Thierry Metz : La matière des mots

J'aime bien les échafaudages ; en rêvant un peu, en se laissant aller, on peut s'y perdre, s'oublier. Plus ils sont hauts, plus les instants de vertiges communiquent avec le présent, avec les mots d'en bas qui sont à l'origine du feu, du travail. Ce que dit un homme là-haut est fumée. Signe. Vrai souffle : sa voix ne fait qu'attiser. (Extrait du Journal d'un manœuvre)

Voilà ce que me souffle Thierry Metz dès lors que je commence l'écriture d'un texte qui voudrait dire ce que le poète est pour moi.

Je rêve d'une rencontre impossible entre Serge Prioul et Thierry Metz me dit souvent un de mes amis poète. Il me faut reconnaître que moi aussi. Je songe à quoi nous parlerions, le poète manœuvre et moi. De poésie ou de chantier ? De la poésie du quotidien sûrement ; celle qui naît avec les mots d'en bas. Celle-là qui tourne dans la tête du maçon-poète le regard dans l'ombre de la bétonneuse en action. Ce que dit un homme là-haut est fumée.

Thierry Metz est mort en avril 1997. Des suites de l'alcoolisme. Nul ne l'ignore. A une époque où je commençais à vraiment écrire. Survivant de la même maladie. Survivant. Sur vivant ! Voilà dit. Redit. Quand je lis, L'homme qui penche, son dernier recueil. Eux ne sortiront jamais d'ici mais, comme les morts, ils ne le savent pas. Que l'on a posé le pied sur la même ligne. Tout au bord. On s'entend.

Sauf à lire ces lignes, je ne suis jamais retourné dans les pavillons de Pontorson ou de Plougernevel. Alors ce poème terrible des couloirs, des fumoirs, des solitudes, est, quelque part, le mien.

Maçon à Lamacha - Barroso.

Si j'avais rencontré Thierry Metz, parce que tout cela m'a depuis lors pris à cœur, comment ne pas avoir envie de soutenir cet homme qui penche mais qui aussi, ai-je lu, se redresse. Aborder et gagner, dans tous les sens des verbes. Qui sauvent s'il en est. Encore des mots entre doute et conviction. Je suis le buveur d'eau depuis 1994. Un soir de vraie promesse à l'enfance. Entre ce soir de Noël-là et l'homme qui tombe de 1997, qu'aurions pu nous dire pour que la poésie soit gagnante ? Et la vie.

Il faut si peu de mots à sortir du chantier. Vincent, David. L'ombre des pierres. Pour qui, pour quoi, boit on ? Un ami buveur guéri, du temps de mes cures, me disait toujours, ne cherche pas pourquoi tu as bu, trouve pourquoi tu ne boiras plus. Avec ça, deux prénoms d'enfants qui se tiennent, pourquoi ne pas imaginer que Le mur est intact. Le maçon n'est lié qu'à ce qu'il fait. Et qui tient. Voilé par la mort. Que toute présence nous voile. (Derniers mots de L'homme qui penche).

Alors le manœuvre, le chantier, les outils de tailleurs de pierre, la solitude devant le mur et le verre d'eau, voilà ce qui m'a fait écrire ce recueil auquel j'ai donné le titre de Mirouault le mur. Le nom d'un village de mon pays Galo de Bretagne. 

Ramassage de la paille à Vila Chã da ribiera.

Un endroit où on voyait loin. La poésie, bien faite pour mirer haut. Les mots, en bâtissant le mur, je les ai trouvés dans les pierres et les aciers. Ecrits sur un angle ou le capot de la voiture.

Ecrits avec l'encre amie et le sable aussi des mains qui travaillent. Et même si cette poussière-là a goût d'amertume. Vainqueur qui n'en est pas. Mots soufflés par qui? Voilà des mots ciment de poème de Serge Prioul à toi, Thierry Metz.

Serge Prioul - Louvigné-du-Désert le 6 avril 2021.

 

Découpe des jambons à Negrões.

