Yann Dupont, Jamais elle ne voit son visage

Dès l’ouverture du livre nous voilà prévenus : la genèse de ce recueil est le résultat de la visite d’une exposition faite par l’auteur. Il s’agit de l’exposition photographique de l’artiste Danoise Trine Søndergaard, intitulée « Still ». Silence et calme, immobilité, c’est ce que ce mot anglais indique.

Et de fait, ce livre, fait de vers et de proses poétiques, suggère un temps arrêté, comme empêché. C’est un livre d’ambiances, un parcours dans des lieux hantés, des lieux abandonnés, désaffectés, tombant en ruines. Des lieux de solitude et de déchéance qui « racontent » en négatif, en pointillés, des histoires d’humains contrariés, maltraités, malheureux, et dont la présence fantôme pèse son poids de tristesse, de glauque, de naufrage. L’on se demande si les descriptions ne symbolisent pas un paysage humain intérieur dévasté, d’où la sensation de vide vertigineux qui prend aux tripes, comme si l’on assistait à la visite des ruines d’un soi-même prisonnier des regrets. Il règne au début du livre une ambiance sombre d’après catastrophe. Sont ressentis tantôt enfermement, tantôt chute, tantôt étouffement qui accompagnés de sons en ui, i et u, disent la souffrance, la plainte. Nous avons le lugubre dans l’oreille et le délabré sous les yeux.

Yann Dupont, Jamais elle ne voit son visage, éditions Christophe Chomant, 67 pages, 14 euros.

« Hésiter du pire et s’en vouloir du meilleur », voilà le programme de l’entre-deux, du choix difficile, de l’insatisfaction permanente ressentie par ce « lui « qui pourrait aussi bien être cette « elle », parti-e à la rencontre de quelqu’un. Un quelqu’un qui pourrait bien être soi-même piégé dans un rêve, un cauchemar, où le-la marcheur-euse va en équilibre sur la corde de sa folie avec à la main, en guise de boîte de Pandore, « une boite de métal rouillé » qu’on n’ose pas ouvrir, parmi des revenants qui se cachent.

Plus loin, on se demande si nous ne sommes pas échoués dans un tableau de Jérôme Bausch : « les femmes loin dans le fracas de leurs nudités effacent les traces absorbent le sang des mots ruminent des carcasses. »

Et c’est alors qu’il est question de cheveux, de coiffes. De ces différents tableaux sourd la nostalgie d’une enfance insouciante et le sentiment de l’impossibilité d’atteindre la pleine connaissance de soi. Nous voilà en présence de femmes, paysannes Danoises probablement. On suppose qu’elles subissent le temps qui passe en se soumettant aux traditions. On les comprend mariées trop tôt, leur jeunesse sacrifiée et les regrets qui en découlent. Les bouts de chevelure et autres cheveux tombés à terre matérialisent le temps écoulé qui semble paraître bien long désormais. Une coiffe : « comme une main / plaquée sur ses cheveux / cinq longues griffes / puissantes acérées. » La menace plane, la réalité de la condition féminine y est esquissée en filigrane : ces femmes étaient monnaies d’échanges, instruments, proies des mâles, ils étaient les maîtres et pas toujours bienveillants. Pourtant ces femmes avaient des aspirations, « fleur-bleue » à bien des égards mais pas que. Être aimées et regardées pour ce qu’elles étaient, sans doute elles en rêvaient. Femmes et non infâmes pêcheresses, et non diablesses tentatrices devant se voiler, se réprimer, se nier, se confesser, s’effacer… femmes avec leurs désirs, leurs plaisirs, leurs velléités de vivre pleinement et l’espoir d’échapper : « Elle écrit le cri d’une mouette / […] Tracer des « L » à la place des « T » / Ne plus se taire pour s’envoler. » On ne peut alors s’empêcher de penser à la Nina de Tchekhov, à ses personnages qui se cherchent. En quête d’amour, de réussite, au dénouement tragique de la pièce ils se confrontent à leur image. Le monde entier est un théâtre selon Shakespeare, le livre de Yann Dupont à sa façon l’est aussi. D’ailleurs page 26, nous voici conviés à une danse et l’écriture suit tantôt les trois temps de la valse, tantôt les quatre temps du rock’, roll : « Un corps court […]. Un corps nu, un corps homme, un corps femme, un corps juste, un corps ferme. […] Un corps ici, un corps ailleurs. Un corps vitesse. » Toute danse est affaire de corps et d’espace, et dans le tournoiement pour finir, corps et espace ne font plus qu’un.

