Éric Poindron, Prix Nerval — Chevalier 2019 de La Poésie

Une première édition du Prix Nerval - Le Homard d'or

 

 

La Confrérie secrète des Poètes de la Perrière est à l’initiative de ce prix dont l'objectif est d’honorer « ceux qui agissent pour cette cause qu’est la poésie. Pour montrer que grâce à ces gens, elle est là et donc l’espoir aussi ». Il se nomme Le Homard d'or en référence de Gérard de Nerval qui aimait se promener avec un homard en laisse au jardin du Palais Royal en se justifiant ainsi “J’ai le goût des homards, qui sont tranquilles, sérieux, savent les secrets de la mer et n’aboient pas”. 

Ce prix tripartite se décompose comme suit :

La première distinction, Le héraut 2019, récompense celui qui au sens mythologique, a accompli en 2019 un fait de gloire pour la Poésie, qui comme le héraut d’armes, a pris un risque pour la poésie, qui a réalisé un geste courageux pour elle, ou les poètes. 

 

De gauche à droite : Marc Georges, Florence Berthout, Jean-Michel Ribes, Sapho, Eric Poindron, photo Actialitte.com

La deuxième distinction, le Homard d’or — Poète 2019, honore un Poète, mais "être poète, c’est avant tout et en premier un état d’esprit. Certains poètes écrivent des vers, d’autres sont architectes, peintres, musiciens, sculpteurs. Il y en a même qui sont cuisiniers. L’important est que chacun de leur geste de poésie soit un acte de paix."1

La troisième distinction, c’est le Homard d’or — Chevalier 2019 de la Poésie, c'est celui qui s’engage honore et défend une cause durant toute sa vie, qui promet fidélité à celle-ci.

Pour cette première édition, aux côtés d'Éric Poindron, Prix Nerval — Chevalier 2019 de La Poésie,  Jean-Michel Ribes a reçu le Prix Nerval, Homard d’or — Héraut 2019 de la Poésie,  et Sapho lePrix Nerval, Homard d’or — Poète 2019.

Le prix Nerval - Le homard d'or 2019 leur a été remis le 24 janvier à la Mairie du Vème arrondissement, en présence de la maire, Florence Berthout, et de Marc Georges, de la librairie La Demeure du Livre (Belforêt-en-Perche, dans l’Orne), qui a orchestré la remise des récompenses.




Les Hommes Sans Epaules n° 47 (1° semestre 2019).

François Montmaneix déclare haut et fort : « Ce ne sont donc pas le retour consternant des guerres de religion, la déferlante technologique obsessionnelle, l’abrutissement, par le football, la banalisation du verbe par le développement des réseaux prétendument sociaux, la vulgarité médiatique, la sacralisation des gadgets, la mondialisation de l’uniformisation et le déclin de la conscience du monde qu’ils engendrent, qui viendront à bout  de la vérité et de la force de la parole qu’incarne la Poésie » (p 5).

De même, dans son article, Le poète ermite de Tromba, Jacques Crickillon (p 25)  note à propos de  Pierre della Faille que l’amour de Belle est aux antipodes de la conception barthienne des Fragments d’un discours amoureux et assimilable aux représentations de l’amour vu sur les sculptures des parois des temples de Maliparum et de Borobudur. Il note aussi : « La différence, c’est que, la rencontre ouvre   chez della Faille, une destinée commune, un chemin (avec Belle à deux, en étant non unique mais double dans l’unique.  Dès lors, si la femme aimée apparaît sublimée dans l’œuvre jusqu’à en faire une figure mythologique, elle est aussi présence jour à jour et alimente ainsi perpétuellement la création… » (p 24). Si j’aime François Montmaneix pour ses poèmes en général et pour son écriture, j’aime Pierre della Faille pour l’amour fou qui donne une tonalité particulière à sa vie et à son écriture poétique…

Les hommes sans épaules n° 47 : 324 pages, 17 euros. Abonnement à 2 livraisons : 30 euros.
Les Hommes sans épaules, 8 rue Charles Moiroud. 95440 ECOUEN.

Si François Montmaneix signe l’éditorial de cette livraison des Hommes sans épaules, les deux précédents (FM & PdF) font partie du premier article de la revue, Les porteurs de feu, par leurs poèmes. La revue est divisée en ses parties habituelles : Ainsi furent les Wah (avec Imasango, Adeline Baldacchino -dont j’ai lu jadis La ferme des énarques (et dont j’ai rendu compte dans Recours au poème)-, Natasha Kanapé-Fontaine, Emmanuelle Le Cam, Hamid Tibouchi, Franck Balandier et André Loubradou… De même avec le dossier Poètes à Tahiti avec Christophe Dauphin (introduction) : Teuira Henry, Henri Hiro, Flora Devatine, Loïc Herry et Alain Simon… Les inédits des HSE sont consacrés aux poèmes de Sonia Zin Al Abidine. Vers les terres libres sont réservées à une étude de Paul Farellier intitulée La poésie de Frédéric Tison suivie de Minuscules (un ensemble de proses poétiques) du même Frédéric Tison…  Suit alors une étude d’Eve Moréno ; consacrée à la chanson, la poésie, elle présente le chanteur Allain Leprest.  Suivent enfin des poèmes inédits d’Elodie Turki, de Paul Farellier, de Jacqueline Lalande, d’Alain Breton, de Christophe Dauphin et d’André Prodhomme… Viennent en final des notes de lecture de Christophe Dauphin, de Claude Luezior, d’Eric Pistouley, de Bernard Fournier, de Jean Chatard, de Thomas Demoulin, de François Folsheid, de Frédéric Tison et  de Paul Farellier…  Viennent ensuite les usuelles informations…

Jamais une revue n’a autant ressemblé à ce que doit être une revue de poésie. Et il y a des poèmes pour tous les goûts.




En longeant la mer de Kyôto à Kamakura

Le récit poétique d’un moine voyageur

L’auteur est anonyme et son récit date de 1223. Mêlant notations prises sur le vif, poèmes de cinq vers et méditations, il nous entraîne pendant une quinzaine de jours sur environ 450 kilomètres dans une découverte du littoral japonais entre Kyôto et Kamakura. Une expérience à la fois poétique et spirituelle de moine pèlerin.

 

On peut appréhender un tel récit de bien des manières. S’attarder, par exemple, sur l’arrière-plan historique (l’auteur, qui vient de quitter sa vieille mère,  pérégrine de la capitale Kyôto à la ville de Kamakura où s’est installée, à l’issue des guerres civiles, le gouvernement militaire des Shôgun). Y répertorier toutes les références à la Chine truffant ce récit (qu’il s’agisse d’histoire, de poésie, de  légendes…). On peut aussi y voir un mode d’emploi du bouddhisme, notamment dans sa version syncrétique shinto-bouddhique, celle qui inspire la perception du monde proposée par l’auteur (« Moi dont la vie n’est qu’un instant au milieu d’un songe »).

On peut, également, apprécier le caractère documentaire de ce récit de voyage dans sa capacité à nous faire entrevoir les travaux et les jours du Japon ancien. Voici, sous la plume de l’auteur, les marais salants, les bateaux de pêche, les mariniers, les marchands, les bûcherons, les rizières…

« Reflétées dans l’eau/des rizières inondées/elles se montrent à nous ! /Les nuées d’épis de riz/image de l’automne ».

