Xavier Grall – Georges Perros, Regards croisés

Ils étaient faits pour se rencontrer. Xavier Grall (1930-1981) et Georges Perros (1923– 1978), pourtant si différents dans leur approche du monde et de la vie, ont très vite eu des atomes crochus. L’amour de la Bretagne les réunissait mais encore plus leur « claudication commune » comme le dit si justement  Ronan Nédélec dans un livre où il rend compte des liens qui unissaient ces deux poètes. Livre publié à l’occasion des quarante ans de la disparition de Xavier Grall.

Ces liens se sont tissés par une correspondance et des rencontres. La première de ces rencontres date du 20 juillet 1969 à Tréhubert en Trégunc où Georges Perros s’est déplacé depuis Douarnenez (sur sa mythique moto) pour rencontrer Xavier Grall. D’autres rencontres suivront, parfois sous le regard de Nicole Collereau, hôtelière et restauratrice à Pont-Aven (une fameuse photographie de Michel Thersiquel les immortalise tous les trois). Grall se rendra aussi à Douarnenez.

Leur correspondance n’est pas très fournie. Rien à voir, par exemple, avec la correspondance que Perros a entretenu avec Lorand Gaspar. Simplement 20 lettres (13 de Grall, 7 de Perros) écrites entre 1969 et 1978. Grall écrit pour la première fois à Perros parce qu’il prépare un article sur les écrivains de Bretagne pour la revue Le Cri du monde. La dernière lettre est de Perros, le 18 janvier 1978, soit 5 jours avant sa 2e opération à l’hôpital Laënnec à Paris (il décède le 24 janvier).

Xavier Grall – Georges Perros, Regards croisés, La Part Commune, 242 pages, 15 euros.

Dans leur correspondance, les deux hommes parlent de leurs livres, évoquent des articles de journaux, parlent du temps qu’il fait et du temps qui passe. Pas de grandes considérations. Plutôt des signes d’amitié ou de connivence, des « coucous » chaleureux. Une fraternité entre les lignes en somme. « J’ai été très heureux de te revoir ici. Raid un peu bref toutefois. Faut revenir nizonner » (lettre de Grall du 26 décembre 1974 dans sa campagne de Nizon). « Merci de ta carte signe de tendresse. Mais je ne suis plus capable de faire de signes. Justement puisqu’on m’a coupé de sifflet (lettre de Perros, Laryngectomisé, de fin avril 1976). Ronan Nédélec, qui réunit aujourd’hui toutes ces lettres qu’il a pu retrouver, le note avec justesse : « Ils avaient tous les deux un sens aigüe de la chose littéraire et c’est aussi cette acuité qui les faisait boîter parfois à la même fréquence ».

Quand Georges Perros mourra, Xavier Grall (qui s’était déplacé à ses obsèques par une journée venteuse et pluvieuse au cimetière marin de Tréboul) lui rendra un hommage vibrant dans un long poème publié pour la première fois dans la revue Le Fou parle. « Je me souviens de Georges Perros/Je ne fus pas de ses intimes/C’était entre nous les rimes/De deux poètes dingues/De rencontres et de frairies/Humains trop humains/Il nous suffisait de l’être/Nous avions rompu avec Paris/Les mêmes rives nous étaient familières/Nous étions de ces frères pudiques/Qui ne sont graves/Que dans les lettres et cartes postales ». Grall publiera aussi deux chroniques dans Le Monde où il évoquera avec chaleur celui qu’il appelait « le moineau de la grève-aux-dames » (par allusion à l’appartement de Perros à Douarnenez qui dominait cette grève).

Les regards croisés de ces deux poètes ne s’arrêtent pas là. Ronan Nédélec réunit ici les appréciations qu’ils portaient, l’un comme l’autre, sur les œuvres d’Armand Robin et de Yves Elléouet. Il y ajoute cette passion commune des îles (Irlande, Sein…) que Grall ou Perros ont exprimée dans des articles ou des poèmes dispersés dans leurs œuvres respectives. Ronan Nédélec entend proposer, comme il le dit lui-même, « une approche sensible aux écrits et aux thèmes qui les auront fait boîter ensemble ». C’est le grand mérite de ce livre qui a nécessité une belle investigation pour rendre ainsi accessible des textes peu connus, ou pas connus du tout, de ces deux grands auteurs de Bretagne.

Présentation de l’auteur

Xavier Grall

Xavier Grall est né à Landivisiau (Finistère) , le 22/06/1930 et est décédé le 11/12/1981 à  Quimperlé (Finistère). Xavier Grall est un journaliste, poète et écrivain breton.

