La revue des revues de Sophie d’Alençon

La première Revue des revues de Sophie d'Alençon, publiée en mars 2013.

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La revue Vents Alizés

Karoly Sandor Pallai, par ailleurs auteur d’essais et de poèmes, dont quelques uns ont paru dans Recours au Poème, met en œuvre une revue online Vents Alizés.

Un titre qui découle de sa passion pour les littératures de l’océan Indien et du Pacifique, mais une revue qui n’est pas confinée à cet espace géographique, même si elle lui accorde une ample et belle place. On est frappé, immédiatement, dans ces presque 500 pages, par la qualité de ce qui est publié là, avec un ton ou une ambiance qui font irrémédiablement penser en effet aux vents alizés et aux infinitudes de l’océan de cette partie du monde. La revue est une part de l’océan Indien et Pacifique. Des pages fraternelles, ouvertes sur l’autre, qui justifient pleinement le titre de ce premier numéro : Partaz. Formellement, cette revue en ligne se présente et se lit comme un livre. C’est fort bien réalisé. On y lira, en diverses langues, des poètes et des écrivains originaires de l’Océan Indien (Maurice, Seychelles), de la Caraïbe et des Amériques (Canada, Haïti, Martinique), du Pacifique et de l’Asie (Philippines, Nouvelle-Calédonie, Polynésie Française, Vietnam), d’Afrique et du Proche Orient (RDC, Zimbabwe, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine, Tunisie) et d’Europe (France, Italie). On y retrouvera des poètes publiés ou amenés à l’être dans Recours au Poème, comme Sonia Khader ou Mounia Boulila par exemple. Pour ma part, ma subjectivité m’a conduit à aimer tout particulièrement les textes de poètes comme Borgella, Leonidas, Anne Bihan, Pham van Quang, Garnier-Duguy, Ben Eyenga Kamanda ou Tendaï Mwanaka. Le tout est accompagné de notes de lectures et de superbes œuvres d’art contemporaines, pour une bonne part réalisées par des artistes mexicains. Tout cela a le souffle des mondes autres, une grande respiration.

Franchement, amoureux de la poésie, vous auriez tort de vous priver de la lecture d’une revue qui nous parvient comme un don.

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Contre-Allées 31/32

Contre-Allées poursuit sa belle aventure sous la houlette de son couple de créateurs/fondateurs, Romain Fustier et Amandine Marembert. Ce nouveau numéro met à l’honneur le poète Jacques Ancet, en un poème intitulé « un entre-deux sans fin » composé de sept parties. Sept, il n’est pas de hasard pour ce poème d’apparence quotidienne mais qui en son parcours conduit son lecteur vers un dévoilement initiatique du réel. Il se termine donc forcément sur une question. Viennent ensuite une quinzaine de poètes, certains présents ou à venir dans Recours au Poème (Marie Huot, Philippe Païni, Emmanuel Merle, Christian Vogels…), puis des questions croisées permettant d’entendre Luce Guilbaud, Cécile Guivarch, Cédric Le Penven, James Sacré, Anne Belleveaux, Sandrine Fay, Jean Le Boël et Jean-Louis Massot. Des personnes qui oeuvrent pour la poésie depuis belle lurette. Contre-Allées aime aussi les autres revues, si bien que ses notes de lecture parlent de plusieurs de ses confrères, souvent en sympathie. Un beau numéro, avec la voix forte de Marie Huot.

Contre-Allées, numéro 31/32, revue de poésie contemporaine dirigée par Amandine Marembert et Romain Fustier. Le numéro 10 euros.

 

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Le Journal des poètes n°4

Le récent numéro de ce Journal des Poètes dont nous disons régulièrement du bien, car nous nous sentons humainement proches de lui, en sa chaleur fraternelle, et loin des petits chapelles prétentieuses, est, comme d’habitude est-on tenté de dire, de fort belle qualité. On lit ici un superbe hommage de Jean-Luc Wauthier à la poésie de Richard Rognet, un dossier passionnant sur les poètes de l’Est en Belgique, concocté par Albert Moxhet, dossier permettant de lire Robert Schaus, Bruno Kartheuser ou Léo Gillessen. Puis le Journal revient sur la Biennale de Liège 2012, en donnant la parole à son président Dany Laferrière, entre autres. Et aussi, car c’est de Parole dont il s’agit, à nombre de poètes venus aux Biennales, dont par exemple Mohamed El Amraoui, Bluma Finkelstein, Anise Koltz, Jacques Rancourt, André Ughetto ou encore Shizue Ogawa (pour la poésie de laquelle j’ai un faible avoué). Trois belles pages, un poème poète. Une vraie page d’histoire. Notons aussi qu’Yves Namur, collaborateur régulier du Journal, a reçu le prix Mallarmé 2012 pour son recueil La tristesse du figuier, paru chez Lettres Vives, éditeur de haut vol. Il n’y a pas de hasard.

Le Journal des Poètes. Numéro 4/2012, 81e année, oct-déc 2012

 