En attendant les pêcheurs - Mira-plage.

 

************************

Textes de Thierry Metz

 

 

 

Extrait de Le Grainetier - éditions Pierre Mainard - 2019

L'homme s'assoit et observe : c'est la posture de l'être. Tout d'abord il ne voit que sable immobile, dune
immuable : les plantations d'un soleil, l'annonce. Puis nait un muscle, un son, deux sons, trois, un rythme
sourd et lent mais robuste. Il sent, presque à ses pieds, le sable se soulever, se bossuer, couler lentement
autour de deux mains agiles. Le sons alors imite sa voix. Il pense. Rapidement apparaissent les bras, une
chevelure brune et fournie, un visage, un tronc, un corps nu.
                                                                    "Je suis l'acte de ton poème, dit-il.
                                                                    - Je suis le sens sacré de ton image, répond l'homme assis."
                                                                     Ils prennent la posture du regard et deviennent première forme des langages.

Je dirai avec Axelos : "Le Penser ne peut éviter de cueillir sur son chemin TOUS les signaux." Cette Promenade est le nom de l'Exode : une vision en marche. A chaque instant l'œil surprend les lumières d'un chantier. La brique, le ciment, les outils prennent les mains de l'homme, s'unissent en elles partout où l'Enjeu se substitue au premier regard. Ainsi les habitudes s'épanouissent grâce au rythme d'une innovation poétique. Le Conteur peut s'installer au centre de l'auditoire, retenir l'attention, et la faire naître à une vocation humaine. Il introduit l'Enjeu, sans le tenir bien sûr, mais le stimule à travers les parois du Monde.

Cordonnier à Sendim.

************************

Extrait de Poésies 1978 - 1997 - éditions Pierre Mainard 

Quelque chose a été atteint 
non pour le dépasser
mais pour l'atteindre encore - 
simple petite rose
du regard.
Où nous sommes 
où la rose est dite
et avec elle tout est toujours à convoquer
ce qui veut aussi nous atteindre
continue de se rapprocher
pointé seulement pointé
avec ce mot.

Il y a ce va-et-vient de petites choses
personne ne sait ce qui est étrange
personne ne sait ce qui est familier 
parce que là où une parole pourrait dire
il demeure toujours ce qu'elle prédit.

 

*********************************

 

La poésie se passe d'études
qu'elles soient hautes ou de marché
Elle peut se passer de mots
mais jamais
c'est le tailleur de pierre qui me l'a dit
de son métier

Gitans à Boticas.

***********************************

Douces feuillées
Je vous connais matinales
Vous régalez mes clairières
De songes et de pluies
Vous récitez le chant de plume
Et d'écaille - 
Lumière brutale soudaine où puise ma violence
L'épaule si longtemps captive de vos rigueurs
Se dégage et s'arrondit.
Je vous capte essentielles
Ardentes
En vous
Mes traversées
L'oiseau s'affine
Et passe.

 Je suis l'élagueur.

 

Paveur à Mirandella.

Tissage traditionnel à Sendim.

Thierry Metz, Le mot, parfois, va chercher es choses, Interprété par Lionel Mazari © Poésies - Thierry Metz - éditions Pierre Maynard.

Extrait de Dans l'ici d'un homme de Thierry Metz, publié dans "Poésies 1978-1997" aux éditions Pierre Maynard. Interprété par Lionel Mazari.

