste remués
Et tous ces brouillards collants
Sur quelles plumes on y va
- tu y vas toi, là-haut ?
Parce que, qu'est-ce qu'on n'est pas rendus...
Les planètes, quand même, belles et calmes et fixes
Les étés parallèles, les étoiles bien rangées
C'est pas là-ici encore
Et je suis pas nocher, pas nocher ailé
D'autres sont dans des pirogues
On n'en peut plus des fois, alors on se tient aux panneaux
Aux mains des murs, avec nos bouches pliées sous le ventre
D'où tombe un gros colis de silence avalé
Après, on peut toujours presser l'encre de la peau, souvent
Et la faire dégouliner, chaque jour
Dans le coeur blanc des arbres
Et les regarder, les arbres
Pousser longtemps
Dans du ciment mou, la mer noire
Parmi les panneaux, ici-là
Longtemps et vers là-haut
Des arbres
Des arbres comme des nochers.
La route
Kerouacissimo
La route se déroule presque sans nous
Le ruban dénoué chemine désormais loin
Tu sais
Entre les aubes
Et au bout
Travers la lande sableuse
Au bout du soir
Tù mariposa revêt sa robe
Peinte de bleu métal
De nuit à nuit
Ma reine
Ta grâce papillon vibrionne
De mât jaune à mât jaune
Rebondit à mesure
Au-dessus des hautes herbes
Et cavale en courbes
Après le câble noir
Jusqu’au tour de le terre
Le rouleau se lit dans tous les sens
Après les monts derrière
J’aurai demain calme
Bras de chemise la mer
Le râteau du saulnier
A carreaux
Et tu danseras tes ailes autour de moi
Gardiennes de ma foudre
Pour toi
Je ferai monceaux
De coquelicots marins
Capucines cristaux blanc
Qu’emballeront brins de salicorne
Et vieux journaux
Pour la paix de ton sang
Tachetant de bleu les jachères
Pour moi
Tu feras cocons, atomes de vent
Pontes de rosée, ruisseaux
Et danses d'écume
Pour endormir mon feu
Qui incendie les bois
Kerouacissimo
Tu sais
Facile
La route se déroulera presque sans nous.