Derviche tourneur, revue pauvre et artistique

"Derviche tourneur 1 est une revue protéiforme en devenir qui s’intéresse à la pensée plutôt qu’aux idées, aime les citations plutôt que les répétitions ; si elle tourne, c’est seulement une manière de rétablir le mouvement."

Au titre intriguant, au projet annoncé sur le site associé, répond le format de cette revue de quelques feuillets couleur ivoire pliés comme des origamis, et reçus  par la poste -  en fait, une production bien singulière. On trouve en ouvrant l’enveloppe :

  • Un premier feuillet long, plié en 3 au format A5, contient la carte de visite de la revue « protéiforme » avec l’adresse mail et le site.
  • Une page 30x42 cm pliée longitudinalement puis en 3,
  • Un deuxième feuillet long plié en 3 également.

Au plaisir enfantin de la découverte de ce que cachent les plis se mêle le plaisir de découvrir les textes, dans un désordre relatif, où participent les noms de Guillaume Bordier, Fanny Garin, Anne Duclos, Jean Gilbert-Capietto, Julien Boutonnier et Clément Birouste.

Au revers de la « une », Une « filmographie »  (liste dans laquelle on retrouve bien des titres de notre panthéon personnel) complétée de plusieurs « Rêves cinéma ». Parmi les autres titres des feuillets suivants, « Rêve avéré n°1 », « Défense de pauvreté », « Objets » et « Fragments ».

Le feuillet le plus grand propose une « introduction à l’ostéonirismologie », où je relève cette réflexion qui m'enchante  comme le poème d'Henry Michaux , désirant la caravelle qui l'emporte "Dans les corridors des os longs et des articulations".

 

 Il y a des os. Les os rêvent. Les rêves des os produisent le réel.

Tout ce qui existe est créé par cet onirisme des os. 

.

Anne Duclos, interrogée, a bien voulu nous donner quelques informations sur cet étrange objet revuistique, à commencer par le choix du titre : 

Le nom de la revue vient surtout de raisons purement contingentes et biographiques ; mais la notion de tourner renvoie bien, pour moi, à une fonction essentielle des revues, qui est à la fois de circuler et de mélanger, de donner une forme par le mouvement. C'est en tout cas ainsi qu'on peut l'entendre, et non bien sûr de façon thématique.

En l’absence d’indication sur la revue, pouvez-vous nous indiquer la façon dont vous fonctionnez (rythme de parution, choix des textes, équipe…) ?

Pour répondre à vos questions, le plus simple est de commencer par dire qu'il n'y a pas de fonctionnement ni de régularité. Pas exactement d'improvisation non plus, mais plutôt un suite de projets. Le rythme, si on peut encore le dire ainsi, est très lent : en moyenne un numéro par an. Mais on réussira peut-être à accélérer le processus. La diffusion se fait principalement par abonnement actuellement, mais ça changera peut-être aussi. Il n'y a pas d'appel à texte pour le moment. Nous sollicitons les auteurs avec lesquels on veut travailler.

Jusqu'à présent, il y a eu trois numéros, chacun de format et de nature différentes. J'aimerais beaucoup que ça continue ainsi, c'est en tout cas l'idée de départ. Le numéro deux est constitué de deux affiches par exemple. Mais le numéro trois reprend cette idée : il peut se lire comme un cahier, mais aussi comme trois affichettes indépendantes (d'où le système un peu compliqué des pliages). La dimension matérielle est donc très importante, on essaie à chaque fois de réfléchir à la création d'un objet, mais d'un objet pauvre malgré tout, et en partie artisanal.  Je ne sais pas si on peut parler de typographe, bien que le terme soit très flatteur, mais c'est moi qui ai fait la mise en page de ce numéro. Les numéros deux et trois ont été imprimés en risographie.  C’ est une technique de reproduction qui utilise des pochoirs, comme la sérigraphie, mais permet plus facilement que cette dernière d'imprimer en plus grande quantité. On peut ensuite jouer sur différentes opacités pour créer un effet de trame, ainsi que superposer les couleurs (l'impression étant monochrome : il faut un passage différent pour chaque couleur). Cela dit je n'y connais pas grand chose, je fais faire les tirages par un imprimeur.

Je crois moi aussi que cette notion d'objet pauvre a un sens !

Nous sommes deux à porter ce projet, Christophe Dauder et moi-même. Christophe travaille principalement dans le domaine du cinéma, surtout documentaire. Quant à moi, on peut m'écouter plus que me lire, mais ça n'a (pour le moment ?) pas de lien avec la revue. J'ai encore du mal à décloisonner et rassembler mes différentes activités, même si je pense que les revues, de manière générales, peuvent justement être un dispositif le permettant. C'est particulièrement visible pour les revues en ligne il me semble. En un sens, on pourrait tout à fait renverser le rapport initial et voir dans les revues papier des "objets pauvres" par rapport aux revues numériques !

