Jacques Josse, Trop épris de solitude

Jacques Josse aime les êtres vivants dans les marges et tous ces pas de côté qui nous apprennent tant sur la nature humaine. Le voici, cette fois, du côté des « épris de solitude » hommes ou femmes qui assument, cahin-caha, leur mode de vie. Il nous en parle dans des poèmes ou dans de courtes proses poétiques qui sont autant de tableaux de genre bien sentis.

« Ce n’est que parmi les pauvres ratés que je trouve les gens que j’aime le plus ; les riches ne peuvent, en termes de généralisations, parvenir à l’originalité qu’en devenant légèrement dingues ». Ce n’est pas Jacques Josse qui le dit mais le poète gallois Dylan Thomas. Des propos que l’auteur rennais pourrait, par contre, reprendre volontiers à son compte.

 Nous voici, en effet, plongés avec son nouveau livre dans l’univers de « fantômes à vélo », d’écorcheurs de lapins ou de piliers de bistrot. Voici un homme « pris de boisson » qui « insulte trois tombes ». Voici « le son rauque d’un cri qui monte du fonds d’un puits ». Voici celle qui voit « des vipères partout ». A trop s’éprendre de solitude, jusqu’à s’en mordre les doigts, on peut tomber dans l’alcool, dans la folie, et, au bout du compte opter pour le suicide comme celui-là qui « s’est accroché » à l’une des branches d’un pommier.

Le monde de Jacques Josse n’est pas rose. Mais son attention soutenue aux gens et aux choses nimbe de lumière tant de scènes de la vie quotidienne. C’est le cas dans ce quartier populaire de Rennes où il vit. « Allée d’Herzégovine, une grosse femme voilée traîne un caddie d’où dépasse une botte de poireaux ». Plus loin, « Cours du Danube, un homme assis sur un ban partage son sandwich avec un berger allemand ». Quittant les grands ensembles de la métropole, il croque des scènes de la vie rurale qu’on imagine volontiers celles de son Goëlo natal. Voici ce paysan « soixante ans/lit froid, vie rêche » qui « lance, remorque pleine/son tracteur dans les ornières ». Voici aussi, car la mer est toute proche, « ce pan de roches noires où dansent,/dit-on, certaines nuits/des squelettes de marins perdus ».

Jacques Josse, Trop épris de solitude, le Réalgar, 77 pages, 15 euros.

Jacques Josse fait vibrer son monde, celui des vivants mais beaucoup, aussi, celui des disparus. Il rend hommages à ces héros du quotidien, ces combattants dont on ne trouve les noms sur aucune stèle, à ces « invisibles, couchés dans des caisses, à l’est ou au nord de la ville » qui « se souviennent des braseros, de la fatigue, des bières bues au goulot, des brusques cris de colère ». Jacques Josse dit qu’ils ont « le sommeil perturbé par le vacarme qui résonne dans les galeries ».

Ces « invisibles », il les associe dans son livre à des hommes sans doute aussi épris d’une forme de solitude, partis tragiquement, mais dont l’histoire a retenu les noms. Ainsi Victor Ségalen dont Jacques Josse évoque la mémoire et la brutale disparition en forêt du Huelgoat (« Cela remue dans les branches/quelqu’un froisse des fougères et du bois »). Ainsi, aussi, l’écrivain tchèque Bohumil Hrabal dont il a vu la silhouette « danser sur la paroi/d’un mur rayé ». Lisant l’auteur rennais on pense à ces mots du poète marocain Abdelattif Laâbi : « Entre les vivants et les morts/La poésie n’a pas de préférence ».

Présentation de l’auteur

Jacques Josse

Jacques Josse, né le 10 juin 1953 à Lanvollon dans les Côtes-du-Nord, est un Poète et éditeur français. Il vit à Rennes depuis la fin des années 1980.

Poèmes choisis

Autres lectures

La vision Claire de Jacques Josse

 La poésie du Rennais Jacques Josse – né natif des Côtes-d’Armor – est à l’image de la peinture qui illustre la couverture de son livre : crépusculaire, entre chien et loup, dans un paysage [...]

Jacques Josse, Trop épris de solitude

Jacques Josse aime les êtres vivants dans les marges et tous ces pas de côté qui nous apprennent tant sur la nature humaine. Le voici, cette fois, du côté des « épris de solitude » [...]




Christophe Pineau-Thierry, Sentier débutant

Le choix du sizain (près de quatre-vingts) s'est imposé au poète comme un mouvement régulier du coeur, comme la fluidité des vers.

Tout y est relié à l'enfance, à ses détours, à ses déboires, à "ses phrases". Le poète évoque "le haut des patiences", "le cercle de nos coeurs", quitte à être "la buée du temps/ un seul instant d'illusion".

La quête prégnante d'un monde originel traverse tout le recueil, empreint à la fois de nostalgie et de réactivité, au bout des épreuves et des jours.

Les sensibles métaphores dessinent un rapport au monde délicat, "dans l'équilibre du détaché", "voici le son de nos peines/ et le lieu des mots oubliés".

Le poète lui n'oublie pas d'être vrai, juste, mesuré, "attend(ant) le signe de l'aube/ et la simplicité de nos mots".

Le sentier ainsi se nourrit de toutes les expériences et le chemin n'est pas fini, à l'aune de "la nuit originelle de l'âme".

Simplicité et ferveur tressent de beaux textes comme "traces sur la neige".

Lisons :

le doigt de l'ombre sur la porte
en marge des fenêtres du temps
une âme qui circule dans la nuit
la route sombre de la mémoire
l'empreinte sourde de la mer
notre demeure au goût de sang
(p.38)

Christophe Pineau-Thierry, Sentier débutant, PhB éditions, 2024, 52p., 10 euros.

Présentation de l’auteur

Christophe Pineau-Thierry

Né en Anjou, longtemps entre Paris et l’Aube, Christophe Pineau-Thierry réside aujourd’hui dans le Midi de la France.

Sophrologue et formateur, il s’intéresse aux différents modes d’expression artistique (arts plastiques, arts vivants, littérature…). Il a contribué pendant dix ans à l’organisation de nombreux concerts et expositions artistiques dans les églises et granges de villages de l’Aube.

Lui-même peint, écrit et photographie depuis l’adolescence, en quête de cet espace invisible, entre représentation et imaginaire, entre les touches de couleur ou les mots.

Christophe Pineau-Thierry a publié des poèmes dans les revues ARPA, Le Journal des poètes, Lichen, Poésie/première et Recours au poème, ainsi que les recueils Le regard du jour et Nos matins intérieurs aux Editions du Cygne.

Autres lectures

Christophe Pineau-Thierry, Nos matins intérieurs

Il y a quelque chose d'infiniment doux dans ces beaux poèmes d'enfance et de réflexion. La voix, toute simple, énumère les beautés des relations, les amours,ces matins victorieux des « croisements de lumière ». [...]

Christophe Pineau-Thierry, Sentier débutant

Le choix du sizain (près de quatre-vingts) s'est imposé au poète comme un mouvement régulier du coeur, comme la fluidité des vers. Tout y est relié à l'enfance, à ses détours, à ses [...]




Philippe Pichon, (entre) presque (et) rien, – Eloge de l’interstice, Fabienne Raphoz, Infini présent

Face à son propre miroir Philippe Pichon devenu poète après romancier  pratique  des moirures coalescentes par la grandeur de l'allusion et  l'ampleur paradoxale de sa vision. Elle  ne débouche pas sur le néant mais, avec discrétion,  sur des gouffres intérieurs. Ils possèdent  par le talent  de l’auteure des tensions dans l'immobilité paradoxale des vérités politiques, religieuses voire poétiques d'où bondit parfois un bal carnavalesque de sardines céphalomorphes et enchevêtrées.