Présentation de l’auteur

Thierry Metz

Thierry Metz est né en 1956 à Paris. En 1977, il s’installe à Saint-Romain-Le-Noble et travaille sur les chantiers. Le 20 mai 1988, Vincent, son second fils, est fauché par une voiture sur la nationale qui passe devant sa maison. Le même jour, il obtient le Prix Voronca pour son recueil Sur La Table inventée qui paraît aux éditions Jacques Brémond l’année suivante. Un chantier au centre d'Agen lui inspire Le Journal d'un manœuvre (L'Arpenteur/Gallimard, 1990). Les Lettres à la bien-aimée, où transparaît une tentative impossible de deuil, paraissent en 1995, toujours chez L'Arpenteur/Gallimard. En 1996, il s'installe à Bordeaux. En octobre et novembre, il fait un premier séjour volontaire à l'hôpital psychiatrique de Cadillac, où il lutte contre l'alcool et la dépression. Un mois plus tard, en janvier 1997, il effectue un second séjour dans ce même hôpital. L'Homme qui penche, écrit durant cette période, paraît aux éditions Opales/Pleine page au début de l'année 1997. Le 16 avril 1997, Thierry Metz met fin à ses jours. Source : éditions Unes.

Sur la table inventée, Éditions Jacques Brémond, 1988 (prix Ilarie Voronca 1988) ; nouvelle édition avec des encres de Gaëlle Fleur Debeaux, Éditions Jacques Brémond, 2015 (traduction italienne par Riccardo Corsi, Sulla tavola inventata, Roma, Edizioni degli animali, 2018)

Dolmen suivi de La Demeure phréatique, Cahiers Froissart, 1989 (prix Froissart) ; réédition Jacques Brémond, 2001

Le Journal d'un manœuvre, Éditions Gallimard, coll. « L'Arpenteur », 1990 et 2016; (traduction italienne, Diario di un manovale, a cura di Andrea Ponso, Milano, Edizioni degli animali, 2020)

Entre l'eau et la feuille, Éditions Arfuyen, 199112 ; réédition Jacques Brémond, 2015

Lettres à la bien-aimée, Éditions Gallimard, coll. « L'Arpenteur », 1995

Dans les branches, Éditions Opales, 1995 et 1999

Le Drap déplié, Éditions L'Arrière-Pays, 1995 et 2001

De l'un à l'autre, avec des toiles filées de Denis Castaing, Éditions Jacques Brémond, 1996

 L'Homme qui penche, Éditions Opales / Pleine Page, 1997 ; nouvelle édition revue et augmentée, Éditions Pleine Page, 200813 (traduction italienne par Michel Rouan et Loriano Gonfiantini, L'Uomo Che Pende, Pistoia, Edizioni Via del Vento, 2001) ; réédition avec une préface de Cédric Le Penven, Éditions Unes, 2017

Terre, Éditions Opales / Pleine Page, 1997 et 2000

Dialogue avec Suso, Éditions Opales / Pleine Page, 1999

 Sur un poème de Paul Celan, avec deux encres originales de Jean-Gilles Badaire, Éditions Jacques Brémond, 1999

Tout ce pourquoi est de sel (inédit), avec des illustrations de Marc Feld, Éditions Pleine Page, 2008

Carnet d'Orphée et autres poèmes, avec quatre encres et lavis de Jean-Claude Pirotte, préface de Isabelle Lévesque, Éditions Les Deux-Siciles, 2011 (traduction italienne par Marco Rota, avec trois linogravures de Piermario Dorigatti, Quaderno di Orfeo, Milano, Edizioni Quaderni di Orfeo [archive], 2012)

Tel que c'est écrit, Éditions L'Arrière-Pays, 2012

Poésies 1978-1997 (rassemble ses poèmes jamais parus en livre), préface de Thierry Courcaud (« Dernière rencontre avec Thierry Metz »), Éditions Pierre Mainard, 2017 (Pierre Mainard [archive])

Le Grainetier (récit inédit)14, suivi d'un entretien avec Jean Cussat-Blanc (« Avec Kostas Axelos et les Problèmes de l’enjeu »), préface d’Isabelle Lévesque, Éditions Pierre Mainard, 2019 (Pierre Mainard [archive])

Poèmes choisis

Autres lectures

Thierry Metz : La matière des mots

J'aime bien les échafaudages ; en rêvant un peu, en se laissant aller, on peut s'y perdre, s'oublier. Plus ils sont hauts, plus les instants de vertiges communiquent avec le présent, avec les [...]