En longeant la mer de Kyôto à Kamakura, traduction du japonais, présentation et notes par le groupe Koten (Claire-Akiko Brisset, Jacqueline Pigeot, Daniel Struve, Sumie Tereda et Michel Vieillard-Baron), éditions Le Bruit du temps, 168 pages, 15 euros.

On peut, enfin, avoir ici un aperçu des conditions de voyage de l’époque, à pied ou à cheval (comme c’est le cas de l’auteur), logeant dans des auberges de fortune ou carrément sous les étoiles. Et, quand on est moine, s’attardant dans les temples et les lieux sacrés chargés d’histoire.

Mais se contenter de dire cela, ce serait passer sous silence la portée universelle d’un récit dont la poésie est le vecteur essentiel. Cet auteur japonais d’une cinquantaine d’années (« vieillard que je suis ») s’inscrit dans la lignée des auteurs des récits de voyage (kiko) de moines ermites dormant sur des « oreillers d’herbes »(Sôséki a fait de cette expression le titre d’un de ses livres), prônant l’ascétisme, la sobriété, la pauvreté. Et invitant, de bout en bout, à la contemplation. « Aujourd’hui je l’ai passé ;/si je reviens à nouveau/je verrai le mont Futamura :/sentier sous les pins/dont le regret me suivra » .

Ce sont des leçons de vie que distille en effet ce moine voyageur  à renfort de waka, ces quintains de trente et une syllabes qui ponctuent son texte comme le feraient des haïku dans un haïbun. « A quoi bon maintenant/ces lamentations ?/Ne sait-on d’avance/que la rosée à la pointe de la feuille/est vouée à disparaître » (Kobayashi Issa nous parlera aussi, plus de 500 ans plus tard, d’une « monde de rosée »).

C’est le sentiment bouddhique de l’impermanence qui domine dans le récit. « Du fleuve qui va/et jamais ne reviendra/l’écume hélas ! tôt effacée/me semble la trace/de celui qui disparut », écrit-il évoquant la mort tragique d’un dignitaire japonais. Sentiment doublé d’un appel à faire le bien. « Le paradis loge dans un cœur tourné vers le Bien. L’enfer n’est pas sous terre, il se trouve dans un cœur qui nourrit de mauvaises pensées ». Le chemin littoral qu’emprunte ce voyageur anonyme devient ainsi progressivement, sous sa plume, le chemin de l’Eveil.




Autour de Salah Stétié

Salah Stétié : Le voyage d’Alep

 

Le poète libanais fit, « avant l’année 1950 », alors qu’il n’avait que dix-huit ans, un voyage à Alep. Sa relation de voyage fut publiée, partiellement en 1953, dans la revue Le Mercure de France. On peut aujourd’hui trouver l’intégralité de son superbe texte dans le livre Salah Stétié, en un lieu de brûlure. En voici trois extraits :

 

Autour d’Alep, le chameaux roux paissent les tombes. Ni murs, ni feuilles. Un champ sans borne se propose à la pensée. Ici, rien, nul ornement, ne cherche à diminuer le prestige entier de la mort. Ouverte au promeneur aventureux, elle dessine une brûlante égalité. Des corps sans fleurs dorment dans une pierre aride. Avec le ciel, sans ombre de tendresse, elle inaugure un échange absolu.

La ville, au loin, n’est qu’un prolongement de ce mystère. La citadelle énorme la domine. Elle a connu les plus anciennes lunes. Tant de symbole égare l’âme et la déprend. Un pleur affreux tourmente la paupière. Puis le silence s’installe avec la vie.

 

Salah Stétié, En un lieu de brûlure,
Bouquins, 2009, 1184 pages, 34,50 €.

Jamais plus qu’ici la Croix ne me parut émouvante. Non, certes, que les églises fussent belles. Elles sont vouées à l’encombrement byzantin. Une grossière idolâtrie les dépare. Mais que, dans les cœurs douloureux, leur ombre infiniment se prolonge !

(…)

Orient, Orient. Jamais le Christ ne me parut tant lui-même qu’en cette gloire confuse du pauvre. Loin de la pourpre romaine et des trônes, son vrai visage compose à mes yeux celui d’une humanité douloureuse, qui se laisse, infiniment, bercer de songes… 

 

Carnets du méditant

Poète et essayiste arabe, né à Beyrouth, Salah Stétié nous livre ses « Carnets du méditant » sous le forme de maximes et de brèves sentences naviguant entre mystique et scepticisme ; Ces « copeaux du menuisier », comme il les appelle lui-même, traduisent l’attachement de l’auteur à une culture ouverte et profondément humaniste. « La poésie, dit-il aussi, est devenue, face à la démission du religieux, ou, dans certains cas, de son dévoiement, l’autre parole spirituelle ». Savourons donc, comme il se doit, tous ces mots qu’il nous jette en pâture. Sachons aussi apprécier ses saines provocations. « Dans une église, faire une prière d’islam. Dans une mosquée, faire une prière chrétienne. Pour perturber nos anges ». Ou encore ceci. « J’appelle âme ce qui ne cicatrise pas » (Publié dans Ouest-France, 2003)

Éditions Albin Michel, . Mai 2003, 304 pages.
ISBN : EAN13 : 9782226137654.
Prix : 13.00 € 

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Fils de la parole

 

Ecrivain arabe d’expression française, Salah Stétié est né à Beyrouth en 1929. Il a été longtemps diplomate, ambassadeur de son pays auprès de diverses capitales et d’organisations internationales. Mais c’est, avant tout, un grand penseur et un grand écrivain. Il s’entretient ici avec Gwendoline Jarczyk, philosophe et ancienne journaliste, sur les grandes motivations de sa vie.

A mi-chemin entre André Chouraqui (pour la sensibilité poétique et spirituelle) et Georges Steiner (pour l’érudition impressionnante), Salah Stétié connaît de l’intérieur les multiples facettes de l’identité méditerranéenne : son conservatisme parfois rigide et son ouverture fertile, son goût pour la tragédie et sa tradition d’hospitalité. Salah Stétié en parle avec beaucoup de bonheur et enrichit notre connaissance de cette identité.

Une grande partie de l’ouvrage tourne, aussi, autour de la parole dans ce qu’elle a de plus pur (d’où le titre du livre). A commencer par la poésie dans le rapport qu’elle entretient avec le sacré, l’enfance, la mystique. « La poésie est fiancée de la fraîcheur », écrit Salah Stétié.

On lire, également, ses intéressants propos, sur le fondamentalisme et l’intégrisme. « Si l’on veut réussir vraiment à changer cet état de choses, déclare Salah Stétié, ça ne saurait être par la matraque, mais par l’assiette pleine et par l’école (…) L’opération est bien plus longue et plus complexe que le fait d’envoyer des avions et des tanks en Afghanistan ou en Irak ». (Ouest-France, 2005)

 

Salah Stétié, Carnets du méditant,
Albin Michel, 2003, 304 pages, 13 €.




Une ouverture vers la poésie algérienne

Quand la nuit se brise est le superbe titre d’une anthologie consacrée à la poésie algérienne venant de paraître aux éditions du Seuil, en collection de poche Points. Elle reprend celle parue en 2004 aux éditions Autres Temps. Un grand œuvre orchestré par Abdelmadjid Kaouah, lui-même poète. Une cinquantaine de poètes de différentes générations et notoriétés sont convoqués.