En conséquence, l’auteur appartient à ces créateurs du déchirement qui portent le plein au milieu des vides du logos.  Mais de fait, il met en branle jusqu'au bout cette extinction de diverses pensées. Et un tel livre devient non seulement le palimpseste de la mémoire mais aussi celui du réel. Est donné ici de surcroit la partie visible de l'iceberg des logos.
L'auteur écrit ou parle parce que l'Un (et quel qu’il soit) lui proposé sa danse des mots. Commence alors le bal de maudits aux mots dits sous une forme de « cavatine ». À savoir une écriture à la recherche des mots et de leurs interstices qui veulent anticiper non seulement ce qui arrive ou va arriver là où dans ce livre le conceptuel est physique.
Linéaire et chaotique la structure de cet ouvrage  laisse parfois entrevoir dans le faire ou dans la forme, les signaux faibles d’une révélation qui nous échappe.  L’allusion devient alors un opéra, une ouverture, voire une opération. Savoir ce qu’elle « promet » est la question. La feinte, lyrique parfois, propose  des mots non-dits ou suggérés portées jusqu’à un « Haut les chœurs » pour s’entendre d’une frontière à l’autre dans un rêve d’humains.. Ici le temps compté prend ses ailes avec des Elles, des Ils sans les chamarrer d’uniformes ou maillots.

Philippe Pichon, (entre) presque (et) rien – Eloge de l’interstice, Editions Dutan, Paris,, 2024, 166 p., 18 €.

Ici chacun reste sur l'autoroute où il semble s'égarer mais  non pour fuir ou  suivre une croyance unique. D’où ce discours allusif chasse de gré ou de force la peur ou le pensum au profit de l’audace.
Dès lors s’il fallait Platon pour préparer le signe du Christ (comme disait Saint-Augustin), il faut des termes mais aussi leurs interstices  pour que surgissent des profondeurs cachées pour que s’émet le désir exonéré du liant, compact.  L’  « entre » permet de se hausser  loin des vigilances inutiles. Le sens en sa qualité d'origine est remplacé par une possibilité d’un  Multiple silencieuse face au Un. 
L'interstice reste pour l’auteure le moyen d’allumer  une polyphonie et une absence. Elle permet cette ataraxie dont Spinoza attendait la conversion des désirs et des affections en pensées là où des mots s'affaissent et le vouloir s'efface. En un tel livre n'est plus une simple parole qui agit là où se trahissent des rapports entre  conscience et désirs de l'un vers l'autre. Par leur « entre » les mots contribuent au devenir de la langue où peut se passer que quelque chose arrive en un certain possible des journées enfantées dont parla Rimbaud.

 

∗∗∗

Fabienne Raphoz, « Infini présent »

C’est en son enfance à la campagne que Fabienne Raphoz a découvert oiseaux, insectes et divers petits animaux sauvages. Mais l’auteur connaissait aussi d’un jeu des 7 familles de bêtes. Cela lui est venu le  : « goût pour la taxinomie et les classifications » et le celui des mots « incompréhensibles ».

Mais à ce qui pourrait rester des suites de textes entomologistes  des poèmes construits à partir de l’histoire des insectes comme les siphonaptères ou les grylloblattes « ailés du Permien » et qui « butinent les conifères » avant de disparaître des ères passées.
De telles bestioles jaillissent une nuit de janvier, d’autres sont plus tardifs. Le tout avec plusieurs critères de choix et classement ( avec explications préambules du poème). Mais aussi parfois, avec humour, distance attendrie et du Ronsard compris rendant la vie plus vieille mais plus jeune aussi.
Tout tient parfois avec un éclat de noir  pour  percer l’opaque par charité dressée de tout l’encre des nuits et de la nature. Surgissent des argiles de vieux dieux en rengaines parfois tribales prêts à la résurrection. C’est une question de survie ou de surmourir aux joies de la terre. Les uns surpassant les autres pour outrepasser le seuil par gueules entières, fronts et ventres encore vidés mais parfois en orgues de combat pour envoyer leurs gloires en première ligne.

Fabienne Raphoz, Infini présent, Héros-Limite, 2024, 130 p., 18 €.

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Silvia Majerska sauvée par les roses

Pour qui sait l’ignorance, la rose « obéit : à la lumière, à la chaleur, à l’eau ; trois lois — trois pères. ». Silvia Majerska, nous le rappelle dans ce livre de 12 portraits de plantes semblables et sœurs (d’ailleurs de la poétesse elle-même). Ils font d’elle une songeuse ailée qui « la nuit, rêve abondamment, sans élégance et jusqu’au bout. je sais qu’elle m’observe respirer, je la révolte, »
 
De telles plantes de pareille présence ne peut devenir des absolues absence  si la poétesse les oublie :ce serait alors sa méconnaissance renforcée. D’autant qu’elles sont des échos de sa vie intérieure.
 
Elle ne supporterait par’ leur indifférence : elle est née pour flairer tous leurs parfums, leurs lumières qui investissent   son corps « les deux sens opposés du vertical. ». Lecteurs et lectrices qui ont oublié de les connaître sont vengés par de tels végétaux. Toutefois et de plus Un certificat de leur valeur passé (elle-même vengeance posthume) leur accorde l’amour, l’amitié et nien sûr au tout près  l’âme. L’âme blessée chez la poète comme en tous les autres. Quant aux roses elle restent  autres éternellement blessée, éternellement renaissante et finalement invulnérable. L’invulnérable incurable. Elles nous habillent  plus totalement que la mer n’habille le rivage.
 
Leurs présences est l’état d’être de l’auteure en des contours d’envol. Par leurs têtes découvertes tout coucher de soleil est sans mélancolie. Ses sens glissent là où sur le « terrain planté de guérillas vertes » eElles  restent l’éclat des sources et deviennent des poèmes, immédiatement et pour toujours.

Silvia Majerska, Blancs-seings, Collection Blanche, Gallimard, 2024, 72 p., 12,90 €.

Présentation de l’auteur

Silvia Majerska

Née en 1984 en Slovaquie, Silvia Majerska a suivi des études en lettres et en linguistique à l’Université d’Orléans et à la Sorbonne. Elle enseigne le français langue étrangère à Paris.

Bibliographie 

En tant que poète et traductrice, elle contribue aux revues en France (À Verse, La Traductière, Place de la Sorbonne, Francopolis, Po&sie) et en Slovaquie (Tvorba, Ostium, Vlna). Matin sur le soleil est son premier recueil publié, aux éditions Le Cadran ligné (21/09/2020).

Poèmes choisis

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Fabienne Raphoz

Fabienne Raphoz est une poète, essayiste et éditrice. Elle dirige depuis 1996, avec Bertrand Fillaudeau, les éditions José Corti.

Passionnée par le conte populaire de tradition orale, elle crée en 1998 la Collection Merveilleux , qui accueille des collectes du monde entier, ainsi que des textes classiques ou contemporains qui illustrent le genre au sens large.
Dans le cadre de ses recherches universitaires, elle a publié un essai aux éditions Métropolis, Genève, en 1995 : Les Femmes de Barbe-Bleue, une histoire de curieuses et édité une anthologie commentée : Des Belles et des Bêtes, Corti, 2003.

Ornithologue amateur, elle a publié une anthologie commentée où se croisent l'oiseau et le conte populaire : L'Aile bleue des contes, l'oiseau, Corti, 2009
Elle a publié deux recueils poétiques parus aux éditions Héros-Limite. En 2011 paraît "Jeux d'oiseaux dans un ciel vide, augures" aux éditions Héros-Limite, livre de poésie entièrement consacré aux oiseaux et le livre d'artiste "L'Evolution des formes s'étend à toute la couleur" avec des dessins de Ianna Andréadis chez Franck Bordas.

