Géraldine GEAY, Les Immaudits

 

 

 

Dans la série première publication, une des dernières livraisons des éditions Tituli. Géraldine Geay propose une parole singulière, mise en vers selon la même régularité, d’une densité brève, sèche et concise. Cela ne saurait mieux s’imposer en désavoeu de notre monde uniforme et univoque, en dépit de ses circonvolutions sophistiques pour l’atteindre. La particularité de son expression, inhibant une éloquence frontale, tient justement dans ce paradoxe incontournable : le fait que de tels vers (quasi télégraphiques) n’empêchent en rien une certaine assurance rhétorique, sous un angle lyrique (cet autre versant de la langue) très personnel, incarné. « Que la brute prononce à mots / Francs comme ses pierres / Ses nerfs, ses chutes (…) » Et l’écart suggéré entre rythme et ton, typographie et résonance qui s’en échappe constitue la mesure de cette expression. La parole puise dans un champ lexical simple pour renouveler des thèmes aussi vieux que l’intime confronté aux événements marqueurs de l’histoire en cours : « Ils n’étaient en rupture de rien / Ni ne pensaient à éviter l’Histoire (…) J’ai agrandi vos nombres, j’ai le droit / De ne voir du reste du monde qu’un long dvd. (…) Des siècles d’espoir que le climat change (…) / Mais nous sommes bientôt, à la fin de l’ouest (…) A courir plus vite que les policiers / L’aurore dans les yeux nous entrons dans la nuit (…) Tous douteront que Kolia soit Kolia / Et que les sculptés manquent aux sept milliards (…) ». De temps à autre, Géraldine Geay relaie la culture populaire via ses figures célèbres ; mais dont le vrai patronyme, le nom de l’interprète qui l’endosse ou la feinte proximité avec l’auteure révélés, les ramènent à leur humanité, dans leur force précaire. Tels qu’Eminem par exemple (chanteur de rap) : « Si Marshall Mathers lisait / Comme je ne peux pas / Le battre et l’adorer (…) » ou « le Peter Weller de quatre-vingt dix, en Burroughs » et encore « Javier Bardem m’a vue / A proposé de me pistonner / Et m’a mordu les doigts ». Certes le mot ici n’est pas chose ni refuge. Il ne se gonfle d’aucune matérialité – qui plus est ornementale. C’est la syntaxe qui gère la temporalité des figures en mouvement (« Presque des slogans dont rire ») ; dans un temps émotionnel court transformant la lucidité de l’auteure en un chant de nerf, (à flux) tendu, rapide où parfois le verbe est absent pour mieux en extraire la substantive moelle : « Un soir de douze heures / Bleu-gris / Parmi les nuages, un seul mobile / Et en fin de banlieue / Le son de l’éclair manqué (…) ». Ainsi, dès la première lecture, la fraîcheur et la spontanéité de son style s’imposent. Ici et là, la contemplation figure une pause : « Elle prend mon œil à l’autoroute / Veut l’accident (…) Les visions solitaires se maintiennent / Mieux défendues, sauf dites / Comme un réel voulu / Usent, ou les user / En wagons, les locos. » Si le mot n’est pas chose, objet, peut-être a-t-il valeur d’échange : entre passé et présent, monde chaotique et sensibilité irréductible. « Mille mots reçus qui n’étaient pas pour moi / Mots dédiés à des morts sourds / Buveurs nocturnes, faux-amis (…) Mots mal donnés, bien pris / Comme des Jésus pas désirés / Naissent, naissent / Où l’intention se crashe. » Les immaudits seraient donc pour Géraldine Geay, aussi bien les maux dits soulagés par leur acceptation que les mots impossibles à maudire formant des sentences d’entre lesquelles s’échappent d’étranges échos insurrectionnels lancés à travers le (dis)cours de son temps. C’est ainsi que la poésie mine de rien traverse le champ non défini de l’(a)politique. Les Immaudits seraient donc les marques de cette lucidité qu’il ne faut pas hésiter à nommer : douce folie de vivre – soumise à ses tractations. Si l’on dit que les geais imitent les bruits qu’ils ne comprennent pas, nul doute que cette Geay-là échappe à la règle. 

 

*

 

 




Jean-Claude PIROTTE, Jours obscurs

 

 

 

Il faut entamer cette lecture à l’heure où la nuit se dénoue dans le jour. L’aube incertaine autorise plus aisément l’approche des poèmes de Jean-Claude Pirotte, si mélancoliques. Le poète se dit « enseveli sous les jours obscurs », mais un tel ensevelissement déploie une lumière aussi indécise que captivante. Il la dira « fossile » ou « obscure »  ou la muera en « lumière d’étoiles ».

Ses poèmes  flottent souvent en liberté sur les pages de ces Jours obscurs, puis se regroupent parfois dans un ensemble (Ordre du jour, Signes de vie). Leur lieu probable de création n’est qu’exceptionnellement précisé,  bien que suggéré parfois dans le poème (La Veuve, Perthes-lès-Hurlus), mais la mention  globale d’une région  nommée « mer du Nord » (citant Bonfol et Beurnevésin) n’apparaît qu’en fin de recueil.  Ils semblent avoir été écrits en 2011 (XI/XI/XI, par exemple). Exempts de titres, ils se déclinent en vers capricieux qui coulent ou se chevauchent avec leurs 4, 5, 6,7, 8, 10 syllabes, cumulant parfois 9 et 11 syllabes. Le poète les rassemble en quatrains, tercets ou autres. Il surprend tantôt par ses rimes (putatifs et tifs, quoi et coi, Knie* et nie), tantôt par un rare jeu de mots (lune et l’une), tantôt par les coupures de fin de vers (col/porteur) qui laissent pantoise ! Ces poèmes sont rythmés - de l’extérieur - par diverses citations (de Paulhan à Paul Valet), par des rappels d’affinités électives (Francis Jammes, Supervielle) ou de complicité créative (Morhange, Tranströmer). Ils renvoient - à l’intérieur des strophes -  à Apollinaire, Morhange ou Mac Orlan. Semblable aéropage poétique et culturel l’imbibe, le conforte et le soutient dans sa quête. Ses écrits sont dédiés à « S.D », dont tout laisse à penser qu’il s’agit de sa compagne Sylvie Doizelet**.

De tels  poèmes disent le plus souvent des oppositions apparentes, dont le clair/obscur n’est sans doute qu’une version acceptable de la vie et de la mort. Une mort qui le façonne et le hante dans l’absolu («on cherche un pays où la mort aurait raison quand  qu’on a tort »), dans le symbolique (« de l’existence qui s’efface/ comme larmes données au vent »), mais aussi dans son propre corps (« je sens la mort dans mes poumons/mes soupirs la nourrissent/et la fumée des cigarettes/le tabac c’est mon compagnon »).

