Je suis rare et définitif (extraits inédits)

 

 

 

1

 

je suis rare et définitif
pouilleux, vérolé
biberonnant l'affreux sauvignon

la vie serait si réjouissante
qu'on n'en puisse dénigrer les roses trémières
vaste entourloupe !

la fougue des grimaces m'a empoigné
et les étendues désespèrent
nous ne voulons plus
ni chant de sirènes ni rythme qui lancine
tilleuls, marronniers
m'ont la citrouille en humus transformée
où dorment des vipères

 

 

 

2

 

en lieu et place d’ostensoir
nous préférons une efficace et durable anesthésie
les alambics chuintent
ô chauves-souris, la destinée
vous a-t-elle mises en son sac ?
pour mon propre catéchisme
tout ou rien en égale fraternité
je veux mordre aussi bien le libre le fatal
certes je n'oublierai pas de mourir
vilain jeu de quilles

c'est un long bavardage oui da
moi rare toujours vivant
capitaine de rien, capitaine de long temps

 

 

 

3

 

qu'on pardonne si je dérange
si je m'attarde
le tympan déchiré
les gencives qui saignent
ô chauves-souris, dans l'absence du matin
ma caboche grésille, tout tremble
la clope incandescente
poinçonne la chemise et le poumon
la vie serait si réjouissante
qu'on n'en veuille les cendres ?

au chevet du vivant :
un Graal absurde, l'ennui

 

 

 

 

4

 

je suis rare et définitif
à le répéter me contredire
plutôt je vais le monde écrire
comme moi dorloté par les ferrailles
les salves, les crachins
ah oui les chevaux inquiets
la vapeur qui s'échappe de leurs naseaux
les grandes plaines givrées
mais moi j'habite mon pyjama
quand encore sonne la cloche de l'église

 

 

 

 

5

 

la fieffée lumière
badigeonne les rousseurs
aussi les catalpas
voici ma caboche qui frétille
comme au centre d'un cimetière de camions
le lyrisme darde ses asticots
sur la carcasse de la beauté
laquelle ne veut point s'asseoir
sur mes genoux - dommage
moins amère que la fée verte
elle emporterait mon suffrage

finalement il est vingt heures
est-ce que la France a peur ?

 

 

 

 

6

 

faire ce que l'on peut
ah plutôt fi que feu
la sale petite pluie
cambriole le bleu

 

 

 

 

7

 

chiendent des journées
les unes après les autres
tenaces
on ne sait si l'on préfère
le bruit le silence
ou toute autre formule
un Zut ! formidable par exemple
capitaine de rien, capitaine de long temps
je jaunis avec mes dents
tout semble ruisseler
entre les berges de la lassitude

 

 

 

 

8

 

j'ouvre la fenêtre :
novembre est tellement bleu
qu'on en respire des miettes de plaisir
malgré soi

embusquées derrière les mots
nonobstant
gnark
la folie, l'inquiétude
gnark
les miettes rancies

 

 

 

 

9

 

les cris des écoliers
fracturent l'espace
le chat hésite entre la sieste
et la chasse aux stylos
le thermostat est réglé sur 19° C
j'empile ou face
des syllabes
avec/contre la poussière

 

 

 

 

10

 

je suis rare, la table de cuisine
au bois rongé
par des insectes xylophages
l'ignore sous sa toile cirée
le pain d'hier durcit, la poubelle déborde
les phrases se tortillent sur les murs
scolopendres d'un delirium
formidables tenailles autour de la gorge

rideaux (nouvellement installés)
parquet (taché)
étagère (en fouillis)
cendrier (tabernacle?)
mouche (desséchée) au pied d'un radiateur
Steve Mac Queen trône sur sa moto :
la grande évasion

 

 

 

 




Ecrire, et autres poèmes

 

 

Écrire

 

 

L’écriture, qui vient après, peut être
la minutieuse contemplation de ce qui reste 
sous les cendres d’un incendie et sous les cendres 
de toutes les images pour le dire. 
Ce qui reste d’un éblouissement
et de l’irradiation continue.

