Gérard Le Goff, Ebauche du secret et autres poèmes

L’eau verse de la cruche de grès bleu, maniée par une main déliée qui accomplit ce geste si simple, si dénué de toute garde, qu’il en devient solennel, comme soudain empreint d’une sagesse issue du fond des âges.

L’eau coule de l’hydrie de terre, délivre ses saveurs secrètes. Elle entonne le chant de la rivière et de la pluie, du ciel et des vagues, du vent et des nuages. Elle proclame le triomphe de leur féconde réciprocité et, par le don de sa fraîcheur suave, révèle aux hommes un peu de son savoir sourcier.

 

Extrait de : L’inventaire des étoiles

Ils dansent

Ils dansent
Et leur fait mal l’ombre de l’étreinte
Tant ils se tiennent si fort enlacés

Ils dansent
Et souffrent du reflet de leurs mains crispées
Dans les miroirs de la mer

Ils dansent
Et se grisent de l’éclat de leurs bouches en sang
Dans leurs yeux

Ils dansent
Et tremblent tant s’effraient de la déchirure
Qui va séparer leurs corps

Ils éprouvent
Soudain le vide du ciel
Dans une pâleur de vertige

Ils s’envolent
Vers un horizon de fenêtres
Multipliées à l’infini

Fenêtres closes comme des reposoirs
Ouvertes comme des veines
Brisées comme le cœur des hommes

Extrait de : L’inventaire des étoiles

 

Childhood farewell
(en hommage à Joë Bousquet)

Noël sans mémoire
Où l’enfance s’est tue
Aux promesses du soir
Les fruits défendus

Dans nos yeux ouverts
S’exile la noirceur
A travers l’hiver
Où nous fûmes passeurs

Fûmes témoins des ombres
Et des anges sans âge
D’un ciel en décombres
Oublié des sages

Et la houppelande
Enfuie dans la nuit
S’effrange dans la lande
Aux ronces de l’ennui

Pleurez donc sans moi
Qui n’en vaut la peine
Je suis autrefois
Au deuil des marraines

La noire visiteuse
Hante l’aube des toujours
Nos âmes voyageuses
S’égarent par amour

Se perdent les enfants
Dans l’oubli des rêves
Sur les routes des grands
A peiner sans trêve

Leur cœur est trop vaste
Pour réduire le ciel
Les pleurs les dévastent
Pour une faute vénielle

Quand le froid enlace
Leur maigre bout de vie
Quand leurs yeux se lassent
De la moindre envie

Quand tombent les grands lys
D’un ciel de frimas
Tissant la haute lisse
D’un monde en coma

Pourquoi ces soupirs
Ces pleurs de pauvres fous
Tous nos souvenirs
Ne sont que cailloux

Extrait de : Les chercheurs d’or

 

Le revenant
(en hommage à Xavier Grall)

Te voici de retour
et n’en crois pas tes yeux
Le gravier
dans ton soulier
ne retient ton pas

Pèlerin ou revenant
naufragé peut-être
tu ne vaux guère
voyageur sans autre bagage
que ton cœur lourd

Un linceul de bitume
voile les sentes
tout au long desquelles naguère
des crosses de rouille et d’or
bénissaient ta marche

Le béton sur la dune
avorte l’étreinte de l’écume
Qui sait encore
là où finit la terre
commence l’éternité de la mer

Te voici de retour
et n’en crois pas tes yeux
Le gravier
dans ton soulier
ne retient ton pas

Tu ne reconnais plus
l’oratoire de la forêt
rongé de lichens et de ronciers
que délitent toutes les pluies
et l’oubli des hommes

Face à l’ostensoir du soleil
s’est tue la grive musicienne
Quel porche passer qui point ne se dérobe
quels vents désormais porteront les cantiques et les sônes
en ce pays si vieux qu’il oublie de mourir

Les grands ducs désertent les fêtes de nuit
et plus personne ne pardonne
Sur les dalles des sanctuaires
ne résonne plus le sabot
et leur nef naufrage au seuil de l’hiver

Te voici de retour
et n’en crois pas tes yeux
Le gravier
dans ton soulier
ne retient ton pas

Les si patientes tombes
s’abreuvent d’azur et d’averses
Le chant des ancêtres
s’épuise au contre-chant
de son écho

Poursuis ta route vers l’ultime présence
guidé par les étoiles
ignore la tourbe et les sables mouvants
de l’indignité
Et de tes yeux tombera la taie

Avec la boussole des eaux
tu trouveras la croix des chemins
et parmi le chardon et l’ortie
sous la vague des broussailles
découvriras l’ossuaire fécond du renouveau

Te voici de retour
et n’en crois pas tes yeux
Le gravier
dans ton soulier
ne retient ton pas

Extrait de : Les chercheurs d’or

 