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Notes : 

1 - (https://revuedervichetourneur.wordpress.com/




Revue Sarrazine, n°18

Revue Sarrazine, n°18, Suis-moi, 2018, dir. Paul de Brancion

 

Décrire le sentiment et un parcours de lecture d’une revue assez volumineuse comme c’est le cas ici, revient à penser en quoi les textes de chacun forment une sorte d’étoile, une étoile au rayonnement multiple. Et cela avec une certaine grâce, car les poèmes, les images, les entretiens dont fait état la publication, se côtoient sur un ton, une tonalité. La revue fait artistement le trait d’union entre le lecteur et l’écrivain, ainsi que les écrivains et les poètes entre eux. Tous ces textes s’arc-boutent conceptuellement, et cela jusqu’à dessiner le portrait de l’équipe éditoriale, voire de Paul de Brancion, tant le ton est uni et harmonieux. 

Revue Sarrazine, n°18, Suis-moi, 2018, dir. Paul de Brancion

Et même si deux massifs textuels se détachent et se distinguent, c’est-à-dire les 28 images accompagnées de courts poèmes de Philippe Guesdon, et les 30 pages de l’entretien de Souytin Naud qui relatent les années d’enfer du Cambodge de Pol Pot où la jeune femme a vécu enfant, ces deux pôles ne dépareillent pas. Il faut simplement accepter de suivre la ramification étoilée qui va de la peinture de la Renaissance à une des tragédies historiques de la fin du XXème siècle, en passant par la poésie toute contemporaine qui est accueillie ici. 

Du reste, si l’on suit le mouvement de ce périodique chronologiquement, si je puis dire, comme je l’ai fait, on perçoit bien comment les poèmes notamment jouent ensemble sur l’aspect graphique, utilisant les blancs, les enjambements, les coupures, les syncopes, méthode approfondie par plusieurs des poètes de la revue. 

Le propre de la revue, si je peux relater mon expérience personnelle de revuiste, c’est de faire cohabiter de l’hétérogénéité. Et avec Sarrazine, les lieux – Belgique, Italie, Cambodge, Canada Innue, etc. - les locuteurs – de plusieurs générations, pratiquant parfois plusieurs arts - les mises en scène de textes ne dénaturent pas le chemin que font les voix multiples de cette sorte de réseau ; d’ailleurs, l’ouvrage ferme presque sur un texte très intéressant à propos de Borges et de son labyrinthe de labyrinthe qu’est pour lui une bibliothèque, ramifiée par des secteurs, eux-mêmes fracturés, étoilés pas des livres. Merci à Paul de Brancion de m’avoir fait connaître sa revue, et sa quête intérieure, mouvement immobile de ces divers voyages littéraires.




L’intranquille de printemps…

Une nouvelle livraison de L’intranquille, ce numéro 16 de printemps n’en finit pas de porter cette revue encore plus loin dans la qualité à laquelle tient Françoise Favretto,  qu’elle porte avec brio et efficacité.

 

Les rubriques habituelles proposent pour ce volume des productions qui s’inscrivent comme toujours dans un dossier thématique qui est pour ce numéro 16 Blessures/métissages culturels. Nous y retrouvons des poètes tels que Julien Blaine, Jacques Demarcq, Clara Calvet ou Patricia Cros, pour ne citer qu’eux.  Les critiques, avec tojours, ne nous en plaignons pas, J.P. Bobillot, Marie Cazenave et Françoise Favretto.

L’ouverture à l’internationale consacre un nombre appréciable de pages aux poètes scandinaves. Ruth Klüger propose des traductions de L. Stroeve, de M. Wignam et de S. Paulet. Ceux-ci sont suivis de poèmes en prose d’Elke Heidenreich, de textes de Mariane Larsen et de Risten Sokki, regroupés dans un article, Du cercle polaire à la Scandinavie… Le traitement du sujet ne décevra pas ! De même les présentations et articles sont toujours plaisants, mais jamais anodins ni récréatifs…! Comme à l’accoutumée un appareil critique et biographique accompagne les auteurs et leurs productions. Le lecteur est donc guidé, discrètement mais efficacement...

 

L'Intranquille n°16, Editions de L'Agneau, Orthez, printemps 2019, 88 pages, 17 €.

Signalons enfin une toute nouvelle rubrique, Changer d'air changer d'art, qui pour la toute première de ses apparitions donne la parole à Denis Ferdinande, à l'occasion d'un entretien avec L'Intranquille. Des thématiques chères à Françoise Favretto, et qui abordent des sujets qui sous-tendent la production artistique de ce début de siècle y sont abordées.

Encore un beau numéro qu'il faut donc saluer.