La passion sûre et le silence des salamandres.

 

 

 

 

Rhizome

 

 

J’écris ces mots à l’abri des dunes, quelque part dans le Delta du Rhône. 
Tout y est parfaitement à sa place ainsi que dans les psaumes :
d’une joie détachée de la fleur sur le sel, à l’inquiétude de mourir
sans avoir su faire révérence à la mesure de cet univers.

Je serais une morte décevante, embarrassant l’espace 
de soupirs, suppliant le temps de lui revenir
pour comprendre l’équilibre avant d’en mourir.

Pour l’heure j’aime, et les virgules et les lys des dunes.

 

 

 

Blanc

 

 

Le jour approche où nous formerons 
des roses de lin blanc sur une épine d’acacia.
Bandelettes déchirées au bas des linceuls,
nouées en signes, au milieu de plus rien.

 

 

 

De terre

 

 

J’aime les soirs quand la terre est retournée à cru, 
grossière et gorgée de l’or du soleil qui se couche 
dans son lit brun d’oreillers et de couvertures.
J’éprouve alors comme un grand rire.
Mais en larme à la première fraîcheur 
quand les suavités de la terre deviennent intérieures,
empruntant leurs images à la glaise et à la sauvagine. 
C’est la pensée de la fourrure et des belles couvertures,
quand le délire sensuel tend une main aveugle, au soir triste.
[Mais Rimbaud revenez plutôt voir et dire, qu’est-ce cela ?]
Ou peut-être un délire pour mineur aurifère supputant le magot,
les doigts jaunes, prêtant un intérêt angélique 
aux propriétés voisines des cyanures et du mercure, 
et disant : 
je vous en payerai moi des fourrures avec ça !

[Horrifiée]
Couchons-nous là, féroces de nos rêves, au réveil qui verra midi ?

 

 

 

Perfumare (n°48?)

 

 

Dans les chemins du bord des champs, les sureaux noirs 
ont au petit matin un très lourd parfum de saine crasse
qui monte accordé à la densité sourde du feuillage, 
avec de temps en temps une nuance fleurie, aussitôt regrettée
mais presque melliflue, l’énoncé d’une menace tendre. 

C’est la longue nuit des bêtes qui parle dans le remugle étoilé.

 

 

 

 

 

 

 

.

 

 

 




A Celles, et autres poèmes

 

 

Les persiennes font mienne
L’ombre des siestes

 

Un rêve naît strié de banderilles
Avec ses gradins de collines
Son or et son arène
 

Un rêve de tauromachie
Avec ses flamands roses
Et ses noirs flamencos
Leurs noces de sang
Et ce long rituel
Qui fait couler le rimmel de l’été

 

 

**

 

 

À CELLES

 

 

À celle qui
Verse l’eau fertile sur les sables de la nuit

Qui barre la route aux vaines encyclopédies
À celle des
Restanques lézardées sous l’effort de mémoire
Celles des
Villages perchés jeunes filles ou grand-mères loquaces
Leurs collines en marche vers des golfes rutilants
À celle des
Oiseaux prénommés de couleurs
Des ravines calcinées et leur bouche plus grave
Celle des
Portraits d’anonymes sous la plume désennuyée
Quand la pensée en panne se cherche un vocabulaire
Celle qui
Souligne les crêtes arpégées d’une glorieuse brume
À celle des
Parapluies emmurés qui désamorce les malheurs
Qui rapatrie dans leur brousse
Les taxis aux cœurs embouteillés
Celle qui
Rive les ciels nocturnes de réverbères-pleines lunes
Pour tous les mécréants qui craignent
Un jour de les voir s’écraser
À celle des
Abris-bus aux sans-abris parasités de matins clairs
Parasités du luxe de l’espoir
À celle qui
Revêt le vent de pardons jaunissants
Quand sous la porte il glisse paupières mi-closes
Celle qui
Garde-barrière se soulève
Quand passent les soleils couchants
À celle des
Volontés puissantes, des barrages défiant les montagnes
Celle des
Garrigues hiérarchisant les parfums les heures
Celle des
Après-midi incendiés de crépitements d’insectes
À celle qui