Source : Wikipédia

Bibliographie

  • Les Femmes de Barbe-Bleue, une histoire de curieuses, éditions Métropolis, Genève, 1995
  • Poussière du ciel : un hommage aux derniers ardoisiers des monts d’Arrée (photographies d’Alain-Claude Kerrien), Filigranes, Trézélan, 1997
  • Huit poèmes, Héros-Limite, Genève, 2002
  • Des Belles et des Bêtes, une anthologie de fiancés animaux, José Corti, Paris, 2003.
  • Pendant 1-62 (poèmes), Héros-Limite, Genève, 2005
  • L’Aile bleue des contes: l’oiseau, José Corti, Paris, 2009
  • Jeux d'oiseaux dans un ciel vide, augures, Héros-Limite, Genève, 2011
  • L'Évolution des formes s'étend à toute la couleur avec des dessins de Ianna Andréadis, édition de 15 exemplaires, Franck Bordas2011
  • Terre Sentinelle, Héros-Limite, Genève, 2014
  • Blanche baleine, Héros-Limite, Genève, 2017
  • Parce que l'oiseau, Éditions Corti, Paris, 2018
  • Ce qui reste de nous, Héros-Limite, Genève, 2021
  • La Saison des mousses, Éditions Corti, Paris, 2023
  • Infini présent, l'insecte, Héros-Limite, Genève, 2024

Poèmes choisis

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Philippe Pichon

Commandant honoraire de la Police nationale, révélé au grand public avec son Journal d’un flic (Flammarion, 2007), Philippe Pichon mène conjointement une œuvre de « lecteur » (Saint-John Perse, La Maison de Poésie/Plein Chant, 2004) et de poète ([Entre] presque [et] rien, Dutan, 2021 ; Aux basaltes de l’âge, Prolégomènes, 2021 ; L’Éphémère en héritage, Prolégomènes, 2021 ; La joue pas rasée de la solitude, Prolégomènes, 2022). Il est par ailleurs l’auteur de nombreux essais dont Fichier STIC : une mémoire policière sale (Jean-Claude Gawsewitch, 2010) qui a suscité une vive polémique dans la presse nationale.  Après un succès critique, son essai sur le Maudit de Meudon, Le Cas Céline : coupable, mais de quoi ? (Dualpha) a connu une 3eme édition revue et augmentée en 2019. Prix de la biographie de l’Académie des Pays de France. Le flic-poète est également auteur de récits (L’Enfance violée, Flammarion, 2008 ; Le Pain d’ortie, Dutan, rééd. 2020) et de romans (À contre-silence, Noir & Blanc, 2003 ; Un Regard vers le ciel, Éditions de Paris/Max Chaleil, rééd. 2021). L’auteur a été distingué de nombreux prix littéraires. Il a été membre du Jury de l’Académie des Molières 2020 et membre du Jury 2021 des Rimbaud du Cinéma. Sa pièce de théâtre, Seine de crime, a fait l’objet d’une lecture publique, par la Compagnie Fracasse, à Montreuil (93), le 4 décembre 2021, en attente d’être représentée au Festival Off d’Avignon. Il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages dont, chez Douro, Le ciel ne fait pas l’ombre d’un regard paru en 2022.

Bibliographie 

  • Ombre close, poèmes, préface Yves Duteil, Les Presses Littéraires, 1999. (ISBN 2-9513792-0-X) Prix Albert Boudon-Lashermes de la ville du Puy-en-Velay.
  • Voyage en Tsiganie. Enquête chez les nomades de France, essai, Éditions de Paris / Max Chaleil, 2002. (ISBN 2-84621-022-5)
  • Tout ce qu'un policier n'a pas le droit de dire, Entretien avec Christian Millau, document, JC Lattès, 2002. (ISBN 9782709623919) - non paru
  • À contre-silence, roman, éd. Noir & Blanc, 2003. (ISBN 2-911241-35-5)
  • Un Pays vers le ciel, roman, Dualpha, 2006. (ISBN 2-915461-77-5) Nouvelle édition augmentée sous le titre Un regard vers le ciel, roman, Éditions de Paris / Max Chaleil, 2021. (ISBN 978-2-84621-318-9)
  • Le Pain d'ortie, récit, Dualpha, 2006 ; rééd. Dutan, 2020. (ISBN 2-915461-76-7)
  • Journal d'un flic, essai, Flammarion, 2007. (ISBN 978-2-0806-8899-6)
  • Le Cas Céline, coupable mais de quoi ?, essai, Dualpha, 2007 ; 2e éd. Dualpha, 2008; 3e éd. corrigée et augmentée, Dualpha, 2019. (ISBN 978-2-35374-052-9) Prix de la biographie de l'Académie des Pays de France.
  • L'Enfance violée, récit, Flammarion, 2008. (ISBN 978-2-08-120733-2)
  • Fichier STIC : une mémoire policière sale, avec Frédéric Ocqueteau, essai, Jean-Claude Gawsewitch éditeur, 2010, préface de Me William Bourdon. (ISBN 978-2-35315-090-8)
  • La Route du Rom. Enquête sur une population expulsée, coll. Coup de gueule, document, Jean-Claude Gawsewitch éditeur, 2010. (ISBN 9782350132525) - non paru
  • La Tentation anarchique. Lettre ouverte à Julien Coupat, essai, Jean-Paul Rocher Éditeur, 2010. (ISBN 978-2-917411-38-4)
  • La face cachée de Saint-Tropez. Crimes, arnaques et trahisons, essai, Jean-Claude Gawsewitch éditeur, 2011 (à la suite d'un référé introduit par le ministère de l'Intérieur, cet ouvrage a été interdit de publication). (ISBN 978-2-350-13255-6)
  • Petit manuel de désobéissance citoyenne (Quand l'intérêt général est menacé, devenez lanceur d'alerte), essai, JC Lattès, 2014, en accompagnement de William Bourdon (ISBN 978-2709646208)
  • Les Poudrins de la mémoire - I, poèmes, Dutan, 2020. (ISBN 978-2-38270-006-8)
  • Les Poudrins de la mémoire - II, poèmes, Dutan, 2021. (ISBN 978-2-38270-018-1)
  • [Entre] presque [et] rien, lettres & poèmes, Dutan, 2021. (ISBN 978-2-35374-522-7)
  • Tous nos silences ont leurs secrets (deux volumes), poèmes, Siloë, 2021. (ISBN 978-2-9580683-0-1 et 978-2-9580683-1-8)
  • Aux basaltes de l'âge, fragments, Prolégomènes, 2021. (ISBN 978-2-917584-62-0)
  • L'Éphémère en héritage, fragments, Prolégomènes, 2021. (ISBN 978-2-917584-63-7)
  • La joue pas rasée de la solitude, fragments, Prolégomènes, 2022. (ISBN 978-2-917584-64-4)
  • Entre deux échos de Villon... suivi de ...et dix absinthes de Verlaine, Siloë, 2022. (ISBN 978-2-9580683-2-5 et 978-2-9580683-3-2). Prix Baudelaire (Société des Poètes français, 2024).
  • Le ciel ne fait pas l'ombre d'un regard, fragments, coll. Poésie au présent, Douro, 2022. (ISBN 9782384060603)
  • Un ami de haut bord, récit, coll. La Bleue-Turquin, Douro, 2023. (ISBN 978-2384062218)
  • Cieux défunts, ciels défaits, fragments, coll. La Bleue-Turquin, Douro, préface de James Sacré, illustrations de Jacques Cauda, 2023. (ISBN 978-2-38406-22-87) Prix de la découverte poétique Simone de Carfort (Fondation de France, Paris). Coup de cœur des éditeurs indépendants, l'autre Livre, salon de printemps, Palais de la Femme, Paris.
  • J'ai laissé fuir le soir, fragments, coll. L'îlot, Siloë, présentation de Morgane Lombard, 2023. (ISBN 978-2-9580683-5-6)
  • Tout est trop vaste pour les mots, fragments, coll. L'îlot, Siloë, 2023. (ISBN 978-2-9580683-4-9)
  • Pourquoi la littérature du vagin respire mal (Les daltoniennes de l'écriture inclusive), pamphlet, le Verbe haut, 2023. (ISBN 978-2-4911873-6-1) Prix du Livre Incorrect.

Etudes :

« Saint-John Perse ou l’apostrophe polyphonique de la modernité », in Le Coin de table, no 19, juillet 2004 et no 20, octobre 2004 ; La Maison de Poésie / Plein Chant. (ISSN 1299-4022)

« Pierre-Jean Jouve ou l’exorcisme du temps », in Le Coin de table, no 40, novembre 2009, La Maison de Poésie / Plein Chant. (ISSN 1299-4022)

« Pierre Emmanuel ou la raison ardente », in Le Coin de table, no 42, avril 2010, La Maison de Poésie / Plein Chant. (ISSN 1299-4022)

Poèmes choisis

Autres lectures




Marilyne Bertoncini, L’anneau de Chillida

Recueil insondable, si riche en chemins qui se croisent, se dédoublent, se multiplient vers un tout harmonieux présent mais jamais atteint, vers une cosmogonie où réalité et imaginaire ne font qu’un.

Le poème peut être lu à partir de n’importe quel vers qui joue le rôle de centre, qui s’élargit vers le poème et vers le recueil en son entier comme des cercles concentriques quand la pierre jetée à l’eau est devenue ce mot par quoi tout arrive. Nous retrouvons l’Anneau de Chillida qui de fer est devenu cette eau trouble où toute poésie s’inscrit aussi forte et durable qu’un anneau de métal qui est dans tout, que tout appelle dans sa précieuse unité.

