Rémi Checchetto, Laissez-moi seul
Ce trente-deuxième ouvrage de l'auteur de Puisement dévide un traité de solitude à l'usage de celles et de ceux qui voient encore dans la poésie une manière de baume, expressif, où les mots, les vers, les rythmes jouent le rôle, avec les questionnements continus, les adresses à soi, qui puissent faire sens et offrir quelque consolation.
Il est un ressassement qui fore plus loin encore le constat, l'effroi, les lentes et précises descriptions d'un monde qui ne s'apprivoise plus.
il y aura que la ville ne sera plus blottie ni endormie sous les guirlandes et les flonflons
Le poète, « plein de larmes », sait, tout en sachant son contraire. Ce monologue acide, lucide déroule une pensée vive, toujours aux aguets de ce qu'alimente son soi pesant, décortiquant les fragilités, les angoisses, et ses voeux (« laissez, laissez revenir ma mémoire, laisse reverdir ma mémoire, laissez-la me revêtir ») .
Le monde est injuste , « où les bombes pleuvent, où « l'on s'enferme en soi » pour ne pas trop pâtir de l'extérieur immonde auquel on expose tant de « victimes ».
Rémi Checchetto, Laissez-moi seul, Lanskine, 2018, 40p., 12€.
Dans une langue qui pétarade, use des répétitions, questionne et vrille les réalités, Checchetto fait de ce long poème, si peu ponctué, un manifeste de liberté, une flambée de cris quand l'insupportable s'impose à nous.
La force des mots, des images, du mouvement qui porte l'auteur à creuser plus loin, emporte la lecture et la hisse à la bannière des grandes revendications morales. « Pour remettre sa pensée en mouvement », quasi mot de la fin.