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N4728

Déjà le 23e numéro de N4728, belle revue, au format redevenu original, qui s’est progressivement imposée dans le paysage poétique contemporain. C’est même un des espaces parmi les plus originaux et les plus contemporains de ces dernières années. Christian Vogels, aidé d’Albane Gellé, Antoine Emaz, Alain Girard-Daudon et Yves Jouan, propose des écritures poétiques variées et ici considérées comme innovantes. Une partie des voix que l’on peut entendre ici, car pour N4728, poésie et oralité sont intrinsèquement liées, ce en quoi nous sommes bien d’accord, proviennent des lectures/rencontres de poésie contemporaine organisées à Angers par le Chant des mots, ou bien du côté de Rochefort (rien d’anodin en poésie, de ce côté de l’hexagone) et Saumur. C’est la partie « Mémoire vive », laquelle propose cette fois les voix de Edith Azam (un texte en prose, puissant, à paraître bientôt chez POL), Caroline Sagot Duvauroux (dont la majeure partie de l’œuvre, elle aussi en prose, et elle aussi de grande puissance, est publiée chez Corti) et Alexis Gloaguen. La partie « Plurielles » donne quant à elle à lire des voix diverses, lieu de l’ouverture de la revue (ce qui plaît bien évidemment aussi à Recours au Poème), et l’on écoutera avec attention les voix amies de Béatrice Machet, Matthieu Gosztola, Arnaud Talhouarn ou Mathilde Vischer. Cette dernière donnant un ensemble qui reste longtemps présent à l’esprit. De toutes les manières, l’ensemble des pages de cette revue est d’une très grande qualité, et on lira avec attention les textes de Patrick Argenté, Estelle Cantalla, Nicolas Grégoire, Daniel Pozner, Marie de Quatrebarbes, Maryse Renard, Nathalie Riou, Pierrick Steunou, Jasmine Viguier, Jérôme Villedieu et Pierre Antoine Villemaine. La revue se clôt sur des notes de lecture choisies, en particulier au sujet d’Ariane Dreyfus, Serge Nunez Tolin et Vincent Pélissier, dont les travaux nous intéressent fortement. Puis quelques mots de Antoien Emaz au sujet de trois poètes des éditions Potentille (dont il faut saluer le beau travail), Geneviève Peigné, Philippe Païni et Albane Gellé. Un bel atelier, à visiter sans modération.

N4728. Publiée par l’association Le Chant des Mots. Semestrielle.

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Soleils & cendre n° 103

Le 103e numéro de Soleils & cendre, paru au printemps 2012, ouvrait ses pages au « chaos ». Venant d’une telle revue, à la fois de poésie et de recherche intérieure en poésie, on se doute que l’ordo/ordre n’est pas loin… Le sous titre, « fractation du point de vue », est, sous cet angle, très clair. Menée par Henri Tramoy et Yves Béal, Soleils & cendre émane des éditions Les Solicendristes. Ici, l’on a goût pour l’alchimie et l’hermétisme, au sens noble de ces mots/visions/expériences. Autour du chaos, on lira des textes d’une vingtaine de poètes et écrivains, parmi lesquels l’ami Matthieu Baumier (que je ne suis guère surprise de retrouver dans un tel thème d’écriture), Sylviane Werner, Daniel Thürler, Philippe Jaffeux, Jean-Guy Angles, Henri Tramoy ou Jacques Laborde. Une revue ancrée, située, et qui a un ton. Un vrai ton. Et une histoire, maintenant.

Soleils & cendre. Henri Tramoy. 99 bd des Mians. 84260 Sarrians.

Le numéro : 6 euros. Revue trimestrielle.

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Nunc, revue attentive n° 29

Ce nouveau numéro de l’exceptionnelle revue Nunc rend un bel hommage à la poésie de Jean Mambrino, lequel nous a quittés il y a peu. Trois textes reviennent sur le poète, signés Pascal Boulanger, Claude Tuduri, en forme de poème, et Jean-Luc Maxence. Tous insistent sur la luminosité chrétienne de l’homme et du poète. Le texte de Maxence, intimiste, touche juste, me semble-t-il, en évoquant chez Mambrino la part du feu, le néoplatonisme. Il y a avait une certaine idée de la Renaissance chez ce poète. Vient ensuite le dossier central de ce numéro de Nunc, un dossier « cinéma »… en apparence ! Car évoquer le cinéma de Béla Tarr, ce n’est pas uniquement, loin de là, parler de cinéma. C’est parler de poésie. Parler du Monde. Le dossier est dirigé par Hubert Chiffoleau. On lira la retranscription d’un échange entre le réalisateur et son public, passionnante, ainsi que des textes de Joël Vernet, Hubert Chiffoleau (entretien), Jérôme de Gramont, David Lengyel. Ce dossier fait immédiatement référence. Et, sincèrement, lecteur qui aime la poésie puisque tu lis ces lignes, si par malchance tu ne connais pas encore le cinéma de Béla Tarr, le moment est venu d’une découverte, de celles qui marquent une existence.

Nunc publie aussi une suite de très beaux poèmes de François Bordes, sous le regard de l’Evangile de Thomas, souvent considéré comme « l’Evangile des gnostiques » mais la formule est trop rapide, comme bien des formules. Qui lit ce texte en sait les profondeurs ésotériques. On parle ensuite de Virgile, de diverses manières (Madeleine Désormeaux, Jérôme de Gramont), puis on replonge dans des poèmes, ceux de François Amaneger, avant d’entrer dans la partie « Axis Mundi » de la revue, centrée sur un cahier consacré à Michael Dummett. Deux textes signés Michel Fourcade et Christine van Geen, puis un texte de Dummett. Tout cela est déjà fort riche et n’est cependant pas terminé, car Nunc est un « monstre » comme Recours au Poème les aime : un entretien avec Jacques Arènes, des poèmes de Borges (ceux sur Spinoza) dans une nouvelle traduction, un texte important de Franck Damour au sujet de la récurrente controverse autour de la fonction anthropologique du droit et de très beaux poèmes de Christophe Langlois, poète que l’on retrouvera aussi bientôt dans Recours au Poème. Les notes de lecture évoquent enfin Gamoneda, Bocholier, Marion, Del Valle… Ici, en cette revue, les choses sont centrées, et cela est bien.

Nunc, revue attentive n° 29. Le numéro : 22 euros.