On voudrait ne lire qu’un vers par jour et l’emporter la journée durant en l’écoutant et le palpant au fond de soi comme un sourire et dire merci d’exister à cette beauté que nous frôlons exprimée par la douceur de ses images et de ses oxymores. Le lecteur flotte dans la musique des mots éperdus de présent, de souvenirs reliés à cette mythologie toujours présente à ceux qui en font des symboles pour approcher aujourd’hui. D’emblée nous pratiquons la poésie, nous sommes initiés par la teneur dense et ferme d’un vers qui s’étire dans toutes les directions de la sensibilité et de la pensée de l’aube à l’aurore, de la nuit au jour entre tous les points cardinaux de la mémoire qui fuse à chaque poème parmi l’ombre, la lumière, toutes les forces qui se rassemblent en nous sous la conduite d’une baguette magique trempée dans le miroir de nos paroles. Des fragments, des resserrements, la terre, le ciel se dilatent  et livrent leur présence de l’illusion et de la certitude mêlées de réel allant de la dérive à l’ancrage, du présent à l’absence le tout dans une nature prégnante en chaque poème, non pas décorative mais en avant, en action ressentie au plus profond de soi, indissociable.

Marilyne Bertoncini, L'Anneau de Chillida, Atelier du Grand Tétras.

Nous sommes au bord du quotidien ne basculant jamais dans le surréel, sur cette ligne qui fait frémir toute pensée qui s’est déjà dépassée vers l’acceptation du monde, vers cette sensation d’éternité , cette douceur que les mots soulèvent en s’irradiant l’un l’autre de leurs sonorités discrètes et bienveillantes.

Présentation de l’auteur

Marilyne Bertoncini

Marilyne Bertoncini : poète, traductrice (anglais-italien), revuiste et critique littéraire, membre du comité de rédaction de la revue Phoenix, elle s'occupe de la rubrique Musarder sur la revue italienne Le Ortique, consacrée aux femmes invisibilisées de la littérature, et mène, avec Carole Mesrobian, la revue numérique Recours au Poème, à laquelle elle collabore depuis 2013 et qu'elle dirige depuis 2016. 

Autrice d'une thèse, La Ruse d'Isis, de la Femme dans l'oeuvre de Jean Giono, et titulaire d'un doctorat, elle a été vice-présidente de l’association I Fioretti, pour la promotion des manifestations culturelles au Monastère de Saorge (06) et membre du comité de rédaction de la Revue des Sciences Humaines, RSH (Lille III). Ses articles, essais et poèmes sont publiés dans diverses revues littéraires ou universitaires, françaises et étrangères. Parallèlement à l'écriture, elle anime des rencontres littéraires, Les Jeudis des Mots, à Nice, ou les Rencontres au Patio, avec les éditions PVST?, dans la périphérie du festival Voix Vives de Sète. Elle pratique la photographie et collabore avec des artistes, musiciens et plasticiens.

Ses poèmes sont traduits en anglais, italien, espagnol, allemand, hébreu, bengali, et chinois.

 

bibliographie

Recueils de poèmes

La Noyée d'Onagawa, éd. Jacques André, février 2020

Sable, photos et gravures de Wanda Mihuleac, éd. Bilingue français-allemand par Eva-Maria Berg, éd. Transignum, mars 2019

Memoria viva delle pieghe, ed. bilingue, trad. de l'autrice, ed. PVST. Mars 2019

Mémoire vive des replis, texte et photos de l’auteure, éd. Pourquoi viens-tu si tard – à paraître, novembre 2018

L’Anneau de Chillida, Atelier du Grand Tétras, mars 2018 (manuscrit lauréat du Prix Littéraire Naji Naaman 2017)

Le Silence tinte comme l’angélus d’un village englouti, éd. Imprévues, mars 2017

La Dernière Oeuvre de Phidias, suivi de L'Invention de l'absence, Jacques André éditeur, mars 2017.

Aeonde, éd. La Porte, mars 2017

La dernière œuvre de Phidias – 453ème Encres vives, avril 2016

Labyrinthe des Nuits, suite poétique – Recours au Poème éditeurs, mars 2015

 

Ouvrages collectifs

- Le Courage des vivants, anthologie, Jacques André éditeur, mars 2020

- Sidérer le silence, anthologie sur l’exil – éditions Henry, 5 novembre 2018

- L’Esprit des arbres, éditions « Pourquoi viens-tu si tard » - à paraître, novembre 2018

- L’eau entre nos doigts, Anthologie sur l’eau, éditions Henry, mai 2018

- Trans-Tzara-Dada – L’Homme Approximatif , 2016

- Anthologie du haiku en France, sous la direction de Jean Antonini, éditions Aleas, Lyon, 2003

Traductions de recueils de poésie

-Soleil hésitant, de Gili Haimovich, éd. Jacques André (à paraître 2021)

-Un Instant d'éternité, bilingue (traduit en italien) d'Anne-Marie Zucchelli, éd. PVST, 2020

- Labirinto delle Notti (inedito) nominé au Concorso Nazionale Luciano Serra, Italie, septembre 2019

- Tony's blues, de Barry Wallenstein, avec des gravures d'Hélène Bauttista, éd. Pourquoi viens-tu si tard ? , mars 2020

- Instantanés, d‘Eva-Maria Berg, traduit avec l’auteure, éditions Imprévues, 2018

- Ennuage-moi, a bilingual collection , de Carol Jenkins, traduction Marilyne Bertoncini, River road Poetry Series, 2016

- Early in the Morning, Tôt le matin, de Peter Boyle, Marilyne Bertoncini & alii. Recours au Poème éditions, 2015

- Livre des sept vies , Ming Di, Recours au Poème éditions, 2015

- Histoire de Famille, Ming Di, éditions Transignum, avec des illustrations de Wanda Mihuleac, juin 2015

- Rainbow Snake, Serpent Arc-en-ciel, de Martin Harrison Recours au Poème éditions, 2015

- Secanje Svile, Mémoire de Soie, de Tanja Kragujevic, édition trilingue, Beograd 2015

- Tony’s Blues de Barry Wallenstein, Recours au Poème éditions, 2014

Livres d'artistes (extraits)

Aeonde, livre unique de Marino Rossetti, 2018

Æncre de Chine, in collection Livres Ardoises de Wanda Mihuleac, 2016

Pensées d'Eurydice, avec  les dessins de Pierre Rosin :  http://www.cequireste.fr/marilyne-bertoncini-pierre-rosin/

Île, livre pauvre avec un collage de Ghislaine Lejard (2016)

Paesine, poème , sur un collage de Ghislaine Lejard (2016)

Villes en chantier, Livre unique par Anne Poupard (2015)

A Fleur d'étang, livre-objet avec Brigitte Marcerou (2015)

Genèse du langage, livre unique, avec Brigitte Marcerou (2015)

Daemon Failure delivery, Livre d’artiste, avec les burins de Dominique Crognier, artiste graveuse d’Amiens – 2013.

Collaborations artistiques visuelles ou sonores (extraits)

- Damnation Memoriae, la Damnation de l'oubli, lecture-performance mise en musique par Damien Charron, présentée le 6 mars 2020 avec le saxophoniste David di Betta, à l'ambassade de Roumanie, à Paris.

- Sable, performance, avec Wanda Mihuleac, 2019 Galerie

- L'Envers de la Riviera  mis en musique par le compositeur  Mansoor Mani Hosseini, pour FESTRAD, festival Franco-anglais de poésie juin 2016 : « The Far Side of the River »

- Performance chantée et dansée « Sodade » au printemps des poètes  Villa 111 à Ivry : sur un poème de Marilyne Bertoncini, « L’homme approximatif » , décor voile peint et dessiné,  6 x3 m par Emily Walcker  :

l’Envers de la Riviera  mis en image par la vidéaste Clémence Pogu – Festrad juin 2016 sous le titre « Proche Banlieue»

Là où tremblent encore des ombres d’un vert tendre » – Toile sonore de Sophie Brassard : http://www.toilesonore.com/#!marilyne-bertoncini/uknyf

La Rouille du temps, poèmes et tableaux textiles de Bérénice Mollet(2015) – en partie publiés sur la revue Ce qui reste : http://www.cequireste.fr/marilyne-bertoncini-berenice-mollet/

Préfaces

Appel du large par Rome Deguergue, chez Alcyone – 2016

Erratiques, d’ Angèle Casanova, éd. Pourquoi viens-tu si tard, septembre 2018

L’esprit des arbres, anthologie, éd. Pourquoi viens-tu si tard, novembre 2018

Chant de plein ciel, anthologie de poésie québécoise, PVST et Recours au Poème, 2019

Une brèche dans l'eau, d'Eva-Maria Berg, éd. PVST, 2020

 

(Site : Minotaur/A, http://minotaura.unblog.fr),

(fiche biographique complète sur le site de la MEL : http://www.m-e-l.fr/marilyne-bertoncini,ec,1301 )

Autres lectures

Marilyne Bertoncini, Aeonde

Petit livret, grand livre. Encore une fois, après La dernière œuvre de Phidias, Marilyne Bertoncini fait appel à la dimension mythique pour dire la condition humaine.

