Serge Prioul, Tu as des choses à dire …
Tu as des choses à dire
Qui ne sont pas dans l’abstrait
Ne sont pas abstraits
Malaise et vomissure
Cinq heures trente un vendredi de la semaine
Un vendredi simple d'une journée d’ouvrier
Cinq heures trente est avant tout une heure d’ouvrier
Cinq heures trente du matin
Non pas le cinq heures trente du fêtard
Et si tu as quand même envie de vomir
Ce n’est pas que tu as trop bu
Tu penses aussi à la fin de la semaine
Un peu de repos
L’apéro
Et demain bosser encore
Jardin
Maison
Voiture
Ou les vélos des enfants
Travailler
Autrement
L’ouvrier ne sait pas faire
Alors lui reprocher sa télé
Qui le rend heureux
Parce qu’il oublie
Les gens qui pensent dorment mal
Et l’ouvrier pense qu’il va falloir lundi se lever tôt
Alors l’endormissement du dimanche soir est toujours plus pénible
L’ouvrier y tient éveillée sa peur du lendemain
Et cette peur-là
L’ouvrier
Te submerge
Faute de preuves, Editions Les Carnets du Dessert de Lune - 2017
Nous sommes allés ensemble
à l'école primaire
Moi j'ai poussé jusqu'au brevet
Lui est parti apprendre la maçonnerie
chez son père
J'ai fait trente-six métiers jamais rien
Depuis ces décennies
il est devenu maître artisan
Et quand il m'explique
je l'écoute
Il n'écrit pas il fait des murs des maisons
J'essaie aussi le marteau la truelle
Le stylo même
j'essaie aussi le silence
Les murs seuls nous écrivent.
Paru au Dessert de Lune - collection Dessert - 9 2018 - à paraître également en recueil
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Les liquidambars
J'ai confiance
Dit le poème que je lis
Je trouve cela plutôt bien pour commencer le mien
Enfin j'écris n'importe quoi pour me changer l'idée
Je t'attends
Partie chercher du taf
Mon expression ne va guère plus loin que mon idée
Ça va comme ça va c'est tout
Derrière les vitres de l'usine
Des femmes en blouses claires boivent le café
C'est l'heure de pose
Enfin l'heure
Sur la pelouse on a planté des liquidambars
L'allée à droite je te guette
C'est des beaux arbres les liquidambars
C'est tout frisé
Toi aussi tu t'es bien coiffée
On en a parlé faut s'attacher les cheveux
Je t'attends
A l'automne
Les liquidambars
C'est frisé or et châtain
Ça fait penser à l'Amérique
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Voilà bien deux heures que je t'attends
Tu es partie pour une entrevue d'embauche
Avant tu as dit
Qu'est-ce qu'il faut pas faire
A soixante ans
Je suis resté seul avec un stylo rouge
Tu ne reviens pas j'écris rouge
J'écris ça je n'ai pas fini
Je lève le nez
Soudain
Tu ne
Tu as les yeux
25 9 2017, Deux poèmes écrits sur le parking de l'usine Vuitton à Ducey (50) où Régine a fini sa carrière professionnelle.
Et un texte/poème de Régine Prioul (couturière) :
Elle travaille sur une machine à encoller.
Elle est souvent seule.
Après la pose de l'après-midi, une nouvelle amie vient chaque fois la voir.
Elle se pose sur la colle. Butine. En serait-elle droguée ?
Fidèle, elle revient régulièrement, agrémente cette fin de journée,
distrait la solitude des moments où elle rêve d'une autre vie.
Bientôt, partant vers d'autres horizons,
il faudra quitter la petite mouche
libre.
Régine Prioul - 1er juillet 2018