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Poïesis

Poësis n’est pas une revue au sens strict de ce mot mais il me plaît d’en parler ici. Il s’agit d’une « petite anthologie de poèmes maçonniques » contemporains éditée par l’Institut Maçonnique de France, sous la houlette de l’ami Alain-Jacques Lacot, dans le sillage des activités menées là pour promouvoir le livre maçonnique, et donc une vision sereine d’un humanisme pour demain. Autant dire que l’on a bien besoin de toutes les énergies…Les poèmes ici regroupés sont ceux primés lors du concours de poésie organisé par l’IMF à l’occasion du dixième salon maçonnique du livre de Paris. 20 textes en tout, ponctués par un superbe cadeau d’un poète que nous aimons beaucoup dans les pages de Recours au Poème, Jacques Viallebesset, poème intitulé La tribu nomade que nous donnerons à lire dans quelques temps. On lira dans cet ensemble des poèmes divers, ancrés dans une profonde quête spirituelle et intérieure, en particulier ceux de Jean-Philippe Ancelle, AxoDom Yves-Fred Boisset (par ailleurs directeur de la revue martiniste L’initiation), Marc de la Paix, Jacques Fontaine, Thierry Maillard… Tout cela est d’autant plus important qu’il est évident que poésie, ésotérisme et maçonnerie appartiennent au même Corpus d’être. On espère voir l’initiative se développer, et cette autre anthologie de la poésie maçonnique autrefois parue chez Dervy connaître une nouvelle édition « allongée ». Ici, nous ne manquerons pas d’idées et de liens vers des poètes profonds à conseiller. On peut demander mon email à la rédaction, ce sont gens courtois. Ils transmettront, si j’ose dire.

Poïesis. Petite anthologie de poèmes maçonniques.

Publication de l’Institut Maçonnique de France.

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Revue L’Hôte. Numéro 1

Bienvenue à L’Hôte ! Il faut, de tout temps, saluer l’initiative de se lancer dans la création d’une revue. C’est un acte nécessaire et, cela n’est pas rien, formateur. L’Hôte est sous titrée « Esthétique et littérature », et n’est donc pas centrée sur la poésie. Mais elle mérite le salut. Le sommaire s’ouvre sur sept pages de textes du poète Gérard Pfister, par ailleurs directeur des excellentes éditions Arfuyen. Le ton est ainsi donné. Vient ensuite un texte très intéressant de Didier Ayres au sujet du narcissisme de l’auteur de théâtre, une étude de Gabrielle Althen sur Jean Fouquet… Une revue d’esthétique sans doute, mais pas seulement. On sent dans ces lignes la volonté de quitter les terres convenues de certaine esthétique presque officielle, et de reposer une vraie question : celle du Beau. Cette revue n’est donc pas « de poésie » mais l’acte, lui, est poétique. Longue vie.

Revue L’Hôte. Numéro 1. Direction : Yasmina Mahdi, Ivan Darrault-Harris, Didier Ayres.




Présentation de la revue VOCATIF

Créée en décembre 1982, cette revue, portée par la poète et artiste Monique Marta perdure, mais cherche des soutiens et des abonnements, comme la plupart des revues papier, à notre époque plus que jamais. 

Pour sa directrice de publication, il s'agit d'une vocation :  dès l’âge de huit ans, elle écrit des histoires, en faisant de véritables petits livres avec un nom de « maison d’édition » : Le Petit Chien. Editée à quatorze ans, dans une revue, pour une chanson : Coquelicot, elle  réalisait également un journal, typographié, destiné à la famille et aux amis. Il comprenait un feuilleton, des jeux, des « nouvelles ». A dix-huit ans, au cours de vacances d’été en Bretagne, elle participe à un concours de nouvelles, organisé par Hachette, pour les « auteurs en herbe » ,  Son texte, Une Petite Bulle de Verre, parut dans la fameuse Bibliothèque Verte et lui valut des interviews dans la presse et à la télé. 

Vocatif, "portes et passages", 9 euros.

Devenue professeure de français en lycée, elle met en place des  clubs de poésie, de théâtre ainsi qu’un petit journal, Baladêt, où étaient publiés des textes d’élèves. Dans le même temps, elle écrivait une pièce de théâtre, qui fut jouée à Nouméa, et de la poésie et pratiquait la peinture sur soie ; sur bois également. 

De retour en Métropole à la fin des années ’70, elle prépare une Maîtrise (sur l’enseignement du français en Nouvelle-Calédonie) et un D.E.A (sur la poésie contemporaine dans la région niçoise) Son directeur de recherche, Michel Sanouillet, était assisté du poète Jacques Lepage qui la mit en contact avec tous les poètes d’importance, vivant à Nice ou aux environs : Alain Lambert, Ben, Fabienne et Arnaud Villani, Jean-Louis Maunoury, Maryline Desbiolles (qui, plus tard, obtiendra le Prix Femina), Christian Arthaud, Daniel Biga, Jacques Kober, Christian Jacomino, Katy Remy, Numa Sadoul…  

Il y avait alors, à Nice, deux revues : celle d’Arnaud et Fabienne Villani, qui publiait un peu toutes sortes de poésies et celle de Maryline Desbiolles, Offset, beaucoup plus élitiste. Pour laisser place à un autre type d’écriture et à la spiritualité, elle crée en 1983la revue Vocatif, qui, bientôt, devint la seule revue niçoise. Dans un Manifeste, figurant dans le premier numéro, elle soulignait que l’important était le « vivant », l’ « authenticité » et que la revue se voulait ouverte à tous domaines d’expression : théâtre, philosophie, histoire… La revue, d’autre part, s’associait à des artistes. Elle se présentait alors sous forme de feuilles volantes, photocopiées, en couleurs et donnait lieu à des tirages de tête ainsi qu’à des vernissages, où intervenaient poètes, artistes, comédiens…  

Le 24 octobre 1985 décédait la jeune poète et amie Laurence Duval dont la dernière lettre la bouleverse au point d'entreprendre l'édition de sa Correspondance -  trois volumes,  d’une correspondance s’étalant de 1976 à 1985, et un livret, Le Journal de Lunaison, contenu du dernier carnet de Laurence. Ces publications donnèrent lieu à des lectures en bibliothèques. Suivent une anthologie poétique en 1989, la publication de  son Journal, avec des encres de  Yoko Gunji, à partir desquels elle fit un cadavre exquis, deux livres aux éditions Tipaza, et la remise du prix des Arts et Lettres de France en 2000, dans la section Humour. 