Thierry Metz : La matière des mots

J'aime bien les échafaudages ; en rêvant un peu, en se laissant aller, on peut s'y perdre, s'oublier. Plus ils sont hauts, plus les instants de vertiges communiquent avec le présent, avec les [...]




Thierry Metz : La matière des mots

J'aime bien les échafaudages ; en rêvant un peu, en se laissant aller, on peut s'y perdre, s'oublier. Plus ils sont hauts, plus les instants de vertiges communiquent avec le présent, avec les mots d'en bas qui sont à l'origine du feu, du travail. Ce que dit un homme là-haut est fumée. Signe. Vrai souffle : sa voix ne fait qu'attiser. (Extrait du Journal d'un manœuvre)

Voilà ce que me souffle Thierry Metz dès lors que je commence l'écriture d'un texte qui voudrait dire ce que le poète est pour moi.

Je rêve d'une rencontre impossible entre Serge Prioul et Thierry Metz me dit souvent un de mes amis poète. Il me faut reconnaître que moi aussi. Je songe à quoi nous parlerions, le poète manœuvre et moi. De poésie ou de chantier ? De la poésie du quotidien sûrement ; celle qui naît avec les mots d'en bas. Celle-là qui tourne dans la tête du maçon-poète le regard dans l'ombre de la bétonneuse en action. Ce que dit un homme là-haut est fumée.

Thierry Metz est mort en avril 1997. Des suites de l'alcoolisme. Nul ne l'ignore. A une époque où je commençais à vraiment écrire. Survivant de la même maladie. Survivant. Sur vivant ! Voilà dit. Redit. Quand je lis, L'homme qui penche, son dernier recueil. Eux ne sortiront jamais d'ici mais, comme les morts, ils ne le savent pas. Que l'on a posé le pied sur la même ligne. Tout au bord. On s'entend.

Sauf à lire ces lignes, je ne suis jamais retourné dans les pavillons de Pontorson ou de Plougernevel. Alors ce poème terrible des couloirs, des fumoirs, des solitudes, est, quelque part, le mien.

Maçon à Lamacha - Barroso.

Si j'avais rencontré Thierry Metz, parce que tout cela m'a depuis lors pris à cœur, comment ne pas avoir envie de soutenir cet homme qui penche mais qui aussi, ai-je lu, se redresse. Aborder et gagner, dans tous les sens des verbes. Qui sauvent s'il en est. Encore des mots entre doute et conviction. Je suis le buveur d'eau depuis 1994. Un soir de vraie promesse à l'enfance. Entre ce soir de Noël-là et l'homme qui tombe de 1997, qu'aurions pu nous dire pour que la poésie soit gagnante ? Et la vie.

Il faut si peu de mots à sortir du chantier. Vincent, David. L'ombre des pierres. Pour qui, pour quoi, boit on ? Un ami buveur guéri, du temps de mes cures, me disait toujours, ne cherche pas pourquoi tu as bu, trouve pourquoi tu ne boiras plus. Avec ça, deux prénoms d'enfants qui se tiennent, pourquoi ne pas imaginer que Le mur est intact. Le maçon n'est lié qu'à ce qu'il fait. Et qui tient. Voilé par la mort. Que toute présence nous voile. (Derniers mots de L'homme qui penche).

Alors le manœuvre, le chantier, les outils de tailleurs de pierre, la solitude devant le mur et le verre d'eau, voilà ce qui m'a fait écrire ce recueil auquel j'ai donné le titre de Mirouault le mur. Le nom d'un village de mon pays Galo de Bretagne. 

Ramassage de la paille à Vila Chã da ribiera.

Un endroit où on voyait loin. La poésie, bien faite pour mirer haut. Les mots, en bâtissant le mur, je les ai trouvés dans les pierres et les aciers. Ecrits sur un angle ou le capot de la voiture.

Ecrits avec l'encre amie et le sable aussi des mains qui travaillent. Et même si cette poussière-là a goût d'amertume. Vainqueur qui n'en est pas. Mots soufflés par qui? Voilà des mots ciment de poème de Serge Prioul à toi, Thierry Metz.