De différents engagements aussi. Le volume commence par un panorama de la poésie algérienne en son histoire, en son lien avec la Guerre d’Algérie et en sa situation actuelle : 70 pages très intéressantes qui permettent à la béotienne de se faire une idée, même si ce panorama est centré, comment faire autrement, sur la Guerre d’Algérie. Précisons qu’il s’agit d’une anthologie de la poésie algérienne francophone. On y rencontre des poètes célèbres (Kateb Yacine, Jean Sénac…) et des voix plus rares, parfois éphémères. On peut diviser la présentation de Abdelmadjid Kaouah entre un avant et un après la Guerre d’Algérie.

Du fait de l’oralité, comme dans tout le bassin Méditerranéen, une Mare Nostrum dont nombre de politiques contemporains en France feraient bien de se souvenir, la poésie a existé très tôt dans ce que nous avons coutume d’appeler le Maghreb. 

Quand la nuit se brise. Anthologie de poésie
algérienne
, Points, collection points poésie,
304 pages, 7,80 €.

C’était la poésie des conteurs et des trouvères – les troubadours de l’orient. À ce propos, Kaouah rappelle la belle formule d’Amrouche qui parlait de la poésie des clairchantants. Une poésie partagée entre la transmission de la culture traditionnelle, de l’histoire réelle ou mythique des groupes ethniques, et la vie du quotidien. Et dire ce qui suit n’est pas parler pour mémoire : cette poésie ancienne a laissé des traces dans l’écriture poétique contemporaine, elle est présence dans le substrat de la poésie algérienne qui s’écrit. Une autre influence de « l’avant » provient de la confrontation : terre d’invasion, de conflits, l’Algérie a toujours connu cette confrontation. Vue de France, l’affrontement le plus évident est celui qui commence en 1830 quand la « conquête française » bouleverse l’histoire de ce bout d’Afrique. Ainsi, la poésie en Algérie sera toujours poésie de la confrontation avec autrui, mais un autre dont la présence pose des questions politiques, sociales et économiques. La poésie est ici chant de résistance presque par nature.

C’est pourquoi, au début du 20e siècle, le rapport à la France se complique : la colonisation est une ennemie, pas de doute là-dessus, mais les colons deviennent – en tant que représentants de la République des droits de l’homme – une source d’influence et d’inspiration. Il y a alors deux France aux yeux des poètes algériens, celle qui domine et celle dont la substance révolutionnaire porte l’espérance. La conséquence immédiate la plus importante consiste à se saisir de la langue française dans l’écriture de la poésie de la résistance algérienne. Naît alors une véritable poésie algérienne avec la parution en 1934 du recueil de Jean Amrouche, Étoile secrète :

 

Qui me dira le destin de ces paroles d’inconnu,
De quoi sont-elles messagères ?
De qui suis-je le messager ?

 

Jean Amrouche est incontestablement une personnalité hors pair de cette histoire, tant par sa poésie attachée à la patrie algérienne, le versant de la résistance, que par sa quête d’une source sans doute plus primordiale, plus poétiquement fondamentale, celle d’une langue originelle des hommes, recherche qui par sa transcendance et son aspect sacré touche au plus profond de l’homme, de ce qui l’ancre / l’encre dans le réel.

Approche alors la poésie de la guerre d’indépendance. Elle se met en place dès la deuxième guerre mondiale. Ici, la personnalité de Jean Sénac est incontournable et Kaouah écrit de belles pages au sujet du poète, inlassable défenseur de la poésie algérienne. Ce moment de la poésie algérienne est celui de l’investissement complet dans le combat pour l’indépendance, accompagné d’une réalité qui fait débat, avec le temps, celle d’une poésie mise au service du politique. Vaste question. Il y a cependant des poèmes poignants en leur universalité, ainsi La complainte des mendiants arabes de la Casbah et de la petite Yasmina tuée par son père de Ismaël Aït Djafer :

 

Je me demande, moi
À quoi ça sert
Les barrages qui barrent
Et les routes bien tracées
Et les camions qui écrasent les petites
Yasmina de neuf ans
En roulant entre les estomacs à air comprimé
Et les peaux en papier d’emballage.
J’étais là, quand le
Camion l’a écrasée
Et que le sang a giclé
Le sang.
Et alors, là, je ne raconte pas…
Je laisse aux gens qui ont déjà vu un camion
Écraser un bonhomme et du sang
Gicler
Le privilège de se rappeler
L’horreur
Et le dégoût et la fuite lâche
Devant un cadavre
Surtout devant le cadavre d’une
Petite fille innocente…

 

Ainsi Kaouah montre que le combat pour l’indépendance fut aussi une « insurrection de l’esprit ». Sous l’impulsion de Sénac, dès 1946, parait la revue Forge qui publie entre autres Kateb Yacine, Mohammed Dib ou Ahmed Smaïli. Et Dib publie son roman l’Incendie. Roman dont l’influence indirecte se prolonge, de mon point de vue, jusqu’aux Incendies actuels du dramaturge libanais Wadji Mouawad. Puis Sénac réunit ce qui est épars dans Le Soleil sous les armes : c’est l’affirmation, comme sous l’occupation en France, que la poésie est une arme de résistance. Alors, selon Kaouah : « La parole des poètes a pour objet de multiples objectifs : renouer avec la mémoire embrumée par des décennies de léthargie, redessiner le visage de la patrie, promouvoir sa liberté et enfin poser les jalons d’un avenir fraternel ». Les poètes sont alors divers, entre ceux qui construisent une œuvre durable et ceux dont la poésie n’apparaît que dans ce moment. Il y a des voix comme celles de Kateb Yacine, Taleb Ahmed, Malika O’Lasen, Boualem Taïbi.

Abdelmadjid Kaouah ne laisse pas de questions de côté, en particulier celle de la langue. Pourquoi une poésie algérienne de langue française ? L’architecte de cette anthologie donne des pistes dans la suite de sa présentation. Il en vient ensuite à la notion de révolution et au lien entre celle-ci et les poètes. Il y a en Algérie des poètes de la révolution comme il y avait en France des poètes de la résistance, pour le meilleur et parfois… le moins bon. C’est le temps de la poésie de l’après. Dès 1962 la poésie occupe une place importante dans la vie algérienne, elle se fait connaître aussi grâce à l’anthologie Seghers de Denise Barrat (Espoir et paroles, 1963). Le poète est au service de la transformation révolutionnaire. Jean Sénac est alors à la pointe de cette conception de la poésie. Une conception qui ne fait pas l’unanimité et subit même les critiques de Kateb Yacine. Il y a donc deux versants de la poésie algérienne durant cette période. Auxquels s’ajoute le développement d’une poésie en langue arabe. Après 1965, les choses évoluent et un Jean Sénac développe à son tour une critique de la mainmise de l’Etat sur l’art et la culture publiant des poésies critiques, telles que celle de Ahmed Azeggagh :

 

Arrêtez

Arrêtez de célébrer les massacres
Arrêtez de célébrer des noms
Arrêtez de célébrer des fantômes
Arrêtez de célébrer des dates
Arrêtez de célébrer l’histoire
La jeunesse trop jeune à votre goût
Insouciante et consciente
Sait