Ce furent des années difficiles, nous dit Monique Marta. La revue fut interrompue jusqu'en 2003, où elle reprit sous sa forme actuelle (un livret de 80 pages sous couverture cartonnée couleur), à raison de deux publications par an. La revue s’ouvrit alors à des auteurs et artistes de la France entière et du monde entier : Espagne, Belgique, Portugal, Irlande, Italie, Suisse, Chili, Allemagne, Bulgarie…, reprenant les rencontres et vernissages. Parmi les numéros parus : « Le Symbolisme », « Le corps », « Ombre et lumière », « Retour aux sources », « Le poète dans la cité », « Erotisme »…

Elle a régulièrement participé au Printemps des Poètes, avec des numéros hors série (format A4) et avec la collaboration de Martine Kaisserlian, chorégraphe, donnant lieu à des spectacles danse-poésie à la médiathèque Louis Nucéra, à Nice. 

Depuis 2015, Monique Marta est en lien avec le mouvement surréaliste, français et international,  pour la poésie et la peinture : c'est ainsi que le numéro 34 est consacré à ce mouvement. Il a été réalisé par Patrick Lepetit, poète et essayiste, surréaliste lui-même. 

Les collaborateurs réguliers de la revue, depuis les années 2000 sont Arnaud Villani, Patrick Lepetit, Michel Capmal, David Nadeau (Canada), Jacquy  Gil, Patrick Devaux (Belgique), Alain Helissen, Frédéric Dechaux, Claude Haza et par affinité de pensée  Bruno Geneste, Paul Sanda, Silvaine Arabo. 

L'’avenir de Vocatif  est incertain : la revue continue, mais rares sont ceux qui s’abonnent. Le numérique,  beaucoup moins onéreux, aussi bien pour l’éditeur que pour le lecteur, l’emporte, . Actuellement, à Nice, Vocatif est la seule revue de poésie (revue-papier). Elle l’a d’ailleurs été pendant longtemps, ne bénéficiant d’aucune subvention. 

Autrefois, la revue possédait un blog, mais l’alimentation du blog étant particulièrement chronophage, il a fallu abandonner, regrette la revuiste.

Le dernier numéro de Vocatif est "maigre" -40 pages . Pour une fois, après quarante ans de « bons et loyaux services » de sa directrice de publication, il n'a été réalisé qu’avec le seul fond des adhésions…  Riche dans sa thématique et les textes et illustrations qu'il propose, ce numéro a été  présenté lors d'un Jeudi des Mots, et a fourni assez de motivations à d'autres artistes et poètes, dont les oeuvres se trouvent sur le site de jeudidesmots.com, en écho au beau sujet de cette revue dont le nom est tout un programme.

Coordonnées de cette revue : 

 
14, rue du Colonel-Driant 
Le Jalna A2 
F-06100 Nice 
 
Téléphone : 04 92 41 30 34 
Email : monique.marta0294@orange.fr 




La revue Le Ortique accueille Marceline Desbordes-Valmore

La très belle revue italienne Le Ortique explore la littérature féminine internationale, et propose des articles en version bilingue Italien Français. La direction artistique n'a rien à envier aux contenus, diversifiés et riches tant en matière scripturale que pour l'iconographie, le tout accompagné par la rubrique Podcast qui offre de nombreux liens sonores faisant vivre cet ensemble déjà remarquable.

Après un entretien accordé à la revue, accessible à l'adresse https://leortique.wordpress.com/2021/03/24/la-voce-fissa-le-immagini-unintervista-a-marilyne-bertoncini-poeta-bilingue-e-traduttrice/ Marilyne Bertoncini, accueillie au conseil de rédaction, inaugure sa propre rubrique, MUSARDER, consacrée à la redécouverte d'écrivaines et artistes oubliées, et signe un article sur Marceline Desbordes-Valmore. Il semble que mettre à l'honneur cette pionnière de la poésie romantique soit une juste mesure. Elle invente le vers de 11 syllabes, impair, impose un lyrisme intime. Verlaine dira qu’elle est « La seule femme de génie et de talent de ce siècle et de tous les siècles ». Marceline Desbordes-Valmore est peu connue par ses contemporains pour ses recueils, un peu plus connue dans la presse où paraissent ses « romances » et parce que ses textes sont chantés.

Elle écrit donc une poésie qui prend de l’essor hors du livre. Elle est entendue. Mais tard. Et aujourd'hui il semble nécessaire de rappeler ce parcours, et ce que lui doit la poésie. 

C'est chose faite avec cet article, Marceline Desbordes Valmore (1786-1859) eroina romantica e poeta precursore del romanticismo, richement illustré et accompagné de nombreux poèmes et liens YouTube. 

Une synthèse, entre des éléments biographiques et une poétique inédite dont Marilyne Bertoncini rend compte, permettent de découvrir des aspects souvent occultés de la vie et de l'œuvre de la poète. Nous découvrons aussi que ses vers ont beaucoup circulé, car ils sont proches  de la romance, genre en vogue au XIXème, et genre populaire qui offre l’opportunité de permettre des innovations poétiques, des variations métriques et propose une certaine souplesse. Elle invente des formes libres, forge une nouvelles parole poétique,  et loin de toutes les conventions classiques elle invente une poésie qui a la puissance de cette liberté. Elle est portée par le désir de dire juste (elle introduit même du patois dans ses textes). Marilyne Bertoncini nous rappelle les nombreuses adaptations musicales auxquelles ses poèmes ont donné lieu, et accompagne cet article de nombreux poèmes.

Cet article est fidèle à la ligne éditoriale de la revue, Le Ortique, car il offre un panorama synthétique sur cette grande poétesse qu'était Marceline Desbordes-Valmore, mais il ouvre également des voies, des questionnements. A l'heure où la poésie, sa pensée critique comme la production de la majorité des discours théoriques littéraires sont majoritairement le fait des hommes, il est bon de rappeler que des femmes ont jalonné la route de l'histoire littéraire de joyaux qui ont éclairé des générations, car malgré cet état de fait, et la puissance de sa poésie, malgré son œuvre d’une grande richesse, l’histoire littéraire a préféré attribuer la découverte et l’énonciation d’une pensée et d’un art romantique à des hommes. Les femmes qui ont non seulement contribué à l’édification du mouvement mais qui en sont, pour Madame de Staël pour la théorie et Marceline Desbordes-Valmore pour l’élaboration de formes et de tonalités novatrices, à l’origine, ont totalement disparu des instances retenues comme fondatrices de cette modernité littéraire, dont le masculin a récupéré les lauriers. 