Samain
(en hommage à Angèle Vannier)

Samain (*)
chaque année
à la prime brume
tu enténèbres la forêt
par l’appel de nos morts

Les vitraux des feuillées laissent passer si peu de lumière
à laisser croire en la divine vision

Je n’espère plus de Beltane la venue
Samain
tu m’as imposé la nuit en un partage
que je récuse
Les soleils m’ont fuit
mais les étoiles criblent mon corps et mon cœur
Seule la harpe issue des sources de la pluie
berce ma longue nuit sans sommeil
mon sang exilé

Les miroirs sans tain prolongent les couloirs vides
de mon château
recèlent des escaliers sans autre issue
qu’une autre noirceur

Les horloges tournent sans moi
qui ne suis plus en retard
pour les secrets du monde

J’entends les portes battre
le cœur de la nuit
et dans l’odeur d’un grenier
délaissé
monte l’écume de l’enfance

C’était à l’heure des pommes rouges
si visibles dans la peine
Les hommes s’inclinaient devant nous
fugueuses des étangs
qui passions en robes sang
éperdues
vers les portes ouvertes sur le vent

Mon adieu ne se négocie pas
pas plus que mon pardon
Je m’en remets aux chardons comme aux algues
Tu m’as crevé les yeux
à l’orée de ma vie

Samain
sans pourtant endeuiller mon âme
Je m’en remets aux oiseaux comme aux loups

Samain
chaque année
à la prime brume
tu enténèbres la forêt
par l’appel de nos morts

Extrait de : Les chercheurs d’or

 

Note

(*) Dans la mythologie celte, les saisons ne correspondent pas à celles de notre calendrier. Ainsi, le gué jeté entre les beaux jours et la froidure n’appartient ni à la période qui s’achève, ni à celle qui commence : il marque le passage de la saison claire à la saison sombre. Dans cette temporalité annuelle, la transition ne s’inscrit dans aucune durée. Cependant, on consacre toute une semaine à célébrer la divinité nommée : Samain. Cette fête est vouée à la conjuration de l’ombre, à l’exorcisme du mauvais sort. Ses jours coïncident avec ceux dévolus au souvenir des morts dans notre tradition chrétienne. Bien entendu, ils évoquent aussi l’avènement de l’hiver et la venue des nuits les plus longues. A l’opposé, le culte de Beltane célèbre l’arrivée du printemps, le retour à la lumière, le triomphe de la vie.

Présentation de l’auteur




Julien Marcland, Heptaméron seule

Présentation de l’auteur




Bilal Moullan, Noyé et autres poèmes

J'ai marché jusqu'au bord de la mer, là où la
rivière, glacée par la plage de galet, se déverse
dans un torrent doux-salé.
J'ai cru qu'à l'embouchure tout prendrait un
sens. Dieu, l'univers. Et même toi. Je me suis
allongé dans le lit de la rivière, le roulis des
vagues me berçait en s'écrasant à mes pieds...
Et j'ai regardé le ciel en attendant la fin du monde.
Un pêcheur a sorti un poisson de l'eau. Plus
loin, un rire a percé le ronronnement des
vagues. Une femme a posé sa tête sur l'épaule
de son partenaire. Et moi ? Et moi je ne me suis
même pas noyé.
J'ai  fini par regarder en arrière. J'étais loin.
J'aurais voulu mourir ici. Me noyer sans le faire
exprès. Qu'on me pleure, qu'on se rappelle de
moi comme de celui qui était si brave, si triste,
qui a tout essayé. Avant d'aller tout gâcher.
Et j'ai rebrousé chemin. Sain et sauf, juste
mouillé. La rivière n'a rien gardé de moi. Ni
l'empreinte de mes pas, ni ma pisse, ni les galets
que  j'ai ricoché. La mer avait tout emporté. La
vie  reprenait son cours.

Papillons de nuit

on s'est réveillé
en défaisant les plis
du matin
ceux qui ont fait les ombres
de la nuit

la tresse enroulée de nos corps
enjambés dans les draps
de mes bras

les entrelacs de nos cils
où dorment encore
des restes de noir

un battement
et s'envolent
les derniers papillons de nuit

 

Le paravent

Son regard se perdait
au-délà du paravent.

Discrètement, je le contournais pour voir ce qu'elle scrutait ainsi. Rien.
Rien de visible. Pas pour moi. Elle regardait le bois.
A travers le bois.
L'autre versant du paravent,
celui où l'on met de côté les choses invisibles à soi-même
qui réaparaissent de temps en temps
dans les regards absents.

Ses yeux étaient rivés à l'intérieur.

Parfois ils tressaillaient de droite à gauche
comme si elle commandait de cet imperceptible mouvement des ordres à des objets secrets.