Serge Prioul - Louvigné-du-Désert le 6 avril 2021.

 

Découpe des jambons à Negrões.

En attendant les pêcheurs - Mira-plage.

 

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Textes de Thierry Metz

 

 

 

Extrait de Le Grainetier - éditions Pierre Mainard - 2019

L'homme s'assoit et observe : c'est la posture de l'être. Tout d'abord il ne voit que sable immobile, dune
immuable : les plantations d'un soleil, l'annonce. Puis nait un muscle, un son, deux sons, trois, un rythme
sourd et lent mais robuste. Il sent, presque à ses pieds, le sable se soulever, se bossuer, couler lentement
autour de deux mains agiles. Le sons alors imite sa voix. Il pense. Rapidement apparaissent les bras, une
chevelure brune et fournie, un visage, un tronc, un corps nu.
                                                                    "Je suis l'acte de ton poème, dit-il.
                                                                    - Je suis le sens sacré de ton image, répond l'homme assis."
                                                                     Ils prennent la posture du regard et deviennent première forme des langages.

Je dirai avec Axelos : "Le Penser ne peut éviter de cueillir sur son chemin TOUS les signaux." Cette Promenade est le nom de l'Exode : une vision en marche. A chaque instant l'œil surprend les lumières d'un chantier. La brique, le ciment, les outils prennent les mains de l'homme, s'unissent en elles partout où l'Enjeu se substitue au premier regard. Ainsi les habitudes s'épanouissent grâce au rythme d'une innovation poétique. Le Conteur peut s'installer au centre de l'auditoire, retenir l'attention, et la faire naître à une vocation humaine. Il introduit l'Enjeu, sans le tenir bien sûr, mais le stimule à travers les parois du Monde.

Cordonnier à Sendim.

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Extrait de Poésies 1978 - 1997 - éditions Pierre Mainard 

Quelque chose a été atteint 
non pour le dépasser
mais pour l'atteindre encore - 
simple petite rose
du regard.
Où nous sommes 
où la rose est dite
et avec elle tout est toujours à convoquer
ce qui veut aussi nous atteindre
continue de se rapprocher
pointé seulement pointé
avec ce mot.

Il y a ce va-et-vient de petites choses
personne ne sait ce qui est étrange
personne ne sait ce qui est familier 
parce que là où une parole pourrait dire
il demeure toujours ce qu'elle prédit.

 

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La poésie se passe d'études
qu'elles soient hautes ou de marché
Elle peut se passer de mots
mais jamais
c'est le tailleur de pierre qui me l'a dit
de son métier

Gitans à Boticas.

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Douces feuillées
Je vous connais matinales
Vous régalez mes clairières
De songes et de pluies
Vous récitez le chant de plume
Et d'écaille - 
Lumière brutale soudaine où puise ma violence
L'épaule si longtemps captive de vos rigueurs
Se dégage et s'arrondit.
Je vous capte essentielles
Ardentes
En vous
Mes traversées
L'oiseau s'affine
Et passe.

 Je suis l'élagueur.

 

Paveur à Mirandella.

Tissage traditionnel à Sendim.

Thierry Metz, Le mot, parfois, va chercher es choses, Interprété par Lionel Mazari © Poésies - Thierry Metz - éditions Pierre Maynard.

Extrait de Dans l'ici d'un homme de Thierry Metz, publié dans "Poésies 1978-1997" aux éditions Pierre Maynard. Interprété par Lionel Mazari.