Les 101 Livres-ardoises de Wanda Mihuleac

Une épopée des rencontres heureuses des arts Artiste inventive, Wanda Mihuleac s’est proposé de produire des livres-objets, livres d’artiste, livres-surprise, de manières diverses et inédites où la poésie, le visuel, le dessin [...]

Marilyne Bertoncini, Mémoire vive des replis

Un joli format qui tient dans la poche pour ce livre précieux dans lequel Marilyne Bertoncini fait dialoguer poèmes et photographies (les siennes) pour accueillir les fragments du passé qui affleurent dans les [...]

Marilyne Bertoncini, Sable

Marilyne Bertoncini nous emmène vers la plage au sable fin, vers la mer et ses vagues qui dansent dans le vent pour un voyage tout intérieur… Elle marche dans [...]

Marilyne BERTONCINI, Mémoire vive des replis, Sable

Marilyne BERTONCINI – Mémoire vive des replis La poésie de Marilyne Bertoncini est singulière, en ce qu’elle s’appuie fréquemment sur des choses matérielles, pour prendre essor, à la façon [...]

Marilyne Bertoncini, La Noyée d’Onagawa

Chant du silence du fond de l’eau, celui où divague le corps de la femme de Yasuo Takamatsu. Flux et reflux du langage devenu poème, long discours sur le vide laissé par la [...]

Marilyne Bertoncini, La noyée d’Onagawa

Cette suite poétique, à la construction musicale, points et contrepoints, bouleverse et interroge. Inspirée d’une dépêche d’AFP, elle fait osciller le lecteur entre plusieurs réalités, temporalités et espaces. Continuité et rupture, matérialité et [...]




Francis GONNET, Sous la pierre des nuits

Un petit livre carré, soigné, composé de petites proses (2 ou 3 par page) qui éclairent les obsessions du poète : neige, nuit, parole poétique, besoin de clarté et de pureté.

Deux sections construisent le recueil, autour des pierres et des nuits, et de cette lumière à conquérir.

Le creusement des choses est à l'aune de ce que l'on peut cacher en soi, "souvenirs amers", "neiges intérieures", "indicibles lumières" ou encore "lumière offerte".

L'écriture par métaphores au génitif renforce le lyrisme de l'ensemble : "draps des nuits", "goût du désir", "page de l'obscur", "pigments du jour".

Le poème s'inscrit dans le silence ou la craie, s'offre en partage, déloge les lourdeurs du réel pour alléger l'espace même du poème : "Entre deux lattes de silence, la lumière perce le tympan des nuits, laissant couler le pus de l'ombre" (p.23)

Ainsi le livret consent-il sa fonction purificatrice, entre concessions à la nuit et joutes de lumière et de mots.

Francis GONNET, Sous la pierre des nuits, Toi édition, 2024, 56p., 12 euros. Lavis de l'auteur.

Présentation de l’auteur

Francis Gonnet

Francis GONNET est né en 1959 à Paris. Docteur en sciences, il a fait de la recherche en endocrinologie avant de faire sa carrière dans l’industrie pharmaceutique, à la direction du marketing et des ventes. Actuellement il est consultant en communication et management.
Par son environnement familial, il est attiré dès son plus jeune âge par l’art, aussi bien la peinture que la musique et la poésie. Grace à son père, poète, il participe à diverses réunions de cercles poétiques et côtoie de nombreux poètes. Il écrit et peint depuis des dizaines d’années, publie dans quelques revues et reçoit le prix de poésie de Doué la fontaine.

Poèmes choisis

Autres lectures

Francis GONNET, Sous la pierre des nuits

Un petit livre carré, soigné, composé de petites proses (2 ou 3 par page) qui éclairent les obsessions du poète : neige, nuit, parole poétique, besoin de clarté et de pureté. Deux sections [...]




Jacqueline Dusuzeau, J’ai soulevé les grandes images, Catherine Andrieu, Les griffes d’Obsidienne

Quand Jacqueline Dusuzeau musarde (ou presque)

Au cœur même de l’affect, mais aussi une technique légèrement surréaliste. Jacqueline Dusuzeau poursuit sa quête poétique commencée tardivement. Le temps  joue pour elle et pour elle, créer dans chaque poème c'est saisir une coïncidence aussi extatique que brève.n La jouissance de l’écriture possède  ici la même structure ou racine  que  les « grandes » images qui touchent directement à l’être en tant qu’elles sont en un maximal de coïncidence  par ce qu'elle produise moins par tableaux, qu'en écriture.*

Celle-ci est une intensification des jouissances du flux poétique qui soulève et libère la nature : par eemple « la poussière dorée / des boutons d’or / pour y voir le soleil » Surgit alors dans ces fragments une forme où l’impulsion magnétique singulière.
 
 Existe aussi une immense mimologie  qui produit sans cesse comme visée d’augmenter toujours plus l’intensité de nos plaisirs de lecture. Les émotions  sont physiques, immanentes, de l’éternité : on attend ici le déchirement d'un voile mais celui-là ne se soulève que dans des gestes plus simples : regarder une fleur . Les mots ne sont donc pas une argile fertile que l'on pourrait pétrir mais un territoire de rêve où les herbes et la caresse du vent disséminant les graines, entraînant nuages et pluie, à  l’heure du poème et ses ramifications.    Lui-même messager du temps, des pensées agitées, du temps qui s’envole,il revient, emporte et rapporte,
 
Alors et si poussière nous sommes, imaginez le reste, imaginez nos mots poussière de poussière, Le mouvement de l'écriture nous laisse croire qu'il existe un lieu hors lieu où le mal vu  est habité de présences proches et des apparitions.   Ici les mots ne sont pas des fausses graines, des placebos, ils permettent  retrouver l'image la plus naïve, la plus intenable. On croit voir, on croit sans y croire. Mais on se tient à ça, comme seul viatique. Rien donc qu'une brise sur la page qui ne fait que reculer jusqu'au silence.  La nuit éternelle finira de psalmodier mais ne telle femme caresse le monde et ses poèmes le rapproche de nous.

Jacqueline Dusuzeau, « J’ai soulevé les grandes images », coll. Jour & nuit, Les lieux Dits editions, Strasbourg, 2024, 80 p., 15 €.

∗∗∗

Cérémonie secrète de Catherine Andrieu

Catherine Andrieu peut employer dans sa construction textuelle tout une archéologie du mythe des profondeurs de la terre et de l’obscurité pour raconter une histoire. Son récit ici et comme souvent est une vision très personnelle.  Au paysage classique se superpose réel du passé et du présent. Si bien que tout s’imbrique entre faits, légendes, vérités possibles, mythologies lointaines afin de traduire et renforcer le sens de la cavité, entendue comme un espace générateur où peut se lire non seulement le mythe de la caverne de Platon mais l’antre du féminin.

La contrainte d’une telle créatrice  l’artiste est moins la recherche d’un « paysagisme »  mais  le besoin de revenir sur une île mémorielle de sa propre enfance et ses amours  ambivalente car elle peut à la fois se retrouver l’enfante (blonde)  qui sommeille en elle et se voit confronté, par le biais de la conscience adulte de la narratrice, à la mémoire de l’inéluctable cycle naturel entre ouverture et dénouement : la représentation poétique ici autorise à remonter les temps. Un n’est jamais seul.
 
Que voit-on naître de la nuit et la ruine de l’empire du mythe de la femme aux cheveux de neige accompagnée de sa panthèree ? C’est la mort qui scrutait en elle par les envahisseurs. Mais une enfante blonde (double de la narratrice et auteure)   claque les portes.
 