Le Retour de Mot à Maux

C’est un opuscule que je tiens en main : 12 feuilles A4 pliées et reliées, sous une couverture cartonnée blanche, illustrée d’une photo de Daniel Brochard, qui en est l’âme. Un objet d’une grande modestie – mais en 4ème de couverture s’alignent les noms de 13 poètes parmi lesquels Philippe Leuckx, Patrick Williamson, Fabrice Farre ou Jean-Baptiste Pedini… 

Il s’agit donc d’une entreprise soutenue par des plumes solides. Un petit tour du côté du site d’entrevues((https://www.entrevues.org/revues/mot-a-maux/)) me permet d’en apprendre davantage sur cette revue qui m’est arrivée par la poste avec fort peu d’informations. En sommeil donc, depuis janvier 2007 (avec le numéro 6), cette petite revue se réveille – et si elle l’a fait en septembre dernier, j’ai plaisir à en parler en mars, saison propice à la croissance et à la floraison (en témoignent les jacinthes et violettes qui parfument le balcon depuis lequel j’écris cette note). Dans la brève notice donnée par Daniel Brochard sur le site d’Entrevues, je lis cette profession de foi, à laquelle bien sûr nous adhérons à Recours au Poème :

 Une revue, un souffle, un cri, un engagement, une respiration… »

Mes motivations sont toujours les mêmes : partager l’écrit dans un monde en mal de repères et avide de sens. Faire entendre des voix étouffées par la course sans fin à la consommation. Susciter un débat contradictoire sur la poésie actuelle et la marche de la société. Afin de donner à chacun l’espoir de pouvoir s’exprimer librement et dans la discipline qui nous préoccupe : la poésie. 

Mot à maux, n.7 septembre 2018, 48 p. 4 euros

L’éditorial du numéro 7, paru après un long silence – une maturation aussi, sans doute – s’interroge sur la possibilité de concilier poésie et « vie normale » (je pense à Artaud que nous avons mis en focus de ce numéro) pour les poètes « survivants face au silence d’un monde hostile à nous et à lui-même ». C’est ce thème que développent les participants à ce numéro, dont les poèmes s’accompagnent d’une réponse à la question « pourquoi écrire de la poésie aujourd’hui ? » . « Parce qu’aujourd’hui est une imposture organisée » réponds @rt’felinat, pour toucher/être touché, pense Flora Delalande, ce que Philippe Leucks nomme le « partage (de) l’offrande du monde ». Pour « prendre quart à la vigie du monde » dit Olivier Delaygue qui décrit le poète comme « maître de l’impouvoir » ou encore parce qu’elle exprime « Cohésion, expression, force et indignation » comme l’indique le sous-titre donné par Patrick Williamson à sa réponse… Autant de regard que de pratiques ou de sensibilités : merci à Mot à maux d’apporter sa pierre à ce permanent défi qu’est la poésie – pas seulement écriture, je pense, mais bien mode de vie et regard éclairant -même modestement – sur l’au-delà du réel apparent d’un monde désenchanté. Assez pour avoir envie de donner la parole à Daniel Brochard lui-même en conclusion :

"La revue a été l’occasion de multiples rencontres qui ont nourri mon appétit de poésie et de parole. Tout a été possible grâce à Internet. J’ai trouvé là comme une famille, à travers les liens, les sites, les blogs, les échanges de textes. J’ai appris à stabiliser ma personnalité en créant des liens avec d’autres auteurs. J’ai pu me positionner parmi les nombreuses autres revues. Ceci m’a aidé à construire mon écriture, à me poser la question de son impact. Ce n’est pas comme si Internet permettait de découvrir le monde, mais l’idée est là.

Aujourd’hui, bon nombre de poètes sont référencés sur Internet. Ce passage obligé est un nouvel accès à la culture pour les Internautes, et un moyen d’exister pour les auteurs. Mais mon combat c’est le livre. En poésie, rien ne remplace le mot sur le papier, la sensation de la page tournée, respirée, intégrée à l’âme. Le combat pour le livre est aussi un combat contre l’utilisation abusive du compte d’auteur. Un poète, pour exister a besoin des revues, des éditeurs. L’argent décide bien trop souvent d’une publication. J’ai échappé à ces écueils, mais j’en ai connu aussi la perversité. Défendre le livre, c’est lui garantir une existence pérenne et respectueuse du texte et de l’auteur. Se poser la question de l’importance d’être publié. La revue se met au service de l’auteur pour l’aiguiller dans le monde difficile de la publication en poésie. Comme j’ai trouvé une stabilité et une identité dans ce domaine, j’ai toujours à cœur de renseigner et d’orienter les auteurs débutants qui arrivent à Mot à Maux.

La revue fait appel à tous les poètes, quelles que soient leur expérience, leurs origines. La poésie est transculturelle. Je suis convaincu qu’il s’agisse d’un langage universel, loin des discours formatés et des foules farouches. Je n’ai aucune appartenance politique. Je ne représente aucun mouvement d’idées. Je parle au nom de la liberté du poème, pour lui-même et sa place dans le champ éditorial. La revue est au service de chacun. Il faut se battre pour le message poétique aujourd’hui. Mais cela nécessite une libre pensée, une prise de conscience du rôle et de l’impact du langage. L’implication du poète dans son environnement est fondamentale.

