Teo Libardo, Il suffira, Emma Filao, éparpiller la peau, Élisa Coste, Les chambres

Teo Libardo, Il suffira

Il suffit d’un mot juste pour que la parole retrouve une vertu cathartique, thérapeutique, salvatrice. La maison Rosa canina éditions en cultive la magie des pouvoirs, rassemblant essentiellement écrits poétiques et récits autobiographiques, selon la présentation de cette dernière : « Les racines du Rosa canina avaient la réputation de guérir de la rage.

Nous rêverions que certains de nos contemporains se soignent à la racine et guérissent de la haine, des croyances mortifères, de l’indifférence, de la cupidité – autres visages de la rage – pour enfin s’ouvrir à la complexité du monde, à une fraternité réelle. La crainte fugace que tous les Rosa canina sur Terre n’y suffiraient pas traverse en-dehors des épines notre conscience. Nous laisserons donc proliférer ces rosiers sauvages bannis des jardins bien entretenus. »

Il suffit d’une telle lueur d’espoir, Il suffira d’une telle volonté, pour reprendre le titre de l’ouvrage de poésie de Teo Libardo, pour que ces lettres restent vives et ne deviennent mortes comme des vœux pieux, mais sans portée. Par la déclinaison de l’assertion en anaphore, se dessine ce sillon fertile élargissant le champ des possibles d’où s’élève ce chant singulier des ré-enchantements : « Il suffira de le vouloir », « Il suffira d’un désir haut-perché », « Il suffira d’errer », « Il suffira de danser », « Il suffira d’un chant oublié renaissant », « Il suffira d’une mélancolie », « Il suffira de réinventer le feu »…

Teo Libardo, Il suffira, poésie, Rosa
canina éditions
, 44 pages, 12 euros.

Croyance dans les facultés d’un verbe réparateur, ce recueil se lit comme une ode aux éléments, au primitif et à ses vérités premières d’où fuse une énergie bénéfique à la réinvention du verbe aimer : « le sentiment merveilleux d’une poésie du vivre / un trait craie / sillon ineffaçable / blotti en nos corps météores / horizon palimpseste amoureux / chante la folie limpide d’exister »…

 Emma Filao, éparpiller la peau

Appel en écho à incarner à vif, éparpiller la peau d’Emma Filao, invite ses lecteurs à une incursion par-delà l’épiderme, à abandonner l’enveloppe protectrice, à s’extraire de la gangue délétère pour devenir plus-que-vive, apte à déceler sa résonance propre dans celle de l’autre, se faire geste et manifester l’indicible jusque dans le tutoiement des excitations aux existences mélangées : « toi / de quel côté de la peau es-tu / et si tes paroles s’accrochent à mes épines / comment alors n’es-tu pas sur ma peau à moi / je me retrouve dans ton oubli / tu déambules dans ma mémoire / est-elle seulement la mienne / qu’est-ce donc que cette vie sous le mot / parler / se parler / comme on s’existe »…

 Emma Filao, éparpiller la peau, poésie,
Rosa canina éditions, 112 pages, 22 euros.

Élisa Coste, Les chambres

Transfiguration d’une vie également sous le signe de l’intensité, le récit d’Élisa Coste intitulé Les chambres, commençant par une sensation de vertige, prend son essor avec la rencontre de ses deux amants, Louis et Pascal, pour écrire une histoire d’amour témoignant de la vulnérabilité et de la richesse d’un parcours : 

« J’étais dans l’interstice du monde, portée très haut par deux amours, un blond angélique et absent, un brun d’une inquiétante énergie. Nous riions très fort, nous marchions vite dans la ville froide et déserte, l’un me haussait dans ses bras quand l’autre me faisait tourner sur moi-même, jusqu’à ne plus savoir qui j’étais, tourbillon effréné où je perdais la tête. »

L’Amour fou, pour reprendre le titre du roman surréaliste d’André Breton, dont les exaltations des passions dévorantes se concluent néanmoins sur le sentiment étrange d’avoir aspiré à une vie rêvée et néanmoins réelle où poésie et politique s’allient dans un goût mêlé d’absolu heurté et d’échec inavoué : « Une histoire d’amour ne finit jamais. Nous n’avons pas su la vivre, la transformer. 