 

Aux jours meilleurs

quel est le prix
de ces sourires charnus
bouffis
qui déforment tes traits
ravagent ton visage
du poids du bonheur

il pèse sur toi quand tu ris

comme l'amant passager
qui a servi à  noyer
la solitude

personne ne voit
les cicatrices
que laissent les sacrifices
offerts aux jours meilleurs
et le rire que tu portes
comme un creux

 

Tout brûler

je crois qu'il faudra tout brûler
mon amour
tout
pas seulement les téléphones la télé le canapé
tout
la maison la voiture
les papiers surtout
je crois qu'il faut tout brûler mon amour
tout
on dira aux enfants que  c'est un jeu
on dansera
je ne sais pas
on leur dira que c'est pour Dieu
un feu de joie
ils nous en voudront pas
il faut  tout brûler mon amour
sinon on vieillira
le cul bordé par la télé
à soutenir les discours de ceux qui font tout
pour empêcher que les autres aient
ce qu'on n'a jamais su prendre
on peut tout recommencer
se réinventer
mais il faut tout brûler mon amour
tout

 

Présentation de l’auteur




Ara Alexandre Shishmanian, Cinq haillons pour traverser le Styx, Fünf fetzen um den Styx zu überqueren

Poèmes du cycle inédit « Haillons » en version bilingue française-allemande.

Traduction du roumain en français : Dana Shishmanian.

Traduction du français en allemand : Eva-Maria Berg

 

qui es-tu

qui es-tu moi étrange

une pesanteur confuse colle le feu aux murs

le gardien de l’éternité veille au morcellement inéluctable des secondes

et les remplit de mutismes

les couvre de sons morts – de neigées d’amnésie

qui es-tu moi étranger – dans l’exile entre deux secondes

aussi profond que l’exile de nuit

aussi nocturne que la fissure où je risque de me perdre – en m’abandonnant

aussi odieux que l’avenir qui crache de ses empreintes

les avalanches ténébreuses des soleils

 

wer bist du

wer bist du ich fremd

eine verwirrende schwere heftet das feuer an die wände                             

der hüter der ewigkeit wacht über die unvermeidliche zerstückelung der sekunden

und füllt sie mit stillschweigen

bedeckt sie mit abgestorbenen tönen – aus verschneiter amnesie

wer bist du ich fremder – im exil zwischen zwei sekunden

so abgrundtief wie das exil der nacht

so nächtlich wie die spalte in der ich mich zu verlieren drohe – wenn ich mich aufgebe

so abscheulich wie die zukunft die aus ihrem gepräge                     

die finsteren lawinen der sonnen ausspeit                 

 

∗∗∗

un morceau d’absence

un morceau d’absence vis-à-vis

vis-à-vis de quoi – de rien

il se regarde de vis-à-vis –

blanc peut-être – noir peut-être

vis-à-vis – un morceau de lune

la lune est toujours vis-à-vis

on dirait une pâleur oubliée par un ange anxieux

l’absence arrive en dernier

oui, l’absence est le rayon laissé derrière

tel un chat au seuil de l’évanescence

la lune se dissout dans un tsunami de rais

le monde se dissout dans un tsunami d’absences

vis-à-vis persiste pourtant

vis-à-vis

 

ein stück abwesenheit

ein stück abwesenheit gegenüber

gegenüber wovon – von nichts

er betrachtet sich von gegenüber

weiß vielleicht – schwarz vielleicht

gegenüber – ein stück vom mond

der mond ist immer gegenüber

wie eine blässe die ein ängstlicher engel vergessen hat

die abwesenheit kommt zuletzt

ja, die abwesenheit ist der zurückgelassene lichtschimmer  

gleich einer katze an der schwelle der vergänglichkeit

der mond löst sich in einem tsunami von strahlen auf

die welt löst sich in einem tsunami von abwesenheiten auf

das gegenüber besteht dennoch fort

gegenüber

 

∗∗∗

ramassé en noir

ramassé en noir

tel un amas de pierres d’ombre

je cherche dans mon absence des pierres d’ombre –

et je trouve toute une carrière

j’avance dans le tunnel et je cueille des murs par pans entiers

j’agrandis l’amas derrière

l’amas d’ombres noires et de fantômes blancs

un amas étrange – hanté par des lettres

comme si je m’avançais parmi les rideaux obscurs d’aucun spectacle

une obscurité qui se retire et persiste

attend et disparaît

personne ne m’attend – personne seul m’attend au-delà des rideaux

au-delà de la fenêtre

suspendu devant la vitre absente

 

aufgesammelt in schwarz

aufgesammelt in schwarz

wie einen haufen von schatten-steinen

ich suche in meiner abwesenheit nach schatten-steinen -

und ich finde einen ganzen steinbruch

ich komme im tunnel voran und hole die wände in teilstücken heraus

ich vergrößere den haufen dahinter

den haufen aus schwarzen schatten und weißen phantomen

einen seltsamen haufen – von buchstaben heimgesucht

als käme ich voran durch die dunklen vorhänge von keinerlei theateraufführung

eine dunkelheit die sich zurückzieht und fortbesteht

wartet und verschwindet

kein mensch erwartet mich – kein einziger mensch erwartet mich jenseits der vorhänge

jenseits des fensters

vor der fehlenden scheibe schwebend

 