Femmes coiffées dont la coiffe signale la position sociale, certaines brodées au fil d’or … mais femmes mendiantes aussi, et l’on ne peut que penser aux temps actuels, à ces femmes dans les rues aujourd’hui en lisant : « Agrippées au goulot d’une bouteille en plastique / Ses mains fébriles recherchent un reste de dignité ». Car l’on ne s’y trompe pas, les femmes coiffées évoquées par Yann Dupont sont les aïeules et les semblables des femmes du 21ième siècle.

Dans un précédant recueil intitulé Fragilité(s), édité là encore par Christophe Chomant, Yann Dupont se faisait déjà le poète de la solitude, déjà il esquissait des silhouettes funambules au bord du gouffre, prêtes à basculer, et sans doute c’est ce registre qui lui convient, gageons que sa sensibilité, ou encore son empathie, lui rendent familiers ces étranges figures. Jamais elle ne voit son visage donne donc cohérence à un édifice poétique que nous aurons plaisir à voir se construire. 

Béatrice Machet

Présentation de l’auteur

Yann Dupont

Yann Dupont est un poète et romancier français.

Poèmes choisis

Autres lectures

Yann Dupont, Jamais elle ne voit son visage

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Fil autour de Claudine Bohi, Yann Dupont, Françoise Le Bouar, Didier Jourdren

Claudine BOHI : « Mettre au monde »

Il y a dans ce recueil comme une musique d’amour inconnu qui cherche son objet… Ce qui ne va pas sans obscurité car ce long poème, comme le dit le prière d’insérer joint au livre, lui-même ne va pas sans obscurité.  Claudine Bohi écrit, mais elle doute de ce qu’elle cherche : « cette porte/fermée//qui n’a pas de clé » (p 13). D’où des tournures elliptiques, ces mots comme peut-être qui marquent le poème ; ce qui explique sans doute l’absence de majuscules et de points à la fin du vers et du poème.  

Claudine Bohi, Mettre au monde. L’Herbe qui tremble éditions, 160 pages, 14 euros. Peintures d’Anne Slacik.

Chant d’amour car il s’agit de mettre au monde : et si l’objet de ce livre n’était que d’accoucher de ce livre ? Claudine Bohi maîtrise parfaitement l’art d’évoquer sans dire les choses directement : « dans le songe/de naître » écrit-elle (p 141). La polysémie, propre au langage poétique, a besoin d’être décodée. Le vers est bref, incisif même, souvent réduit à un seul mot ; « on bouge les mots » écrit-elle (p 28) ; sait-on jamais « là où ça commence », qui est le titre d’une des huit sections de l’ouvrage (p 33) ?  Que penser de l’emploi bizarre de certains verbes comme « on t’obstine » (p 46), qu’est ce « disparu pas passé » (id) ? Claudine Bohi ne cesse de s’interroger « est-ce la chair/est-ce le mot » (p 35, mais il  faudrait citer le poème dans sa totalité).   Les mots  changent même d’une lettre seulement : « rassembles/ressembles » p 47). Cependant, qui est ce tu qui apparaît page 39 ? L’autre moi du poète ? Ou qui d’autre ?

