Kenzie se rappelle que durant son enfance, elle se trouvait assaillie par les stéréotypes négatifs plaqués sur les Indiens, et clamer son identité Indienne était un acte de courage. D’où ce “I kept it from you like a kill” (cette identité conservée comme une mise à mort). Ce poème est une façon de dire stop, arrêtons les clichés, cessons de prétendre savoir ce que c’est d’être Indien, façon de témoigner et d’affirmer que l’indianité n’est pas une valeur figée, qu’il n’y a pas une indianité unique. Et que quel que soit l’endroit sur terre où elle voyage, Kenzie emporte la sweetgrass afin d’avoir toujours avec elle l’odeur de la réserve Oneida dans l’état du Wisconsin, car où qu’elle soit elle est Oneida. Le titre quant à lui encourage les Indiens à être fiers et à assumer leur héritage, leur identité Indienne. Elle les encourage à ne pas ressembler au cliché de l’Indien imperturbable au visage fermé, ils doivent désormais envoyer des éclairs, ils doivent rayonner.
Un poème publié récemment (septembre 2022) dans le prestigieux magazine POETRY, intitulé End of the Trail-Fin de la piste, évoque l’auteure et sa mère dans la maison de la grand-mère après son décès. La réflexion sur ce qui dure, ce qui cesse ou ce qui s’évanouit, la réflexion sur la possibilité de chacun de prendre le relais sous l’œil des anciens afin que l’histoire à la fois commence et se perpétue, mènent à la compréhension et au consentement de l’auteure : elle assume l’héritage, avec enthousiasme et conviction, elle prend les rênes désormais.
Fin de la piste
Simple reproduction, vous pourriez la transporter,
Vous pourriez la porter dans vos bras ;
Suffisamment petite— mais je tombe en ruine,
je m’érode, à ses pieds.
J’ai grandi sur ce sol, dans la maison de ma grand-mère.
Sur chaque surface une statue. Sur chaque mur
des chefs enturbannés, des femmes avec des bébés sur le dos
recueillant de l’eau,
des hommes à cheval qui montrent le chemin
dans une neige épaisse. Comme si notre maison était un musée,
comme si le musée te voyait enfin
dans tous les sens,
et pourquoi pas—collecter aussi les Russels, Millers et Wyeths.
Ce que chacun de nous savait de nous
dans ce qui restait.
Je demande qui a récupéré les Remingtons, les copies,
quand elle est morte.
Juste un autre Indien
affalé sur son cheval.
comme si je pouvais
dans plus que la mémoire
détenir l’objet en l’air,
une urne, tremblante,
une photographie que vous ne pouvez pas vraiment faire sortir
comme cette Bible qui a reposé à côté d’elle
de très nombreuses années, a survécu à une guerre nouvelle ;
a survécu aux bombes ;
mais les bombes ont apporté l’inondation,
et maintenant le livre des martyrs est taché ;
ne parle qu’au travers des marges
sur les bords. Tout le monde faisait ça
à l’époque—me dit-on,
tu tiens l’objet en l’air. Vous questionnez.
Aucune histoire ne sort.
En ces années de tranquillité,
rien que les archives ;
pas de photos d’enfance, pas de langage
camouflé dans le coin de la page—
il reprend seulement son souffle,
il leur survivra tous,
il est, après tout,
fait de pierre.
Fin ou infini ?
J’voudrais pouvoir vous l’dire—
Cette silhouette particulière,
un bronze verdissant au fil des ans—
la plaque est si petite.
Aucune explication ne convient.
Pas de sol plus ferme
sculpté dans les coins.
Dans le grand fauteuil en cuir qui était son trône,
elle montrait du doigt chaque cadre penché, dis-moi :
L’Indien en Sa Solitude
est de travers
Le Dernier des bisons,
Dernier des Mohicans
Tous ces derniers
dureront plus que nous deux.
N’oublie jamais,
même si tu le pouvais,
qui tu es.
Leurs yeux surveillent
depuis les murs, depuis les tombes.
Ce n’est pas la fin.