Il n’est pas impossible que l’approche  de la mort (l’auteur est malade) lui impose le rappel de souvenirs fugaces et le renvoie désormais à cette enfance qui lui échappe tout en demeurant le seul lieu « habitable ».  Pourquoi ? Cet enfant « devine qu’il est vain/de se fier à l’avenir/seul le passé qui est à venir. » Qui est-il  donc? L’enfant  qui attend le soir « le marchand de sable » dans le désert ?  qui parcourt « un chemin creux » « en suivant les nuages » ? Qui… ? Qui… ?  A l’école, il est un « potache » qui invente en secret roue et calculatrice. A la maison, il a une mère qui « n’a rien  donné », hormis la vie. A  domicile, il invente des éléphants, fugueurs du cirque Knie, qui barrissent « lugubrement » dans le tilleul ou s’installent dans la grange. Il caracole sur un cheval de bois auquel il prête vie. Un tel enfant n’est pas dépourvu d’un caractère farceur : il remplace son béret par le « galurin » d’un épouvantail, il aurait aimé se nommer Pirate ou Piron, il propose une simili-comptine au « baba au rhum, boui-boui et… sidi».

L’ombre, non opposée mais complémentaire, est omniprésente dans ses écrits parfois telle « une couleuvre », parfois muée en « ombrage », mais souvent transmuée en « obscure » comme des « salons », des « fantômes » ou des « jours » enfin. Des jours obscurs qu’éclaire une simple lampe, tandis que la mer se déchaîne et que la pluie « coule sur la vitre ».

Oui mais, après tout…Pirotte n’incite-t-il pas la lectrice - dès le premier poème - à « ne pas chercher la raison de ceci » ! Alors écoutons-le à l’heure du second crépuscule (c’est à dire celui du soir) et refermons son ouvrage.

 

* Cirque suisse Knie

** Ils ont travaillé ensemble à Les périls de Londres,  2010 et à  Chemin de croix, 2004.

 

*

 




Gérard CHALIAND, Feu nomade

 

 

 

Dans une lettre manuscrite (reproduite en fin de livre), datée du 25 novembre 1959, André Breton écrit à Gérard Chaliand : « c’est comme un très beau chant de haleur, cela en a le rythme et ce qui est halé va très loin ». Il parle de « La marche têtue », la première partie de ce livre qui en rassemble cinq.

Chant de haleur, en effet, donc lyrique, qui célèbre et ce sans effusions, la Terre, ses paysages et ses hommes, « Terre ma terre / je coule ton sable dans ma main / et comme les doigts / je chante tes cinq continents », jusque dans leurs excès – la guerre – porteurs d’une énergie dont Chaliand semble avoir voulu qu’elle guide ses pas sa vie durant. Si le lecteur ne connaît pas le parcours de l’auteur, rappelons que cet octogénaire a mené une existence de grand curieux des choses de ce monde, des gens et de leurs cultures diverses ; anticolonialiste actif (durant la guerre d’Algérie), il a participé par la suite à de nombreuses guérillas, a beaucoup voyagé (l’essentiel de son temps) en zones de guerre, tout en exerçant toutes sortes de métiers, depuis le Nord Viêtnam de 1967 , en passant par l’Erythrée, le Salvador, le Haut-Karabagh par exemple, jusqu’à l’Irak où il se rend encore chaque année depuis 1999. Contributeur exceptionnel à la géopolitique, on lui doit de nombreux atlas politiques et historiques, de non moins nombreux ouvrages politiques ou de stratégie militaire, sans compter son œuvre littéraire (mémoires, théâtre, traductions, livres pour enfants…). On aura compris qu’on ne peut avoir affaire à des postures de la part d’un tel homme, engagé dans la vie, dans l’aventure, dans l’écriture. Et ce haleur va effectivement nous emmener très loin, dans les multiples recoins de notre planète, dans ceux du temps qui nous emportera tous. Mots d’énergie et de lutte donc pour cet homme libre.

 

« Que je boive à la source et me rompe le cou
si votre temps court j’irai plus vite encore.
Je creuse les reins
je m’emplis d’océan.
Ma liberté m’arrache la poitrine
veut briser tous les corps et me briser moi-même
j’arrache les forêts je les jette à la mer
et je courbe sanglant le temps qui me détruit. »

 

Cette belle vitalité, aux accents parfois colériques, refuse la tiédeur et l’immobilité ; il lui faut le mouvement, le feu, la glace, la passion. « Je ne sais que vivre ma vie et la poursuivre / comme on traque une bête qui parfois se dérobe / et parfois meurt en criant. / Nous n’avons aimé que cette chasse / et cette image du chasseur / la douceur des visages / la chair des mots / et les nuits solaires. » écrit Chaliand dans « Feu nomade », la troisième partie, qui donne son titre au livre. Cette image du chasseur, pour esthétique qu’elle puisse paraître, est d’une grande justesse. L’homme a passé sa vie à traquer une existence qui soit plus flamboyante, ou rien ne soit paresseusement dilapidé. C’est pourquoi une telle intransigeance d’existence et d’écriture laissent parfois affleurer une certaine causticité vis-à-vis de la faiblesse des êtres humains : « Alors camarades / on ne s’est donc levés que pour ça ? / Tout le sang et les rêves de nos vies pour un écho brisé / Et vos dictatures policières tempérées par la corruption. »

Que l’on ne croie pas pour autant cet homme-là hautain ou dénué de tout sentiment. La deuxième partie du livre, intitulée « Les couteaux dans le sable », regroupe une quinzaine de poèmes d’amour ; elle est dédiée à la compagne de sa vie (selon l’auteur), la sociologue et écrivaine Juliette Minces et ont été écrits entre 1955 et 1958. En peu de pages finalement, on retrouve tous les éléments habituels du genre – difficile – mais là aussi avec un brio et une fulgurance qui ne démentent pas la ferveur des autres parties de ce recueil. L’idéalisation d’abord : « C’était il n’y a guère, au bord d’une mer acide, / tu nageais, / et tes épaules paraissaient plus légères que l’écume. » avec la déclaration d’amour sans ambigüité, « Je t’aime, la gorge nouée aux fibres de l’été / chaque aube m’éveille tes yeux au fond de mon regard / ma femme heureuse jusqu’au bord des paupières. », ensuite la louange du corps de l’aimée, en images délicates, « Ta cuisse où perle le long filet de vie intérieure. / Et le merveilleux éclatement de ton ventre, / séjour nocturne d’obscures espérances / dans le jaillissement de la redoutable fleur / à jamais offerte / fruit de la seule Apocalypse. », aussi la souffrance liée à l’absence, « Tout me manque, / jusqu’à cette femme précieuse et nue dont j’ai soif. »