Écosse les jours et les délie de leur fil spatio-temporel
Celle des
Balustrades-belvédères où s’arrête la parole
Où le regard vient à nouveau tout unifier tout simplifier
Pour mieux partager l’éternité ainsi retrouvée
À celle qui
Coule l’horloge de cire dans nos cerveaux flottants

 

 

**

 

 

Que de visions effeuillées
Avant de te trouver

Dans les prisons du hasard
Dans les rayonnages du mensonge
Dans les accrocs qu’on se fait
Aux harpons du vent
Qui donc a voulu cadenasser
Les vagues ?
Fermer de la longue avenue
Les milliers d’yeux ?

 

 

**

 

 

Je connais l’heure arpentée au surplomb d’azur
L’iris irisé de ses yeux taillés en barque,

Tout en bas, l’envie forte de plonger
Dans cet ombilic de limbes océanes
 

C’est comme un amour qui t’appelle
Et la mort aussi, avec ses xylophones d’algues.
Dans le fracas du rêve finit le saut de l’ange
Et le sentier aux senteurs de passé,
Pauvre garrigue au fond des saladiers

 

 

**

 

 

FILM CLASSÉ Z POUR UNE INCONNUE NOMMÉE X

 

 

J’ai Zoomé sous la jupe
D’une belle amaZone.
Elle passait, lumière Zodiacale dans la Zone
Zeste de crépuscule dans la ZUP
 

Elle passait et sans scrupule
J’ai Zieuté dans sa cage de soie. Zieuté
L’ascenseur pour l’échafaud
Le Zinc des alcools verts. Zieuté
Les aliZées illusoires
Du haut des tours Zébrés
Comme un Zouave joueur de Zourna. Zieuté
La danse rouge de son ventre.

C’est une Zone sans limite…
Celle des terrains où l’on divague
C’est une Zone sans limite…
Celle de ses reins et de leurs vagues
 

Pauvre ZoZo Zèle brisé
Il faut Zapper cette gaZelle des allées de ta cité
Pauvre Zombie délaissé par ta prêtresse
Retourne à ta tombe à ton mausolée
Pauvre Zigue perdu dans les ZigZags
De tes pensées Zoomorphes
Un dessous de jupe dans la ZUP et Zou !
C’est le trouble la ZiZanie dans ton cœur Zen
Un Zéphyr qui d’un seul Zip fait le plein
Et porte au Zénith tout ton désir
Dans un Zeppelin !

C’est une Zone sans limite…
Celle des terrains où l’on divague
C’est une Zone sans limite…
Celle de ses reins et de leurs vagues

Mais c’est fini pauvre ZoZo
Elle est passée
Oublie ton film classé Z
Ton inconnue nommée X.
Dans le ciel de la Zup
Bois ce qui te reste
Bois sans scrupule ce dernier Zeste
Ce petit rien de crépuscule

 

**

 

 

Marseille
Une treille au-dessus de la mer

Illuminé d’ombre
Ton corps sarrasin perle de sueur

 

 

 




Ainsi parlait NOVALIS, Traduction de Jean et Marie MONCELON

 

 

Agir comme un ignorant à la découverte de l'oeuvre de Novalis, recevoir l'oeuvre dans sa sensibilité propre sont rendus possible par le choix de courts extraits de textes du poète Novalis que traduisent ici Jean et Marie Moncelon (dans l'édition bilingue parue récemment dans la collection Ainsi parlait chez Arfuyen). En effet, un ignorant de l'oeuvre fondamentale du philosophe Friedrich von Hardenberg, dit Novalis, mort à 28 ans, peut quand même voir combien sont petites ou grandes ses propres questions, combien sont vraies ou fausses ses idées sur l'art ou la vie. Car le poète est capable, presque seul, a le devoir, en un sens, de révéler les secrets de la nature - y compris des énigmes inconnues des scientifiques , ou de rendre sensible le mystère de l'âme - secret spirituel - , ce qui revient à saisir la forme la plus pertinente et la plus belle de l'expression poétique. Et comment ne pas voir ici cette charte éthique remplie quand on lit par exemple cette citation tirée de Fragmente, " Devenir un homme est un art".