∗∗∗

la barque blanche

la barque blanche – je n’en sais pas plus – telle une patine

s’éloigne de moi en se rapprochant – la barque blanche

je rame avec les rames plongées dans l’herbe – depuis la barque blanche

telle une tranche de lune sur un énorme pubis vert – elle, la barque blanche

et je tiens par le volant une saison – puis une autre –

avec laquelle je me dirige vers la barque blanche

je continue pourtant à ramer avec les haillons du hasard –

en flottant avec la barque blanche –

en me regardant – tout en me tenant par la main – depuis le rivage –

vers la barque blanche –

je m’éloigne de l’étranger en ramant – dans la barque blanche

tandis que je me noie en criant – après la barque blanche

 

die weiße barke

die weiße barke – mehr weiß ich nicht dazu – gleitend wie ein schlittschuh

entfernt sich von mir beim näherkommen – die weiße barke

ich rudere die ruder ins gras getaucht – aus der weißen barke  

wie eine mondsichel auf einem riesigen grünen schambein – sie, die weiße barke

und ich halte das steuer eine jahreszeit lang – dann eine nächste –     

mit der ich mich auf die weiße barke zubewege       

doch ich rudere weiter mit den fetzen des zufalls –

treibend mit der weißen barke –

mich selbst betrachtend – und meine hand haltend – vom ufer aus –

zur weißen barke hin –

ich rudere vor der fremde davon – in der weißen barke       

während ich ertrinke schreiend – nach der weißen barke

 

∗∗∗

forêt d’automnes

forêt d’automnes quand les crinières des couchants –

incessante savane – ajournent la mort et la nuit

l’ouïe de la folle cueillit sa fleur dans les jardins muets –

avec de menus gestes elle élève des brins de prière à la lumière

sacrifie des secondes broyées à l’obscurité

et embrasse ce sang dont l’ambre du silence ne peut se déprendre

la lune se poudre avec une pâleur aliénée

vitreux, le tigre sauveur dévore le cauchemar

en se réveillant éternellement

 

herbstwald

herbstwald wenn die mähnen der sonnenuntergänge –

unaufhörliche savanne – den tod und die nacht aufschieben

das gehör der verrückten pflückt seine blume in den stummen gärten –  

mit kleinen gesten hebt es gebets-halme zum licht              

opfert der dunkelheit zermalmte sekunden

und umarmt jenes blut aus dem der bernstein der stille nicht entweichen kann

der mond pudert sich mit einer befremdlichen blässe                      

glasig, der tiger-retter verschlingt den albtraum

während er auf ewig erwacht

 




Allen Fisher, Around the World, Autour du monde

        This gravitational song meted against displacement
        The slow movement of holding you
        By the lake, deep amid fir and silver poplar
        Dream sleep’s energetic function
        During meditation each finger rayed in cactus spikes
        Blake crossed out sweet desire, wrote iron wire
        It was the discovery of human electromagnetism
       made a sign, opened curtains, revealed the garden
       Mouth perpendicular to mouth energised desire

All the weight and attraction that limits movement
A Mercury mix that replaces theft with eloquence
in the face of visitors’ astonishment, experienced veritable bliss
A robust memory in the flares of lost and added synapses
So that the vines burst from my fingers

        In the space of shape-time
       We move our fingers and simultaneity becomes falsity
       Sheltered by wall and hedge
       Translucent superimposition several distinctions one synapse   And the garden becomes geodesic for a           moment
        An imitation tomb among the vegetables

“A mango tree under a dull cloth, stirs its tentacles
A rush of calcium through my nostrils

        That the complex is Nature’s climate.

Passed out in the dole queue from an overdose of guerillas
satellite bang.   satellite bang.   hits the
negation of morning confidence and hope

        Took a stopwatch into her mouth and spat
        Reduces premiums to the political, to the sentence , ,
        ”and the simple at a discount

“the imitation stage has been passed
In a blue self-portrait the background continues the face
a gigantic plane tree
Given a part, consistent memory appropriates a whole
Flicks mercury in a meter    rolls off a glove

        Dealt out cards, silver-foiled dinners and cans
        piece.   pease.   pierce.   sleight of hand
        Friendship as virtue    an inventive memory combines
        varieties of inconsistent features
        Take my hand, the silken tackle
        Stored associations of the cellular net
        Swell with the touches of flower-soft fingers
        Rode shaking from the park on flat tyres.