Depuis le temps que vous battez le rappel
Des souvenirs le Soldat Inconnu le Mausolée de X
Le machin de Y le cimetière de Z
Depuis le temps que vous écrivez les jours
Du calendrier avec du sang coagulé
Délayé
Délayé par les circonstances de la Circonstance
Ce sang coagulé
Venin de la haine
Levain du racisme
Je suis né en Allemagne nazie et moi en Amérique
Noir et moi en Afrique basanée et moi je suis
Pied-noir et moi Juif et moi on m’appelait Bicot
On en a marre de vos histoires et vos Idées
Elles
Rebuteraient tous les rats écumeurs de poubelles
Elle
N’oublie jamais la jeunesse malgré
Sa grande jeunesse mais
Elle a horreur des horreurs

Et les enfants d’aujourd’hui
Et ceux qui naîtront demain
Ne vous demandent rien
Laissez-nous laissez-les vivre
En paix
Sur cet îlot de l’univers
L’univers seule patrie

 

Il s’agit d’une « nouvelle poésie » qui se constitue autour de Sénac jusqu’à sa mort en 1973, Sénac poète assassiné, et qui sous la censure et les pressions exprime sa révolte contre le devenir de l’Algérie. Ce sont les poètes de l’Anthologie de la nouvelle poésie algérienne publiée par Jean Sénac en 1970. Ils sont neuf et évoquent toutes les questions, y compris les questions religieuses et sexuelles. Ainsi, Youcef Sebti et la Nuit de noces :

 

Il a mis la clef dans la serrure
il a frappé avec violence
il a poussé la porte avec violence
il est entré
il a marché
il a soulevé le voile
il ma relevé la tête
il m’a ricané au nez
il m’a déshabillée
il ne m’a rien dit
il a cassé le miroir
il a tout fait
il a très vite fait
il est sorti
il avait bu
et moi j’ai pris les draps
entre mes dents
et je me suis évanouie.

 

Colonisation, guerre, combat pour l’indépendance, révolution, Etat directeur et censure… et cependant la poésie poursuit son chemin de transgression. En Algérie, malgré les interdictions, puis les difficultés matérielles. L’assassinat de poètes dans les années 90 ou l’exil, à l’image de Salima Aït-Mohamed. Qui s’en étonnera ? N’est-ce pas… la poésie ? Et Kaouah de conclure :

« Après l’indépendance, elle continua à subir les aléas de l’édition. A l’alibi commercial invoqué par les maisons d’édition étatiques, des motifs de censure politique se sont superposés, contraignant cette poésie à recourir une fois de plus à l’étranger, d’où la faiblesse de sa diffusion nationale. Les expériences d’auto-édition tentées en Algérie témoignent cependant d’un ancrage certain mais fragile.

Dans les années 90, la poésie algérienne de langue française a connu de nouvelles possibilités, avec l’exil de nombreux poètes en France. Enfin, depuis les années 2000, l’édition au pays bénéficie d’un essor notable avec la création de centaines de maisons d’édition ». L’auteur est optimiste. Une autre opinion s’entend exprimer parfois ainsi : « L’Algérie n’aime pas ses poètes ». Elle contient sa part d’humour. Pour ma part, je n’ai pas d’opinion. La poésie est, elle est là, dans les pages de cette belle anthologie.




Japon réel et imaginaire

 

Terada Torahiko : « L’esprit du haïku »

par Pierre Tanguy

 

 

On écrit aujourd’hui beaucoup de haïkus dans le monde. Et aussi beaucoup de commentaires sur ce genre poétique particulier. Le sujet paraît inépuisable et le Brestois Alain Kervern a bien montré, dans ses deux derniers essais  (Histoire du haïku chez Skol Vreizh et La cloche de Gion  à Folle avoine), la richesse et la complexité du sujet.

 Mais il n’est pas inutile, parfois, de revenir aux auteurs japonais eux-mêmes pour savoir ce qui les guidait. C’est la cas avec Terada Torahiko (1878-1935), disciple de Sôseki et auteur d’un essai intitulé L’esprit du haïku. Il insiste sur deux points pour expliquer l’appétence particulière des japonais pour ce genre littéraire. D’une part, explique-t-il, la fusion avec la nature considérée par les Japonais comme une « présence fraternelle ». Pour Terada, en effet, « l’esprit du haïku ne peut être pensé que comme une expression poétique de ce sens de la nature ». A cela s’ajoute – c’est le deuxième point – « l’existence plus que millénaire de formes poétiques brèves dans la tradition littéraire japonaise ». Nature, brièveté : on a là les deux ingrédients de base du haïku, un genre ayant le don « d’appartenir à la mémoire collective de tout un peuple qui partage donc les mêmes associations d’images ou de pensées ». Ce qui fait dire à Terada Torahiko  que « le haïku n’existe et ne peut qu’exister au Japon ».  Mais il formule aussi, dans son essai, certaines mises en garde. « Si le poète introduit des éléments qui expriment directement sa subjectivité, il n’y aura plus de place pour exprimer des éléments symboliques de la nature » (Terada, dans cette logique, conteste « l’éloquence » dans la poésie).

 Il pose aussi la question – qui fait souvent débat – des racines bouddhistes ou non du haïku. S’il convient que « le sentiment d’impermanence » (héritée du bouddhisme) « ne pouvait qu’envahir le monde des haïkus », il considère qu’il « n’appartient absolument pas à la nature même du haïku ». Selon lui, la pratique du haïku n’est « ni une fuite » (…) « ni un exercice de philosophie passive », « ni non plus une mise en scène pleine de complaisance de soi ».

 Bien au contraire, souligne-t-il, le haïku suppose « une distance critique de soi vis-à-vis de soi » et permet « d’exercer l’acuité de l’œil de notre esprit à faire en sorte que nous veillions à maintenir sa liberté »

 

 

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Le Japon de Pierre et Ilse Garnier

par Lucien Wasselin

 

 

Les Éditions L'herbe qui tremble viennent de publier, sous coffret neutre, deux volumes dus à Marianne Simon-Oikawa intitulés Japon (Les Échanges et À Saisseval). Marianne Simon-Oikawa a le mérite d'enseigner à l'université de Tokyo et, connaissant bien la langue et la culture du Japon, elle était particulièrement indiquée pour assumer la responsabilité de ces deux tomes qui font presque 1000 pages au total.

Le tome 1 (Les Échanges) s'intéresse aux poèmes écrits par Pierre Garnier en collaboration avec Niikuni Seiichi de 1966 à 1971 d'une part et avec Nakamura Keiichi de 2000 et 2001 d'autre part. Car si Pierre Garnier est bien connu pour son ouvrage en deux tomes paru aux éditions André Silvaire en 1978, Le Jardin Japonais, Marianne Simon-Oikawa met en évidence, pour commencer que les Garnier ont été en contact avec des poètes japonais de la même mouvance qu'eux dès avant. Le Japon et le couple Garnier sont présents dès 1964 dans la revue française Les Lettres et dès 1969 dans la revue japonaise VOU (avec, en particulier, des poèmes de Pierre Garnier traduits par Kitasono Katsue) et dès 1965 dans ASA, la revue de Niikuni.