Toutefois, c’est en « cavalier seul » (titre de la pénultième partie) que se fait essentiellement la route du poète Chaliand. La solitude du guerrier. Ici, la voix se fait plus élégiaque, une esthétique dessine son architecture, celle paradoxale et composite de la brutalité et de la mélancolie. S’étonnera-t-on que d’innombrables toponymes dressent leurs épines au long de la tige sur laquelle est planté le poème ? Ghardaïa, La Havane, Istanbul, Tel Aviv, Manaus, Dire Dawa, Bagdad… Ne dressons pas une liste exhaustive, cela ne se peut, tous les noms ne sont pas dits de toute façon, ce ne sont que cailloux pour la mémoire, miettes, prétextes. « De vieilles femmes lavent les morts sur des dalles blanches. » Pour ouvrir. Et pour fermer : « Ma vie que chaque jour nouveau prolonge bat toujours la campagne et cherche encore merveille. » Ainsi l’on va de la mort à la vie. Le cavalier, dans sa course heurtée, telle celle de la pièce du jeu d’échecs, affirme sa présence au monde malgré les massacres, les bombes, les horreurs. « Tout cela remonte comme d’un puits, / il n’aurait jamais fallu se pencher. » C’est l’atroce mémoire qui tord les mots, intime à l’auteur l’ordre incontestable de dire, de rendre compte en toute honnêteté : « Longtemps je n’ai pas voulu endosser la douleur de ce passé, / tant le monde était chargé d’aube et de poudre, / avec la joie physique de l’aventure, / les confins guerriers renversant l’ordre apparent des choses, / le danger mené à la cape et l’orage des rencontres. » Une mémoire qui ne s’en tient pas aux anecdotes, fussent-elles extraordinaires mais sait rappeler l’engagement, les illusions, les déceptions, dans une écriture qui nous place de manière implacable dans le nœud du drame. « Dans le désert syrien je ne me suis pas incliné / devant le monument dédié aux charniers des camps. / Les désastres sont intérieurs. » Le film d’une vie défile comme derrière la vitre d’un train, « Le Mékong, le delta du Fleuve rouge sous les bombes, un bras de l’Irrawaddy en pirogue, dans les maquis karen » avec ses questions, « Où se trouve la patrie des oies sauvages quand elles migrent ? », les compagnonnages ou les simples rencontres : le camarade Amilcar Cabral, le poète québécois Gaston Miron, Saddam Hussein… C’est aussi une mémoire de la culture qui connaît l’Histoire ancienne des pays, leurs civilisations. Le grand curieux Chaliand ne pouvait être qu’érudit. Et l’émotion, disséminée, comme dans cette adresse à son père :

 

« A des années-lumière de ta mort, je rêve de toi à nouveau,
par une de ces nuits moites de mousson.
Je t’entends dire « j’ai rêvé de Tamitza ! 
La petite cousine dont tu étais amoureux.
Tamitza avait treize ans quand elle a été assassinée,
en 1915, avec tous les autres.
Père, que j’ai tant aimé et qui m’a tant donné,
tu es le fil me rattachant à ce passé,
murmuré par les vieilles de mon enfance.
Cette geste qui me fonde,
celle de ton frère aîné, mort dans une cité montagnarde,
après un long siège, les armes à la main,
en paix. »

On ne se rend pas. »

 

C’est donc toujours l’énergie qui l’emporte, cette volonté farouche du vivre densément, ce goût du combat. On ne se rend pas !

 

« J’aime l’inquiétude des conflits, l’aguet,
la force ramassée, les décisions prises au tranchant,
l’art patient de changer la faiblesse en force.
Dernière veille avant l’aube,
les sentinelles se relâchent, dans les paupières de la nuit
avant l’assaut brutal, la mort soudaine. »

 

Tout se passe donc comme si la proximité de la mort faisait gagner en intensité de vie. Pourvu que l’élan soit préservé, mieux : nourri !

La cinquième et dernière partie, « Saga si lointaine », est une sorte d’épopée en douze chants, qui va de « Au commencement » à « Maintenant » (à la mémoire de Jacques Lacarrière). Condensé d’une histoire autant universelle qu’individuelle, elle évoque de grands thèmes, depuis l’eau première, où tout baignait, jusqu’au dernier souffle de la saga ; on y trouvera ce qui constituerait des chapitres de n’importe quelle encyclopédie de l’Humanité : la préhistoire « sans autre mémoire que l’empreinte de mains sur des parois », l’apparition (qui donne son titre au chant II) multiple : celle de la religion, de  l’écriture, de la politique, de la pensée philosophique, avec référence à l’épopée première, celle de Gilgamesh : « Tout ce que tu as eu de cher, / que tu as caressé et qui plaisait à ton cœur, / est aujourd’hui couvert de poussière, / tout cela dans la poussière est plongé / tout cela dans la poussière est plongé », Babylone, l’exil des Hébreux, Akhenaton, Zeus ou Gaïa – avec ce coup d’œil sans concession : « On meurt beaucoup ici, à cause de l’au-delà. », et puis les peurs, les préjugés, les haines, les famines, les maladies, les tyrannies et la démocratie ; enfin, pour un regard plus personnel, ce qui constitue les titres des chants VIII à IX : les femmes, la vengeance, la guerre, la beauté.

Concernant les premières, Gérard Chaliand se livre à un bref mais impitoyable réquisitoire contre des siècles de phallocratie et d’asservissement. Cette strophe, par exemple : « Le plus sûr est de coudre leurs lèvres. / Peut-être faudrait-il aussi coudre leur bouche, / porteuse du poison de la séduction et du mensonge. ». Sur la vengeance, le jugement est sans appel également : « Tandis que déjà se noue le cycle de la revanche / il faut prendre la fuite / pour échapper à l’inéluctable vengeance / dont l’horlogerie s’est mise en marche. / Ainsi vit-on avec un acharnement de bêtes / de meurtre en meurtre au fil des couteaux. ». La guerre, qu’il a pourtant souvent accompagnée, ne trouve non plus grâce à ses yeux : « Le cercle des veuves connaît le prix de la guerre / tout ce qui est pour toujours perdu / les débris du monde après le massacre / dans une histoire dont le sens échappe. / Fallait-il aussi égorger les enfants ? ». Heureusement, « La beauté survit au carnage. » car « Elle seule me touche / comme un visage, / aurore nouvelle, / chevaux courant dans la steppe, / mouette portée par les vents, / bond d’un animal sauvage ». C’est sans doute elle la seule salvatrice vers qui se tourner, nous dit Chaliand, avec cette conscience aigüe de l’impermanence., tempérée par cette étincelle qui clôt le livre : « Au-delà de tous les désastres et de la mort / à chaque naissance, le monde recommence. »

 

*

 




Poèmes extraits de Hologrammes/Hologramy

 

 

Nos affaires terrestres

On se taquinera pour savoir qui est qui

Pour s’amuser en quelque sorte en ce retour de Sibérie

Le premier retour concernait la carte et les kilomètres

Le deuxième – le temps et les secondes

On ne sait qui est le mot qui la pensée et qui l’imagination

Comme des continents de bas-reliefs

Le vrai est impossible à graver dans la pierre

Le dernier est un rocher percé par la lance de l’eau

Tel le rocher de la poétesse qui saute dans le gouffre marin

Le gouffre ouvre les bras et la mer dévoile le Visage d’une Autre Terre

 

 

 

Nasze ziemskie sprawy

Będziemy się przekomarzać kto jest kim

By jakoś zabawiać się w tym powrocie z Syberii

Pierwszy powrót dotyczył mapy i kilometrów

Drugi - czasu i sekund

Nie wiadomo kto jest słowem kto myślą a kto wyobraźnią

Jak kontynenty z płaskorzeźby

Prawdziwy jest nie do wykucia w żadnym kamieniu

Ostatni jest skałą przebitą włócznią wody

Jak skała z poetką wskakującą w przepaść morza

Przepaść otworzy ramiona a morze odsłoni Twarz Nowego Lądu

 

 

 

 

 

Inversement proportionnel au tout

 

Tu pleures des étoiles comme l’univers qui ne connaît pas sa mère

Le cosmos s’éveille en sortant des manches de ses envoyés la pointe d’une flèche mortelle