 

 

 




Phœnix n°35 : sur les poèmes de Franck Merger

En parcourant le très beau numéro 35 de la revue « Phoenix », de textes en textes, mon regard poétique a été accroché par quelque chose de très différent qui m’a immédiatement pris dans ses rets. Trois textes superbes de Frank Merger : "Idiosyncrasie", "les larmes d’Homère" et "Homo Masiliensis". De Frank Merger, je connaissais les traductions du persan mais  pas les textes de poésie.

« C’est une ville où on s’oblige pas à grand-chose …. » Est-ce le rythme, les images contenues qui se bousculent ? Je me sens tout de suite porté par la charge poétique de ces mots de la ville « incivile agressive insalubre » Les mots se dressent comme la ville , en ont la couleur et les jeux sonores, accueillent comme un guide le fil des réflexions de l’hôte dans une poésie empathique qui ne veut pas heurter mais nous emmener dans ces rues où ce sont les images que l’on touche, sans s’arrêter à ce qu’elles apportent de débauche, désarroi , vie « où cognent les rats ».

La beauté pénètre cet univers brut où grouillent blattes cafards et rats, dans l’horizon d'immeubles et de rues  ponctuées de drogue de sexe et d'effondrement. On imagine le poète marchant dans ses rues et sans forcément chercher à comprendre, énumérant la ville :  il n’y a que le regard qui touche.

Et curieusement, moi qui viens d’adorer « Méditerranée romance»((Méditerranée romance, Yann Mirallès, Unes 2018)) je retrouve ici un esprit cousin, évocateur de ce passé- présent sombre et lumineux où le poète laisse la vue solaire et maritime se mêler à ce qu’il en sait, de ce passé grec,réminiscence de toutes les méditerranées. Les accents et les mots de Marseille sont toujours en partance, se joignent dans un même temps.

Ici l’écriture n’a rien d’abstrait, elle est juste, vraie et sensible, l’œil et la voix osent le mot, le fixent dans ce moment qui rejoint la lumière émerveillée résonnant dans les quartiers.

Quand Soudain calanques est le titre qui fait que l’on cause
« la calanque » c’est l’esprit de la ville
beauté lumière et dureté
les gens d’ici sont bruyants
mais ils se taisent à l’intérieur. 




Margutte, non rivista di poesia on line

photo : Rinuccia Marabotto 

Malgré le titre, le nom des Rédacteurs, Gabriella Mongardi, Silvia Pio, et la ville d'origine (Mondovi), la revue "Margutte" accueille des textes en français, anglais, espagnol, et allemand. Elle est née comme un site ouvert à toutes les formes d'expression artistique, aussi bien les plus classiques comme la littérature, la musique, le théâtre et les arts visuels, que les arts plus modernes comme le cinéma, la bande dessinée et les jeux vidéo. Elle  s'ouvre au plus haut point aux contenus d'autres zones géographiques, avec l'ambition de devenir un moyen, à sa petite manière, d'élargir au maximum les horizons.  

Le site peut prévoir, à la fois la présentation d'œuvres originales et d'articles de critique et d'analyse des différentes formes d'art elles-mêmes, avec une attention particulière portée aux formes artistiques-littéraires expérimentales privilégiées par l'outil numérique. La revue annonce également que dans la mesure du possible, les meilleurs contenus de Margutte seront transposés sous forme papier dans une publication à caractère épisodique. 

Pourquoi "Margutte" comme titre d'une revue en ligne?

 

Margutte est un géant nain, écuyer de la "Morgante" de Luigi Pulci, un écrivain du cercle des Médicis, qui a composé l'œuvre en 1478 et a commencé avec elle la tradition de la Renaissance italienne du poème héroïque-comique.  Margutte est au service du paladin par excellence, Orlando – notre Roland. Les deux recueils où il apparaît, imprimés à l'époque aussi indépendamment, probablement sous forme de feuilles volantes, prennent le nom de "Marguttino".

La référence à la figure de "Margutte" se veut une référence aux valeurs de la Renaissance telles que la centralité de l'homme et l'aspiration à l'utopie sous ses diverses formes hautes et basses, entre la Nouvelle Atlantide et la terre de Cuccagna, d'Erewhon à la contre-culture sous ses diverses formes. "Margutte" est née à Mondovì; un centre apparemment mineur, mais qui avait une noble tradition dans l'art de l'imprimerie à la Renaissance, à l'origine de l'une des premières (sinon la première) traditions du livre illustré typographique. L'un des pôles de cette « autre » Renaissance à valoriser et à redécouvrir, enquêtant sur une tradition de contre-culture. Et en s'ouvrant largement aux contenus d'autres zones géographiques, pour devenir un moyen, à sa petite manière, d'élargir au maximum les horizons.

Logo conçu par Damiano Gentili

Le site est divisé en rubriques : 

La valise d'Hermès, sous l'égide de ce dieu, est une partie consacrée aux essais et à la critique littéraire soulignant inspection approfondie d'un texte, sans parler de l'importance de l'hermétisme dans la littérature italienne. 

La voix de Calliopée présente la poésie, le règne de Clio  les récits, le pentagramme d'Orphée est dédié à la musique, et les chambres de Chronos à l'histoire et l'utopie.En particulier, Margutte veut s'intéresser au domaine de l'utopie, de son épanouissement de la Renaissance au débat contemporain. En cela, Cronos évoque aussi les "Royaumes de Saturne", son pendant latin, que les Romains voulaient être le maître d'un âge d'or dont ils attendaient avec impatience le retour. 