Cette présence en revue sera suivie d'œuvres écrites à quatre mains dont les plus connues sont sans doute les Poèmes franco-japonais de Pierre Garnier et de Niikuni Seiichi pour leur parution en 1967 chez André Silvaire et dont le plus célèbre est sans conteste le poème ("Coq-Cerisier") qu'on trouve à la page 169 de ce tome1 et qui fut reproduit en carte postale lors de l'exposition, "Pierre Garnier, le parcours d'un poète", réalisée par la Bibliothèque Départementale de la Somme en 2002. Mais ces poèmes montrent la limite de la poésie supranationale qui voulait se passer de la traduction, comme le prouve Marianne Simon-Oikawa (pp 154-157). Mais Niikuni disparaît en 1977 mettant fin à toute collaboration entre les deux poètes. Pierre Garnier va écrire trois plaquettes avec Nakamura Keiichi en 2000 et 2001, plaquettes très différentes de celles écrites avec Niikuni Seiichi. On sent ici que Nakaruma Keiichi est "influencé" par le mail-art  et le collage qu'il pratique assidument…

Le tome 2 (À Saisseval) rend compte de ce qu'écrivirent seuls Pierre et Ilse Garnier, de la mort de Niikuni Seiichi à nos jours, loin du Japon, hormis la période de collaboration avec Nakamura Keiichi : c'est que "le Japon ne cesse d'habiter Pierre et Ilse"… Marianne Simon-Oikawa se livre à une compilation des poèmes écrits à Saisseval durant cette période : la liasse de 1977, le n° de Bloknoot de 1976, le Jardin japonais de 1977, les deux tomes du Jardin japonais parus aux éditions André Silvaire, Le Jardin du poète Yu paru à Madrid en 2003 et 2004 et L'Année dans les jardins flottants de la Somme qu'Ilse a écrit et publié en auto-édition en 2008. Il faut s'arrêter à ce dernier recueil (largement inconnu) car il permet de comprendre l'obsession japonaise des Garnier ; l'expression "jardins flottants" renvoie sans aucun doute à l'estampe japonaise ukiyo-e (image du monde flottant) : "le monde flottant désignant le monde d'ici-bas" [M S-O, p 450]. Mais ce n'est pas tout car Marianne Simon-Oikawa consacre un chapitre à la notion de haïku chez Pierre Garnier où elle met en lumière que les textes d'Ornithopoésie ne sont pas éloignés de l'esthétique du haïku. À son habitude, Marianne Simon-Oikawa mêle inédits et poèmes publiés à ses notes et présentations.

Marianne Simon-Oikawa convainc ainsi le lecteur que "le Japon occupe chez Pierre et Ilse Garnier une place essentielle" (p 583). Mais il y a mieux : ses analyses sont précieuses et érudites car, non seulement elle a exploité de nombreuses archives françaises ou étrangères, publiques (comme celle de l'Université des Beaux-Arts de Musashino) ou privées mais sa connaissance de la langue japonaise est irremplaçable, qu'on en juge : "Certains poèmes, les plus faciles à appréhender, contiennent des mots entiers. Dans l'un d'entre eux par exemple, qui associe coq et sakura (cerisier) le mot "coq" invite à voir dans les formes épanouies du papier découpé les plumes de la queue d'un chef de basse-cour tandis que le mot "cerisier" [sous la forme d'un idéogramme] fait découvrir dans ces mêmes formes les branches d'un cerisier ployant sous le poids de ses fleurs" (p 156, tome 1). Que dire encore des différences entre la forme du kanji, la forme syllabique et le caractère ? On le voit, Marianne Simon-Oikawa ne manque pas de qualités...

 




Du côté des traductions : Acep Zamzam NOOR, Federico Garcia LORCA

Acep Zamzam Noor, Ailleurs des mots

La poésie d'Acep Zamzam Noor, poète javanais, dont le nom évoque "à la fois la source de Zamzam, eau de la Mecque que la tradition considére comme miraculeuse, et la Luumière (Noor)", est ici traduite pour la première fois de l'indonésien en français, et à découvrir dans un tout petit volume de format italien, en édition bilingue, précédée d'une riche introduction (accompagnée d'une bibliographie d'une vingtaine de titres). Elle propose au lecteur des poèmes regroupés en quatre volets, abondamment annotés, tirés des recueils et du blog de l'auteur. 

 

 

Je ne connais pas l'indonésien, mais une série de remarques sur la prononciation de cette langue, écrite dans un alphabet latin, m'ont permis de lire les textes en "VO", avec le plaisir de mettre en bouche des sonorités qui – même très probablement approximatives – complètent sensoriellement la lecture des belles traductions d'Etienne Naveau.

 

Acep Zamzam Noor

Le père d'Acep Zamzam Noor possédait un pesantren – type d'établissement d'enseignement entre école coranique et monastère chrétien ou boudhique dans une toute petite ville à l'ouest de Java. Après des études d'art, et l'obtention d'une bourse du gouvernement italien, l'auteur poursuit ses études à Peruggia, et mène ensuite en Indonésie une double carrière de poète et de peintre. Son enracinement dans la culture musulmane et agraire, nous dit Etienne Naveau, marque son oeuvre poétique, qui reflète ses aspirations mystiques – faisant de lui une sorte de maître spirituel dont la vie respecte ses exigences éthiques, "à distance des puissants", entièrement dédiée à la création artistique – et engagée contre la corruption des élites autant que contre le fanatisme religieux, produisant même des poèmes-pamphlets qu'il n'hésite pas à coller sur les murs de sa ville.

La petite anthologie (45 poèmes) présentée dans la collection que dirige Christine Raguet, s'attache toutefois exclusiment au versant lyrique de sa poésie; Elle s'ouvre par un poème intitulé "Ma Voix"

"Ma voix n'est que l'écho d'un silence ayant sa source au loin". Qu'il parle du quotidien

 

Le trafic automobile, l'activité, la frénésie
Accompagnés d'un vacarme à m'écorcher les oreilles

Par la fenêtre du bus où je suis souvent écoeuré
En constatant l'intensité des luttes (...),

 

de la nature,

 

La rosée lentement s'évanouit et les feuilles de bananier flottent
Comme des étendards déchirés qui restent joyeux et s'inclinent

Devant la volonté du vent du nord ou du sud, ou même de la pluie (...)

 

de l'amour auquel il aspire,

 

Puis je bois le silence
A ta bouche

Blême et tremblante
Tout en me demandant :
Est-ce l'amour? Est-ce bien l'amour?

 

Acep Zamzam prolonge la tradition de la poésie mystique musulmane, en quête de l'Absence, tout comme la pensée soufie, ainsi que l'explique fort bien l'incontournable préface où le traducteur analyse aussi les choix lexicaux du poète, précise les ambiguïtés et les défis de traduction qu'il a dû relever, les modifications syntaxiques qu'il a choisies pour des raisons d'euphonie, et souligne les références culturelles qui manquent au lecteur occidental.