Le souvenir de cette souffrance a pénétré toutes les étoiles

Elles versent le rouge des lèvres de feu de quelqu’un qui compatit avec elles

Restent des traces sanglantes comme la langue des étoiles dans la constellation du corps qui s’en va

La planète bleue est comme une bague sur l’index d’une victime sur le majeur d’un tortionnaire

Deux pôles comme deux plateaux d’une balance sur lesquels pèse non pas tant l’effet que la cause

 

 

 

Odwrotnie proporcjonalnie do całości

 

Płaczesz gwiazdami jak wszechświat który nie zna swojej matki

Kosmos budzi się ze snu wyjmując z rąk swoich posłańców ostrza śmiertelnej strzały

Pamięć tego cierpienia przeniknęła wszystkie gwiazdy

Sączą czerwień z ognistych ust kogoś kto współodczuwa z nim

Pozostają krwawe ślady jak język gwiazd w konstelacji odchodzącego ciała

Błękitna planeta jest jak pierścień na wskazującym palcu ofiary i środkowym palcu oprawcy

Dwa bieguny jak dwie szale wagi na których ciąży nie tyle skutek co przyczyna

 

 

 

 

 

Cristal

 

Tu te penches sur le Nombre afin d’en voir plus de la fenêtre que la vue

Tu te penches sur le Nombre que l’on voyait de la fenêtre de la cuisine

Quand tu étais enfant le Nombre venait à toi

Demandait du pain avec du beurre et une allumette allumée

Tu savais son drame : désir d’un espace ouvert et de lumière

Ici entre les bâtiments claustrophobes

Il implorait comme la sensibilité qui implore dans le poème

L’élaboration de la douleur parfaite

Quintessence d’une mise à nue de soi et du monde

Le Nombre fait frire des crêpes et demande que l’on attende les lutins du bonheur

A l’abri du Nombre tu as élevé une maison provisoire

Voyant comme chacun de tes pas ponctue la présence

Séparé de ce qui devrait être su

Tu as choisi l’invisible car la réalité a trahi

Le Nombre que l’on ne peut dénombrer en gens

On dit : la répétition est accidentelle

Comme si on n’avait pas remarqué la ressemblance entre le commencement et la fin

Départ arrivée départ – même planète sans cesse

Manque d’amour et l’amour est ce même

Paradoxe formulé d’une autre manière

Je t’aime entre autres

Les liens entre les mots tels les liens entre les gens

S’agencent comme les atomes dans le cristal

Sans comprendre que chacun d’eux est à sa place propre

Chaque dialogue est différent et pourtant sans cesse le même

Comme la structure du cristal

Triompher du multiple: toujours cette même résistance face au toucher

Un gars avec une étoile tatouée au bras droit

Distingué de la foule il a pour nom Intouchable

Comme s’il existait en lui l’unité

Comme s’il constituait tout le contenu du cristal

Comme s’il poursuivait un dialogue ininterrompu avec lui-même

Il présente la solitude comme des nombres

Il dessine une nouvelle suite de chiffres sur le cadran

L’ordre des conséquences comme s’il composait un nouvel alphabet

Se désagrège et fusionne tombe une goutte dorée

Le Nombre joue à la pluie et assemble hermétiquement les murs de la mer

Le Nombre dans la limpide circulation sanguine du monde dessine ton souffle sur le ciel

 

 

 

Kryształ

 

Zastanawiasz się nad Liczbą by widzieć z okna coś więcej niż widok

Zastanawiasz się nad Liczbą którą było widać z okna kuchni

Gdy byłaś dzieckiem Liczba przychodziła do ciebie

Prosiła o chleb z masłem i zapaloną zapałkę

Znałaś jej dramat: pragnienie otwartej przestrzeni i światła

Tutaj między klaustrofobicznymi budynkami

Skomlała jak wrażliwość która skomli w wierszu

Wypracowanie bólu doskonałego

Kwintesencja obnażania siebie i świata

Liczba smaży naleśniki i każe czekać na skrzata szczęścia

W cieniu Liczby stawiałaś prowizoryczny dom

Widząc jak znaczy obecnością każdy twój krok

Odcięta od tego co powinno być wiadome

Wybierałaś niewidzialne bo rzeczywistość zdradzała

Liczba która nie jest przeliczalna na ludzi

Mówią: powtarzalność jest przypadkowa

Jakby nie zauważyli podobieństwa między początkiem i końcem

Odchodzi przychodzi odchodzi – wciąż ta sama planeta

Brak miłości i miłość jest tym samym

W inny sposób opowiedziany paradoks

Kocham cię między innymi

Związki między słowami jak związki między ludźmi

Układają się jak atomy w krysztale

Nie rozumiejąc że każdy z nich jest na właściwym miejscu

Każda rozmowa jest niby inna a wciąż ta sama

Jak struktura kryształu

Przezwyciężanie wielości: wciąż ten sam opór przed dotykiem

Chłopiec z wytatuowaną gwiazdą na prawej ręce

Wyodrębniony z tłumu na imię ma Nietykalny

Jakby zaistniała w nim jedność

Jakby stanowił całą zawartość kryształu

Jakby prowadził nieustanną rozmowę z samym sobą

Przestawia samotność jak liczby

Rysuje nową kolejność cyfr na cyferblacie

Porządek następstw jakby ustanawiał nowy alfabet

Kruszy i scala spada złota kropla

Liczba bawi się w deszcz i szczelnie domyka ściany morza

Liczba w przejrzystym krwioobiegu świata rysuje twój oddech na niebie

 

 

 

 

 




Ewa Sonnenberg

Auteur d’une dizaine de recueils de poésie, d’un choix de poèmes paru en 2014 et de proses, 
Ewa Sonnenberg est née en 1967. Elle a publié dans toutes les revues littéraires polonaises. Ses poèmes sont traduits en anglais, français, espagnol, allemand, suédois, turc, russe, hongrois, slovène, slovaque, tchèque, serbe, macédonien, bosniaque, italien, ukrainien.
Boursière de « Kultura Niezależna » (Culture Indépendante) à Paris en 1996, époque à laquelle nous nous sommes rencontrées, deux fois boursière (2001, 2008) du Ministère de la Culture et du Patrimoine National, elle a reçu le Prix Georg Trakl pour son recueil
Hasard [Hazard, 1996], le Prix du meilleur poète du Festival Ilinden à Skopje (Macédoine, 2008), le Prix des Quatre Colonnes pour l’ensemble de son œuvre (2012).
En 2016 elle est finaliste du Prix Orphée - K. I. Gałczyński de Poésie pour son recueil
Hologrammes [Poznań 2015, WBPiCAK.] dont sont extraits les poèmes ci-dessous.
Elle est membre de l’Union des Ecrivains Polonais. Elle
vit à Wrocław.




Stéphane Sangral, Là où la nuit / tombe

Dans ce recueil à la mort présente, abondent les questions fondamentales aux impossibles réponses, qui mettent les réponses sens dessus-dessous où toute réponse, en tant que forme du poème, éclate en un saisissement aux éclats maîtrisés. 