C’est la poésie, l’expression (car "peindre" revient souvent vers la fin du recueil), et si le but de ce livre n’était que de démêler le vrai du faux, de trouver les chemins de la création poétique ? Mais voilà que je me pose aussi des questions, et ce n’est pas par pur mimétisme ! C’est plus profond que cela ; je cherche à démêler « une pelote/de mots de chair de silence » (p 47). On se souvient alors que Claudine Bohi est psychanalyste et le lecteur se trouve, à son corps défendant, embarqué sur une piste de lecture relevant de cette discipline. La cinquième section du recueil intitulée Le lieu premier (pp 51-61) y invite. D’autant que le poème de la page 55 y pousse : « nous avançons (…)//vers ce visage en nous/qui n’a pas de nom//nous avançons vers ça ». Et les mots qui reviennent dans les poèmes suivants : chair, absence, lieu, sexe, corps, mots, langues … Mais, peut-être que je me trompe, que la solution à ce livre réside dans l’amour qui se chante ici (« cela réunit les deux bords/du trou/où tu tombes toujours/et chacun à son tour//pour resurgir unique/ensemble//c’est du rassemblé/tout ça », p 74, et je m’aperçois que j’ai cité tout le poème, de la suite suivante ! Cependant, dans la section qui vient après (et qui porte en titre Là où se noie) les adjectifs de couleur apparaissent : bleus, rouges, noirs, jaune, mauve… Que veulent alors dire ces deux vers : « une main se lève  /elle est remplie de couleur » (p 89) ? Ou ces deux autres : « cette langue d’avant les mots/où tu me commences » (p 95) ? 

Un livre qui résiste à la lecture, un livre de poèmes qui n’est pas donné, un livre qui ne laisse pas indiffèrent… Oui, quel est ce tu qui apparaît dans maints fragments ?

 

 

Yann DUPONT : « Fragilité(s) »

Christophe Chomant éditeur publie sous un format à italienne, comme nous y a habitués La Porte, la récente édition de Yann Dupont. Je ne sais pourquoi (ou je n’en connais que trop les raisons) mais j’ai l’impression, d’avoir déjà vu le poème liminaire dans une toile ou un dessin d’Edward Hopper, le peintre de la solitude… Yann Dupont est un poète de la solitude : « Quand une seule mouche/se cogne contre la vitre »… Un seul être vous manque et tout se repeuple grâce à une mouche ! Ailleurs, « le sang du périphérique coule dans ses veines » (p 10). Mais Yann Dupont ne se fait pas l’écho du seul Hopper, il se fait aussi l’écho d’un poète comme Guillaume Apollinaire « Sous le pont Mirabeau coule la Seine » : « Dans le regard de ce masque en plâtre coule la Seine » (p 12). Poésie savante, bourrée de références et de connivences !

« Un bas résille lui serre la gorge » (p 15) : Yann Dupont ne dit pas clairement les choses, il n’a pas une précision d’entomologiste ou d’enquêteur sur les lieux d’un crime, mais on devine qu’il y a eu meurtre. Plus loin, il récidive avec un poème : « Sans doute a-t-il plu/Dans le cratère de sa peau jaunie/Mais rien ne ressuscitera /Ce qui lui avait plu » (p 24). Le poète n’oublie pas  qu’il n’y a nul besoin qu’en poésie les choses soient dites nettement, et en plus il y a l’homophonie de la fin des vers 1 et 4. D’ailleurs Yann Dupont répète ce procédé dans le vers liminaire du poème - imprimé page 46  «  Alanguie elle a la langue » mais c’est pour aboutir au désastre final « … le désir//Celui des hommes de son corps qui maintenant gît dans la brume rose des marécages ». On comprend alors mieux les vers finaux de la plaquette : « Et on se sent plus libres/Nos corps enfouis sous terre » ( p 56). 

Yann Dupont : « Fragilité(s) ». Christophe Chomant éditeur, 68 pages, 13,50 euros. 

 

 

Françoise LE BOUAR : « Le fouillis du ciel, de la terre et des eaux »

C’est une poésie pleine de sensibilité  que donne à lire Françoise Le Bouar avec ce recueil, son premier livre de poésie, car elle était surtout connue jusque maintenant comme auteur d’études sur la littérature enfantine publiées essentiellement dans la revue Strenæ de l’Association Française de Recherches sur les Livres et les Objets Culturels de l’Enfance (AFRELOCE). Si Arz est une île du golfe du Morbihan, face à Vannes, le premier poème de Arz vient donner un sens éclairant au titre du recueil : fouillis de ciel, de terre et d’eau… Même le cimetière est dit avec beaucoup de délicatesse (p 20) : le rythme du poème se fait lent et attentif. Mais les aquarelles de Joseph Orsolini sont juste là pour souligner cette lenteur du temps qui passe sur le paysage de l’île, « accordé(e)/à la respiration des marées ». Il y a cependant trop de cascades de perles qui viennent caractériser les rires (p 27) mais ce n’est rien, sinon pas grand-chose, à côté du murmure/de ce qui vient (p 28) car Françoise Le Bouar a l’art de suggérer. 