Ce recueil, placé sous l'égide de "l'ailleurs des mots", me semble contenu dans la belle métaphore filée liant pratique poétique, quête d'Amour, et infini voyage, avec laquelle je voudrais conclure cette note :

 

Je dors étreignant ma barque
En rêvant de toi faisant voguer les étoiles

Vers mes genoux. Des vagues
De larmes ruissellent dans mes prières

Je consigne tout ce que le vent murmure
Je lis tout ce que le froid me transmettait

J'avale jusqu'au fond de l'aube un clair de lune:
Si prompts sont les coursiers de la fin des temps
à me barrer la route en ce monde

L'océan embrase à nouveau l'horizon
Tu es la clarté du matin qui perpétuellement se lève

J'étreins ma barque. Le temps
page après page emporte mes jours

 

*

 

Federico Garcia Lorca, Polisseur d'étoiles, oeuvre poétique complète

 

Un petit mot encore sur une publication dont nous avons proposé des extraits en février : "le" Garcia Lorca de Danièle Faugeras.

En format réduit (10,5x15cm) – un peu trop épais toutefois pour vraiment entrer dans la poche de votre jean, avec ses 1142 pages, mais maniable et résistant - sous son élégante jaquette de papier cristal, imprimé sur un très beau papier glacé, illustré d'encres d'Anne Jaillette en frontispice de chaque chapitre, cette anthologie (suivie de notes, notices bio-bibliographiques et d'un sommaire détaillé) est une sorte de "Rolls" de l'édition au format de poche.

Danièle Faugeras accomplit le tour de force de nous proposer la toute première traduction versifiée de l'oeuvre intégrale du poète hispanique, faite d'une seule voix – la sienne. Celle d'une amoureuse de la langue espagnole, et du poète – restituant par son unité quelque chose qui vibre à l'oreille du lecteur : une voix unique, malgré la grande variété des formes poétiques. L'appareil de notes, fort nourri, par ailleurs, permet également de comprendre les choix stylistiques de la traductrice, de resituer les poèmes dans leur contexte, d'élucider les références culturelles qui pourraient manquer au lecteur – une véritable publication universitaire accessible au grand public!

Du premier livre, publié en 1921, en passant par les Suites, les poèmes du Cante Jondo, le Romancero gitan, les poèmes new-yorkais et le Divan du Tamarit, (deux éditions postérieures à la mort du poète, victime de la répression anti-républicaine en 1936), la traductrice nous offre même des poèmes écartés des différentes publications et nous permet de retracer tout le parcours de Garcia Lorca, écrivain d'avant-garde (membre du mouvement Generación del 27 collaboration avec les surréalistes Bunuel et Dali pour Un Chien andalou... ), musiscien, ami de De Falla et grand connaisseur des mélodies et chansons populaires, écrivain génial - et torturé, mêlant les registres, rendant simple une poésie savante, tel ce Théorème dans le paysage :

 

Arbre de vent gris sur la mer parfaite.
A,B,C et D piquetés de corail et de craie.

La folie qui émane du mercure expectant
compense les branches bues
à l'intérieur de leur tube candide,
nuage immobile dans un tube de verre jusqu'au ciel (...)

 

redonnant aussi ses lettres de noblesse à un imaginaire enfantin et légendaire où passent saintes et cavaliers, tout un bestiaire nocturne, dans une Andalousie musicale et rêvée, créant une poésie surprenante de modernité dont témoigne ce "Caprice" qu'on lit comme un haïku :

 

Dans la toile de la lune,
araignée du ciel,

se prennent les étoiles
virevoltantes.

 

Une anthologie dont on voudrait tout citer, tant on a plaisir à y retrouver les poèmes connus de longue date, à y découvrir toutes les facettes de l'art de Garcia Lorca, et que je conseille d' ajouter à toute bibliothèque de poésie !




Un rêve, anthologie

Après les recueils « Poètes drômois », « Rouge », « Rivages » et « Ailleurs » vient de paraître « Un rêve », la nouvelle anthologie publiée par la maison d'édition drômoise l'Aigrette.

C’est un élégant petit livre de forme carrée illustré par Tatiana Samoïlovkaet qui regroupe 42 poètes dont les 2/3 sont des voix féminines.

Le choix de l’article indéfini dans le titre laisse entendre qu’il ne s’agit pas du rêve en général mais d'un rêve en particulier, un rêve parmi d'autres mais qu'on imagine plus important que les autres, une étreinte de l'invisible qui donne corps au désir et laisse une trace profonde de son bref passage dans un monde mystérieux.

Un rêve, Anthologie poétique, éditions de L'Aigrette/Maison de la Poésie de la Drôme, 2019, 85 pages, 16 €

Ce que je rêve, nul autre que moi ne peut le voir [1] écrivait Fernando Pessoa. Rêver est de l’ordre de l’intimité.

En nous confiant le souvenir d’un rêve, les poètes de cette anthologie contribuent à nous montrer la multiplicité des aspects de ce paysage intérieur dépourvu de substance, visages de la nuit à mi-chemin entre conscient et inconscient, voyage irréel qui – le plus souvent – entre en résonance avec le réel.

Car le rêve est un silence qui nous parle de nous, le « Souvenir d'un souvenir, l’ombre d’une ombre » [2] que seul peut-être le poème peut tenter de restituer.

Ainsi dans le très beau texte qui ouvre le recueil, Nadia Gilard invoque le rêve pour surmonter l’absence et retrouver le passé dans une rencontre virtuelle où l'impossible pourrait devenir possible. « Je voudrais forcer le présent à redevenir passé/je voudrais m'enfouir dans un sommeil pour te regarder » . Même sentiment chez Hélène Duc : « il pleut si fort sans toi que j'en ai chaque nuit des bateaux dans les yeux en partance pour nulle part ». Et l’on pourrait citer également les textes de Pierre Vandel Joubert, Irène Duboeuf, Sylvie Miranne et, pour l’évocation des souvenirs d’enfance, Sonia Leijtz, Thierry Radière etc.

Le rêve est un espace privilégié où tout peut advenir, y compris les actes les plus incongrus ainsi Perrin Langda écrit « je parviens à me faire la malle en douce par une porte fermée. » et les textes de Muriel Carrupt et de Lionel Perret nous emportent dans un monde onirique où s’opère la totale fusion entre le poète et le paysage, entre l’humain et le végétal « je devenais/arbre/branche/bois » (Muriel Carrupt) : « Chaque rencontre avec l’arbre était l’occasion de se plonger dans un rêve troublant et délicieux : devenir arbre à son tour » (Lionnel Perret).

Véritable échappatoire pour Olga Zaslavski, le rêve n’en est pas moins qu’une illusion, un mensonge ( « La nuit je mens » conclut Valérie Dorpe en toute conscience), une espérance folle qui lorsqu’elle cesse, engendre le désenchantement : « Un rêve/crevé en plein vol » (cf. Un rêve au solde Margot Darverne). Si la confrontation au réel génère un état allant du bien-être aux regrets, parfois les deux sentiments cohabitent, comme chez Isabelle Granjon : « Mais tes possibles se réduisent/dans la ouate/du jour naissant […] ouvre les yeux maintenant sur le désarroi lumineux de l'éveil ».