On trouve l'art, le théâtre, le cinéma ; la BD, les jeux vidéos... dans l'ambroisie de Dyonisos, les textes expérimentaux et les récits de voyage dans  Les distractions platoniciennes , titre paradoxal dont la rédaction explique le choix  :  

« pourquoi « platonicien » ? En partie, avec un peu d'ironie, c'est vrai pour « utopique », … l'utopie est une caractéristique importante de Margutte. Mais, bien sûr, la référence à Platon est une référence que nous avons voulu inclure comme référence au Monde des Idées, cet espace virtuel hyperuranien que, d'une certaine manière, le web est en train de réaliser. 

Enfin, La vitrine de Margutte , née en 2018, la rubrique accueille chaque mois un article sélectionné par la rédaction parmi ceux déjà publiés, pour lui redonner de la visibilité,  « non concorso », inaugurée en 2020, rassemble les différentes éditions annuelles du "Non-concours" et « progetto Alberro » est l'espace destiné à accueillir tous les articles de l'"Arbre à Projets" publiés à partir de 2017. 

Vivante, variée, ouverte et accueillante , Recours au poème ne peut qu'inciter ses lecteurs à visiter les pages de cette revue, et d'y participer !




Poesia Revelada, revue nomade

"La Poésie s’est endormie dans les livres, les bibliothèques, les librairies, les universités,... Aujourd’hui si un livre de Poésie se vend ne s’agit-t-il pas d’une sorte de petit miracle !?"

Ce sont les mots qui introduisent la présentation de cette revue, qui souhaite "être une des vitrines de ce que peut devenir la Poésie au-delà des livres, des codifications et autres codificateurs, de certains langages poétiques parfois incompréhensibles, de montrer combien la Poésie se révèle quand elle se marie avec les voix des poètes, des images, des musiques, combien elle redevient alors parole fraîche, libre et conviviale."

Faire vivre, entendre, bouger presque comme le bruit du vent dans les feuilles de tous les arbres que nous sommes un peu, appelés ici à nous réunir, car "Ce blog est ouvert à toutes et à tous, dans toutes les langues... Exprimez-vous..."

Et, il faut le reconnaître, la poésie y est vive, colorée, différente mais  réunie dans toutes les langues, toutes les envergures et tous les genres, dans les fenêtres qui s'affichent sur la page d'accueil. Des videos, des photos, des encres, des peintures, de la musique, proposées avec les poèmes... Une mise en scène, en jeu, en abîme parfois, rien de gratuit, mais un tout cohérent et savamment orchestré.

C'est donc l'hétérogénéité qui cimente, mais pas n'importe laquelle, car parfois ne se crée pas un ensemble signifiant, et l'effet de bric à brac clos tout espoir d'aboutir à une globalité, et à la possibilité de voir cette globalité un jour apparaître. Là c'est au contraire une somme en train de se former de mille petits cailloux de formes et de couleurs différentes. Langues, pays, rencontres de divers vecteurs artistiques, tout se croise et s'enrichit.

Photos : Hervé Hette.

Bribes de conversation(s) minérale(s) avec Kenneth WHITE, https://www.poesiarevelada.com/post/l-âme-de-la-roche

Le format des visuels et la belle taille des caractères typographiques offrent une impression d'espace. La qualité des couleurs et des mises en page renforcent cette sensation d'avoir pénétré quelque part, entre un univers virtuel et un espace dévolu à l'imaginaire, celui du poète, du plasticien, du musicien, mais surtout au nôtre car on est habités autant que nous habitons les pages de Poesia Revalda.

Un poème de  Li BÁI (701-762), Poète chinois, un des plus grands de la dynastie Tang, accompagné d'un Azulejo (carreau de faïence) «Pêcheur des Açores» de Christine De Roo (artiste plasticienne) ; un poème et un dessin de Joseph D., un jeune artiste de 6 ans ; des vidéos internes dans de très belle mises en pages ! 

SUL , LUGAR NENHUM, GRAFONOLA VOADORA & NAPOLEÃO MIRA

 

Et puis cette remarquable mise en page du très beau texte de Marilyne Bertoncini, L'Anneau de Chillida, qu'un enregistrement de la poète dont on connait désormais la voix profonde et expressive agrémente grâce au lieu Soundcloud qui clôt l'ensemble.

L’Anneau de Chillida, publié en 2018 à l’Atelier du Grand Tétras – Voix de Marilyne Bertoncini

Une très très belle revue, donc, qui se consacre à la poésie, juste à la poésie, qui est sa seule et unique rubrique. Des instantanés, des univers, des pays et des langues, autour, dedans, avec. Des rencontres, aussi, et surtout, ce qui est l'essence même de tout poème, le partage, qui cimente une communauté, celle des femmes et des hommes pour qui la transfiguration offerte par le travail des mots permis par le poème réunit. La matière textuelle devient visuelle, sonore, sensible, et le poème est offert à tous, dans le simplicité de ce qu'il est, ce lien d'âme à âme.




REVUE PHOENIX — NUMERO 35

Le dernier numéro de la revue phocéenne "Phoenix", livraison 35, fait le tour de l'oeuvre du poète Jean-Pierre Lemaire, proposant entre autres ses inédits de la période "Pandémie", très en prise sur la crise, les gens déboussolés, les villes désertes.

Un bel entretien, mené par André Ughetto, rend clairs les projets d'écriture déliée, les étapes, la place des images bibliques etc.

L'oeuvre lyrique est analysée par Daniel Bergez, "parole lumineuse" de franche humilité, par Geneviève Liautard, , François Deletre... Dans "Le cavalier vert", Lemaire ajuste son regard sur les villes désertées : "Dans le monde dépeuplé l'oiseau du jour dégage les choses une à une de la gangue des siècles". Catherine Fromilhague cherche à percer la "cartographie" de Lemaire, sa "place" poétique, ses "passages" dans les traces proustiennes.

L'éclairage, par Patrick Trochou, de l'oeuvre de D. Grandmont nous rappelle qu'il fut fêté par un numéro ample et mérité d'"Autre Sud".