Pour elle  le soleil n’est jamais trompeur. Nous retrouvons ici une langue altière même en « phrases crevées ». D’autant qu’elles ne sont jamais grevées d’absence. Le tout est de nager dans une eau qui malmène. Mais non sans plaisir même lorsque certaines situations peuvent être parfois douloureuses.
 
Dans ce superbe conte poème en prose en un si long voyage dans le temps comme dans la vie de Catherine Andrieu à chacun d’en comprendre, dans bien de concordance des temps. La poétesse ne récrit jamais le double de ce qui a déjà été dit et ne tire jamais la laisse du chien de la mélancolie (ou de Goya lui-même). Chez elle une odeur de neuf relie la terre au ciel et vice-versa si bien que - paradoxe - son écriture est plus ruisseau que pluie.
 
Une telle affaire est entendue en touches « sur les toits d’un goût de chose lue dans l’aboiement de l’air » mais l’auteur ne joue ni l’ange ni la bête. Il lessive le connu pour extraire d’un tel essorage les « volupté des voluptés » et son contraire. Se capte l’insaisissable de l’intime mais sans la moindre ostentation du lyrisme - cette frangipane souvent indigeste dans la pâtisserie commune des poètes.

Catherine Andrieu, Les griffes d’Obsidienne, Préface de Patrick Cintas, Rafaeel de Surtis éditeur, Cordes sur  Ciel, 2024, 40 p., 18 E.

Le tout à la recherche de la transparence passe par l'opacité qui nourrit la complexité de l’auteur et de son aimée qui innerve ce livre (et pas seulement celui-ci). Après tout et au nom de ce que l’amour « fait » les deux corps de ce couple d’élection sont réels, fantasmés, vibrants (une telle expérience est connue à tout « amourant »).
 
Dans ces expériences d’écritures surréalistes tt existentielles le mot n’a pas seulement un emploi décoratif, de bel emballage, mais un rôle de création, il est directement impliqué dans des expériences risquées. A la différence du peintre ou du musicien une telle auteure préserve comme matière première des vocables.
 
Preuve qu’une poète via la légende  nous avoue ses chagrins d’amour ou d’autre sorte, ses sensations  esthétiques, ou, pourquoi pas, ses réflexions philosophiques; la parole n’étant plus considérée simplement comme un véhicule, l’essentiel pour l’auteur étant qu'elle soit magique et sensible qui a un effet sur nous.
 
 Plutôt que de parler de déconstruction de l’image il faut insister plutôt sur la présence d’une autre narrativité. Elle inscrit la distance plus que la dérision afin de porter un « message » social ou politique souvent fort car implicite : puisqu’il oblige le spectateur à construire sa propre lecture et analyse
 
L’intelligence préside à ce travail. Toutefois l’émotion n’est pas absente. D’où la féerie proposée en forme jamais violente. Néanmoins tout est fait sinon pour atténuer les effets de l’affect du moins pour ne pas les afficher afin qu’ils ne cannibalisent en rien le propos iconoclaste. Dès lors la féérie est volontairement glacée. Existe là une forme d’inter-lucidité impressionnante chez cette poétesse surréaliste par excellence.
 

Présentation de l’auteur

Catherine Andrieu

 Peintre plasticienne et poète, elle est l'auteure  d'une vingtaine de récits et recueils.

Bibliographie (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Présentation de l’auteur




Christine Guinard, Vous étiez un monde

Du monde du réel à celui de la poésie, il y a le tremplin de la mémoire et cet imparfait qui, dès le titre, noue au poème les images d'un passé qui vibre encore - images d'eau, de lavoir, de toutes ces femmes qui plongent le linge, ce monde qui était, n'est plus et que le poème s'engage à retrouver, coûte que coûte.

La poète, en peu de textes, dit très fort cet attachement à ce "magma" de sensations qui s'imposent à elle ; la poésie s'écoule telle l'eau, charriant formes et plis, "ombres glissées", forme de vie qui "vienne" réparer ce qui manque, ce qui est perdu.

Dans une langue lyrique, qui ne déborde jamais, la voix de la poète arrive à nous émouvoir, par son grain, la douleur perçue et la volonté d'inscrire dans le flux poétique, ce peu qui nous rassemble, le vrai du cœur.

Christine GUINARD, Vous étiez un monde, Gallimard, 2023, 64 p., 14 euros.

Présentation de l’auteur

Christine Guinard

Christine Guinard est professeure de lettres, traductrice (Journal d’un Réfugié catalan, Roc d’Almenara, Mare Nostrum, 2012), musicienne, vidéaste et poétesse.

Oscillant entre la musique, l’image et l’écriture, elle publie ses poèmes dans diverses revues littéraires, La Femelle du requin, Thauma, Tapages, Contre-Jour, Poésie première, Recours au poème, Triages…

Son travail a évolué en résonance avec la photographie ; le projet « Chambre avec vue », transformé en installation vidéo lors d’une résidence au 104 à Paris, a été exposé au Brass, à Bruxelles, en 2015.

Christine Guinard

Bibliographie (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Christine Guinard, Vous étiez un monde

Du monde du réel à celui de la poésie, il y a le tremplin de la mémoire et cet imparfait qui, dès le titre, noue au poème les images d'un passé qui vibre [...]




Sabine Péglion, L’espérance d’un bleu

Quel est ce bleu qui étire son fil tout au long du nouveau recueil de Sabine Péglion ? Il est celui du titre, L’espérance d’un bleu, une couleur récurrente dans les poèmes mais aussi dans les peintures de la poète, celles qui accompagnent superbement le livre.

Entre brumes et étoffes, elle évoque la fragilité de silhouettes éphémères. Ombres portées, elles se déplacent comme happées par ces « Voiles bleues / aux marges du silence » Les mots ainsi que le trait de couleur les situent à la limite de l’estompe. Tant dans les poèmes que les peintures, elles sont chargées du mystère de notre présence humaine, à nous-mêmes, aux autres et au monde.

« bateaux ancrés      nul sillage / pour s’évader      mots en naufrage » Être, exister est une douleur et il faut faire face à « Ce bleu ouvert de la blessure ». Le ciel est à la fois miroir où lire la faille et souffle blessé qui se suspend. Où trouver l’espérance sinon dans l’infime trace de ce qui fut et qui continue rappeler la lumière ? Si fugitive soit-elle, elle a été et en tant que telle, elle devient réconfort. Ces oiseaux, « Serait-ce vers toi qu’ils tracent un filet d’azur / où le regard se perd ». « Force d’un accord », la couleur porte en elle une parenté possible avec le poème, par ce que la poète nomme comme « le bleu d’un poème ». Pourrait-on parler ici du bleu que l’on espère et de son envers blessé comme un bleu de l’âme ? La poète ainsi que les figures de ses poèmes se meuvent avec grâce d’une lisière à une autre, enveloppées de brumes où s’engloutissent les voix de la mémoire. Écorchures, entailles et épines restent sous « la lumière mauve ». Envers ou endroit, le bleu ne serait-il qu’un rêve dont seule l’étincelle survit en nous ? « C’est tout / voici le bout    de la jetée / vraiment      c’est tout » Face à l’amère brièveté du chemin, la poète exhorte néanmoins à l’acceptation, une acceptation féconde, salvatrice, qui exalte les lueurs glanées ici et là. 

Sabine Péglion, L’espérance d’un bleu, éditions La tête à l’envers, 2024, 66 pages, 19 euros.

Accepter comme l’arbre « dépouillé de tout feu », « de déployer vers le ciel / cet obscur labyrinthe ». Sabine Péglion invite à recueillir ce qui est malgré tout « pluie d’étoiles ». Un très beau recueil où la concision de l’écriture est à la mesure de son incandescence. Les peintures de la poète s’insèrent entre les poèmes, formant un contrepoint lumineux où mots, traits et couleurs entrent en dialogue, pour tenter d’élucider la secrète calligraphie du monde où nous sommes de furtifs passants.