« Mais ce port très au nord des terres habitables/Est-ce vraiment Harlingen ? » s’interroge Didier Gambert à la fin de son texte et Marjorie Tixier écrit : « Il est des pays exilés/Détachés ignorant/D’où ils viennent/Et qui dérivent/Lentement… » : les rêves sont parfois emplis d'incertitude, parfois aussi de violence et de sang, se transformant en véritables cauchemars : « j'ai franchi la membrane du rêve/recroquevillé sur mon lit/hébété/je te regarde sereine qui dort contre moi/j'entends toujours ton hurlement. » (Pierre Rosin).

Nombreux sont les auteurs qui évoquent des rêves éveillés, (désir impossible de maternité décrit par Sandrine Waronski) ou les rêves qui hantent leurs nuits. Danièle Helme, quant à elle, situe le rêve entre veille et sommeil, « avant de sombrer dans le sommeil, /Je chutais, victime de l’apesanteur/je me sentais évoluer au ralenti dans de courtes régions du vide » .

Il y a aussi ceux qui rêvent leur vie et ceux qui font de leur vie un rêve : « Il avait fait de sa vie un rêve parti en fumée dans la vallée de la lune » (cf. Clément Bollenot).

Il est impossible de citer tous les textes de cette anthologie. Soulignons encore le délicat poème de Sophie Lagal qui fait écho à l’illustration intérieure (toujours de Tatiana Samoïlovka) « Pourquoi le cerisier en fleur ne deviendrait-il pas oiseau rouge le long de ma robe ? » et l’engagement de Mich' Elle Grenier qui, « avant que la terre crève », nous appelle à « semer dans un coin de pré vert/les coquelicots de nos rêves » !

Nous en resterons-là, ne serait-ce que pour inciter le lecteur à ouvrir cette anthologie, inciter son regard à se poser sur ces textes très différents les uns des autres mais tous de qualité et peut-être aussi le faire… rêver !

Ont participé à cette anthologie, outre les poètes cités ci-dessus : Valère Kaletka, Jean-Marc Barrier, Cédric Merlan, Agnès Cognée, Clément Bollenot, Catherine Weber, Philippe Labaune, Delphine Burnod, Sandrine Davin, Marion Lafage, Cati Roman, Marianne Desroziers, Eve Eden, Marguerite C, Jacques Pierre, Ingrid S.Kim, Véronique le Milan, Pauline Moussours, Éric Dausse, Sabine Venaruzzo et Jacques Cauda.

 

∗∗∗∗

 

[1]Pessoa, Le livre de l’intranquillité  p.348

[2]Jean Cocteau, essai de critique indirecte (1932)




Bonnes Feuilles PO&PSY – Amir Or, Rabih el-Atat

Amir OR, Entre ici et là

Amir OR est un poète, novéliste, essayiste, traducteur et éditeur israëlien, né à Tel Aviv en 1956, d'une famille ayant émigré en Israël depuis la Pologne dans les années 30. Il a étudié la philosophie et l'histoire comparée des religions à l'université juive de Jérusalem, où il enseigna par la suite la religion de la Grèce antique.

Il est l'auteur d'une douzaine de recueils de poésie. Ses poèmes sont traduits dans plus de 40 langues. Il a lui-même traduit en hébreu huit livres de poésie, parmi lesquels The Gospel of Thomas, Limb Loosening Desire, une anthologie de poésie érotique grecque, et Stories from the Mahabharata ; ainsi que des poètes modernes comme Seamus Heaney, Ann Sexton, Shuntaro Tanikawa, Jidi Majia, Fiona Sampson, et Ansatassis Vistonitis.

En 1990, Amir Or a fondé la Helicon Society for the Advancement of Poetry in Israel. En 1993, il crée la Helicon Poetry Schoolarabo-juive, developpant des méthodologies d'enseignement de l'écriture créative, qu'il enseigne en Israël, aux États Unis, en Autriche, en Angleterre et au Japon.

Amir Or a travaillé comme éditeur en chef pour le journal et les collections de poésie de Helicon. Il a aussi édité d'autres revues littéraires et plusieurs anthologies de poésie juive traduites dans des langues européennes.

 

Amir OR, Entre ici et là, traduit de l’hébreu par Michel ECKHARD ELIAL, dessins de Sylvie DEPARIS, PO&PSY princeps mars 2019, 96 pages – édition bilingue – 12 €

Il est un des membres fondateurs du World Poetry Movement et de European Association of Writing Programs.Il est l'éditeur national des magazines internationaux de poésie Atlas et Blesok, et il est coordinateur national pour “Poets for Peace.”

 

*

Extraits :

Poèmes-prières

 

1
Devant toi, le dieu qui s’invente lui-même,
je déroule ma prière : sois !

 

2
L’arbre à ma fenêtre ne se tourne pas vers La Mecque.
Vers lui seul je suis tourné.
La prière de la pluie murmure dans ses feuilles
et le midi de son feuillage s’ouvre à la lumière.
Dans le vent du monde le dos de l’arbre se meut ;
enseigne-moi aussi comment rester droit.

 

3
Aide-moi, ô Grand Tout,
à oublier les blessures passées ;
laisse-moi encore faire confiance
à mon amour pour le monde.

 

4
Le clapotis de l’eau nourrit mon cœur
les rameaux du ficus rendent mes yeux plus verts.
Le matin vient, que dit mon âme ?
Artiste de l’Être, fais de moi une musique.
Sans ton esprit qui touche mon esprit
sans ton regard qui voit à travers mes yeux,
je suis un tronçon d’arbre, sans ressenti ni conscience,
et mon existence ne souhaite que remède.
Viens peindre mon monde à présent
laisse-moi l’aimer sans peur,
croire en mon cœur que ce n’est pas en vain
que j’ai envoyé mes mots pour le toucher.
Comme une plume aimée prends-moi dans ta main
et écris en moi un nouveau poème sur la table de ton cœur.

 

5
Le ciel monte, clair et sombre ;
un jour vient, un jour va.
À respirer et être, désirer et tomber,
apprends-moi, chaque jour, comme à une feuille.

 

6
Merci pour le ciel du soir, merci pour les nuages,
et les cafés, les panneaux publicitaires, les poubelles, les bancs.
Merci pour les arbres, pour la lumière inquiète du matin,
pour la vie qui coule maintenant dans mes membres,
pour le mouvement et le repos,
pour les mots à dire
merci.

 

***

 

Rabih el-ATAT, Humeurs vagabondes

Médecin-chirurgien né en 1977 au Liban, Rabih el-Atat est aussi un poète qui a écrit en arabe des centaines de tercets que l’on peut lire dans trois recueils: Funérailles des poupées (2015), Clés en plastique pour le paradis (2017) et Le livre du haïku arabe (2016) écrit en collaboration avec Samer Zakaria.

Pratiquant exclusivement cette forme poétique brève inspirée du haïku, el-Atat prend un plaisir perceptible à noter ses émotions et les moments fugaces qui l’étonnent ou l’émerveillent.

Si l’observation de la nature et de l’évanescence des choses occupe une place importante dans ses textes, cela ne l’empêche pas d’aborder d’autres thèmes plus modernes ou de s’inspirer de sa vie quotidienne.

Affranchi de la règle classique de composition d’un haïku (5/7/5), chacun de ses tercets se lit néanmoins en une seule respiration et incite à la réflexion et à la méditation de la scène évoquée. Et de l'ensemble se dégage ce que certains appellent un « esprit haïku » – indéfinissable en tant que tel, qui procède du vécu, du ressenti, de choses impalpables.