Toute pensée subit un retournement où l’espace des mots souffle par répétition comme s’il y avait refus d’entamer la réponse pour revenir au point initial, comme si l’événement se transformait en avènement. Dans cette langue qui ne joue pas avec les mots mais les fait livrer tout leur sens y compris leur contresens, Stéphane Sangral peut affirmer :… mais ma vie n’a aucun sens. En fait, le temps canalise cette vie et en même temps l’étouffe. Incessante question sans commencement ni fin qui s’origine au fond de l’être tant qu’il y a de l’être. Poèmes, dont la géométrie est une exigence structurée qui ne laisse place à aucun influx qui les déborderait. Tout est sous surveillance. Peut-être, la meilleure saisie est-elle : c’est ma pensée qui déploie ma pensée, pas moi…

Stéphane Sangral, Là où la nuit / tombe, préface de Salah Stétié, Editions Galilée  12 Euros.

Les mots se décomposent et se recomposent. On passe d’une typographie aux lettres minuscules presque effacées, parfois, à de grandes lettres même en gras qui ponctuent le poème. La forme du poème, les points de vue varient pour trouver un ailleurs, hors la norme, hors les réponses communes et préfabriquées, hors les paradis artificiels… Ce recueil est une structure que la pensée anime avec ses courbes, ses lignes droites, ses labyrinthes, ses spirales qui définit une douleur mentale sans y enfermer le lecteur qui même s’il acquiesce, doit trouver sa propre porte de sortie.

Comme beaucoup, l’auteur refuse la condition de mortel : l’indépassable fait : n’être plus et dans le présent n’être pas, le réel mis en doute dans sa réalité. Entre le réel et ma réalité,il n’y a pas coïncidence mais impossibilité. Il n’y a pas de complaisance à l’égard du réel mais l’affirmation qui est d’être soi. Il nous manque peut-être une dimension terrestre : la saisie du réel en tant qu’absolu. Un dernier recours :

Je me suis exilé volontairement dans                                                                                                                                                                            
 les mots, loin du réel, pour tenter d’oublier                                                                                           
 qu’involontairement on est exilé dans                                                                                                                                                                                
les mots, loin du réel (à) jamais oublié…

Armes de tous les vrais poètes, armes factices nous le savons. La rime, ici, nous rappelle peut-être involontairement, l’ancienneté de la chose. Parfois, il y a des tentatives de démonstration comme si enfin nous allions en sortir, trouver une ou l’explication mais tout retombe, nous tournons en rond et l’étouffement saisit. Nous sommes au-delà du temps ordinaire : 07h70 et nous ne reviendrons pas en arrière, nous sommes projetés en avant, nous sommes de l’inachèvement.Rien que des mots pour saisir une absence, un absent, cette même douleur indépassable : le temps qui s’éloigne et pousse toujours le néant en avant dans un Texte clos depuis longtemps.

La répétition, dont use hardiment Stéphane Sangral, est un espace qui s’agrandit par cercles concentriques et ouvre à autre chose qu’elle-même. On la dépasse dans ce paysage comme par exemple la nuit qui est tache de lumière et qui conduit à une transfiguration-… de mon bureau… car elle est substance, matière dans ce qu’elle a de volatile mais aussi substance souffrante. Et cette répétition inlassable n’est peut-être que le silence de la langue qui arrive  à maturité, la sienne propre dans une langue qui n’est que forme et non substance, comme le dit Ferdinand de Saussure.

Poésie criante de vérité, par ses moments vécus d’intensité et de renouvellement où le lecteur est surpris parce que c’est lui-même qui apparaît. La vie ne peut être pleinement saisie, il y a toujours un même obstacle qui s’interpose … trop lourd d’un réel pas fini. Qu’est-ce que je fous là. S’échapperserait-il possible avec le concours du monde extérieur avec cette renaissance d’un état plus heureux, tiré d’une apparence de néant : Boire ma soif jusqu’à la liberté // et me noyer de n’être // que moi, goutte dans l’océan // d’être…Dans cette mise à nu de soi qui est un dépouillement, il y a une force de libération par la négation de soi. Ce dépassement prend une forme de salut : la noyade impossible et ou la noyade possible.Duplicité de toute pensée, de tout sentiment, l’auteur affirme et nie à la fois, est-ce une façon d’épouser le monde, de le libérer de lui-même sans jamais le fixer dans une unique pensée ?

Il y a une profonde volonté, par les répétitions, point majeur de ce recueil, de progresser dans lemême, le soi étant passé dans l’inépuisable désir d’être malgré tout, comme un désir d’envol : être un être,essayer et essayer encore, marque d’une densité mentale qui par coups et par à-coups ponctue ces pages où le poème est un et à chaque fois différent. Langue torturée et parfois par hoquets qui aura rendu son essence : rien, rien en dehors d’elle ne se sera passé et pourtant dans ce sens, elle aura plaidé notre cause, notre ultime but : tenter d’y voir clair en nous quand nous nous superposons au monde même à … fouler le sens, même à nous nier : … il se nie … et Ma vie n’a aucun sens.

Le dernier poème rimé, mais il y en d’autres, répète plusieurs fois : passer son temps, le verbe est à l’infinitif, c’est-à-dire le mode où tout est possible, temps, nombre, personne, voix. Nous arrivons à passé participe passé qui clôture, qui conclut, synthèse de tout ce qui a précédé. C’est le temps qui n’appartient plus et que l’on a dépassé, comme si vivre était oublier que l’on vit, être un pas en avant de la mort, la crainte du néant enfin dépassée parce que la tête se relève.

Il y a une très belle confidence manuscrite à la page 105, qui dit qu’il n’y a ni fin ni début à ce livre : Il reste juste le temps. Juste le temps. Le lecteur naïf, voudrait poser la question : que s’est-il passé ? Mais ce temps est un appel à la vie, à notre être le plus élémentaire, à cette partie animale qui ne se pose pas de question sur l’existence : Chier reste possible, c’est-à-dire se soulager d’un excès qui ne fera pas souche.

Les parties de ce recueil sont des parties de temps de la nuit, un noir à traverser, quelque chose qui s’achève et ne s’achève pas. Ce livre nous absorbe en même temps que se lève un doute : ai-je compris et ce peu que j’en ai dit en est-il le reflet. Prenons le titre : Là où la nuit / tombe. Tombe, est-il verbe ou apposition, mouvement ou immobilité, possibilité ou impossibilité ? A chaque lecteur sa propre lecture. Ce recueil nous livre une sensibilité qui ne pratique pas la langue de bois. Il ne peut être que précieux à ceux qui exercent l’humilité de vivre et de penser.

Cette recension s’arrête, elle n’est pas achevée, ne le sera jamais.




Fabien Abrassart, Si je t’oublie

Quels que soient les lieux traversés par ce livre, quelle que soit l’implication de l’être humain, Si je t’oublie, se prolonge par un espoir et même une joie dans la chaleur de la précarité de l’existence. Recueil, poèmes ne sont jamais clos par la mort. Poèmes au parler dur, tranché, il y a une saccade des mots qui ne s’accommodepas de l’hypocrisie. Sous la langue, un parler net qui ne fait pas de concession.