Cette citation, que reprend la quatrième de couverture du livre, est révélatrice à bien des égards, car elle touche au secret, cette fois-ci, du poète lui-même. Est-il romantique - les dates pourraient le faire supposer, ou un moderne, quand on voit ici ou là des penchants baudelairiens - ou un poète singulier qui a intéressé les Symbolistes par exemple ? Tout cela reste et doit rester en suspens dans l'esprit du lecteur ignorant qui ne compte que sur l'oeuvre du philosophe/poète/scientifique saxon pour un voyage en terre de mysticité et d'extase. Il s'agit surtout d'un poète qui fonde tout ensemble la poésie, l'art et la vie.

 

« Le génie est poétique avant tout. Où le génie a agi, il a agi de manière poétique. L'homme véritablement moral est poète. »

« Le véritable commencement est la poésie de nature. La fin est le second commencement - et c'est la poésie d'art. »

 

Et quand il est écrit plus haut que la petitesse ou la grandeur des impressions personnelles peuvent être les agents de cette découverte, il s'agit en fait de la vraie question de cette écriture mystérieuse - d'une grande singularité du point de vue moral - et presque sacrée - car touchant la beauté avec cette force, manifestations de clarté en fonction des certitudes petites ou grandes qu'offre la poésie dans la langue du philosophe - et l'on en connaît bien le registre chez Nietzsche ou chez Heidegger. A savoir, qu'il y a plus de vérité contenue dans le poème que dans la description mécanique de la réalité, plus d'art dans la licence poétique que dans la rhétorique et l'académisme, plus de poésie donc dans la vie et la mort que dans le livre qui en fait la relation, quand restent nécessaires la langue et la forme - véhicules stylistiques.

 

« Le sens de la poésie a beaucoup en commun avec le sens du mysticisme. Il est le sens de ce qui est propre, personnel, inconnu, mystérieux, de ce qui doit se révéler, du hasard nécessaire. Il représente ce qui est irreprésentable. Il voit l'invisible, il sent l'insensible, etc. »

 

Pour résumer cette impression, il faudrait envisager très précisément comment Novalis opère pour livrer, dans le flux poétique de sa langue, une part d'énigme - peut-être à rapprocher des Mystères d'Eleusis - voire une certaine transparence dans l'énigme - que poursuit le poème - en tout cas, quelque chose qui rend fiévreux et habité.

 

« Le vrai philosopher en commun est comme un vol de migration mené de concert vers un monde aimé - où l'on se relaie alternativement au premier poste, là où est nécessaire le plus grand effort contre l'élément antagoniste au sein duquel on vole. On suit le soleil, et l'on s'arrache du lieu qui, conformément aux lois de la gravitation de notre corps terrestre, est voilé pendant un certain temps dans le froid de la nuit et la brume. (Mourir est un acte véritablement philosophique). »

 

C'est avec ces lignes tirées du Philosophische Studien que commence le livre. Il ouvre d'emblée et emporte le lecteur - fût-il ignorant - vers une lumière splendide, presque froide parfois, à force de raretés qui se découvrent comme d'évidence, de figures de style très simples qui recèlent des vérités implexes, le tout traité par une noblesse d'expression sans pareil, d'opalescence du discours, de traits, pour se référer à la terminologie de Kant ou de Longin, proprement sublimes. Et tout cela vient comme une écume duveteuse, border les arcanes complexes de notre intelligence, comme un révélateur inouï d'art, de vie et de pensée.

 

*

 




Marie-Noëlle AGNIAU, Mortels habitants de la terre

 

J'aime les quatrièmes de couverture qui disent tout sans rien en dévoiler. Qui ne font qu'attraper le lecteur par le mystère. "Assumer par le poème la disparition de l'écriture cursive et la mise en écran du monde, il le faut au moment où meurt la mère qui vous a enfantés : ne pas revenir est la règle du vaisseau." Tout un programme alléchant pour qui aime les mots, avec ce nouvel ouvrage publié par les éditions l’Arbre à paroles, avec en couverture une illustration mystérieuse de Benjamin Monti.