Par le large choix qu’elle propose, cette anthologie personnelle a le mérite de montrer le talent particulier de ce poète à saisir ces instantanés grâce à un travail d’épuration remarquable de son texte et à une langue dense et souple, riche de l’étendue de son vocabulaire et de ses images hautement poétiques.

 

Rabih el-ATAT, Humeurs vagabondes, traduit de l'arabe (Liban) par Antoine JOCKEY, dessins d’Odile FIX, PO&PSY princeps, mars 2019, 86 pages – édition bilingue –12€

*

Extraits :

 

autour de l’arbre agonisant
les branches entrelacées
ont la couleur de l’automne

 

    *

le cadavre d’un seul corbeau
blanchit
toute la neige

 

*

je passe devant mon école
et ne trouve pas l’enfant
que j’étais

 

    *

dans le jeu des enfants
les soldats n’ont ni épouses
ni enfants

 

    *

ton dessin
sur le mur
est ma seule fenêtre

 

    *

sur la plage
tout semble lumineux
même le chagrin

 

    *

dans chaque œil
une couleur
et un trou noir

 

    *

repasser mes chemises
me rappelle ta chaleur
Mère

 

    *

ma maison est habitée
tantôt par des étrangers
tantôt par mon enfance

 

    *

soudain
au téléphone
le gazouillement d’un autre ciel

 

    *

je suis vite sorti
je n’ai rien oublié
pour tout oublier

 

    *

vers elle
mes doigts traversent la frontière
sur la carte

 

    *

des restes de lumière
suspendus à son balcon :
mes rêves

 

    *

un murmure
donne couleur
au vide

 

    *

il a dit : lis
j’ai dit : j’écris
débarrasse-toi du passé décomposé

 

***

 

 

 

 




Editions Wallâda, la princesse rebelle

Wallada, c’est une somme, un sanctuaire dirigé par Françoise Mingot-Tauran, qui recense et publie. Et pas n’importe quelles sommes de textes, de poèmes, de rassemblements, thématiques ou paradigmatiques, exhaustifs ou non, d’une catégorie poétique oubliée, littéraire, musicale muselée, portes d’un patrimoine qui heureusement n’est pas perdu, grâce à des éditeurs qui ont à cœur de chercher, grouper, trier, offrir et préserver nos trésors.

La preuve en est, cette collection, L’Avenir des peuples, Expression de cultures étouffées… Dans ma bibliothèque, lu, parcouru, épluché, relu, ce volume imposant,  Tsiganiada ou le campement des Tsiganes… Au temps de Dracula, une épopée roumaine héroï-comique. Un texte unique dans sa première traduction française, d’une littérature qui constitue le patrimoine roumain et tsigane. Une axe fondateur l’épopée, et des traducteurs, Valeriu, Aurélia et Romanita Rusu, ainsi que Françoise Mingot-Tauran… Préfacé par Patrick Quillier, qui justifie le paradigme épique :

Nous avons besoin d’épopée véritable, car dans les bruits et les fureurs de notre époque, seule l’épopée est capable de nous aider à raison garder, à faire humanité, à fonder du commun, du partage voire de l’universel, dans la mesure où seule l’épopée permet de « penser sans concept » une crise, un désarrois, une désespérance.

 

Epopée véritable, dont nous pouvons retrouver ici des archétypes, des universaux qui autrefois tenaient unies les communautés autour d’un même idéal, celui de se savoir appartenir à l’humanité, à travers les héros et les épreuves formatrices génératrices de la sémantique d'une identité culturelle. Ce récit héroï-comique créé par un « savant linguiste transylvain » dans les années 1800 témoigne d'une culture étouffée qui émerge. Formes versifiées et romanesques, cette somme déploie les grandes lignes d’un patrimoine incalculable… Panorama historique et artistique d’une minorité culturelle, les Tsiganes, itinérants aux guitares joueuses et sublimes. S’y côtoient des poèmes, des dialogues, des scénettes, des documents iconographiques qui éclairent sur les lieux, époques, biographies des personnages et de la topographie dont il est question. 

Comme toujours pour les éditions Wallâda, une somme imposante, un travail incroyable, et des pans inestimables d'une littérature patrimoniale roumaine et tsigane. L'histoire et l'art des gens du voyage trouvent place dans une collection réservée. Le lecteur comprendra pourquoi en lisant l'hommage rendu au Père Fleury sur la page d'accueil de Wallâda. Cet Homme au parcours remarquable a partagé le sort et la souffrance de ses frères, les Tsiganes, et leur quotidien dans le camp de concentration de Montreuil-Bellay. Une communauté qu'il ne quittera plus et dont il transmettra la culture.

 

Ion Budai-Deleanu, Tsiganiada, Au temps de Dracula, une épopée héroï-comique, traduction littérale de Valeriu, Aurélia et Romanica Rusu, adaptation en vers français et commentaire de Françoise Mingot-Tauran, Wallâda, collection l'Avenir des peuples, 603 pages, 25 euros.

Une collection tsigane aux Editions Wallâda

De structure associative, la maison d’édition Wallâda est née en 1980-82 sous l’impulsion du Père Fleury, aumônier national des Gitans, grand résistant et créateur ensuite de l’Aumônerie des Gitans, comme du Pèlerinage Gitan de Lourdes en 1956. Le Père Jésuite Jean Fleury avait pendant la guerre, alors aumônier du camp de concentration de Poitiers, sur la route de Limoges, découvert ce peuple qu’il n’a ensuite plus quitté. Les enfants gitans y faisaient le guet pendant qu’il libérait, pour les sauver, une cinquantaine d’enfants juifs, internés avec eux. Cet acte lui valut la qualité de Juste et que son nom soit gravé dans la fameuse allée des Justes à Jérusalem…

 

Plus modeste mais juste par la taille, dans la collection La merlette moqueuse, une somme invraisemblable, précieuse et inespérée de chansons oubliées, Quand sera venu le temps, Goguettes, dont l’auteure, Fanfan, n’est autre que Françoise Mingot-Tauran... Paroles témoins d’une vie populaire qui est ici au premier plan des propos et des préoccupations clairement énoncées, celles des vies ouvrières, des minorités, évoquées dans les poèmes/paroles, mais également  dans la préface, ainsi que la postface, signées toutes deux Fanfan…

Telle est la mission de Wallâda, princesse rebelle, sortie des abysses de l’oubli comme pour continuer à représenter cette voix des minorités qui refusent de disparaître, de se laisser étouffer, de mourir.

fan Fan, Quand le temps sera venu, Wallâda, collection La Merlette moqueuse, 168 pages, 10 €.

Et puis, comme pour rendre hommage à cette femme de légende, je me souviens d’une soirée durant laquelle la vie de Clémentine de Como m'a été contée... Femme étouffée, femme bâillonnée, qui a osé avancer, malgré tout, écrire, créer une école, exister dignement, et pardonner… Elle non plus n'est pas dans l'oubli, Clémentine de Como, parce que sous l'égide et protection de la princesse Wallâda, elle témoigne encore de ce que fut une vie de femme, une vie d'opprimée, mais une vie d'invincible volonté à exister, malgré...

 

Clémentine de Como, Emancipation de la femme, tome I, Editions Wallâda, collection Moira, 47 € 99.