Présentation de l’auteur

Thierry Metz

Thierry Metz est né en 1956 à Paris. En 1977, il s’installe à Saint-Romain-Le-Noble et travaille sur les chantiers. Le 20 mai 1988, Vincent, son second fils, est fauché par une voiture sur la nationale qui passe devant sa maison. Le même jour, il obtient le Prix Voronca pour son recueil Sur La Table inventée qui paraît aux éditions Jacques Brémond l’année suivante. Un chantier au centre d'Agen lui inspire Le Journal d'un manœuvre (L'Arpenteur/Gallimard, 1990). Les Lettres à la bien-aimée, où transparaît une tentative impossible de deuil, paraissent en 1995, toujours chez L'Arpenteur/Gallimard. En 1996, il s'installe à Bordeaux. En octobre et novembre, il fait un premier séjour volontaire à l'hôpital psychiatrique de Cadillac, où il lutte contre l'alcool et la dépression. Un mois plus tard, en janvier 1997, il effectue un second séjour dans ce même hôpital. L'Homme qui penche, écrit durant cette période, paraît aux éditions Opales/Pleine page au début de l'année 1997. Le 16 avril 1997, Thierry Metz met fin à ses jours. Source : éditions Unes.

Sur la table inventée, Éditions Jacques Brémond, 1988 (prix Ilarie Voronca 1988) ; nouvelle édition avec des encres de Gaëlle Fleur Debeaux, Éditions Jacques Brémond, 2015 (traduction italienne par Riccardo Corsi, Sulla tavola inventata, Roma, Edizioni degli animali, 2018)

Dolmen suivi de La Demeure phréatique, Cahiers Froissart, 1989 (prix Froissart) ; réédition Jacques Brémond, 2001

Le Journal d'un manœuvre, Éditions Gallimard, coll. « L'Arpenteur », 1990 et 2016; (traduction italienne, Diario di un manovale, a cura di Andrea Ponso, Milano, Edizioni degli animali, 2020)

Entre l'eau et la feuille, Éditions Arfuyen, 199112 ; réédition Jacques Brémond, 2015

Lettres à la bien-aimée, Éditions Gallimard, coll. « L'Arpenteur », 1995

Dans les branches, Éditions Opales, 1995 et 1999

Le Drap déplié, Éditions L'Arrière-Pays, 1995 et 2001

De l'un à l'autre, avec des toiles filées de Denis Castaing, Éditions Jacques Brémond, 1996

 L'Homme qui penche, Éditions Opales / Pleine Page, 1997 ; nouvelle édition revue et augmentée, Éditions Pleine Page, 200813 (traduction italienne par Michel Rouan et Loriano Gonfiantini, L'Uomo Che Pende, Pistoia, Edizioni Via del Vento, 2001) ; réédition avec une préface de Cédric Le Penven, Éditions Unes, 2017

Terre, Éditions Opales / Pleine Page, 1997 et 2000

Dialogue avec Suso, Éditions Opales / Pleine Page, 1999

 Sur un poème de Paul Celan, avec deux encres originales de Jean-Gilles Badaire, Éditions Jacques Brémond, 1999

Tout ce pourquoi est de sel (inédit), avec des illustrations de Marc Feld, Éditions Pleine Page, 2008

Carnet d'Orphée et autres poèmes, avec quatre encres et lavis de Jean-Claude Pirotte, préface de Isabelle Lévesque, Éditions Les Deux-Siciles, 2011 (traduction italienne par Marco Rota, avec trois linogravures de Piermario Dorigatti, Quaderno di Orfeo, Milano, Edizioni Quaderni di Orfeo [archive], 2012)

Tel que c'est écrit, Éditions L'Arrière-Pays, 2012

Poésies 1978-1997 (rassemble ses poèmes jamais parus en livre), préface de Thierry Courcaud (« Dernière rencontre avec Thierry Metz »), Éditions Pierre Mainard, 2017 (Pierre Mainard [archive])

Le Grainetier (récit inédit)14, suivi d'un entretien avec Jean Cussat-Blanc (« Avec Kostas Axelos et les Problèmes de l’enjeu »), préface d’Isabelle Lévesque, Éditions Pierre Mainard, 2019 (Pierre Mainard [archive])

Poèmes choisis

Autres lectures

Thierry Metz : La matière des mots

J'aime bien les échafaudages ; en rêvant un peu, en se laissant aller, on peut s'y perdre, s'oublier. Plus ils sont hauts, plus les instants de vertiges communiquent avec le présent, avec les [...]