Aujourd’hui Mot à Maux doit grandir. Même s’il n’y a pas de « petite revue ». L’impression est la clef d’une publication. Auteurs, éditeurs, revuistes… Nous avons tous recours au métier d’imprimeur. La revue de 48 pages va effectuer un saut esthétique et devenir moins difficile à confectionner. Jusqu’ici j’imprimais avec de faibles moyens, sous forme de photocopies. Pour les prochains numéros, je ferai appel à un imprimeur capable de me fournir un dos carré collé. Ce sera un tournant pour la revue et la possibilité d’augmenter le tirage. A cette occasion, je compte avoir recours aux abonnements. Je retrouverai une périodicité trimestrielle. Un numéro anthologique hors-série est en travaux. Je garde le même format et le même concept : découvrir et rendre visibles de nouvelles voix, accueillir différentes sensibilités. Confectionner cette revue est un plaisir quotidien… Je suis loin des marchés et des salons. J’ai parfois le sentiment d’être isolé, mais ma détermination est entière : véhiculer la parole, sans aucun dogme, sans aucune contrainte. Je suis émotionnellement lié à Mot à Maux. Elle me ressemble et ressemble à toutes les voix que je mets en avant. L’aventure doit continuer grâce aux lecteurs. Je leur propose de lire un peu de poésie, et cela n’est déjà pas si mal." 

Daniel Brochard

1 numéro, 48 p. 4 euros
abonnement 4 numéros /16 euros

chèque bancaire à l'ordre de Daniel Brochard
9 avenue des Taconnettes

85440 Talmont St Hilaire

brochardda85@gmail.com




Le Manoir disparu : entretien avec Maggy de Coster

Maggy de Coster a assuré toute les étapes de la publication du Manoir des poètes, durant quatorze ans. Seule, elle a été sur tous les fronts d’un bout à l’autre de cette chaîne de production. Le résultat : une très belle revue au contenu riche et varié. Mais elle a été contrainte de cesser d’assurer les numéros de ce fascicule dont pourtant l’existence était, à l’instar de toutes les parutions du genre, nécessaire et salvatrice. C’est parce que ces revues indépendantes existent que nous pouvons découvrir des talents et des noms que nous n’aurions jamais croisés s’ils n’avaient été publiés là. Elles représentent la garantie d’une liberté d’expression et de choix. Nous avons donc voulu connaître les raisons de la disparition du Manoir des poètes. Maggy de Coster nous a accordé un entretien, Nous la remercions vivement.

Maggy de Coster, vous avez dirigé une revue pendant de nombreuses années. Pouvez-vous nous dire quels étaient les thématiques et les sujets abordés, s’il y avait des rubriques dédiées…?

LE MANOIR DES POETES, créé en 2000, fut une revue semestrielle à vocation culturelle, poétique et littéraire. En résumé, une revue de création de format A4 passant de 24 à 64 pages. A l’égal de mon esprit cosmopolite, elle était ouverte à tous les poètes et intellectuels du monde. J’avais fait en sorte qu’elle soit le reflet de ma formation et de ma pratique journalistique.

Cela dit, j’y avais fait place non seulement à des poètes de langue française mais à ceux de langue espagnole, que j’ai moi-même traduits en français, et de bien d’autres langues. C’était une revue éclectique, pluridisciplinaire où chacun pouvait trouver son compte.

Plusieurs prix et grands prix furent également créés. Plus prosaïquement des produits dérivés comme des T-shirts et un parfum avec le logo de la revue avaient vu le jour.

Place y était faite aux jeunes, depuis les classes primaires jusqu’aux lycées en passant par les collèges, avec lesquels je travaillais en atelier d’écriture, en partenariat avec la Municipalité de Montmagny dans le cadre de la Politique de la Ville.

Nombre de revues amies, d’entrée de jeu, saluaient dans leurs colonnes la qualité, l’ouverture et l’éclectisme de notre revue. Ce fut le cas de ECRIRE & EDITER, du COIN DE TABLE, la prestigieuse revue de La Maison de Poésie FONDATION EMILE BLEMON, dirigée par feu Jacques Charpentreau. Ce dernier n’eut jamais de cesse de l’honorer d’une note de lecture à chaque livraison et ce, jusqu’en 2014. Puis Roger Gaillard qui, dans les deux dernières éditions de « L’Annuaire des Revues Littéraires et Compagnie-ARLIT », l’avait répertoriée.  Le Manoir des Poètes fait partie également du fonds de la bibliothèque d’ARPO, une association créée dans le Tarn en 1982 à l’initiative de Jean-Lucien AGUIÉ et de Gérard CATHALA dont le but est « de sensibiliser le public à la création poétique d’aujourd’hui en faisant découvrir et mieux connaître les REVUES DE POÉSIE. ». Il se retrouve même à l’Institut français au Brésil. Bref, c’est une revue qui a connu un rayonnement international en raison de son ouverture. Et pour cause, en 2006, j’ai publié une Anthologie (Le Chant des villes) où figurent cinquante et un  poètes des cinq continents.

