Stéphane Lambion, Bleue et je te veux bleue
Livre bleu. Couleur du ciel. Lettre blanches. Une couverture qui sied particulièrement au premier livre d’un jeune auteur, tant le contenu vous éclabousse d’une étrange lumière. Récit, fiction, prose poétique, le recueil oscille, hésite, mais emporte l’adhésion du lecteur.
L’histoire d’un amour inassouvi ou l’histoire du désir d’un amour… « N’est-ce pas en pointillés que l’on aime, ou plutôt que l’on vit l’amour et ses secousses… ? » dit Jean-Michel Maulpoix dans sa préface. Le narrateur s’interroge sur la vie à deux, sur le vide vertigineux en lui qu’elle ne peut combler. Il plonge dans sa mémoire, évoque, relate, constate.
Une petite gitane fantôme, insaisissable, « rieuse et triste » hante le recueil. « Incertaine, insolente, elle avance » et le narrateur balance entre la femme réelle, qui partage sa vie « depuis cinq années » et celle qui marche dans la rue indifférente. Il voudrait « construire un pont de mots » pour que l’amour avance sur du solide, pour que « nous » existe, dure. Il veut croire que « tout irait mieux », mais il a conscience d’un engloutissement, de l’impossibilité d’un pont, même si le poids des mots devrait être gage de durabilité.
Parfois le désir flamboie dans l’ivresse d’une nuit, mais le matin ramène l’amertume et « laisse un arrière-goût de flamme oubliée ». Alors il reste l’illusion, le fantôme qui erre dans la ville, celle qu’on cherche sur les quais du hasard.
Stéphane Lambion, Bleue et je te veux bleue, L’Échappée Belle Édition, 2019, 94 p, 15 €.
Il avance, il recule, une danse de la mémoire et du langage, qui permet l’évocation, l’analyse, l’immersion dans sa vie, et la projection dans le désir, dans le voyage imaginaire/imaginé, « comme en apesanteur », voyage qui ne débouche sur rien. Où la « petite gitane » s’est-elle évanouie ? Que reste-t-il quand le froid envahit tout ?
Avec ce premier livre, Stéphane Lambion fait montre d’une belle maîtrise dans la construction et l’art d’emmener son lecteur, avec une langue à la fois simple, poétique et émaillée d’images originales, d’une justesse à couper le souffle. « En refermant ce recueil, on en conserve quelque chose comme une rengaine tournant en boucle » dit encore Jean-Michel Maulpoix, comme l’odeur d’une cigarette quand la présence s’est évaporée.
Bleue et je te veux bleue, un livre qui accompagne longtemps, un air d’accordéon dont la mélancolie suinte au détour d’une rue, d’un petit matin… Un bien beau livre.