Poèmes choisis

Autres lectures

Xavier Grall, Les Billets d’Olivier réédités

Relire Xavier Grall : l’écrivain, le poète, le journaliste. Mais aussi le chroniqueur. Pendant plus de dix ans (de 1972 à 1981), il a livré chaque semaine de courts textes à l’hebdomadaire « La Vie [...]

Xavier Grall – Georges Perros, Regards croisés

Ils étaient faits pour se rencontrer. Xavier Grall (1930-1981) et Georges Perros (1923– 1978), pourtant si différents dans leur approche du monde et de la vie, ont très vite eu des atomes crochus. [...]

Présentation de l’auteur

Georges Perros

Georges Perros était un poète, écrivain et comédien français. Il publie ses premièrs textes dans 'La Nouvelle Revue française' en 1953 et traduit la même année des pièces de Tchekhov et de Strindberg.
En 1961, il publie chez Gallimard son premier volume de Papiers collés, notes et études sur la littérature  (Kafka, Rimbaud, Hölderlin, et Kierkegaard). Perros est aussi l'auteur dans la NRF de notes de critiques littéraires et télévisuelles.
Georges Perros est mort d'un cancer du larynx le 24 janvier 1978 à l'hôpital Laennec de Paris.

  • Poèmes bleus, Gallimard, 1962, rééd. « Poésie », avec une préface de Bernard Noël, 2019
  • Papiers collés, Gallimard, 1960, rééd. « L'Imaginaire », 1986
  • Une vie ordinaire, Gallimard, 1967, rééd. « Poésie », 1988
  • Papiers collés II, Gallimard, 1973, rééd. « L'Imaginaire », 1989, Prix Bretagne 1974
  • Huit poèmes, Lausanne, Alfred Eibel, 1974, rééd. 1978
  • Notes d'enfance, Quimper, Calligrammes, 1977
  • Échancrures, Quimper, Calligrammes, 1977
  • L'Ardoise magique, Charleville-Mézières, Givre, 1978. Réédition avec un poème liminaire de Michel Butor et une postface de Bernard Noël, L’œil ébloui [archive], 2014
  • Papiers collés III, Gallimard, 1978
  • Huit poèmes, Lausanne, Alfred Eibel, 1978
  • Lexique, Quimper, Calligrammes, 1981
  • Lectures, Cognac, Le temps qu'il fait, 1981
  • Les Yeux de la tête, Le Nouveau Commerce, 1983
  • Je suis toujours ce que je vais devenir, coédition Calligrammes/Bretagnes, 1983. Entretiens avec Michel Kerninon. Réédition aux éditions Dialogues, Brest, 2016.
  • Dessins, Le Nouveau Commerce, 1983. 11 cartes postales dessinées par l'artiste
  • Télé-Notes, Rennes, Ubacs, 1992
  • L'Occupation et autres textes, Nantes, Joseph K, 1996
  • Lectures pour Jean Vilar, Cognac, Le temps qu'il fait, 1999
  • Pour ainsi dire, Finitude, 2004
  • Dessiner ce qu'on a envie d'écrire, recueil d'œuvres graphiques, Finitude, 2005
  • J'habite près de mon silence, poèmes, Finitude, 2006
  • La Pointe du Raz dans quelques-uns de ses états, coédition Finitude & Fario, 2010
  • Œuvres, sous la direction de Thierry Gillybœuf, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2017.
  • Correspondance Jean Grenier / Georges Perros, 1950-1971, Quimper, Calligrammes, 1980
  • Lettres de Georges Perros à Jean Roudaut (1968-1978) in Faut aimer la vie, Paris, Eibel / Fanlac, 1981
  • Jean Paulhan / Georges Perros, 1953-1967, Quimper, Calligrammes, 1982 ; réédition établie, annotée et introduite par Thierry Gillyboeuf, éditions Claire Paulhan, 2009.
  • Lettres à Michel Butor, tome 1 (1956-1967), tome 2 (1968-1978), éd. Ubacs 1982-1983 Nantes, Joseph K, 1996
  • Bernard Noël / Georges Perros, Correspondances, Draguignan, Éditions Unes, 1998
  • Lettres à Carl-Gustaf Bjurström (1958-1976), éd. La Part commune, 1999
  • Correspondance de Georges Perros et Brice Parain (1960-1971), Gallimard, 1999
  • Georges Perros / Lorand Gaspar, Correspondance 1966-1978, Rennes, La Part Commune, 2001
  • L'autre région, lettres à Maxime Caron, Finitude, 2002.
  • Georges Perros / Anne et Gérard Philipe, Correspondance 1946-1978, préface de Jérôme Garcin, éd. Finitude, 2008
  • Georges Perros / Henri Thomas, Correspondance 1960-1978, édition établie et annotée par Thierry Bouchard, préface et postfaces de Jean Roudaut, éd. Fario, collection Théodore Balmoral, 2017.
  • Dossier M., dans Théodore Balmoral, no 71, 2013. (texte de Georges Perros précédé de Marc Le Gros, Monique ou Le Dernier Mot (Sur Georges Perros), et suivi de Jean Pierre Nedelec, Lettre à Marceau Vasseur, de Jean Roudaut, M. (Glose), et de Roland Sénéca, Mes amis sont morts.)
  • « Le promeneur de Douarnenez » de Michel Kerninon, Hopala !, no 55, février 2018

