Dans la collection Encres blanches : Gérard Le Goff, L’élégance de l’oubli, Vincent Puymoyen, Flaques océaniques

Gérard Le Goff, L'élégance de l'oubli

Ce voyage dans le temps commence en feuilletant un album de photographies, ou en retrouvant dans une boîte à biscuits en métal peint des images du passé. D'emblée, ces gestes quotidiens sont sublimés, puisqu'on adopte la candeur inquiète de l'orpailleur sur le point de séparer le sable de l'or.

Se dresse alors un portrait de famille, à travers des textes en prose et des poèmes qui parlent des parents et grands-parents de l'auteur. Les souvenirs se confondent parfois avec les rêves d'un enfant qui joue dans des paysages qui deviennent une jungle de haut sainfoin, d'où jaillissaient des constellations de papillons. Dans cette famille humble, le train miniature que le père, marin, ramène de New York devient un morceau d'Amérique. On retrouve aussi le plaisir des jeux d'un âge innocent, où l'on dresse face aux marées des barrages de sable, dans l'espoir de faire face au temps et à la réalité.

Une nostalgie douce enveloppe le récit, qui se termine quand l'auteur entre au lycée et sent que l'enfance venait de s'achever. Il voit alors comment le temps s'accélère, et assiste aux transformations de son environnement -immeubles construits, routes inutiles- pour affirmer : Ils se sont acharnés sur le moindre recoin de mes territoires de songes.

Le style tendre et lumineux de l'auteur reflète parfois l'histoire familiale à travers des objets hérités, comme une médaille de guerre, pour en garder une mémoire étonnée. Il ne s'agit surtout pas de réécrire le passé, mais de nous montrer où se trouve l'élégance de l'oubli à laquelle fait allusion le titre de l’œuvre, afin de mieux nous expliquer comment on façonne les souvenirs.

Gérard Le Goff, L'élégance de l'oubli, Encres Vives, Collection Encres Blanches n°802, novembre 2020.

 

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Vincent Puymoyen, Flaques océaniques

L'auteur nous propose vingt-trois poèmes ou textes en prose à travers lesquels s'établit un contact direct avec la nature. Il nous parle notamment des environs de Brest, où il habite : à l'est le lac saumâtre de l'origine / à l'ouest les confins qui rougeoient déjà. L'Auberlac'h, le phare du Minou, le moulin Blanc sont inondés d'eau et de lumière : c'est ainsi que Flaques océaniques cherche à dévoiler nos liens avec les éléments.

Toutefois il ne s'agit pas seulement d'exprimer ses sensations immédiates, mais d'évoquer aussi nos rapports avec le temps qui nous a construit. En ce sens, le regard inquiet et curieux de l'enfance (Métal conducteur de l'enfance / Argent du plateau lisse / Surface où s'étalent des pans de brume) demeure présent et semble être la colonne vertébrale de la pensée du poète.

Loin d'être un simple observateur, Vincent Puymoyen pose des questions existentielles et tisse jour et nuit pour attraper la note rare, et ne pas oublier que L'âme est le souffle chaud qui remplit la tuyauterie complexe du corps, alors tu deviens bouée, radeau ou steamer, selon ton goût de l'aventure. Sans oublier, tout de même, de prendre garde chaque fois de revenir au port.

Présentation de l’auteur

Gérard Le Goff

Né en 1953, à Toulon, Gérard Le Goff, après l’obtention d’une maîtrise-ès-lettres à l’Université de Haute-Bretagne, effectue toute sa carrière professionnelle au sein de l’Education nationale dans les académies de Caen et de Rennes ; il a été successivement : enseignant, cadre administratif et conseiller en formation continue.
Il écrit depuis l’adolescence mais ne cherche pas à publier. Désormais à la retraite, il entreprend de mettre de l’ordre dans ses nombreux manuscrits, tout en reprenant une activité d’écriture. Il travaille en parallèle la peinture et le dessin au sein d’une association.
Ses premiers textes paraissent dans la revue Haies Vives en 2017. Puis dans d’autres publications : Le Capital des Mots (2018, 2019, 2020), Festival Permanent des Mots (2018), Traversées (2019) et à nouveau dans Haies Vives (2019, 2020)
S’en suivent l’édition de plusieurs recueils de poésie aux éditions Encres Vives et Traversées, d’un roman et d’un recueil de nouvelles.