Fabien Abrassart, Si je t’oublie, Editions L’herbe qui tremble  Préface de Philippe Lekeuche, Peintures de Marie Alloy.                                                                                                                                                                     

L’hyperbate y est souvent présente qui déjoue le sens ordinaire des mots pour nous renvoyer à plus de force, plus de précision aussi. Des images se mêlent, s’interpénètrent, se rassemblent, voire se bousculant et se heurtant dans l’espace du texte que la pensée a décousu, obligeant le lecteur à établir des raccords pour assurer de nouvelles connections. Doutes et incertitudes surgissent non sans une certaine tendresse qui tourne le tragique en ridicule pour mieux le supporter. Peut-être, y a-t-il un léger ricanement pour fuir le dégoût et ne pas soulever la douleur.                                                                               
Jérusalem, Auschwitz sont deux pôles entre lesquels les poèmes se concentrent. Les mots à rouvrir des situations se brûlent au réel et ne rachètent rien : « Il s’agit bien plutôt de ne pas oublier qu’on est humain » nous dit dans la préface Philippe Lekeuche. On sent une colère rentrée, les mots font barrage et disent en même temps d’ici à là le toujours possible. La langue dans sa structure ordinaire est insuffisante à rendre le réel. Il y a un monde qui se trouble sous la plume de Fabien Abrassart, puis qui revient à lui, un échange entre la rêverie et le réel, le soutenable et l’insoutenable. L’auteur recherche une langue mieux adaptée à ce qui est à dire, mais introuvable par l’impossibilité de ramener l’événement à son exactitude qui sans cesse se dérobe à l’entendement. La raison bascule, les mots ne parviennent plus à s’exprimer. Emotion et raison se mêlent inextricablement sans partage possible, rendant aux poèmes une tension, une gravité, un poids qui nous touchent sans nous permettre de crier. Nous sommes quelque part prisonniers du système. L’individu en tant que chance n’y a pas cours. C’est au vif de l’être que se mesure la souffrance : Nous avons le mal de naître, nous en sommes la victime à repousser la mort.                                                                                
Poésie d’un univers étrange où malgré le dire, quelque chose reste incommunicable comme enfoui dans une profondeur personnelle qui reste néanmoins collective à celui qui sait. Chemins tantôt tortueux, tantôt évidents, nous continuons d’aller entre des titres évocateurs d’un monde bien concret et sécurisant dont on a parfois l’impression qu’il se cherche entre les répétitions et s’acharne à relever l’impossible : masquer le réel. Du monde ordinaire, nous basculons vite dans l’horreur dissimulée sous les mots qui ne font jamais directement violence, mais suggèrent le pire au passé comme au futur. Malgré la Jérusalem céleste, il n’y a pas de rachat possible : avec quel fil recoudre/c’est impossible un poème d’amour/cela n’encre plus depuis. Que faire ? je vous parle et puis non rature. Dire n’a plus de sens devant certains faits, la parole ne coïncide plus, elle n’est même plus une représentation, mais une chose de trop. Elle réclame le silence de la méditation, une autre langue qui ne soit pas l’ordinaire, un recours malgré tout à la poésie comme seul lieu habitable dans l’inhabitable, comme une constatation et un désir : tendre ta parole/vers l’autre évaporé dans la brute.  Si je t’oublie, nous reste-il quelques espoirs à reculer la mort de quelques poèmes. Le poème d’amour peut-il surmonter l’horreur et le dégoût. Dans le dédale des mots, le poème s’obscurcit, mais l’image veille et réactualise le réel dans un sursaut d’énergie que cachait l’ordinaire de certains noms écrits sans majuscule :auschwitz. Poésie qui ne se laisse pas éparpiller mais se recentre pour se reconcentrer vers le même point, la même obsession de l’humain dénaturé. Il y a une obstination qui refuse de refermer les faits et nous les rend par hallucinations mentales intolérables. Il y a une sublimation du concret vers l’abstrait. Voilà ce qui donne à ce recueil, lisibilité et acceptation parce qu’il devient objet du dedans, objet de maîtrise. Fabien Abrassart rend le mur à son écho, les faits retournent à la parole exclusive, au sol par raclement et par mémoire. Face à nous-mêmes, le questionnement rappelle un danger toujours présent. Nulle lueur cependant par ce blanc maquillé, nous sommes bien seuls, chacun avec ce recueil entre les mains.                                                                                                                                                                  N’oublions pas la belle préface de Philippe Lekeuche, qui avec simplicité, éclaire ce recueil rempli d’érudition et de sagesse. Les peintures de Marie Alloy sont discrètes dans leur force à signifier l’horrible dans presque rien, presque un effacement qui en fait un profond présent, une suggestion plus forte que l’évidence. Me reste face à ce recueil, le sentiment d’avoir si peu dit : présence présente et qui échappe par sa densité.

 

« Penser un monde où l’unité de mesure ne serait plus le groupe identitaire, avec toute sa malfaisance, mais, enfin, l’individu »

          Stéphane Sangral                                                                                       




Poèmes parisiens

 

SAINT LOUIS

 

Veux-tu que nous allions dans la forêt prochaine
Retrouver l’ombre du grand Roi
Qui rendait la justice à l’ombre de son chêne
Et dont le nom est saint trois fois.
Suivi de son Joinville et sans garde il s’avance,
Manteau de sandal noir et chapeau de paon blanc,
Surcot sans manches, simplement,
C’est Saint Louis le roi de France.
Du pont de Taillebourg aux murailles de Saintes,
Qui bat l’Anglais ? Presque un enfant,
Aux cheveux courts et blonds, à l’air doux mais sans crainte,
Au corps frêle : il n’a pas trente ans.
Mais le voilà qui joint à la gloire guerrière
Celle d’arbitre de son temps,
Dans ses propres Etats son vaincu d’Angleterre
Lui fait juger ses différends.
Suivi de son Joinville et sans garde il s’avance,
Manteau de sandal noir et chapeau de paon blanc,
Surcot sans manches, simplement,
C’est Saint Louis le roi de France.
Veux-tu que nous allions à la Sainte-Chapelle
Retrouver l’ombre du grand Roi,
Priant, la bâtissant, pour la France éternelle
Qu’il laissa plus grande trois fois.
A la Sainte-Chapelle, où flamboye, endivine,
Même ceux qui n’ont pas la foi,
Et d’un Roi, pourpre et croix, sa couronne d’épines
Et dont le nom est Dieu trois fois.
Sa flèche, Montereau en fit l’élan d’une âme
Pure qui monte au ciel tout droit
Et sa pointe a le bleu de celle d’une flamme,
Son pied le bois de la vraie Croix.
Il la prit cette croix pour mener deux croisades
Dont nulle hélas ne bétourna,
Prisonnier sur le Nil, devant Tunis malade
Et ce fut la dernière fois.
Suivi de son Joinville et sans garde il s’avance,
Manteau de tiretaine et chapeau de paon blanc,
Surcot sans manches, simplement,
C’est Saint Louis le roi de France.
Aux Quinze-Vingts, veux-tu, et que soit la lumière,
Retrouver l’ombre du grand Roi,
Aux aveugles encore il rend prunelles claires
Qui bénissent son nom trois fois.
A table qui vous sert et pauvres qui vous donne,
Qui vous soigne dans votre lit,
Lépreux, paralysés ? C’est le Roi en personne,
Le Roi de France, Saint Louis.
« — Le Jeudi-Saint, leur laves-tu les pieds, Joinville,
Aux pauvres ? — Non ! Ça sent mauvais !
— Eh bien ! tu dois le faire, au nom de l’Evangile,
Parce que Jésus-Christ l’a fait ! »
Suivi de son Joinville et sans garde il s’avance,
Manteau de sandal noir et chapeau de paon blanc,
Surcot sans manches, simplement,
C’est Saint Louis le roi de France.
Si tu veux soutenir une thèse en Sorbonne,
L’ombre est toujours là du grand Roi
Qui consacre à l’esprit ce haut lieu et couronne
Ton plus haut connaître, trois fois.
De notre Parlement, de notre Cour des comptes
C’est lui l’ancêtre, toujours lui,
Et de notre monnaie, hélas ! en quelle fonte,
Dont n’a tenu que son Louis.