claim of pastoral confidentiality
The return to copying pre-empted by cultivation
its enormous trunk
The net’s avoidance of overload and too much overlap
Take this palm to your mouth and fill it with grapes
A Net of Golden twine   many synapses
Semblance of worth, not substance
spawn of an entire lack of interest, but some surprise
The return to cultivation pre-empted by synthesis

       enter, stage right, “the creative centre of civilization”
       pieces of granite, broken and numbered, rejoined with cement
      Its mighty branching and its equilibrium

      Hard-wired to compensate against malnutrition and toxic
      waste   The danger of important words
      In tears clothed, in a dream sleep’s shed, avoid obsession
      Humane Eyes over a blasted heath
      hand holding a book, first finger inserted to hold position
      piled granite on the lawn like an enormous potato

Imagination sown meter again then this place beat
In search of ways to reverse-learn junk city
the gravity of its preponderant boughs
Sighs damp down potentially parasitic memories
Mother and child constitutes a society
reservation or rather reticent in flak of rhetoric
Enterprises based on innocence    a pleasant sufficiency
Creative imprecision to emphasise flux of meaning

       A future bright blocked by bricoles.

Strapped own earth underfoot to walk base without trespass
Took for exercise of virtue
O sprinkling the garden, to enliven the green!
Dreams random noise shorts-out unproductive activities
Ran out of faces so stopped action in film
A degree of benign limitation
Flummox then repose your wearied exercise

        The gravity occasions gone petered against retrenchment
        A hard task in truth I attempt
        In my garden    face lift    modifying spine shape
        Reverse-learning to modify cortex energetically
        Floral dress hung from sculptured timber
        Intellectual innocence in a pretence to value
        Play area scattered bricks painting garden
        Then the perceptions begin to repeat
        The garden that should have bloomed once

Doubled oscillation preludes another chaos
Confidence beyond consciousness
And do not forget the shrubs
Dreams selection to enhance retention
public elects pinball physics
In the face of wonder experienced a kind of vertigo
Trapped in a cage then allowed to sing.

“Responsibility for the present state of the world
The terror of feeling that consciousness may be
functional    Where are the sentiments of my heart

Simply kissing, with you on the balcony
Into a world not entirely song
Lifted all the baskets   Even those without berries
“the Paneubiotic Synthesis
muscle    neuronal excitability    energy generation

        to complete harmony laid biggest lime full length in garden
        The constantly actualised, shuddered chagrin
        In the garden nothing but evergreens
       Ungratified desire reminated each moment
       Short silence followed by a thud.

Ce chant gravitationnel compensait le déplacement
Le lent mouvement de te tenir
Au bord du lac, parmi les pins et les peupliers d'argent
La fonction énergétique du rêve nocturne
Lors de la méditation chaque doigt rayonnait en épines de cactus
Blake raturait le doux désir, griffonnait en fil de fer
C'était la découverte de l'électromagnétisme humain
fit un signe, ouvrit des rideaux, révéla le jardin
Là bouche à la bouche perpendiculaire énergisa le désir

 

Tout le poids et l'attraction  qui limitent le mouvement
Un mélange Mercurien qui remplace le larcin par l'éloquence
malgré  la surprise des visiteurs, éprouve une véritable félicité
Une solide mémoire dans les flamboiements de synapses perdues et ajoutées
Si bien que les vignes jaillissent de mes doigts

 

Dans l'espace du temps-forme
Nous bougeons les doigts et la simultanéité devient fallacieuse
A l'abri de murs et de haies
Translucide superposition plusieurs différences une synapse                  Et le jardin devient géodésique           pour un instant
Une imitation de tombe parmi les légumes

"Un manguier sous un voile morne, étire ses tentacules
Une décharge de calcium dans mes narines

            Que le complexe est le climat de la Nature.

Evanoui dans la queue des allocations chômage d'une overdose de guerillas
bang, le satellite. bang, le satellite. atteint  la
                                         négation de la confiance et de l'espoir matinaux

Prit un chronomètre dans sa bouche et cracha
Réduit les primes au politique, à la phrase, ,
"et le simple au rabais

"la phase d'imitation a été dépassée
Dans un autoportait bleu l'arrière-plan continue le visage
un immense platane
Ayant un rôle, une mémoire constante s'approprie un tout
tapote le mercure d’un thermomètre    se dégante

Cartes distribuées, repas en boîtes d’alu et conserves
pièce.  pois.  perce.  tour de passe-passe
L'amitié comme une vertu   une mémoire inventive combine
des tas de traits inconsistants
Prend ma main, le soyeux plaquage
Des associations du réseau cellulaire emmagasinées
Enflent au contact de doigts à la douceur de fleurs
Parcours qui bringuebale dans le parc pneus dégonflés.