Thierry Metz : La matière des mots

J'aime bien les échafaudages ; en rêvant un peu, en se laissant aller, on peut s'y perdre, s'oublier. Plus ils sont hauts, plus les instants de vertiges communiquent avec le présent, avec les [...]




Chronique du veilleur (5) – Thierry Metz, Tel que c’est écrit

 C’est un petit livre de poèmes publiés pour la première fois dans le numéro 69 de la revue d’inspiration chrétienne Résurrection au printemps 1995. « La table est mise / l’assiette est nue » dit le premier poème : la voix est là, simple, grave, prête pour les choses essentielles. Thierry Metz était un homme de terre et d’outils. Terre (Opales/ Pleine page) le montre en chemin :

    Ce n’est qu’un chemin
  rendu dans ma gorge
     un sentier porté par les oiseaux
    par la biche
j’enviais la source d’être aussi solitaire
  d’être épargnée.

Thierry Metz, Tel que c'est écrit, Editions L'arrière-Pays

Thierry Metz, Tel que c'est écrit, Editions L'arrière-Pays, 2012

Il écrit aussi : L’outil m’entraîne. Quelquefois détesté mais grave. Mais soucieux. Et le Journal d’un manœuvre ne parle pas que de chantier et de maison à bâtir, mais d’un « campement d’hommes, venus pour écouter la terre, pour dire… presque rien… une parole cernée d’oubli, de nécessités, mais dans l’inépuisable. » Thierry Metz avait ce don rare d’être à l’écoute du plus petit miracle, de ressentir la chaleur du cœur le plus solitaire ou le plus fermé.

Beaucoup connaissent le destin tragique qui fut le sien, l’accident mortel de son jeune fils, la détresse qui s’en suivit, la mort qu’il s’est lui-même donnée en 1997. Mais ce qui touche le plus un lecteur d’aujourd’hui, c’est cet exemple qu’on pourrait presque qualifier de saint, d’une vie de labeur, de foi et d’amour, chaque jour reprise comme on reprend un fardeau pour avancer un peu plus loin.

      Chaque jour je remonte le bois sec
     sur mon épaule
     comme un corps
    que j’aurais trouvé sous un arbre
   n’ayant plus que lui
   pour nous réchauffer

L’écriture poétique pour lui relève de la même disposition du corps et de l’âme, elle ne fait qu’un avec sa façon d’être, d’accueillir l’autre, de ne pas s’enfermer :

    Ecrire
   comme si j’arrivais de nulle part
   comme si ma main
  dans la nuit
  avait reconnu l’âne
son trésor de paille.

Lorsque la douleur le submerge, sa parole devient d’une intensité et d’une intimité désarmantes, comme celle d’un proche qu’on voudrait tant secourir et qu’on voit partir dans une forêt de ténèbres inconnue d’où il ne reviendra pas :

   Je ne sais
  comment j’arrive à me suivre
  à m’entendre
à racler le peu qui me reste.

Thierry Metz ne pouvait s’installer nulle part, quelque chose le poussait, une grande force invisible, quelquefois effrayante. Jusqu’à la limite extrême de ses forces, il put travailler, au moins écrire (son dernier livre : L’homme qui penche, Opales/Pleine page, 1997) « pour retenir, peut-être, ce qui était plus penché que lui. »

Quelle conclusion donner, sinon celle de la préface émue que Jean Grosjean avait écrite pour Le Journal d’un manœuvre (« L’Arpenteur », Gallimard, 1990) :

Ce que nous pouvions prendre pour un univers de médiocrité banale se trouve être une merveille. Elle ne nous retient pas par la manche comme font les vendeurs forains. Elle parle à mi-voix et l’entende qui veut. Elle dit : Qui que tu sois tes instants ne contiennent rien d’autre, mais ils sont des miracles.  

Chronique du veilleur

Retrouvez l'ensemble de la Chronique du veilleur, commencée en 2012 par Gérard Bocholier