Suivi de son Joinville et sans garde il s’avance,
Manteau de sandal noir et chapeau de paon blanc,
Surcot sans manches, simplement,
C’est Saint Louis le roi de France.
De Monsieur Saint Denis voici la basilique,
Voici des Rois le dernier lit,
Ici les premier pas de leur geste historique
Au cri de Montjoie Saint Denis.
Ci, la source où se perd l’amertume des larmes,
Où s’agenouille Saint Louis
Où se trempait son coeur devant qu’il prît les armes,
Au cri de Montjoie Saint-Denis.
Mais Saint-Denis soudain : « D’où vient cette cohue
Et devant elle je te vois,
Grand Saint Louis ! Dis-moi, ton heure est donc venue !
— Tu m’as protégé tant de fois,
Que sous notre étendard, grand évêque des Gaules,
Ombre, je veux, pour mon merci,
Te remettre la tête enfin sur les épaules,
Vivant, déjà, j’en eus souci
Comme j’avais celui de montrer par l’exemple
Que l’on peut bien être à la fois
Sur terre avec son peuple, avec Dieu dans son temple
Et faire son métier de roi ! »
Que tu sois le pouvoir ou le contestataire,
Si tu t’inspirais de ce Roi,
La Justice et la Paix, au moins sur notre terre,
Régneraient alors de par toi.
Suivi de son Joinville et sans garde il s’avance,
Manteau de sandal noir et chapeau de paon blanc,
Surcot sans manches, simplement,
C’est Saint Louis le roi de France.
Veux-tu que nous allions en forêt de Vincennes
Retrouver l’ombre du grand Roi,
Qui rendait la justice à l’ombre de son chêne
Et dont le nom est saint trois fois.

 

Poème couronné par l’Académie française,
Prix Marie Havez-Planque, 1972.

 

 

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

 

Tuileries

 

Tuiles, Tuiles - Tuileries !
Le Louvre était autrefois Le Louvre était à deux pas, Tuiles ! d'une tuilerie.
Plutôt qu'une tuilerie,
Suggère la reine au roi, Un abri, oui pourquoi pas ?
Un abri contre les tuiles,
Tuile - tuiles, tas de tuiles,
Contre les soucis d'Etat En civil et en chez soi,
Où vite, ouf, on se défile !
C'est au cri de : pas de tuiles,
Qu'on décide de bâtir Un palais pour le plaisir
Et surtout le "pas de bile".
Diable, diable, diableries !
Quand le château fut construit On entendit Ruggiéri,
Diable, diable, diableries :
"Catherina, Catherina,
Dit l'astrologue à la reine Préférez-vous joie ou peine ?
Si c'est peine, habitez-là".
Catherine, "Catherina"
Qui jouait de l'épinette Dit, en détournant la tête :
Ruggiéri... baliverna !
"Tegola, si, tégole,
Catherina les étoiles, Pour ce château sont fatales,
Attenta alle tegole".
"Tuiles, tuiles, quand ces tuiles là Vous tombent sur la tête Tiens ! se dit-on ces futiles Astrologues...pas si bêtes !"
Diable, tuiles, tuileries,
On arrêta les travaux Devant le palais nouveau,
Tuiles, diable, tuileries.
Le grand Roi dit : "Ruggiéri !
C'est un piège ! Qu'on s'en aille Et l'ont s'en fut... à Versailles,
Laissant tuiles... à Paris.
Le Bien Aimé tout enfant,
De cheval tombe au Manège Et répète : piège, piège !
N'y revient de son vivant.
Louis XVI, Tuiles, tuiles,
Louis XVI en eut son lot L'empereur à Waterloo,
Ziegel, ziegel, pile, pile !
Ziegel, ziegel, ziegelei,
Charles X, tuiles, tuiles, Et tous les rois filent, filent,
Les Républiques aussi.
Locataire, tuiles, tuiles,
Napoléon le neveu,
Fut lui, le dernier d'entre eux,
Pile pile file file !
Et cette pauvre Eugénie
Pensant à Catherina dit encore : Tejà, tejà,
Tejar, tejar Tuileries !
Dans ce beau jardin fleuri
Et tout orné de statues Tel qu'on le voit aujourd'hui L'été quand l'ombre est venue
Dans ce beau jardin fleuri
Si tu vois sur un banc, tristes Des yeux qui vers toi insistent,
Songe, songe à Ruggiéri...
Tuiles, tuiles, quand ces tuiles
Là vous tombent... quel ennui !
Plus de tuiles...Tuileries, mon beau jardin de Paris.

Extrait du recueil « Jardins de Paris », 1er prix de poésie Sévigné, ed. Henri Lefebvre.

 

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

 

Au Lapin Agile

 

Lapin, mon vieux Lapin Agile ! Hier, Quand je me suis trouvé devant tes volets verts, De petite maison pour idylle, Champêtre...au théâtre de la grand'ville, J'ai revu ton visage d'autrefois Quand nous venions chez toi, Pour la première fois,
O jeunesse
Bondissante...
Frédé
Qui semblait nous attendre Dans sa barbe grise Et comme accoudé à l'heure tendre du crépuscule Toujours assis sur la même des deux bornes Qui coupent à cet endroit la rue des Saules Et, avec le petit escalier en aval, Délimitent la frontière De ce pays de rêve et de poésie Dont tu es, Lapin, mon vieux Lapin Agile, Entre la rue Paul-Féval Et la rue Saint-Vincent, La plus petite, la plus célèbre Et, dans le monde entier, l'unique capitale...
Frédé
En bonnet de fourrure, l'hiver Et l'été
en bonnet de velours côtelé Et chaque soir, quelque fût la saison, Un large foulard rouge Autour du cou
nous recevait déjà comme une ombre
Mystérieuse et légendaire De Tavernier du Quai des Brumes Ainsi gravé, ainsi chanté par ses peintres poètes O Max Jacob...O Mac Orlan... ! (...)
Lapin, mon vieux Lapin Agile Après dix ans je t'ai revu hier ! C'était à l'heure fiévreuse où les théâtres de la ville Déglutissent leurs foules, fourmis de chair, Et d'âme qui regagnent leurs nids ou montent vers
Montmartre...
je t'ai revu
dans cette rue
De petit village de montagne que traverse, Comme un ruisseau de lune bordé de vignes, La rue saint Vincent
Rue saint Vincent que signe Eternellement
avec son immortelle chanson,
le nom
d'Aristide Bruant...
O Jeunesse.
Nous venions chez toi, Fils de Frédé, Héritier du grand chansonnier, Nous venions, Paulo, écouter ta goualante Et c'était, s'il te souvient : "Je m'embarquerai..." Te répondait ton Yvonne ravissante Et tu chantais penché vers elle,
ta guitare en forme de barque... (...) Sallaberry lançait sa tyrolienne,
A ta guitare, écho éolien,
Répondait la harpe de la petite nièce Du père de "Louise"...
Alors, dans la petite pièce du fond
venait se glisser comme un fantôme, Du "Temps des cerises" et de la "Bohème",
Francis et son coeur, Francis Carco
dans sa cape et sous son grand feutre, Et toi Paulo,
Sous ta casquette à pont de Patron, à son bord,
Commandant la bordée,
soupirait à ce moment-là : "Quelle soirée "! (…)
...Ce soir Lapin, mon vieux Lapin Agile Derrière tes petits volets verts de maison de village de montagne que traverse comme un ruisseau de lune Bordée de vignes la rue saint-Vincent
Ta lampe est toujours là
Dont ta fenêtre, trou de lumière, brille étincelante dans l'ombre, Comme dans son monocle brillait, Lampe de pensée, L'oeil de Max Jacob (en habit) écoutant chanter Marcel Couté (en sabots) et Jehan Rictus (en godillots)
Tant que ta lampe brillera de tes veillées L'âme de Montmartre vivra Et tu sais bien,
que sans Montmartre, PARIS se périrait Sans Montmartre, PARIS ne serait plus PARIS Tu le sais bien
Lapin, mon vieux Lapin Agile.