Un riche "Partage des voix" rassemble des tons et des écritures divers : Arabo, Boucebci, Rannou, entre autres talents.

Je retiens surtout les "sonnets" de Quélen, huit variations cadrées, en quatrains et tercets qui libèrent les formes.

Phœnix n° 35 - Printemps 2021, 192 pages, 14€.

De Karim De Broucker, "Deux poèmes du tabac" : "Enfant, avant de connaître le tabac, je ne pouvais sortir sans avoir bien enfoncé dans ma poche ce que mes père et mère appelaient mes fétiches, je garde en mémoire un petit masque africain servant de pendentif".

De nombreuses lectures (les fameux "Grappillages" d'Ughetto, et des autres collaborateurs). Ce volume de plus de 190 pages est l'expression d'un travail collectif unique autour de la poésie, de la littérature.  Philippe Leuckx




Dans la collection Encres blanches : Gérard Le Goff, L’élégance de l’oubli, Vincent Puymoyen, Flaques océaniques

Gérard Le Goff, L'élégance de l'oubli

Ce voyage dans le temps commence en feuilletant un album de photographies, ou en retrouvant dans une boîte à biscuits en métal peint des images du passé. D'emblée, ces gestes quotidiens sont sublimés, puisqu'on adopte la candeur inquiète de l'orpailleur sur le point de séparer le sable de l'or.

Se dresse alors un portrait de famille, à travers des textes en prose et des poèmes qui parlent des parents et grands-parents de l'auteur. Les souvenirs se confondent parfois avec les rêves d'un enfant qui joue dans des paysages qui deviennent une jungle de haut sainfoin, d'où jaillissaient des constellations de papillons. Dans cette famille humble, le train miniature que le père, marin, ramène de New York devient un morceau d'Amérique. On retrouve aussi le plaisir des jeux d'un âge innocent, où l'on dresse face aux marées des barrages de sable, dans l'espoir de faire face au temps et à la réalité.

Une nostalgie douce enveloppe le récit, qui se termine quand l'auteur entre au lycée et sent que l'enfance venait de s'achever. Il voit alors comment le temps s'accélère, et assiste aux transformations de son environnement -immeubles construits, routes inutiles- pour affirmer : Ils se sont acharnés sur le moindre recoin de mes territoires de songes.

Le style tendre et lumineux de l'auteur reflète parfois l'histoire familiale à travers des objets hérités, comme une médaille de guerre, pour en garder une mémoire étonnée. Il ne s'agit surtout pas de réécrire le passé, mais de nous montrer où se trouve l'élégance de l'oubli à laquelle fait allusion le titre de l’œuvre, afin de mieux nous expliquer comment on façonne les souvenirs.

Gérard Le Goff, L'élégance de l'oubli, Encres Vives, Collection Encres Blanches n°802, novembre 2020.

 

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Vincent Puymoyen, Flaques océaniques

L'auteur nous propose vingt-trois poèmes ou textes en prose à travers lesquels s'établit un contact direct avec la nature. Il nous parle notamment des environs de Brest, où il habite : à l'est le lac saumâtre de l'origine / à l'ouest les confins qui rougeoient déjà. L'Auberlac'h, le phare du Minou, le moulin Blanc sont inondés d'eau et de lumière : c'est ainsi que Flaques océaniques cherche à dévoiler nos liens avec les éléments.

Toutefois il ne s'agit pas seulement d'exprimer ses sensations immédiates, mais d'évoquer aussi nos rapports avec le temps qui nous a construit. En ce sens, le regard inquiet et curieux de l'enfance (Métal conducteur de l'enfance / Argent du plateau lisse / Surface où s'étalent des pans de brume) demeure présent et semble être la colonne vertébrale de la pensée du poète.

Loin d'être un simple observateur, Vincent Puymoyen pose des questions existentielles et tisse jour et nuit pour attraper la note rare, et ne pas oublier que L'âme est le souffle chaud qui remplit la tuyauterie complexe du corps, alors tu deviens bouée, radeau ou steamer, selon ton goût de l'aventure. Sans oublier, tout de même, de prendre garde chaque fois de revenir au port.

Présentation de l’auteur

Présentation de l’auteur




Revue Francopolis, numéro 166

Francopolis, revue en ligne, paraît tous les deux mois, pour cinq éditions dans l'année (relâche en juillet-août), en appelant à toutes les francophonies, et privilégiant la poésie mais pas seulement, raffolant des arts (visuels et autres)...

D'ici un an, elle fêtera 20 ans d'existence ! À travers le numéro 166 de Mars-Avril 2021, c'est le partage du printemps et du renouveau qui est à l'honneur avec une édition spéciale consacrée par ailleurs à  « L'adieu-clarté de Philippe Jaccottet », lecture par Dana Shishmanian de La Clarté Notre-Dame, paru en février 2021, aux éditions Gallimard, dont la dédicataire, José-Flore Tappy parle en ces mots : « Il y a quelque chose de testamentaire dans ce texte. On sent le poète prêt à franchir le dernier seuil, mais aussi vouloir retenir quelque chose – ou se tenir à une main invisible pour ne pas glisser trop vite… le son d’une cloche, le murmure d’une eau vive, un vers de Hölderlin, de Dante ou de Leopardi, un haïku. C’est un vieil homme qui se prépare au dernier voyage. » Véritable madeleine de Proust d’où s’élève ce chant ultime !