Revendication de confidentialité pastorale
Le retour au copiage préempté par la culture
son tronc énorme
Le réseau évitant surcharge et excès de chevauchements
Porte cette paume  à ta bouche emplis-la de raisins
Un Réseau d'Or tresse de  nombreuses synapses
Apparence de valeur, pas de substance
rejeton d’un total manque d'intérêt, mais une certaine surprise
Le retour à la culture préempté par la synthèse

entre, côté jardin, "le centre où se crée la civilisation"
morceaux de granit, cassés et numérotés, jointoyés au ciment
Son branchage puissant et son équilibre
Cablé pour contrebalancer malnutrition et pollution
toxique  Le danger des mots importants
Drapés de larmes, à l’abri d’un rêve nocturne, évite l'obsession
Regard Humain sur une lande désolée
un livre à la main, index inséré pour tenir la page
granit empilé sur la pelouse comme une énorme patate

 

L'imagination semée mesure toujours  alors la pulsation de ce lieu
Cherchant des façons de désapprendre la camelote de la ville
la gravité de ses plus grosses branches
Des soupirs étouffent de possibles mémoires parasites
La mère et son enfant forment une société
réserve ou plutôt réticente en attaque de rhétorique
Des enteprises fondées sur l’innocence    une agréable autonomie
L’imprécision créative pour amplifier le flux de sens

Un brillant futur bloqué par des rebonds.

Sa propre terre arrachée sous les pieds
pour marcher bas sans risque de faux-pas
Considéra un exercice de vertu
O asperger le jardin pour aviver la pelouse!
Bruit aléatoire du rêve raccourcis  activités non-productives
A cours de visage je dus arrêter le film
Un certain contrôle léger
Interrompt puis repose votre exercice usé
Les occasions de gravité qui s’amenuisent contre le retranchement
Une rude tâche en vérité j’entreprends

Dans mon jardin le lifting modifiant la colonne vertébrale
Désapprentissage pour modifier l’énergie du cortex
Une robe de fleurs pendue à une boiserie sculptée
L’innocence intellectuelle dans un simulacre d’évaluation
Aire de jeux jonchée de briques dépeignant un jardin
Puis la perception commence à se répéter
Le jardin qui jadis aurait dû fleurir

La double oscillation  est le prélude d’un  autre chaos
La confiance au-delà de la conscience
Et n’oublie pas les buissons
La sélection des rêves pour exalter  la rétention
le public choisit la physique des particules
Malgré l’expérience du miracle une sorte de vertige
Prisonnier d’une cage puis autorisé à chanter.

« Responsabilité pour le  présent état du monde
La terreur de sentir que la conscience peut être
utile   Où sont les sentiments de mon cœur

Un simple baiser, avec toi sur le balcon
Dans un monde  incomplètement chanté
Il ôta tous les paniers  Même dépourvus de baies
« La Synthèse Paneubiotique
muscle   excitabilité neuronale  source d'énergie

pour compléter l’harmonie étala le plus gros citron vert de tout son long dans le jardin
Le dépit frémissant constamment matérialisé,
Dans le jardin, rien que des conifères
La reminiscence à chaque instant du désir insatisfait
Un bref silence suivi d’un bruit sourd.

Présentation de l’auteur




Radoslav Rochallyi, Envoler et autres poèmes

Présentation de l’auteur




Martine-Gabrielle Konorski, Sept poèmes

Dans un soupir
le chant
des coquelicots
Dans la danse
des blés
points rouges
des coquelicots

A la porte
de la chambre
une haie
de coquelicots
ferme les volets
sur la buée
Un plongeon
dans le rouge

Éternité rouge
des pavots.

 

On se tient dans le sombre
dans l’angle mort de soi
quelque part où la suture
devient berceuse

Chant rouge de la peur
Temps fixe du regard
sur le mur
Plus aucun bruit

Lorsque l’oubli.

 

Appartenir
au vacillement
quand je me heurte
à la lisière
de la fuite
des heures

A ce qui porte
lointainement
la parole dépecée
en éboulis
dans l’échouage de
ce qui reste à dire

Juste un futur perdu.

 

Puis ce fut
l’heure des soupirs
sous les masques

Une danse sur
l’île
perdue des archipels

Avancer ou peut-être pas
vers la ligne
de crête

A l’aplomb
de l’Immense
les eaux plates
et le jardin
  plongé
sous le vent tiède
du soir qui tombe

Rouge
la lune s’épand

Espoir indéchiffrable.