Élisa Coste, Les chambres, récit, Rosa
canina éditions, 78 pages, 15 euros.

Nous n’avons pas pu changer ce dont nous étions désormais conscients. » Forte de cette lucidité, l’aventurière prend alors la plume pour rassembler les morceaux épars du miroir et le tendre à nouveau à la promesse des rencontres fondatrices...

Présentation de l’auteur

Emma Filao

Grisée de grands espaces, de ciels découverts et de roche à nu, Emma Filao tente d’harmoniser sa voix poétique avec celles des personnes rencontrées au cours de ses voyages. De la peau, de la couleur de l’autre, d’autres types de paysages se font jour. Autant que les arbres et les montagnes lui parlent, les humains ne cessent d’être pour elle une interrogation. De là un parcours dans le mime, à la recherche du mouvement, puis une formation d’anthropologie, à la recherche d’une multitude de voix et d’expériences.

Biographie https://rosacaninaeditions.jimdofree.com/les-auteurs/emma-filao/

Bibliographie 

Journal des poètes ;  n°2, 2019
La volée ; n°18 et 19, 2020

Poèmes choisis

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Teo Libardo

Teo Libardo est né à Brindisi, dans le sud de l'Italie. Exil à Lausanne. En France depuis 1973. Artiste-peintre depuis le début des années quatre-vingt, il se consacre exclusivement à la création. Ses tableaux sont une variation sur le signe, l'écriture et la pseudo-écriture. Il expose dans plusieurs pays d'Europe. Auteur-compositeur-interprète de ses propres textes en français, il a également mis en musique plusieurs poètes parmi lesquels Cesare Pavese, dans sa langue maternelle. Auteur de poèmes et de récits, il s'investit comme lecteur et animateur lors de rencontres littéraires. En 2015, il fonde la revue La volée.

Biographie https://rosacaninaeditions.jimdofree.com/les-auteurs/teo-libardo/

Bibliographie 

Il suffira, poésie, Rosa canine, janvier 2021.

Là où germent les mots suivi de Les yeux naufragés, poésie, Rosa canine, avril 2020.

Lire, la mer est un déluge réussi, poésie / édition limitée avec gravure originale de l'auteur, Rosa canine, décembre 2019.

Solitude de la dérive ; éditions Phloème, 2020.

Quand je serai grand, je serai dictateurpour DéDéTé, éditions Gros Textes, 2017.

L’évidence à venir ; avec des photographies de Joëlle Jourdan, éditions Musimot, 2017.

Le poids de l’air ; éditions Clapàs, 2014.

Désir ; anthologie, éditions Musimot, 2021.

L'intranquille ; n°19, éd. Atelier de l'Agneau, 2020.

La volée ; 2015 à 2020.

Poèmes choisis

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Élisa Coste

Élisa Coste est auteure de nouvelles, poèmes, récits autobiographiques. Lectrice de poètes du XXe siècle lors de spectacles poétiques. Elle vit l'écriture comme une seconde peau, la poésie comme sa seule vocation, son viatique. Elle partage ce que dit Rilke : « La poésie, c'est cette possibilité d'insérer la plainte ou l'excès d'enthousiasme dans une totalité qui la résorbe».

Biographie https://rosacaninaeditions.jimdofree.com/les-auteurs/elisa-coste/

Bibliographie 

Repousser les ombres, poésie, Rosa canina, décembre 2021.

Les chambres, récit, Rosa canina, avril 2020.

Un à deux chants ; avec Nicolas Giral, éd. Rafael de Surtis, 2018.

Une ancre pour mon île ; éditions du Net, 2013.

Un point sur la planète ; éd. Vermifuge, 2010.

La vie est terriblement belle ; éd. Le Limon, 2006.

La volée ; 2015 à 2020

Triages ; n°30, éd.Tarabuste, 2018

Ecrit(s) du Nord ; n°33-34, éd. Henry, 2018

Poèmes choisis

Autres lectures