Revue Francopolis, http://www.francopolis.net

Temps de la mémoire en prélude à la saison du merveilleux, dont certaines rubriques montrent les horizons, comme la nouvelle de Bibliothèque Francopolis consacrée à Éloge de l’émerveillement de Jeanne Gerval ARouff, livret représentant, toujours selon sa préfacière Dana Shishmanian, « la quintessence d’une œuvre et d’une vie, dans l’expression de leur but ultime : retrouver le regard qui nous regarde quand nous regardons dans le monde… et en nous-même. », quête plongeant ses racines dans la philosophie antique de Socrate auquel on prête l’adage : « La sagesse commence dans l’émerveillement ». Spiritualité d’une démarche aux yeux des poètes, dont les billets d’humeur et aphorismes en réflexions sur notre temps gardent la nostalgie, tels Le temps d’oublier Dieu par Michel Ostertag : « Dieu est sorti de notre pensée, de  notre réflexion, nous sommes entrés dans un temps d’oubli, de lui de ses préceptes. Mais pourra-t-on continuer ainsi indéfiniment ? Le temps d’oublier Dieu est forcément un temps court, donné sur une période calculée. Le tumulte du monde devra s’estomper un jour ou l’autre, la sérénité devra réapparaître pour nous tous, qui ne souhaite pas cela ? Espérons que le temps d’oublier Dieu devienne un vague souvenir dont plus personne ne se souviendra ! » 

Toutefois, sans querelle de chapelles, riche de ses différences, la revue offre autant d’occasions de pérégrinations à la fois célestes et terrestres, comme ceux en quelques haïkus newyorkais, des notes de voyage Dans la ville avide de Mireille Podchlebnik, dans la rubrique pieds des mots « où les mots quittent l’abstrait pour s’ancrer dans un lieu, un personnage, une rencontre… » : « Sous un vent glacial, arrivés sur la 34ème rue par le métro à la station Brooklyn Bridge, nous entamons à pied la longue traversée du pont, nous retournant à chaque instant pour découvrir et admirer la vue à couper le souffle sur ces tours immenses. / Multitudes et contrastes / Dans la ville avide / Un étranger nous sourit ». Appel au départ qui retentit également dans le Raga du voyage, poème de Dana Shishmanian : « Partir juste partir / en rêvant de palmiers / sur une plage déserte / ton corps à l’abandon des flots / d’une marée montante / dissout par le vent / pulvérisé en mille graines / de sable fin / doré sous l’ardeur assagie / du crépuscule ». Vestige de ce grand souffle, Juste le vent… poème inédit de Mireille Diaz-Florian : « Je me suis arrêtée / À l’échancrure du vide / S’ouvriraient ce jour-là / Des pages de sable nu // Derrière moi s’effritait le silence / Des mots / En taille dure / En blessure vive // Je me suis avancée / Au bord de la ligne d’horizon // Un pan entier du ciel avait disparu // Sur la ligne estompée / J’ai vu glisser le vent // Juste le vent »…

Ciel disparu, envers du monde que les plumes de Francopolis n’ont de cesse d’explorer, par-delà les carcans de pensée et les prismes idéologiques, selon la philosophie de la charte dont « L’esprit du multiple » retraduit cet esprit collectif : « Francopolis est ouvert à tous, il ne s’agit surtout pas pour nous de participer à une quelconque entreprise d’uniformisation par la langue, ou d’impérialisme d’une culture unique, mais au contraire d’établir et d’encourager la voie qu’au-delà même de cette langue des façons d’être, de penser et de sentir, ont été rendues possibles, sont rendues possibles ou vont être rendues possibles. » Expansion des potentialités de vie par la poésie, dont la revue, à travers ses diverses contributions, en demeure une charnière ouvrière, des lectures, chroniques, essais, jusqu’aux francosemailles et à la créaphonie, autant de contours inédits d’une création en partage, pour un « voyage cosmopolite » en hautes terres explorées !




L’Intranquille fête ses dix ans

Une revue qui fête ses dix ans, avec un cadeau de Julien Blaine qui sur la page liminaire lui offre un texte anniversaire. Et ce numéro 20 confirme la belle épaisseur que nous lui connaissons. L’Intranquille a su conserver sa haute qualité graphique, mais, encore plus important, le caractère hétéroclite et riche des contenus.

Ce qui d’abord est remarquable c'est que L'Intranquille laisse une belle place aux poèmes, qui ici sont proposés par Céline De-Saër, Laurent Grison, Maxime H. Pascal, Tristan Felix, Philippe Boisnard, Claude Minière, Lenaïg Cariou, Anne Barbusse… Textes en prose, poésie, poésie spatiale, accompagnés ou pas de gravures, encres ou toiles signées Tristan Felix, Pierre Vinclair, Laurent Grison, ponctuent donc ce volume. Les auteurs sont présentés discrètement juste au-dessous, dans un petit encadré aérien tout comme l’ensemble est léger, mais juste grâce à la mise en page, car les textes proposés et les illustrations sont de très belle facture.

Les rubriques rythment la lecture : Le domaine critique est servi Françoise Favretto, Jean Esponde et Jean-Pierre Bobillot... Autant dire que nous retrouvons ces quelques pages avec plaisir, tant pour la découverte guidée de certains recueils que pour la plume de celle et ceux qui la servent.

L'intranquille n°20, Atelier de L'Agneau, 2021, 88 pages, 18 euros.

Les traductions cette fois-ci offrent une appréciable découverte : trois poètes scandinaves, une nourvégienne, Charlotte Vaillot Knudsen, et deux poètes suédois présentés par Marie-Hélène Archambeaud, Erik Bergqvist et Maja Thrane.  Un entretien avec Carole Naggar, et une rubrique Art caricatures où certains découvriront Damien Glez, dessinateur de presse franco-burkinabé qui publie deux extraits d’un recueil de dessins et poèmes à paraître aux éditions La Trace, dans la collection Regard. Enfin, après Denis Ferdinande, Liliane Giraudon, Patrick Quillier, notamment, c'est au tour du  photographe Duane Michals d'occuper  la rubrique Changer d'air/changer d'art. 

Une revue au contenu contemporain, mais pas que. Des extraits de Georges Orwell sont offerts, ce qui laisse supposer de la qualité didactique et critique de ces pages qui mettent en relation toutes les dimensions de l'Art, et toutes ses époques. Ce foisonnement s'enrichit grâce à la juxtaposition des thématiques. Le lecteur découvre, redécouvre, est émerveillé ou interpelé par les articles, les textes, les images. Un très beau numéro donc, pour une revue à qui nous souhaitons encore bien des anniversaires !