Extrait du recueil « Paris vivant », 1er prix de poésie Sévigné, ed. Henri Lefebvre.




cadeau, une histoire d’amour

 

"cadeau, une histoire d'amour"

Extraits

la mort nous effraie
dans l’idée de la perte
de la supposition du drame
il faut bien vivre de quelque chose
cette mort-là est une bluette
les effraies des clochers ont bien d’autres atouts, me dis-tu
oui si nous restons au village
au pied du sentiment
à tendre l’oreille des morts

=

une nonchalance mortuaire

=

dansons-la, cette mort

=

tes linges froissés
sont une fissure du vent
l’halètement du sauvage
un effet délétère sur mes mots
tu ris dans la nuit
et ton rire s’échappe au loin dans la forêt gazelle
l’eau coule sur tes épaules
frêles bretelles de soie qui glissent le long
de la nacre

=

je ne connais pas le rêve encore
de tes nuits domestiques
il y aura le temps de l’aube
pour déchirer le voile
laisser courir sur l’onde les mots chevalets
quatre à quatre les menuets de tes rires
les ricochets de ton corps mandarine sur ma peau abimée
sont les échos d’une noce dans le miroir de nos villes
ce que nous avons passé comme temps à nous connaître
laisse des minutes à caracoler sur nos frontières
je ne suis pas encore né et tu demeures gardienne
d’un temple aux étoiles vernissées

=

tes cheveux les songes la nuit le jour
tes cheveux les lacs les cheminées les ongles
tes cheveux les lucanes les mousses les engelures
tes cheveux les hippocampes les galets les ficaires
tes cheveux les brouillons les trajets les histoires
tes cheveux les trains les pensées les joyeuses
tes cheveux la pluie l’anaconda le supplice
tes cheveux les papillottes les tropiques le chant
tes cheveux

=

cheveux d'ange

=

 

ce qui se retire
laisse une joie de travers

=

ce qui se retire
ce qui se laisse
ce qui revient

=

ce qui se retire
je penche sur une étoile un grand parfum d’oubli
les instants silences les grands fleuves
ton onde silencieuse tes pas de feutre
lorsque se retire comme la couverture du ciel

=

j’apprends que tu n’es pas l’éternité de la poussière
ton incarnation est au royaume de l’élégance
et j’avoue que je me crois nu à dessiner ton regard

=

à chaque balancement se voile la méduse de tes mains
le temps n’a pas d’autre erreur à calculer sur la toile de tes reins
il se trompe de vague et d’algue et de maigreur terrestre
file le long des grandes traversées à risquer l’aveuglement des prouesses

=

il criera soufflera épiera les tentatives ce qui sera passé l’ombre des paupières

=

ce qui se retire nettoie tire la nappe des songes
laisse une photosynthèse de mes mains empruntées une chair métallique proclame

=

ce qui se retire
ce qui se laisse
ce qui revient

=

un grand corps échelonné sur la berge offre aux sentiments les ponts de l’amertume
celle du sel parfumé sais-tu ces cristaux cachés dans les zestes des arbres
ces grands êtres éphémères mal dans la peau de leur cuirasse écorchée
de temps à autre une main bouge elle donne la direction des traces à éteindre
derrière soi
ce qui revient
ce qui se retire

=

un rien de sable dans l’éclat de ton allure quand tu es celle qui marche au diable du vent




APPEL A TEXTES — Prix Bernard Vargaftig

L’Association Prix Bernard Vargaftig
doit son nom au poète ayant tissé une des œuvres les plus fortes de ces dernières décennies et qui a toujours eu à cœur d’« offrir des pages à de jeunes poètes qui ont tellement de mal à publier et si peu de lieu pour le faire ».

 

Le Prix Bernard Vargaftig a pour objectif de faire découvrir la poésie d’un auteur n’ayant pas été publié en tant que poète (hors revue et ouvrage collectif). Il sera décerné tous les deux ans et donnera lieu à la publication du manuscrit lauréat chez un éditeur, les éditions Jacques Brémond pour cette première édition.

 

Le Prix Bernard Vargaftig se veut donc à la fois un hommage à un poète cher à beaucoup d’entre nous et un lieu de découverte d’une jeune écriture, pour que le poème « continue à faire exploser vers l’avenir la charge de mémoire et de présent », selon les mots de Bernard Vargaftig lui-même.

 

Pour concourir vous devez

 

envoyer avant le 15 juin 2017 un manuscrit en format papier et format numérique :

 

  • par la poste : en 3 exemplaires format A4, de 40 pages numérotées. Le manuscrit sera anonyme (aucune mention de l’auteur sur les pages du manuscrit), accompagné d’une feuille volante mentionnant le nom, l’adresse, le numéro de téléphone et le mail de l’auteur, ainsi qu’une courte notice biographique et éventuellement des références de pages web.

 

  • par mail : en pièce jointe, format pdf, accompagnée des informations administratives et de la notice biographique de l’auteur.

 

Les documents sont à envoyer aux adresses suivantes :

 

  • postale : Association Prix Bernard Vargaftig, BP 31014, 30201 Bagnols-sur-Cèze.

  • mail : prixvargaftig@gmail.com

 

Tout envoi hors délai ou ne respectant pas l’une des consignes ne sera pas pris en compte.

 

Le Prix sera décerné au mois de décembre 2017.

 

Les membres du jury final sont :

 

  • Guillaume Boppe (poète)

 

  • Michaël Glück (poète)

 

  • Cédric Le Penven (poète)

 

  • Bruno Michel (responsable de médiathèque)

  • Anne Morin (lectrice de poésie)

 

  • Claire Poulain Cuénot (poète et éditrice)

 

  • Hélène Sanguinetti (poète)

 

  • Anne-Laure Tristant (libraire)

  • Franck Villain (universitaire)

 

Pour tout renseignement vous pouvez nous joindre à prixvargaftig@gmail.com

 

L’Association Prix Bernard Vargaftig, mars 2017.

 

Soutenez l’association : adhésion 10€, chèque libellé à : Association Prix Bernard Vargaftig.