 

Commencement
de terre
sous les pierres désolées
parsème les chemins
de ce pays sauvage
L’ombre de Dionysos
dévoile les collines
où nous goutions
les grains bleus et juteux
Bouches ouvertes
sous les feuilles de vignes
Allongés
au pied des nœuds de terre
quand le ciel s’abolit
Un vent d’Eden soufflait
sur nos corps ivres
baignés de la chaleur
du centre de la terre
Ivresse de terre
et de raisin
au royaume invisible
Tandis que les oiseaux
berçaient le reflet de nos songes
Bacchus s’était endormi sous le figuier
Le feu divin ensemençait la terre

Les Ménades s’étaient mises à danser.

 

A Alfonsina Storni

Y te bas
Y te bas
A l’agua profunda
Flaques salées
En cercles
De toi
Alfonsina vestida de mar
Cet air qui résonne
Depuis loin derrière
Derrière la tête
Derrière le temps
Derrière ton soleil antique
Paroles brûlantes
De tes poèmes
De ton sommeil
Caracolas marinas
Du fond de la mer
Ton chant
Déchire le ciel et les vents
Un cri nous arrache
Résonne
Tambour dans la poitrine
Tremblement
Perce la chair
Et cet air
Nous parle de toi

Alfonsina
Alfonsina vestida de mar.

 

Marche de pente
Au chemin des estives
Balancement du corps
Au son rauque
De la cloche
En espaliers
Imperturbables vaches
Taches brunes
Taches rousses
Le souffle suspendu
Avancée sur les crêtes
Les rêves accrochés
Sur le chemin du ciel
Une ronde de poudre
Aux forêts denses
Couleur tesson
S’égarer sans atteinte visible

L’infigurable de la liberté.

 

Présentation de l’auteur




Pierre Zabalia, Cinq poèmes

1                                                           

alors on prend un poème

pour aller jusqu'à l'horizon,

alors la fin du monde

s'acquitte de mon corps: cette

tiédeur, cette lenteur, on

 

s'y apprivoise, on recommence

et le temps n'est plus cet après-midi

perdu entre ici et toujours mais

une ligne de résonance

piquante et bleue

 

on reste encore dans

l'auberge du néant, dans ce

repos plus souple que le

soleil partout,

 

alors, on se dissout

dans le paysage: on

ne sait plus rien

 

2                                                              

à l’heure atone, dans le déversoir,

à l’heure fumée d’eau, dans

le calme noir, à l’heure- brouillard

de femme, dans ce nulle part

 

déverse sans plus attendre, déverse

sur l’ombre de toi-même, pluie

de mars, pluie dans l’air de mars

dans les ravins de l’âme,

 

dans la poursuite d’un

morceau d’âme – il y a

désir dans le ressac

 

dans le jour abandonné :

c’est une pluie, douleur de personne,

à l’image de l’arbre aux yeux fermés

 

3                                                                                   

Bruissante et tournoyante

la luciole des enfers -

Je ne sais où donner de la tête

dans l'émoi continuel,

je ne sais comment bleuit l'angoisse

dans la forêt d'outre-moi.

 

Je ne sais

à qui parle le jour piquant

de mes entrailles,

je ne sais où

s'enracine ma délivrance, ô

la ténèbre sous ma peau.

 

Bruissante

était la frondaison de l'être – lune.

Qui joue au maître et

qui joue à esclave

dans la pulpe des âmes froissées ?

 

4

Peupliers immobiles

comme le chiendent

de ma désespérance -

 

Peupliers chevillés

à l'hiver et au mots des tendresses :

immense et déglingué,

le chemin des

poésies

luit, il luit le chemin

du jour ancien,

 

le chemin

vertical que

j'emprunte tristement -

 

5                                                                               

Ébouriffé à la pointe du mal,

trébuchant comme

un mal propre

sur une vision – syncope :

j'en viens à radoter

quand se lézarde

mon âme -

 

Y a -t-il

autour de moi

une vision – vision

hermaphrodite, un horizon

noirci, un sérum

terrible et cruellement enfant ?

 

Et la morsure

dans ce qui me tient lieu

de secret et le givre et

l'hyperbole de mon tourment – le

saxifrage perdu de

mon âme.

 

Présentation de l’auteur




Jacques Guigou, CINQ STROPHES

Sans mal

ce littoral et sa bonne nécessité

Sans mal

ces sables ensemençant

Sans mal

l’éphémère consistance de la mer

Sans mal

l’observance de cette lumière

Sans mal

ces fleurs du tamaris d’été

validées par le vent

 

Ce matin

les chaos de la nuit dissipés 

l’ordinaire désir discerné

la distance à la dune dirimée

soudain

l’événement nécessaire de la mer

 

séparé de l’amas

ce rocher noir de la jetée

à demi éclairci

au sel des eaux de nuit

 

 

Dans la lumière incertaine

l’homme aux filets limés 

ne trouve pas

la bonne place pour caler

lui

qui a pourtant traversé

ravi

les âges de la vie

 

 

 