 

Poésie :

Cahier de songes - Editions Encres Vives (septembre 2018).
De l’inachèvement des jours - Editions Encres Vives (octobre 2018).
L’arrière-pays n’existe pas - Editions Encres Vives (décembre 2018).
Intermède vénitien - Editions Encres Vives (février 2019).
Passants - Editions Encres Vives (avril 2019).
Le reste du peu - Editions Encres Vives (juin 2019).
La note verte - Editions Encres Vives (décembre 2019).
Simples suivi de Par quatre chemins - Editions Encres Vives (décembre 2019).
Arsenal des eaux - Editions Encres Vives (janvier 2020).
L’orée du monde - Editions Traversées (janvier 2020).
L’élégance de l’oubli - Editions Encres Vives (novembre 2020).
Brisées - Editions Encres Vives (décembre 2021).
La cité chimérique - Editions Encres Vives (janvier 2022).

Prose :

Argam, roman - Editions Chloé des Lys (novembre 2019).
Trajectoires tronquées, nouvelles- Editions Stellamaris (mai 2020).
La raison des absents, roman- Editions Stellamaris (avril 2022).

Publications en revues :

Poésie :

Revue Haies Vives N°5 (septembre 2017).
Revue Haies Vives N°7 (septembre 2019).
Revue Haies Vives N°8 (septembre 2020).
Revue Haies Vives N°9 (septembre 2021).
Revue Haies Vives N°10 (septembre 2022).
Revue Festival Permanent des Mots (FPM) N° 18 (mars 2018).
Revue Festival Permanent des Mots (FPM) N° 20 (septembre 2018).
Revue Le Capital des Mots - Eric Dubois (revue en ligne) (novembre 2018, décembre 2018, janvier 2019, février 2019, avril 2019, novembre 2019, décembre 2019, janvier 2020, février 2020, mars 2020, avril 2020 & mai 2020.
Revue Poésie Mag - Eric Dubois (revue en ligne) (novembre 2020).
Revue Traversées N°98 (avril 2021).
Revue Recours au poème (en ligne) (N° 213 mars-avril 2022).

Prose :

Revue Traversées N°90 (mars 2019).

Critique :

Revue Traversées (en ligne) (août 2020) : Golgotha de Claude Luezior.
Revue Traversées (en ligne) (novembre 2020) : Angèle Vannier, la traversée ardente de la nuit de Dominique Bodin & Françoise Coty.
Revue Traversées (en ligne) (mai 2021) : Au milieu du gué (Attestato) de Giuliano Ladolfi.
Revue Traversées (en ligne) (septembre 2021) : Initiale de Lieven Callant.
Revue Traversées (en ligne) (mars 2022) : Ensoleillements au cœur du silence de Sonia Elvi­reanu.
Revue Traversées (en ligne) (août 2022) : Sur les franges de l’essentiel suivi de Ecritures de Claude Luezior.
Revue Recours au poème (en ligne) (N° 206 janvier-février 2021) : Le chant de la mer à l’ombre du héron cendré de Sonia Elvireanu.
Revue Recours au poème (en ligne) (N° 207 mars-avril 2021) : Un Ancien Testament déluge de violence de Claude Luezior ; Epître au silence de Claude Luezior.
Revue Couleurs Poésie 2 - Jean Dornac (en ligne) (janvier 2021) : Le souffle du ciel de Sonia Elvireanu.

Sur l’auteur :

Les belles phrases d’Eric Allard, Mondes francophones, Babelio, Traversées, Site de l’AREW, Couleur poésie, Recours au poème…

Autres lectures

Gérard le Goff, Les chercheurs d’or

Le nouveau livre de Gérard le Goff invite le lecteur à un voyage poétique à travers la littérature des XIXème et XXème siècles. C’est un hommage rendu aux écrivains français ou d’expression française, [...]

Présentation de l’auteur

Vincent Puymoyen

Vincent Puymoyen est né en 1970 à La Rochelle et enseigne actuellement à Brest, sa ville d'adoption. Il écrit depuis longtemps des poèmes d'inspiration variée. Si la poésie est une chose sérieuse, il sait qu'elle est avant tout expérience et liberté. Expérience car elle est une trace de vie, accidentelle parfois. Liberté car elle se rit, comme le voulait Verlaine, de l'éloquence et de la pose. Araignée désorientée mais néanmoins patiente, elle cherche à tisser une architecture invisible et secrète à travers les mots et les événements.

Vincent Puymoyen a publié quelques poèmes, sous le titre Anatomies burlesques, dans La Revue littéraire (éditions Léo Scheer), n°76,  janvier 2019.