L’aquarelliste n’est pas oublié : un poème lui est même dédié (p 30). Mais Françoise Le Bouar s’intéresse aussi au passé : « c’était là le bassin/d’un très vieux jardin  »  (p 36) ou les mourants :  « Supérieurs, les mourants/ont un œil/qui voit » (p 38). Françoise Le Bouar capte le peu de la vie ; elle célèbre le réel, elle s’en émerveille : elle révèle le monde et c’est bien un fouillis qui en émerge… La poète essaie d’y mettre un peu d’ordre, elle interroge ce semblant d’enfance chez l’adulte qu’elle est devenue.

Mais Françoise Le Bouar s’inquiète de son corps : «  et mon corps/lointain vaguement humain »  (p 49) ; il est vrai que c’est à l’occasion d’une convalescence (c’est du moins le titre de la suite de poèmes) ; l’état de faiblesse ( ? ) est prétexte à des poèmes comme décousus mais précis quand même. On remarquera la présence de qualificatifs ou de substantifs antagonistes  : les choses-syllabes (p 58) permettent au lecteur de se repérer dans ces poèmes : le projet de Françoise Le Bouar est bien de nommer le réel… Même la pollution semble positive , le bord de la Marne est là pour le prouver (p 90).

 

Françoise Le Bouar : « Le Fouillis du ciel, de la terre et des eaux ». L’Herbe qui tremble, 100 pages, 14 euros. (En librairie ou sur commande via le catalogue).

Il me faut cependant confesser une gêne ressentie à la lecture ode ce recueil : c’est que je remarque un décalage entre le titre des ensembles de poèmes et le contenu ou le nombre de ces pièces de vers. Ainsi Arz, s’il parle bien de cette île ou de la commune parle aussi d’autres lieux (Petite suite ariégeoise, Entre Larnaca et Nicosie …) De même, Convalescence : douze poèmes comporte beaucoup plus que les annoncés (une quarantaine !) : il est vrai que je suis sans doute trop carré

 

 

Didier JOURDREN  : « Le chemin dans l’herbe »

Didier Jourdren est en particulier poète : il a publié, entre autres, deux recueils aux éditions Folle Avoine. Ceci pour expliquer que dans le texte passé en quatrième de couverture, il est noté que le poète poursuit sa quête à partir de rencontres fugitives. Et ça commence bien : Didier Jourdren donne raison à Jeanine Baude (qui a sans doute écrit cette présentation du livre de nouvelles), à savoir qu’il est à la recherche de ces sensations fugitives dont il ignore les noms botaniques (p 10) ! Et ce n’est pas pour rien que le mot fugitive revient de nombreuses fois. L’impression (auditive), cette fois, c’est le chant d’un rossignol que l’auteur ne reconnaît pas de prime abord. C’est écrit dans une prose lisse, aux circonvolutions multiples ; mais Didier Jourdren maîtrise parfaitement l’art de la chute puisqu’il nomme l’arbre vu au bas du talus dont il ignorait l’appellation au moment où il l’admirait : l’alisier torminal (p 20). Cela s’appelle poésie : « La poésie vient quand on ne sait plus rien, quand on ne peut plus parler » (p 25). Je n’ai jamais trouvé au cours de mes lectures de définition plus claire de cette chose étrange qu’on désigne sous le vocable de poésie et la place de la vie est bien « entre terre et ciel » (p 27).

Didier JOURDREN , Le chemin dans l’herbe. Editions Pétra, 152 pages, 15 euros. En librairie. Ou sur catalogue (adresse : https://www.editionspetra.fr/), onglet Les livres aux éditions Pétra, clic sur acheter suivant titre et nom de l’auteur, port gratuit.

