Je suis rare et définitif (extraits inédits)
1
je suis rare et définitif
pouilleux, vérolé
biberonnant l'affreux sauvignon
la vie serait si réjouissante
qu'on n'en puisse dénigrer les roses trémières
vaste entourloupe !
la fougue des grimaces m'a empoigné
et les étendues désespèrent
nous ne voulons plus
ni chant de sirènes ni rythme qui lancine
tilleuls, marronniers
m'ont la citrouille en humus transformée
où dorment des vipères
2
en lieu et place d’ostensoir
nous préférons une efficace et durable anesthésie
les alambics chuintent
ô chauves-souris, la destinée
vous a-t-elle mises en son sac ?
pour mon propre catéchisme
tout ou rien en égale fraternité
je veux mordre aussi bien le libre le fatal
certes je n'oublierai pas de mourir
vilain jeu de quilles
c'est un long bavardage oui da
moi rare toujours vivant
capitaine de rien, capitaine de long temps
3
qu'on pardonne si je dérange
si je m'attarde
le tympan déchiré
les gencives qui saignent
ô chauves-souris, dans l'absence du matin
ma caboche grésille, tout tremble
la clope incandescente
poinçonne la chemise et le poumon
la vie serait si réjouissante
qu'on n'en veuille les cendres ?
au chevet du vivant :
un Graal absurde, l'ennui
4
je suis rare et définitif
à le répéter me contredire
plutôt je vais le monde écrire
comme moi dorloté par les ferrailles
les salves, les crachins
ah oui les chevaux inquiets
la vapeur qui s'échappe de leurs naseaux
les grandes plaines givrées
mais moi j'habite mon pyjama
quand encore sonne la cloche de l'église
5
la fieffée lumière
badigeonne les rousseurs
aussi les catalpas
voici ma caboche qui frétille
comme au centre d'un cimetière de camions
le lyrisme darde ses asticots
sur la carcasse de la beauté
laquelle ne veut point s'asseoir
sur mes genoux - dommage
moins amère que la fée verte
elle emporterait mon suffrage
finalement il est vingt heures
est-ce que la France a peur ?
6
faire ce que l'on peut
ah plutôt fi que feu
la sale petite pluie
cambriole le bleu
7
chiendent des journées
les unes après les autres
tenaces
on ne sait si l'on préfère
le bruit le silence
ou toute autre formule
un Zut ! formidable par exemple
capitaine de rien, capitaine de long temps
je jaunis avec mes dents
tout semble ruisseler
entre les berges de la lassitude
8
j'ouvre la fenêtre :
novembre est tellement bleu
qu'on en respire des miettes de plaisir
malgré soi
embusquées derrière les mots
nonobstant
gnark
la folie, l'inquiétude
gnark
les miettes rancies
9
les cris des écoliers
fracturent l'espace
le chat hésite entre la sieste
et la chasse aux stylos
le thermostat est réglé sur 19° C
j'empile ou face
des syllabes
avec/contre la poussière
10
je suis rare, la table de cuisine
au bois rongé
par des insectes xylophages
l'ignore sous sa toile cirée
le pain d'hier durcit, la poubelle déborde
les phrases se tortillent sur les murs
scolopendres d'un delirium
formidables tenailles autour de la gorge
rideaux (nouvellement installés)
parquet (taché)
étagère (en fouillis)
cendrier (tabernacle?)
mouche (desséchée) au pied d'un radiateur
Steve Mac Queen trône sur sa moto :
la grande évasion