Poèmes choisis

Autres lectures

Xavier Grall – Georges Perros, Regards croisés

Ils étaient faits pour se rencontrer. Xavier Grall (1930-1981) et Georges Perros (1923– 1978), pourtant si différents dans leur approche du monde et de la vie, ont très vite eu des atomes crochus. [...]




Xavier Grall, Les Billets d’Olivier réédités

Relire Xavier Grall : l’écrivain, le poète, le journaliste. Mais aussi le chroniqueur. Pendant plus de dix ans (de 1972 à 1981), il a livré chaque semaine de courts textes à l’hebdomadaire « La Vie catholique » sous le titre « Chronique du  Logeco » (avant son retour en Bretagne) puis « Les Billets d’Olivier », enfin « Les vents m’ont dit ».

Ces chroniques ont largement contribué à construire sa réputation d’écrivain au-delà des cercles principalement intéressés par sa poésie. Elles ont fait de Grall un écrivain « populaire » (au bon sens du mot) que tout le monde pouvait lire (et comprendre) en feuilletant l’hebdo catholique. Ce rendez-vous était attendu par des nombreuses familles bretonnes puisque Grall parlait à ces lecteurs de ce pays où il revenait vivre après des années parisiennes passées du côté de Sarcelles. Saluons-donc la réédition de ces Billets d’Olivier par les éditions Terre de Brume (1).

Xavier GRALL, Les Billets d’Olivier, préface de Alain-Gabriel Monot, éditions Terre de brume, 180 pages, 17 euros

Xavier GRALL, Les Billets d’Olivier, préface de Alain-Gabriel Monot, éditions Terre de brume, 180 pages, 17 euros

Ce qui y domine, à l’évidence, c’est le retour aux racines, le bonheur de humer un terroir par tous les pores de la peau, de voir grandir ses « divines » (cinq filles) sous le soleil capricieux ou les vents hurlants de la Cornouaille. Son point d’ancrage (son « royaume »), à partir de 1974, sera le hameau de Botzulan « dans la campagne de la belle Aven, au pays du cidre et de l’hydromel ».

Xavier Grall nous invite, durant toutes ces années de grande effervescence culturelle et politique en Bretagne, à partager ses joies et ses humeurs. A mesurer aussi, au détour d’un billet, les difficultés d’une vie d’écrivain et journaliste free lance :

Mes filles, que mettrai-je donc dans vos sabots ? Ces jours sont rudes qui ne savent pas où nous serons demain. J’ai attendu des droits d’auteur qui ne sont pas venus. Que mettrai-je dans vos sabots ? (19 décembre 1973).

Mais il y a, autour de lui, foisonnant, la nature qui apaise, cette « Cornouaille préservée, secrète et bocagère » qu’il arpente. Il y a aussi ces « moissons d’amitié » qu’il engrange « au doux grenier de la mémoire ». Il y a, surtout, le cercle familial : les filles qui grandissent et qui commencent, pour certaines, à prendre leur envol. « Ah, les temps passants ! Mais n’est-ce pas nous qui passons ? » Demeurent les saisons.

L’été fut splendide et l’automne somptueux. Ne nous plaignons pas. Soumettons-nous à la loi des saisons. Au temps de la lumière et des couleurs succède celle de l’ombre. Et de la méditation (3 décembre 1975).

Relisons Grall. Ces billets ont gardé tout leur « jus ». Ils nous parlent d’amour, d’amitié, de fraternité, de complicité avec les plantes, les fleurs, les bêtes. C’est d’abord un poète qui parle.