Belle aventure que d’avoir créé cette revue dans laquelle sont consignés tant d’écrits en quatorze ans d’existence. Une revue que j’ai réussi à faire connaître un peu partout dans mes pérégrinations en Amérique latine, en Italie, au Brésil, en Suède etc.

Vous avez été contrainte de cesser votre activité de revuiste. Qu’est-ce qui vous a amenée à poser cette grave décision ?
J'effectuais la plus grosse part du travail : depuis la collecte des articles, leur correction jusqu’à la distribution en passant par le rédactionnel, la mise en pages, la logistique, la fabrication. Donc de 2000 à 2014 je portais la revue à bout de bras. C’était un véritable sacerdoce : trop pour une seule personne en fin de compte. Venant à être déficitaire, ça qui m'a obligée à faire du mécénat, j’ai dû passer de la périodicité semestrielle à la périodicité annuelle, et de l’impression offset à l’impression numérique. En plus, je faisais mon travail de traductrice et d’auteure sans oublier ma vie de famille. Je faisais tout cela par amour pour la poésie, pour la culture et par altruisme aussi, car contrairement à beaucoup de revues de poésie qui ne publient que leurs abonnés, je publiais aussi des poètes à titre gracieux. Dans la foulée, j’amenais du baume au cœur de pas mal d’entre eux qui m’adressaient en retour des lettres de gratitude très touchantes. Cela dit, je ne faisais pas de parti pris. Je misais plus sur la qualité. Peu m’importait que je connaissais un poète pour publier sa poésie.  

Pour l’instant, LE MANOIR DES POETES existe en tant qu’association ayant pour but de faire des conférences et de créer des événements littéraires comme la présentation à LA MAISON DE L’AMERIQUE LATINE des auteurs latinos que je traduis de l’espagnol en français et qui sont publiés aux Editions du Cygne. C’était le cas en février 2015 et récemment en octobre 2018 où j'ai présenté  Judivan Vieira, un auteur brésilien, Pedro Vianna (franco-brésilien) et Pablo Urquiza (franco-argentin).

Il y a désormais de plus en plus de revues numériques… Pensez-vous que celles-ci soient différentes des revues papier en terme de mise en œuvre et de réception ? Y percevez-vous une transition ou bien une mutation de support et peut-être de contenu ?
Les revues numériques valent autant que les « revues papier » du point de vue qualitatif, je le dis pour être à la fois membre du comité de rédaction et du comité scientifique d’une revue universitaire publiée tant en version numérique qu’en « version papier » http://www.pandesmuses.fr. Mais la différence pour la version numérique c’est l’absence du coût d’impression et de tout ce qu’implique la distribution physiquement ou logistiquement. Avec le numérique, il y a absence d’investissement financier et gain de temps sur le plan personnel.
Cependant c’est plus pratique de faire la promotion d’une « revue papier » car il y a l’aspect matériel, palpable et tangible, qui n’existe pas en matière du numérique ; il y a de la sensualité dans le fait de toucher le papier, d’en apprécier la qualité, le grain dont on est privé en ce qui concerne une revue numérique. Il y a encore des gens qui résistent à lire plusieurs pages d’écran sous prétexte de fatigue oculaire ou par manque d’habitude.
Pour répondre au deuxième volet de votre question, j’ose penser que le numérique est une alternative économique non négligeable en matière de pérennisation d’une revue d’autant qu’il a pour avantage la gratuité de la lecture de cette dernière. Mais cela ne réduit pas le temps de lecture même si en un clic on peut envoyer un lien à un destinataire qui peut également l’ouvrir en un clic. C’est vrai qu’en matière de communication de masse le canadien, théoricien des médias Herbert Marshall MacLuhan proclame « Le message c’est le médium », mais je n’ai pas assez de recul sur ce nouveau médium qu’est le numérique pour mesurer son impact réel sur le contenu d’une revue numérique. Je pense plutôt à la fidélisation du lectorat par le contenu de la revue : si le lectorat est bien ciblé, la réception de la revue sera la même, peu importe le support. Là, c’est la journaliste de formation qui parle.




Poésie-première 72 : l’intuitisme

Toutes les facettes de « l’étonnement » - à entendre au sens fort qu’il avait dans la langue classique où étonner signifiait « ébranler comme par la force du tonnerre » - voilà le menu de cette livraison de Poésie/première qui sert, on le voit à la lecture, une poésie et une réflexion destinées à secouer, surprendre, ouvrir aux yeux et aux cœurs du lecteur/poète une réalité transcendant l’expérience quotidienne d’un réel homologué par la raison, et bridé par une langue servile et cloisonnante.