Le troisième nouvelle, intitulée Une colline autre part, n’échappe pas à la règle. En fait, ce que dit Didier Jourdren c’est le peu de réalité du réel lui-même. Qu’on en juge : « Je ne cesse de quitter ma colline, je m’éloigne, elle me guide pourtant sans que je le voie, m’ouvrant des sentes inattendues.  Au fond, je me détourne pas d’elle » (p 37) ou  « Quelque chose là nous est propre, intime, au plus profond, au plus impalpable, tout à fait autre, nous dépossède en même temps, nous ouvrant à une autre manière d’habiter le monde » (p 38). C’est que Didier Jourdren ne cherche pas à « habiter le monde, comme je l’ai trop souvent rêvé, ne signifie pas un enracinement définitif, aussi précaire qu’illusoire, mais parvenir à cette appartenance un instant entrevue entre les deux bâtiments de ferme » (p 41). Qu’est alors cette « appartenance » ? Ce sont les choses (un toit, un menhir…) voire des des animaux (un rossignol…) que rencontre Didier Jourdren au cours de ses promenades. Mais c’est toujours la même attention empreinte de curiosité dont il tire une leçon. Il y a fraternité des hommes mêmes lointains dans le temps : « L’éternité a besoin de nous » (p 47), mais la fin de cette pierre approche car en proie aux outrages du temps. Les choses sont à l’image de l’être humain… Belle leçon de modestie. « Au fond, je ne sais rien de ce qui me touche » (p 67) avoue Didier Jourdren. C’est peut-être prétexte à interroger les mots (mis en italiques dans le texte)… 

 

C’est le terme grâce qui vient à l’esprit quand on lit Didier Jourdren (et surtout L’Instant des pins) : « Pour dire en peu de mots ce qui a eu lieu : quelque chose en cet instant en moi a cédé » (p 79) ; il faudrait citer tout le paragraphe, pour saisir ce que ce mot de grâce signifie… Mais qu’est cette brisure ? « Comment vivre ? » (p 89). Accord au monde, acceptation tranquille, jamais l’expression « adéquation soudaine » n’a eu une telle évidence : « C’est vers ce très peu qu’il me faut aller » (p 90). Tout est alors dit, il ne faut pas grand-chose pour trouver le bonheur : un peu de légèreté dans l’air, cette adéquation au lieu, au moment. Quelle est la méthode involontaire pour susciter de telles approches fugitives ? La réponse est donnée à cette question page 97 au début de la nouvelle Dans l’émerveillement des fleurs : « Je ne sais pas ce que j’ai vu. Des fleurs sur le bord de la route, en passant, alors que le regard ne s’attachait à rien et l’esprit suivait des pensées fuyantes et décousues. Je ne les ai pas  vues : aperçues tout au plus, à travers la vitre, au moment où elles disparaissaient mais ce si peu m’a d’un coup arraché à ma  rêverie ». Ce qui n’empêche pas Didier Jourdren d’établir un parallèle entre la disparition de ces fleurs et celle (fantasmée) de la jeune femme qui lui fait face non loin de lui dans le bus…

Reste encore à s’interroger sur la nature de ce qui arrive à Didier Jourdren. Cette fois-ci, c’est l’exergue de l’avant-dernière nouvelle qui en donne les raisons : «  quelque chose en nous est atteint, étonné, enflammé ». « Le plus modeste, le plus pauvre » affirme le nouvelliste (p 108). Cela relève de l’indicible : « Peut-on reconnaître sans reconnaître » s’interroge-t-il. Cela s’appellerait correspondance, fragment oublié, réminiscence, nostalgie ; quelqu’un précise Didier Jourdren (p 110). L’auteur n’arrête pas de se questionner pour mieux préciser. Ce qui vaut au lecteur une digression sur les cabanons au fond du jardin. Et digression dans la digression, ces cabanons de poésie (p 118). Et le dernier texte (intitulé Route des foins), nous amène à ces étendues de foin au bord des routes qui toujours (le) retiennent (p 125). Ce n’est pas simple témoignage pittoresque du passé ; c’est que, marchant, Didier Jourdren a la nostalgie de son enfance, d’un certain passé, de la vie… Entre autres choses !