Même si parfois le lecteur peut se sentir dérouté (mais n'est ce pas le propre d'un voyage réussi ?), le vaisseau dans lequel Marie-Noëlle Agniau nous emmène est d'une inventivité rare qu'il faut absolument signaler.

Une double disparition donc, avec toujours la notion de voyage et de nombreux allers-retours entre matériel et immatériel. A commencer par la contrainte sous laquelle sont placés tous les poèmes : débuter tous par "Est une infrastructure". Vaisseau de la vie au départ du port "Est une infrastructure construite par l'homme, situé sur le littoral maritime, sur les berges d'un lac ou sur un cours d'eau, et destiné à recueillir bateaux et navires". Vaisseau-mère en traversée.

Le voyage c'est aussi l'écriture, des lettres, des récits, des journaux de bord, on retrouve un peu de tout cela dans cet ouvrage. L'écriture comme une attelle au quotidien. Quant à l'écriture manuscrite, “Nous avons cessé d'être habiles. Tenir un stylo. Nous écrivons mal. Et maladroit. Le contour des lettres. Nous ne savons plus. Quoi faire. Les lettres. Paniquent. Ou main. Les trois doigts. Crispés comme bouche apprend à téter.”

Alors passer à l'ordinateur : “Est une infrastructure.  Construite par l'homme. L'opération secrète du cerveau a fini de former des lettres entre trois doigts. Il pleut des touches. Des petits bruits de ressort. Sous les touches. Les bruits que nous formons. Ça glisse. On ne l'entend pas.

Et s’interroger sur la portée de ce choix “Les lettres flottent. Égales. Nos yeux les voient toutes. Et le cerveau connecte. Très vite. Les lettres ne se forment plus. Avec la même incidence. Le même petit bruit très rapide des ressorts sous les touches. Elles apparaissent. Disparaissent. Entre les touches. La poussière. La pulpe des doigts. Ronde. Dynamique. La douleur détruit la langue : là.

Et plus loin page 59 : “Je me démets de ma main. Je donne la main à des machines. Elles sont ma main. Et mes doigts. Elles œuvrent pour moi. Elles sont la main. Et les trois doigts et tous les autres. Une main tactile comme un écran. Je rends ma main. Je n'en ai plus besoin. Sa lenteur. Sa lenteur de main. Je la rends. Je la donne à la machine.”

Marie-Noëlle Agniau fait preuve de beaucoup d'inventivité dans cet ouvrage incomparable (mais le poète ne se doit-il pas d'être incomparable ?). Il est plaisant de voir ainsi qu'il existe encore de nouvelles façons d'écrire la poésie. Je ne serais pas étonné de voir cette auteure née en 1973 éditée à l'avenir dans la prestigieuse collection Poésie-Flammarion.

 

*

 

 




Isabelle Sancy

poète




Charles Orlac

poète




Jacques Lucchesi

 

Né en 1958, Jacques Lucchesi s’est rapidement tourné vers le journalisme et la critique d’art. Il est, parallèlement, l’auteur d’une œuvre éclectique et abondante (recueils de poèmes et de nouvelles, essais littéraires et philosophiques). En 2006, il a fondé une structure éditoriale, les éditions du Port d’Attache, pour publier de petits textes sans concession sur le monde. Depuis longtemps intéressé  par le théâtre, il a adapté pour la scène « Les dialogues avec Leuco » de Cesare Pavese (en 2000) et publié une pièce aux éditions EGTSO, « Les monologues de l’Homme-Serpent » (2011). Celle-ci a été créée à Marseille en 2008.