Présentation de l’auteur

Sabine Péglion

Née à Monaco, Sabine Péglion a étudié les lettres à Nice, soutenu un doctorat sur l’œuvre de Philippe Jaccottet à la Sorbonne, enseigné en région parisienne. A présent, parallèlement à l’écriture, elle intervient dans différents établissements scolaires comme poète, autour d’ateliers de poésie, permettant ainsi, à un public scolaire ou non scolaire, non seulement de découvrir le genre, mais également de s’exercer à l’écriture de poèmes, et de partager son expérience de poète. Par ailleurs elle a créé une association, Métaphores, dont le but est de promouvoir la poésie et de faire découvrir la poésie contemporaine. Depuis 10 ans, elle organise et  anime  des cafés-poésie. Le goût de la transmission et de la découverte de l’Autre, s’associent pour elle, souvent à l’occasion de voyages. Elle a pu ainsi mener des ateliers, faire des cours en Australie, en Grèce, au Maroc, en Algérie. En décembre 2016, elle a reçu à Milan le prix international de poésie « sur les traces de Léopold Sedar Senghor » et, en mars 2017, elle a été nommée ambassadrice de ce prix. En 2019 elle a été nommée Chevalier des Arts et des Lettres.

Bibliographie

Recueils

Sur les rives du lac Khövsgöl, Editions de La Margeride, gravures Robert Lobet, 2024
L’espérance d’un bleu, Editions La Tête à l’Envers, 2024, encres de l’auteur
Cet au-delà de l’ombre, Editions L’Ail des Ours, Decembre 2023, encres de l’auteur
 Australie, le temps d’un rêve, Editions V. Rougier, Août 2022, encres de l’auteur
 Dans le vent de l’archipel, Editions L’Ail des Ours, 2021, encres de l’auteur
Sillages de Lumière, Editions Bourdaric, 10 exemplaires numérotés, Œuvres originales de Bang Hai Ja, 2019
Rumeurs du monde, Editions Sous La Lime, 2019
Ces mots si clairsemés, Editions La Tête à l’Envers, 2019, encres de l’auteur
Elle m’avait demandé, Editions entre Terre et ciel, mars 2017, encres de l’auteur
Paroles de granit, Editions de la Margeride, gravures Robert Lobet, 2017
Faire un trou à la Nuit, Editions La Tête à l’Envers, 2016, encres de l’auteur
Connivence 3 Le mur Editions de la Margeride, gravures Robert Lobet, 2016
Un éclair de silence, Editions la Margeride, gravures Robert Lobet, 2015
Le nid, Editions La Tête à l’Envers, 2015, encres de l’auteur
Prière Minérale, Editions de la Margeride, gravures Robert Lobet ,2015
Ecrire à Yaoundé, Editions V. Rougier, 2015, encres de l’auteur
Des mots Des formes Une rencontre, sculptures M. Salavize, livre d’auteurs, 2014
Traversée Nomade, Editions Sous La Lime, 2013
Derrière la vitre, Editions V. Rougier, 2012
Australie, notes croisées, dessins de J. Bret, livre d’auteurs, 2011
Danse, deux regards poétiques sur des croquis de danse, en collaboration avec B. Moreau et J. Bret, livre d’auteurs, 2008
Métamorphoses, Editions Hélices Poésie, 2005

Revues

Poésie Terrestre (17,19)
Voix d’encre n° 33
Interventions à Haute Voix (n° 32, 36,38, 39,40), Encres vagabondes
Les Lettres Françaises, in L’Humanité, 07/07/07
Etoiles d’encre (n° 35-36 ; n°39-40, n°41-42,43-44, 45-46)
Etoiles d’encre, Recueil « Les étoiles d’Imoudal » in n°69-70
Etoiles d’encre, Artiste invitée du n° 75-76, « Epier le rêve »
Esprits poétiques (1,3)
Le 100 ème numéro de Ficelle, Editions de Vincent Rougier, a accueilli sa « dictée ».
Les carnets d’Eucharis mai-juin 11, fév. 2009, fev. 2013, fev. 2014, fev. 2015, (Comité de rédaction des numéros papier).
Virgules et Pollen
Terres de femmes, 1er juillet 2010
Francopolis mars, avril, mai 2012
Arpa, n°122, fev 2018
Décharges, 183, septembre 2019: Encres en couverture et dans la revue

Anthologies

Le courage, Editions Bruno Doucey, 2020, Anthologie de référence du Printemps des Poètes
La beauté, Ephéméride poétique Editions Bruno Doucey, 2019, Anthologie de référence du Printemps des Poètes
Du feu que nous sommes, Editions Abordo ,2019
Mai 1968, Editions des Cahiers de l’Asphalte, 2018
L’eau entre nos doigts, Editions Henry, 2018
Le rêve, Editions Unicité, 2018
Eloge et défense de la langue française, Editions Unicité, 2016
Quand on n’a que l’amour, Editions Bruno Doucey, 2015, Anthologie établie par Sabine Péglion et Bruno Doucey
Pas d’ici, Pas d’ailleurs, Éditions Voix d’Encre, 2012, Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines
Les voix du poème, Editions Bruno Doucey, 2013, Anthologie de référence du Printemps des Poètes
Instants de vertige, Éditions Point de fuite, 2013
Enfantaisie, Editions-sous-Lime, Mars 2012, Anthologie sonore, CD+ Livrets
Côté femmes, D'un poème l'autre, Anthologie voyageus , Éditions Espace Libre, Paris/Alger, 2010
Poètes pour Haïti, L’harmattan, 2011

Poèmes choisis

Autres lectures

Le Lieu-dit L’Ail des ours

Les éditions L'Ail des ours est un Lieu-dit. Ce qui suppose qu'il s'y déploie de multiples dimensions. Une profondeur. Une amplitude. Tout ceci naît de la rencontre, des rencontres de la poésie et [...]

Sabine Péglion, Dans le vent de l’archipel

Petit livre tout de vent, d'écume, de sillage. Partir-revenir : le double voeu de ces poèmes simples, qui tracent l'errance à coup d'infinitifs du désir : « appareiller », « déposer », « découvrir ». La leçon [...]

Sabine Péglion, L’espérance d’un bleu

Quel est ce bleu qui étire son fil tout au long du nouveau recueil de Sabine Péglion ? Il est celui du titre, L’espérance d’un bleu, une couleur récurrente dans les poèmes mais [...]




Estelle Fenzi, Le goût des merveilles

Le recueil commence par un appel à l’enfance, vue à travers les contes et une étonnante définition : « Je suis une impossible biche / un désenchantement ». Vite le poème suivant donne la clef : l’enfance est ce temps où l’adulte, ici maman est observé avec ses « épaules rentrées regard baissé », où « le sommeil enfile des gants noirs / pour étouffer les révoltes de la veille ». L’homme fort de cet âge, c’est l’enfant et non l’adulte. Rendu à ce point de lecture, j’interroge distraitement la mienne, qui me confirme cette vérité.

Vient peu après deux vers terribles qui précisent comment finit l’enfance : « Perdre l’éternité / voilà les derniers mots de l’enfance ». Fin du premier poème. Ils sont quatre inscrits dans la table des matières du recueil : Agapes de l’ombre, Nos territoires d’orphelinat, Le goût des merveilles, Petite sœur (Le miroir de glace). Le deuxième m’entraîne écouter les enfants oubliés des contes, les frères et sœur d’Alice ou du petit Poucet. Ils me confient qu’ils n’avaient pas imaginé leur enfance telle des « bouts de verre », qu’ils furent marqués par des blessures qui leur font « confondre la vie / et l’oubli », et ou « ce qu’on entend rugir (…) / c’est la cohorte de nos peurs ». Puis vient à la fin de ce poème où un des enfants nous confie : « Nous avons / sous le préau du crâne / des cris d’hirondelles et des plumes tombées ». Le troisième poème, avec son titre, fait espérer toucher un peu de la merveille qui circule dans l’enfance. Elle logerait dans le récit, dans ce pouvoir singulier de l’enfant de rassembler « la barque du temps / et la rivière tranquille ». Ou encore de faire entendre « une humanité / de mots murmurés // (les plus beaux à entendre). Ou de témoigner de « L’hommage des sources / et des vents souterrains ». Un ton sombre se maintient pourtant dans ces vers, peut-être car malgré cette pierre de touche qu’est le merveilleux, l’enfant garde la prescience du naufrage à venir, même si on peut lui demander ce tour de magie : « Enfance magicienne / compte un deux trois // soleil ».

Estelle Fenzy, Le Goût des merveilles, Editions De Corlevour, 2024, 96 pages, 16 €.