Parfois les histoires t’attendent
pour commencer.
À qui cela appartient-il à présent,
demandé-je à ma mère, qui sait le chemin
que chaque poinçon de bijouterie a suivi,
le Wedgwood, Frankoma*, toutes les petites statues,
mais elle ne sait pas où c’est parti,
les rênes délicat en cuivre que je peux encore sentir
se courber sous mes mains,
les pistolets parfaitement
forgés, la torsion des vertèbres
du cheval, les sabots
qui labourent
en un mouvement brillant
pareil au métal qui pourrait bien bondir
de la plinthe.
Charles Marion Russell est l’un des plus grands peintres de l'ouest américain avec quelque chose comme 2 000 tableaux représentant les cow-boys, les Amérindiens et les paysages du Far West de la fin du XIXᵉ siècle.
Jacob Miller (1810 -1874) est connu pour ces tableaux représentant des trappeurs et des Indiens d’Amérique engagés dans le commerce des fourrures.
Andrew Wyeth est un célèbre artiste américain spécialisé dans les peintures réalistes de personnes et de paysages
Frederic Sackrider Remington (1861-1909) fut un peintre américain, dessinateur et sculpteur qui représenta l’ouest américain.
Wedgwood : fabrique de poterie et de faïence
Frankoma : poterie
End of the Trail
Mere reproduction, you could carry it with you,
you could carry it in your arms;
small enough— but I crumble,
erode, at its feet.
I grew up on this ground, in my grandmother’s house.
On every surface, a statue. Every wall
with cloth-turbaned chieftains, women gathering water
with babies on their backs,
men on horses who point the way
deep in snow. Like our home was the museum,
as though the museum saw you
every which way, at last,
and why not—collect the Russells, Millers, Wyeths*, too.
What any of us knew of us
in the what was left.
I ask who got the Remingtons, the replicas,
when she passed.
Just another Indian
slumped on his horse.
As though I could
in more than memory
hold the object aloft,
an urn, trembling,
a photograph you can’t quite make out
like that Bible which has lain beside it
so many years, survived a newer war;
survived the bombs;
but the bombs brought on the flood,
and now the book of martyrs is water-stained;
speaking only through the edges’
marginalia. Everyone did that
in those days—I’m told,
you hold the object aloft. You ask.
No stories issue forth.
In those years of quiet,
nothing but the archives;
no childhood photographs, no language
tucked in the corner of the page—
he is only catching his breath,
he’ll live past them all,
he is, after all,
made of stone.
End or enduring?
Wish I could tell you—
—this particular silhouette,
a bronze greening over years—
the placard is so small.
No explanation fits.
No firmer ground
sculpted in the corners.
In the great leather armchair that was her throne,
she’d point out every tilted frame, tell me:
The Indian in His Solitude
lies crooked.
The Last of the Buffalo,
Last of the Mohicans,
all that last
outlasting us both.
Never forget,
even if you could,
who you are.
Their eyes still watch
from the walls, from the graves.
This is no end.
Sometimes the stories wait for you
to begin.
To whom does it belong now,
I ask my mother, who knows the path
every stitch of jewelry has taken,
the Wedgwood, Frankoma, all the little statues,
but she doesn’t know where it’s gone,
the delicate copper reins I can still feel
bend beneath my hands,
the perfectly wrought
pistols, horse spines
twisting, hooves
churning
in brilliant motion
like the metal might fair leap
from the plinth.
Dans le poème suivant, publié par la revue Apogée, Kenzie dénonce avec une ironie mordante, la façon dont les scientifiques véhiculent et transmettent les stéréotypes à travers les siècles. Leurs conclusions inévitablement servent la doxa en vigueur et placent toujours l’occident du côté des civilisations avancées ; ou encore plaident pour la théorie du passage en Amérique par le détroit de Behring par des populations asiatiques afin d’expliquer l’origine des populations Indiennes, faisant de ces dernières des groupes colonisateurs comme n’importe quels autres, minimisant ainsi l’illégalité de l’invasion européenne.