Hologrammes/Hologramy

 

Traduction Isabelle Macor

 

Nasze ziemskie sprawy

Będziemy się przekomarzać kto jest kim
By jakoś zabawiać się w tym powrocie z Syberii
Pierwszy powrót dotyczył mapy i kilometrów
Drugi  - czasu i sekund  
Nie wiadomo kto jest słowem kto myślą a kto wyobraźnią
Jak kontynenty z płaskorzeźby
Prawdziwy jest nie do wykucia w żadnym kamieniu
Ostatni jest skałą przebitą włócznią wody
Jak skała z poetką wskakującą w przepaść morza
Przepaść otworzy ramiona a morze odsłoni Twarz Nowego Lądu

 

Nos affaires terrestres

On se taquinera pour savoir qui est qui
Pour s’amuser en quelque sorte en ce retour de Sibérie
Le premier retour concernait la carte et les kilomètres
Le deuxième – le temps et les secondes
On ne sait qui est le mot qui la pensée et qui l’imagination
Comme des continents de bas-reliefs
Le vrai est impossible à graver dans la pierre
Le dernier est un rocher percé par la lance de l’eau
Tel le rocher de la poétesse qui saute dans le gouffre marin
Le gouffre ouvre les bras et la mer dévoile le Visage d’une Autre Terre

 

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Odwrotnie proporcjonalnie do całości

Płaczesz gwiazdami jak wszechświat który nie zna swojej matki
Kosmos budzi się ze snu wyjmując z rąk swoich posłańców ostrza śmiertelnej strzały
Pamięć tego cierpienia przeniknęła wszystkie gwiazdy
Sączą czerwień z ognistych ust kogoś kto współodczuwa z nim
Pozostają krwawe ślady jak język gwiazd w konstelacji odchodzącego ciała
Błękitna planeta jest jak pierścień na wskazującym palcu ofiary i środkowym palcu oprawcy
Dwa bieguny jak dwie szale wagi na których ciąży nie tyle skutek co przyczyna

 

Inversement proportionnel au tout

Tu pleures des étoiles comme l’univers qui ne connaît pas sa mère
Le cosmos s’éveille en sortant des manches de ses envoyés la pointe d’une flèche mortelle
Le souvenir de cette souffrance a pénétré toutes les étoiles
Elles versent le rouge des lèvres de feu de quelqu’un qui compatit avec elles
Restent des traces sanglantes comme la langue des étoiles dans la constellation du corps qui s’en va
La planète bleue est comme une bague sur l’index d’une victime sur le majeur d’un tortionnaire
Deux pôles comme deux plateaux d’une balance sur lesquels pèse non pas tant l’effet que la cause

 

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Kryształ

Zastanawiasz się nad Liczbą by widzieć z okna coś więcej niż widok
Zastanawiasz się nad Liczbą którą było widać z okna kuchni
Gdy byłaś dzieckiem Liczba przychodziła do ciebie
Prosiła o chleb z masłem i zapaloną zapałkę
Znałaś jej dramat: pragnienie otwartej przestrzeni i światła
Tutaj między klaustrofobicznymi budynkami
Skomlała jak wrażliwość która skomli w wierszu
Wypracowanie bólu doskonałego
Kwintesencja obnażania siebie i świata
Liczba smaży naleśniki i każe czekać na skrzata szczęścia
W cieniu Liczby stawiałaś prowizoryczny dom
Widząc jak znaczy obecnością każdy twój krok
Odcięta od tego co powinno być wiadome
Wybierałaś niewidzialne bo rzeczywistość zdradzała
Liczba która nie jest przeliczalna na ludzi
Mówią: powtarzalność jest przypadkowa
Jakby nie zauważyli podobieństwa między początkiem i końcem
Odchodzi przychodzi odchodzi – wciąż ta sama planeta
Brak miłości i miłość jest tym samym
W inny sposób opowiedziany paradok
Kocham cię między innymi
Związki między słowami jak związki między ludźmi
Układają się jak atomy w krysztal
Nie rozumiejąc że każdy z nich jest na właściwym miejscu
Każda rozmowa jest niby inna a wciąż ta sama
Jak struktura kryształu
Przezwyciężanie wielości: wciąż ten sam opór przed dotykiem
Chłopiec z wytatuowaną gwiazdą na prawej ręce
Wyodrębniony z tłumu na imię ma Nietykalny
Jakby zaistniała w nim jedność
Jakby stanowił całą zawartość kryształu
Jakby prowadził nieustanną rozmowę z samym sobą
Przestawia samotność jak liczby
Rysuje nową kolejność cyfr na cyferblacie
Porządek następstw jakby ustanawiał nowy alfabet
Kruszy i scala spada złota kropla
Liczba bawi się w deszcz i szczelnie domyka ściany morza
Liczba w przejrzystym krwioobiegu świata rysuje twój oddech na niebie     