Autres lectures




Vincent Puymoyen, Flaques océaniques

 

CONJUGALE EMBARDÉE

A grandes enjambées
Par orages et trouées
Flaques océaniques
Et continents de boues
Ton noir transatlantique
Ignora le récif
Et la masse critique.

Tu te réveilles tard
Sur un triste billot
Tu palpes la nuit noire
Adieu la religion
Et les sourdes antiennes
Ta lente expiration
Raclait le sol pierreux
Amolli autrefois
Par des galets vicieux
D'une couche nuptiale.
Vois ton amour dévot
Tomber sous les étoiles.

Tu te réveilles enfin
Tu rassembles tes os
Tu saisis le falot
Vive la dérision
Des cimes assassines !
Et ta lente ascension
Éloigne le destin,
Adoucie quelquefois
Par le ballet joyeux
De fleurs luisantes et vagues.
Vois ton amour nouveau
Glisser sur les étoiles !

 

 

 

NOCES

Noces
N'ose
N'os
La chair de la mariée
Sonne mollement

 

 

DANS LE BLEU

Dans le bleu se cachent
Les auréoles de jeunesse
La jambe agile se lâche
Afin qu'aujourd'hui naisse
La gaze halée de ta face
Sur un parchemin tiède
Et doux, que se défasse
L'étau de ta cuisse laide
D'avoir refusé l'ardeur
De ma vie brûlante
Prise dans ta froideur

 

 

 

ET SI

Et si cette vie
Éviscérée
Cette vie serait
La balle arrondie
Et rebondissante
De ta rêverie
Bulle
D'un môle où brille le phare
De ton aller simple

Par marée montante
La mer en allée
Bave sur les rochers
Et donne une claque
Au phare avancé

 

 

EAU CRITIQUE

Mon œil à la dérive
chien crevé gueule ouverte
Sur la pente du croissant lunaire
Rassemble quelques images
Volées à la vie tiède
En un bouquet décadent.

C'est la plainte inaudible
Des horizons translucides
Où se perd l'enfant morne.

Piquées dans le fruit mûr de ta tristesse
Quelques fleurs renaissent et explosent
Comme des astres qu'oppresse
Le vide où elles sont encloses.

Ma fête et ses flonflons
S'anime en petit comité
De bestioles ironiques
Qui trinquent dans l'ombre
D'un grand clown sans espoir

 

 

PIRATERIE

La toile délicate qu’inconséquemment –  c’est toi
tu tisses jour et nuit pour attraper la note rare

                                   vient d’être crevée

par un boulet véloce tiré par un pirate
ce n’est pas pitrerie hélas il ne rit pas bien
ce boulet railleur comme le crâne d’Holbein
Ambassadeur pressé du nouveau monde !
Météorite tombé dans mon jardin
tu pèses sur les oignons – les miens –
prêts à éclore du potager
Il n’y aura pas de fleurs !
Le poète se dit alors
que c’était bien la peine d’œuvrer pour le subtil
                                                              au milieu des bombes
Tu peux travailler autant que tu le peux l’élasticité du poème il ne sera jamais jamais et non jamais
                                                                                                    étiré
comme la fronde du postier qui rend le projectile à l’envoyeur
ni hamac assez solide pour reposer au-dessus des décombres sous la main du vent
Non tu ne seras pas vengé
injuste retour des choses
Entre boulet et toile d’araignée
il n’y a pas d’équité

Alors il faudra troquer la soie fragile
contre le rêche fil de chanvre
Relancer la corderie
hisse hisse haut matelot et fort il est l’heure
d’installer la nouvelle encablure
qui soutient le gréement compliqué
de tes rêves impossibles

 

 

Présentation de l’auteur

Vincent Puymoyen

Vincent Puymoyen est né en 1970 à La Rochelle et enseigne actuellement à Brest, sa ville d'adoption. Il écrit depuis longtemps des poèmes d'inspiration variée. Si la poésie est une chose sérieuse, il sait qu'elle est avant tout expérience et liberté. Expérience car elle est une trace de vie, accidentelle parfois. Liberté car elle se rit, comme le voulait Verlaine, de l'éloquence et de la pose. Araignée désorientée mais néanmoins patiente, elle cherche à tisser une architecture invisible et secrète à travers les mots et les événements.

Vincent Puymoyen a publié quelques poèmes, sous le titre Anatomies burlesques, dans La Revue littéraire (éditions Léo Scheer), n°76,  janvier 2019.

Autres lectures