C’est donc fort justement par un dossier d’Eric Sivry sur que s’ouvre ce numéro : l’auteur est le fondateur, avec Sylvie Biriouk, du mouvement « intuitiste »(( Recours au poème a annoncé en février le colloque  tenu à l'université de La Sorbonne : https://www.recoursaupoeme.fr/actualites/journee-detude-internationale-laventure-intuitiste/ )), officiellement né le 2 septembre 2000.

 Poésie/première, poésie et littérature, n 72, « L’étonnement toujours » - dossier : l’intuitisme. décembre 2018, 112 p. 16 euros. (trois numéros par an, https://www.poesiepremiere.fr/poesie-premiere.html

Un mouvement littéraire, au siècle de « l'après littérature », n'est-ce pas une gageure, quand il semble que tout ait déjà été écrit, que toutes les pistes esthétiques, formelles... aient été explorées ? Eric Sivry réfute l'argument et distingue ce mouvement particulier de la démarche philosophique intuitionniste de Kant ou Bergson, qu'il cite comme étant proches, tout en revendiquant la singularité de la démarche intuitiste, et en évoquant poètes ou peintres dont l’art dans le passé même allait déjà dans ce sens (Coleridge, Rilke, Char… Gao Xingjian et j’en passe) sans qu’ils s’en revendiquent, évidemment. Il s'agirait donc, me semble-t-il, de donner « corps » à une façon de créer préexistante et jusqu'ici sans statut (sauf peut-être celui – éculé - de « l'inspiration » et du souffle des Muses).

Après un instant de brève réticence, il faut constater que la définition proposée de la démarche en fait un espace de totale liberté et décrit l’intuitisme comme un mouvement à la structure fluide revendiquant « un art de la sensibilité s’exprimant avec une spontanéité qu’il n’est possible d’obtenir qu’après un long travail. Cessons de penser l’art comme une intention » , valorisant par ailleurs la porosité des passages entre les genres (ainsi évoque-t-il la « nouvelle épopée » vers laquelle tendent les artistes adhérant à ce mouvement, épopée qui se définit entre autres par le mélange intuitif des types de vers, le règne de l’intuition, l’insertion de l’intime et de l’autobiographique dans l’épique, l’alternance du surnaturel et du réel) autant qu'entre les différents arts – peinture, sculpture, cinéma... - auxquelles s'ajoute la traduction, pour une fois érigée en pratique artistique élargie à une conception transdisciplinaire (fait-on d'ailleurs jamais autre chose que « traduire » lorsque l'on crée, ou communique ?) Et toute œuvre, élaborée au cours d’un dialogue (plus ou moins conscient) entre auteurs et pensées qui s’enrichissent mutuellement – fondant ainsi la possibilité d’un espace « pluriartistique » ((voir aussi https://intuitisme.wordpress.com)) cette traduction élargie n'est-elle pas d'une certaine façon aussi une forme de commentaire, ce genre trop souvent négligé, et pourtant plus important qu’il n’y paraît dans l’histoire littéraire, auquel l'intuitisme redonne enfin la place qui lui revient,

L’article en outre fournit une liste d’artistes ayant rejoint le mouvement, ainsi qu'une sélection de poèmes intuitistes, ce qui permet de mieux cerner ce qu’il recouvre.

Le dossier se complète d'une série de contributions parmi lesquelles je retiens l'article d'André Wexler donnant sa définition de la poésie comme « œuvre de connaissance » dégagée de la pensée discursive : « la poésie comme toute forme d'art doit donner à voir, entendre,toucher, sentir, goûter» les choses elle-mêmes, en dehors de la langue « tyran » dont il faut se dégager, qu'il faut se réapproprier pour retrouver une « harmonie naturelle » qui dépasse le diktat de l'ordre - article auquel fait écho un entretien de Jacqueline Persini avec Pierre Soletti, poète-performeur, intitulé « Dans le vif de la vie, un poète », où l'interviewé se définit humblement comme « oeuvrier : celui qui œuvre et crée comme un ouvrier », tout en valorisant la puissance du collectif dans cet « oeuvrage ».

On citera aussi l'article de Gérard Mottet dont le titre « L 'Inattendu » sert de couverture à ce numéro : il y déclare que l'écriture de la poésie est « transmission de l'étonnement » non pas face aux objets que décrivent les sciences, mais plus profondément, ces choses qui « ne sont pas claires » et pour lesquelles « le poète nous laisse entrevoir quelque unité cachée, quelqu'invisible profondeur, là ou la logique aussi bien que la prose quotidienne, demeurant à la surface des choses, s'évertue à distinguer, à dissocier, à opposer. »

On ne s'étonne pas d'y lire aussi - tous abondamment illustré de citations - un portrait d'Anne-Lise Blanchard en « poète nomade » au travers d'une lecture par Guy Chaty du recueil Le Soleil s'est réfugié dans les cailloux, celui d'Albert Strickler, « poète des cimes » selon Ludmila Podkosova, et une analyse de Démembrement, d'Emmanuel Merle par Murielle Camac, où l'on retient l'attention portée à la mémoire et à l'acte de « nommer".