Notre marche quai d’azur

commotion cosmique

de notre rencontre

présence d’avant nos premiers âges

incantation à portée de cœur

évènement de votre voix

vouée à notre vérité

et nos pas nous menant

vers la mer qui nous attend

 

Présentation de l’auteur




Alain Claudot, Essor de la parole et autres poèmes

 

En cette solitude
Notre vanité se dénude

Vent âpre qui lapide
Une terre précaire

Déjà le froid nous prend
La nuit en son désordre nous précède

*

 

Tombées

D’où

De quel ciel

En quelle préhistoire

Pierres

Immobiles

Au plain-chant des labours

*

 

Pays déshérité
Terre inhospitalière
Territoire de la soif

Que seule l’amitié désaltère

*

 

Telle la roche soumise au froid
Ma langue mutilée se délite

Telle joie enclavée
Telle une harpe bègue

*

 

Ruines

À la lisière du vide
Par la nuit noire trop étreintes

Vigies
Levées à contre-ciel

Comme à remords

*

 

Le vent
Toujours plus large

Épuise le rossignol

L’aube du long partage
Lui redonnera souffle

*

 

Au carrefour minéral
Pour un instant
Encore
Ma langue s’arrache au néant

*

 

J’emprunterai la voie étroite
La route blanche de l’ascèse

Au large
Des bergeries de pierre sèche

Où la source de parole
Ne tarit pas

*

 

En cet asile
Un souffle nu m’escorte
Et déporte mon corps

Hors des ornières qui blanchissent
Ma liberté grandit

*

 

Soudain

La horde des arômes

Cet œdème bleu qui bourdonne

La déchirure de l’essaim nuptial

Le cérémonial de l’urgence

*

 

Au terme
Des terres réfractaires

Ma gorge s’élargit
Sous le surcroît du jour

∗∗∗

 

Notre-Dame de Lure

Notre-Dame de Lure
En ta très haute solitude

Notre-Dame des devineurs d’eau
Des fontaines avaricieuses

Notre-Dame du vent têtu
Soufflant du bleu à perdre haleine

Notre-Dame des humbles des pénitents
Des récoltes frugales

Notre-Dame du bon secours
Étoile de miséricorde

Notre-Dame des mauvais jours
Ta barque pétrifiée au cœur noir des hivers

Ô rose minérale

Notre-Dame des nuits d’été
Bergère des chemins lactés

Notre-Dame des orages acerbes
De la foudre jetée en pâture aux errants

Notre-Dame des terres opiniâtres
D’où montent les parfums votifs

Notre-Dame des hommes noirs et des reclus
En ton insatiable désert

Notre-Dame des abeilles
Aux ruches limoneuses

Notre-Dame de Lure
Pour l’obole de ton silence

 

Enfances

La forêt
son flanc que  meurtrissait la roche
et des rochers encore arrachés au néant

L’oripeau des hivers jeté sur nos épaules
pour nous forger une âme

La fièvre des étés sur nos fronts calcinés
pour congédier l’effroi

Ainsi nous grandissions

Les fleuves indociles les rivières vespérales
et les vallées où l’on ployait l’échine
pour nous donner un cap

Le mépris où nous étions tenus attisait notre orgueil

Penchés à la périphérie des sources
les larmes étaient notre lisière

Ainsi nous grandissions

Dans le secret des nuits
mûrissait l’autre langue
l’alphabet nu de ses syllabes

Pour proclamer les vraies couleurs du monde
la rage turbulente du multiple
ses joies et ses blessures

Pour que le feu des mots  invective nos cendres

 

Passage des chimères

Mère j’ai parcouru
bien plus de la moitié du chemin
à ce jour
et me voici désormais ton aîné de trois ans

Je reste pourtant cet enfant
qu’aux beaux soirs
en été
le chant du merle traversait
comme une épée

Et tu passes toujours
tes doigts inquiets dans mes cheveux

Pourquoi m’as-tu rendu le goût des larmes

En ton lointain pays de brume
tes peurs d’oiseau blessé ont été congédiées
et les muettes étendues ne te font plus offense

Le pays où peu à peu je viens

Où tous deux
lentement
nous descendrons
la route ancienne de l’église
jusqu’à la place près du fleuve
où jamais tu n’allas

Et je tiendrai ta main

 

Le sourire de ma mère

Dans quel repli du temps se cache désormais
l’ombre de ton sourire

Dans quelle obscurité des nuits que je parcours
cherchant obstinément
ne serait-ce que ton fantôme

Mais si se croisaient à nouveau nos chemins
pourrais-je seulement te reconnaître
masquée que tu serais de cendre et de douleur

tu passerais
les yeux fardés de la couleur des peines
plus anonyme que le vent

Et je m’éloignerais
vêtu de silence et de brume
courbé sous le faix de l’absence

 

Présentation de l’auteur