Cette prescience viendrait que malgré ses jeux, ses défis, l’enfant n’ignore rien de la fragilité qu’il porte non pour lui mais pour le monde : « Splendeur et danger / nous sommes / le fragile du monde // et ce frôlement / de la mort dans la vie ». Vient déjà le dernier poème avec ce vers couperet : « Et tout à coup – la nuit ». Le dernier poème s’ouvre dans une forêt immense. L’enfant s’y rassure car « c’est dans le noir les plus belles rencontres. Puisque tout est fragile ». Mais le lecteur que je suis tremble après chaque vers. L’enfant s’enfonce car il « faut marcher longtemps pour trouver ta tanière ». Plus loin, la rivière, l’eau du lac avec ses grands bras prêts pour la noyade. Mais l’enfant survit, « bâton de présent dans le temps qui recule ». Une voix vient à elle, l’invite à se garder simple, à entendre « l’oiseau blotti dans la bouche du monde ». Maintenant viennent les vers qui vont conclure ce hors du temps qu’est l’enfance : « Écorchée tu choisis ta peau de femme ». La voix du poème (est-ce celle de la mère ou celle qui porte en elle l’enfance qu’elle fut ?) lui demande de rester « accrochée à ton âme. En échange, elle n'aura pour elle « que mes naufrages à offrir mais // ce sera méditer ta voix nue ». Me frappe ce rapport au temps si propre à l’enfance. Il me rappelle une notation de Tolstoï dans son journal et retranscrite par Simon Leys dans son merveilleux livre, Le bonheur des petits poissons : « seuls les enfants et les vieillards vivent la vraie vie : les premiers ne sont pas encore soumis à l’illusion du temps, et les seconds s’en dégagent enfin. » En attendant d’être ce parfait vieillard, le recueil d’Estelle Fenzi m’a incité à réinterroger ma propre enfance, ce pays perdu qui forme désormais l’horizon. Je me suis dit qu’elle fut aussi celle-là.

Présentation de l’auteur

Estelle Fenzy

 Estelle Fenzy est née en 1969. Après avoir vécu près de Lille puis à Brest, elle habite Arles où elle enseigne. Elle écrit depuis 2013, des poèmes et des textes courts.

Publications en revues : Europe, Secousse, Remue.net, Ce qui Reste, Écrits du Nord (éditions Henry), Microbe, Les Carnets d’Eucharis, Terre à Ciel, Recours au Poème, Décharge, Possibles, FPM, Revu, Teste.

Publications

  • CHUT (le monstre dort) aux éditions La Part Commune (2015)
  • SANS aux éditions La Porte (2015)
  • ROUGE VIVE aux éditions Al Manar (2016)
  • JUSTE APRÈS aux éditions La Porte (2016)
  • L’ENTAILLE et LA COUTURE aux éditions Henry (2016)
  • PAPILLON aux éditions Le Petit Flou (2017)
  • MÈRE aux éditions La Boucherie Littéraire (2017)
© photo Isabelle Poinloup

Anthologies

  • SAXIFRAGE, dans Terre à Ciel, initiée par Sabine Huynh
  • MARLÈNE TISSOT & CO, éditions mgv2>publishing
  • DEHORS, éditions Janus (juin 2016)
  • LESSIVES ÉTENDUES, dans Terre à Ciel, initiée par Roselyne Sibille

Livre d’artiste

  • PETITE MANHATTAN, dans Le Monde des Villes, Brest 2, avec André Jolivet, éditions Voltije

Revue d’artiste

  • CONNIVENCES 6, éditions de La Margeride, avec aussi des poèmes d’Alain Freixe, des photographies de Rémy Fenzy et des peintures de Robert Lobet

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Eric Dubois, Nul ne sait l’ampleur

« Entre désir et désillusion, entre raison et espoir fou » (extrait de la préface de Pierre Kobel)

Un opus de 27 poèmes, le premier, un quatrain ouvre le recueil comme « un coup de poignard »  pour dire la violence  de la vie quand les mots ne suffisent plus, quand tout semble perdu, quand la vulnérabilité  prend toute la place, quand l’ombre prend le pas sur  la lumière.

Des images coup de poing pour exprimer un état de désespérance : «  Ma tête est un reposoir. Un écho pris de vertige. Une flamme noire qui  calcifie les oiseaux du paradis ». En ce recueil, une tonalité nervalienne et plane  « le soleil noir de la mélancolie » ; une mélancolie que le poète nomme pudiquement nostalgie : « Nostalgie noces de la lumière / et de l’ombre qui agit comme/ une algue envahissante… »  Alors, la tentation de l’alcool comme refuge quand il n’y a  «  Nul mots à l’endroit/ où saignent les larmes… » et que tout devient désert : «  Je ne sais rien de la nuit/que les ombres furtives/ le long des rues désertes… ». La nuit est un  thème central du recueil, elle abrite le silence, les silences « coupants / comme des couteaux ». La nuit est métaphore de cette mélancolie, une mélancolie qui rend perméable à la souffrance des autres, la souffrance dont «  Nul ne sait l’ampleur ».

La vie, une vie qui oscille entre l’obscur et le soleil car jamais ne cesse la quête de la lumière ; par-delà la nuit, par- delà les volets clos : « dans un rai / d’éternité absolue », passent et la lumière et l’amour alors, la nuit n’aura pas le dernier mot, l’espoir vaincra le désespoir ; les mots et la poésie pour consoler le dépossédé pour éclairer la nuit du Desdichado.

 (Ce recueil a été finaliste en 2024 pour la quatrième édition du prix de poésie Léon Paul Fargue )

Éric Dubois, Nul ne sait l’ampleur, éditions unicité, 2024, 45p 12€.

Extrait (p.27-28)

 

Ce sera une nuit

comme une autre

mais ce sera la dernière

les yeux remplis d’étoiles

 

Ce sera une nuit

comme une autre

mais ce sera la seule l’unique

solde de tout compte

 

Ce sera une nuit

comme une autre

dans les draps blessés

dans le sang glacé

 

Ce sera une nuit

comme une autre

plus belle encore

et plus jolie

 

Ce sera une nuit

comme une autre

comme une dernière

colère une ultime prière

 

Ce sera une nuit

comme une autre

mais que l’on n’oubliera pas

dans le bruit des pas

 

 

Par-delà soi

par les autres qui se souviendront

de vous traçant ainsi la nuit

avec des fils de soie

Présentation de l’auteur

Eric Dubois

Eric Dubois est né en 1966 à Paris. Auteur, lecteur-récitant et performeur avec l’association Hélices et le Club-Poésie de Champigny sur Marne. Auteur de plusieurs recueils dont « L’âme du peintre » ( publié en 2004) , « Catastrophe Intime » (2005), « Laboureurs » (2006), « Poussières de plaintes »(2007) , « Robe de jour au bout du pavé »(2008), « Allée de la voûte »(2008), « Les mains de la lune » »(2009), « Ce que dit un naufrage »(2012) aux éditions Encres Vives, « Estuaires »(2006) aux éditions Hélices ( réédité aux éditions Encres Vives en 2009), « C'est encore l'hiver » (2009), « Radiographie », « Mais qui lira le dernier poème ? »  (2011) aux éditions Publie.net, « Mais qui lira le dernier poème ?  »  (2012) aux éditions Publie.papier, "Entre gouffre et lumière " (2010) aux éditions L'Harmattan , « Le canal », « Récurrences » (2004) , « Acrylic blues »(2002) aux éditions Le Manuscrit, entre autres.    

Textes inédits dans les anthologies  Et si le rouge n 'existait pas ( Editions Le Temps des Cerises, 2010) et Nous, la multitude ( Editions Le Temps des Cerises, 2011), Pour Haĩti ( Editions Desnel, 2010) , Poètes pour Haĩti (L'Harmattan, 2011) Les 807, saison 2 ( Publie.net, 2012), Dans le ventre des femmes ( Bsc Publishing, 2012) … Participations à des revues : « Les Cahiers de la Poésie », « Comme en poésie », « Résurrection », « Libelle », «Décharge », « Poésie/première », « Les Cahiers du sens », « Les Cahiers de poésie », « Mouvances.ca », « Des rails », « Courrier International de la Francophilie »... Responsable de la revue de poésie « Le Capital des Mots ».

http://le-capital-des-mots.fr

http://ericdubois.jimdosite.com

http://ericdubois.net

Poésiemag.fr

Crédit Photo : © Frédéric Vignale.

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