Cette riche livraison présente aussi le travail d'Eva-Maria Berg à travers l'un de ses poèmes de combat pour la mémoire de l'Holocauste, présenté par Martine Morillon-Carreau (travail dont Recours au Poème se fait régulièrement l'écho) ainsi qu'un florilège de poètes connus ou débutants dont le choix séduit, mais aussi une nouvelle (rubrique récurrente) et une belle sélection de notes de lectures.

Il ne reste plus à nos lecteurs qu'à se procurer ce numéro.




Revue Teste XXX : Véhicule anonyme

Un numéro inédit, inouï, digne du beau talent de Teste, confirmé ici par ce numéro XXX, un Véhicule anonyme... Entendons par là que les poèmes qui se distribuent au gré des grandes pages du volume ne sont pas signés. Tout le monde la même croix pour patronyme, et voilà ! Ce que rêve de faire tout auteur qui se respecte, s'effacer de la couverture, pour la rendre plus légère, pour confier le poème à la sobriété de réception que pourrait lui conférer l'effacement de l'ego, Le collectif  Teste l'a fait... En soutien et annonce cette exergue  de début de numéro : 

 

Qui eût vu Fragilité
Ayant sa tonne débondée
Dans le cul de la Vanité !
Ceux qui disent blanc pour noir
S'en sont fort bien acquittés.

ANONYME Les Fatrasies d'Arras

 

Qu'il s'agisse d'une épigraphe allographe est douteux.  J'y verrais plutôt une citation autographe, signant ainsi par son invention de la main du Collectif une annonce qui vaut préface et art poétique...

Quoi qu'il en soit, dans ce numéro XXX dédié à Alain Robinet avec un remerciement pour sa participation au précédent numéro, "Acronymes = tous anonymes",  l'édito nous propose après une définition du mot "ANONYME" tirée du petit Robert, un topo sur la figure auctoriale, avant de laisser place aux poèmes.

 

Revue Teste XXX, Parole d'Auteur, Toulon, printemps 2018, 10 €

Numérotés de XI à XXXX, des textes très différents les uns des autres se suivent, sur des pages d'une belle qualité. Une dispositif iconographique participe de cette belle allure. Un plasticien dont on connait la paternité des gravures choisies pour accompagner l'ensemble. Son nom est caché dans le bas de la sixième page. Il s'agit du talentueux Sacha Stoliarova. Teste est ainsi qu'il est énoncé sur la quatrième de couverture, "une revue trimestrielle dont l'objectif est de permettre la découverte et la promotion de la poésie et des arts visuels". 

Le lecteur peut lire les poèmes dans un état d'esprit inédit, à savoir qu'il reçoit les fragments sélectionnés hors de tout horizon d'attente quant à une oeuvre et un auteur connus, déjà lu, vu, appréhendé. Le jeu va même jusqu'à essayer de deviner, car  immanquablement survient cette réflexion : "tiens, on dirait...". Il faut dire qu'on a eu droit au jeu du sommaire, en page 7 : Il s'agit de relier "chaque auteur au chiffre de son texte/poème"... Et quels auteurs, parmi les plus talentueux... Julien Blaine, Charles Pennequin, James Sacré, Sylvie Niève, et bien d'autres comme Philippe Jaffeux !

Alors, Teste nous présenterait-elle comme il est écrit dans l'édito un "seul et même Auteur multicéphale " ?  Pour ma part, je sais que non, car j'ai la solution de la devinette du Sommaire...! Que l'on se rassure, elle accompagne chaque numéro, mais sur une feuille volante, pour ne tenter que les irréductibles.




La lettre-mail “Vous prendrez bien un poème ?”

Comme une revue en miniature  (pas plus d'une page - et d'un poème -  à la fois ), la "lettre" hebdomadaire de Françoise Vignet, joliment intitulée "Vous prendrez bien un poème ? " et illustrée de la jolie photo du pont du Jardin Japonais de Toulouse,  fait circuler la poésie contemporaine de façon moderne, via mail, à son réseau d'abonnés,  en toute simplicité :

nous lui donnons la parole.

"Vous prendrez bien un poème?",
feuille
 hebdomadaire gratuite
par abonnement à  
framboise.bergelle@gmail.com

 

 Vous prendrez bien un poème ?  est né d’un désir inachevé, il y a huit ans. Fraîchement installée à l’écart du monde, je disposais de temps libre : il m’est apparu naturel de partager les poètes que j’aime, ceux qui m’ont formée - partager et découvrir- puisque la poésie n’a jamais cessé de m’accompagner, plutôt en secret. Aussi ai-je commencé en janvier 2011 avec les amis anciens, les amis voisins, les amis familiaux, les compagnons de voyage – peu nombreux mais divers. Là où je vis, des lecteurs se sont ensuite présentés. Et la Toile m’a permis de joindre tout le monde, sans frais ni retard.

