Valéry Meynadier, Le Dit d’Eurydice
Certainement un oiseau te suit, tu marches sur un tapis vert, entourée de voiles pourpres, que tu déchires à chaque pas. Ou bien, c'est toi qui suit l'oiseau Birdy, assurée d'avancer bien au-dessus des précipices. C'est cet équilibre, le vol au-dessus du vide, et la puissance de ta marche, qui édifie ton écriture. Eurydice ne dit plus l'impuissance, ne se tait que pour mieux affirmer qu'elle appartient à son histoire, la tienne, la mienne, la nôtre, et plus loin celle d'une humanité où les femmes sont devenues aussi des hommes par capillarité à force d'écriture qui recoud les déchirures de nos histoires.
Et si la figure d'Eurydice travaille toujours les inconscients, si son histoire parchemin archétypal l'enferme, la tord, l'expulse du champ des possibles, tu lui offres la vie.
Mots qui jouxtent le fracas presque abouti, mais jamais arrivé, le poème secoue le silence, le met en demeure de cesser de dire l'avortement des possibles existences de celle qu'on tait.
Valéry Meynadier et Dominique Bertrand, Le Dit d'Eurydice, lecture et musique, début, Librairie Zeugma, Montreuil, le samedi 17 juin 2023.
tu me contais comment les fleurs poussent à travers les murs
& comment les murs saxifrages se fanent avec les murs
avec ta lyre à neuf cordes
& tes yeux sauvageons
tu jouais avec les éléments
terre eau air feu
à hauteur de ton enfance
moi, ton ombre sculptée
en prouej’apparaissais disparaissais
amouren bas de page
appui à tous tes hymnes
Eurydice remonte seule de tout enfer, de toute vie, de toute lignée, interpellée, femme, fille, mère, girons séculaires enfermés dans des girons séculaires éventrés grâce à ta poésie, ouverts, libres et fertiles, fragmentés dans ces croisements de paroles possibles, et portés par la musique de celui qui accompagne l'ouverture de cette langue apocalyptique, Dominique Bertrand. Pas Orphée, ni Eurydice, ni ombres indues du mythe, mais incarnation d'un lien subtile entre le verbe et la musique, c'est à dire le son, et la sonorité.
entre les lignes, passe le couteau
cela fut-il dit ?
avec le sang des lettres
j'ose ma liberté
Valéry Meynadier, Le Dit d'Eurydice, Musimot, 2023, 98 pages, 18 €.
Dit de toute assertion, qui secoue le langage pour lui extirper un nom, enfin audible, parce que sorti du silence englouti dans les ténèbres, un nom sans visage, sans histoire, et sans trace, ce nom de femme sans lignée, source de sa source, origine et conséquence de toutes les autres.