 

Cristal

Tu te penches sur le Nombre afin d’en voir plus de la fenêtre que la vue
Tu te penches sur le Nombre que l’on voyait de la fenêtre de la cuisine
Quand tu étais enfant le Nombre venait à toi
Demandait du pain avec du beurre et une allumette allumée
Tu savais son drame : désir d’un espace ouvert et de lumière
Ici entre  les bâtiments claustrophobes
Il implorait comme la sensibilité qui implore dans le poème
L’élaboration de la douleur parfaite
Quintessence d’une mise à nue de soi et du monde
Le Nombre fait frire des crêpes et demande que l’on attende les lutins du bonheur
A l’abri du Nombre tu as élevé une maison provisoire
Voyant comme chacun de tes pas ponctue la présence
Séparé de ce qui devrait être su
Tu as choisi l’invisible car la réalité a trahi
Le Nombre que l’on ne peut dénombrer en gens
On dit : la répétition est accidentelle
Comme si on n’avait pas remarqué la ressemblance entre le commencement et la fin
Départ arrivée départ – même planète sans cesse
Manque d’amour et l’amour est ce même
Paradoxe formulé d’une autre manière
Je t’aime entre autres
Les liens entre les mots tels les liens entre les gens
S’agencent comme les atomes dans le cristal
Sans comprendre que chacun d’eux est à sa place propre
Chaque dialogue est différent et pourtant sans cesse le même
Comme la structure du cristal
Triompher du multiple: toujours cette même résistance face au toucher
Un gars avec une étoile tatouée au bras droit
Distingué de la foule il a pour nom Intouchable
Comme s’il existait en lui l’unité
Comme s’il constituait tout le contenu du cristal
Comme s’il poursuivait un dialogue ininterrompu avec lui-même
Il présente la solitude comme des nombres
Il dessine une nouvelle suite de chiffres sur le cadran
L’ordre des conséquences comme s’il composait un nouvel alphabet
Se désagrège et fusionne tombe une goutte dorée
Le Nombre joue à la pluie et assemble hermétiquement les murs de la mer
Le Nombre dans la limpide circulation sanguine du monde dessine ton souffle sur le ciel

 

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Ewa Sonnenberg

 

Auteur d’une dizaine de recueils de poésie, d’un choix de poèmes paru en 2014 et de proses, Ewa Sonnenberg est née en 1967.  Elle a publié dans toutes les revues littéraires polonaises. Ses poèmes sont traduits en anglais, français, espagnol, allemand, suédois, turc, russe, hongrois, slovène, slovaque, tchèque, serbe, macédonien, bosniaque, italien, ukrainien.  Boursière de « Kultura Niezależna » (Culture Indépendante) à Paris en 1996, époque à laquelle nous nous sommes rencontrées, deux fois boursière (2001, 2008) du Ministère de la Culture et du Patrimoine National, elle a reçu le Prix Georg Trakl pour son recueil Hasard [Hazard, 1996], le Prix du meilleur poète du Festival Ilinden à Skopje (Macédoine, 2008), le Prix des Quatre Colonnes pour l’ensemble de son œuvre (2012). En 2016 elle est finaliste du Prix Orphée - K. I. Gałczyński de Poésie pour son recueil Hologrammes [Poznań 2015, WBPiCAK.]  dont sont extraits les poèmes ci-dessous.

Elle est membre de l’Union des Ecrivains Polonais. Elle vit à Wrocław.