Très vite, pour suspendre le temps…

La formule initiale, toute simple, n’a pas varié. Un titre sans façon. Une totale gratuité, qui me laisse ma liberté. Une démarche à l’inverse de celle du blog,  puisque le poème vient se glisser dans la boîte aux Lettres du lecteur : intimité assurée. Un poème adressé « au visage » et non en dossier joint : présence immédiate. Une fréquence hebdomadaire, qui donne à la Poésie sa place au fil des jours. Un format réduit, qui facilite la lecture : le « morceau choisi » ne dépasse pas une page, en principe, mais un même auteur est diffusé à tout le moins pendant deux semaines consécutives : ainsi peut-on goûter (mise en bouche) davantage son écriture. Un souci de rigueur, puisque seuls sont diffusés des poèmes publiés en revue ou édités à compte d’éditeur, bien tangibles en leurs feuillets, assortis de leurs références. Une exigence de qualité, qui privilégie le plus souvent la poésie contemporaine d’expression française … sans exclure bien des pas de côté (côté cœur), dans l’espace et dans le temps.

Quant au choix, autant dire que c’est le poème qui me choisit. Le « hasard » a sa part, l’heureux hasard, avec/malgré son « coup de dés »… J’agis par « plaisir », celui « du texte ». Ce qui n’est pas futile (et quand bien même ! …). Un lecteur a suggéré, il y a quelques années, de participer aux choix : ainsi est née la  Feuille Volante, ouverte à tous, qui, le 15 de chaque mois, accueille un poème aimé par un lecteur.

En février 2011, après seulement trois « envois » (deux poèmes de Judith Chavanne et des haïkus pour le Nouvel An lunaire), les lecteurs ont réagi si généreusement que j’ai rassemblé leurs propos dans un Courrier des lecteurs N°1,  Courrier  qui perdure à ce jour. Leurs retours - réactions aux poèmes, informations poétiques ou artistiques, envois de textes - ajoutent à cette circulation de la parole du poème une épaisseur humaine, une résonance singulière, réconfortantes. Ce sont des êtres qui ont « de l’amitié envers la poésie », selon l’expression de Gaston Puel, qui se pencha avec bienveillance sur le berceau de Vous prendrez bien un poème ?

Multiples et celles de L'Arrière-Pays, notamment, ont amené nombre de lecteurs. C’est dire que le lectorat de Vous prendrez bien un poème ? (une centaine environ, répartie dans l’hexagone et quelque peu au-delà), est varié – ce qui est tout à fait précieux, parce que cela lui confère une énergie et une saveur particulières.

En mai 2012, une Anthologie permanente, dont les accès sont privatifs, a vu le jour. Ainsi chaque lecteur, quelle que soit la date à laquelle il s’est abonné, peut-il découvrir ou relire tous les textes, à son gré.

Lors du premier anniversaire, le 6 février 2012, ces mots me sont venus :

« En ces temps de disette et de galimatias, ce que j'aurais à dire tiendrait en peu de

mots : JOIE à découvrir le poème, JOIE à le partager. (…) ».

Huit ans après, ils sonnent toujours juste.




Revue L’Hôte

L’Hôte est une nouvelle revue mensuelle créée par Didier Ayres. Elle allie l’esthétique à un contenu raffiné, précieux, remarquable, tout comme l’est la couverture argentée sur laquelle un titre élégant chapeaute le paratexte, « Esthétique et Littérature ». Le numéro de la revue soutient le tout et fait office d’illustration. Une thématique pour ce volume sept : « De la nature »… Nous avons donc en main un concentré de qualité, tant la légèreté du volume se conjugue avec celle de son esthétique. Malgré son petit nombre de pages, cinquante ce mois-ci, à la lecture rien ne dément ces premières impressions.

 

L'Hôte n°7, De la nature, septembre 2018,
Saint-Junien, 51 pages, 5 euros.

Les articles sont en effet signés par des noms qui ne sont pas inconnus des lecteurs de revues littéraires : Yasmina Mahdi, Gabrielle Altehn, Jean-Paul Gavard-Perret, Bernard Grasset, Gérard Bocholier, Chrostophe Stolowicki. Ces critiques n’ont plus à faire leurs preuves et on connaît la densité de leurs analyses. Ils nous éclairent immanquablement et nous préparent à une lecture avertie, à une compréhension plus fine des auteurs et de leurs productions. Ils nous offrent ce savoir faire dans L’Hôte ! Après l’Edito signé par Didier Ayres, on ne sait pas où commencer tant on a hâte de découvrir les articles…

Parmi les rubriques qui soutiennent le fil des publications de cette revue, des titres qui annoncent l’orientation du contenu rédactionnel : opérer un synchrétisme artistique, en convoquant toutes les formes d’expression : le cinéma, l’histoire de l’art, un contenu iconographique de grande qualité, des poèmes, y compris des traductions d’auteurs méconnus car éloignés de notre horizon littéraire…

A ces rubriques répondent des contenus complémentaires. Un dossier, ce mois-ci signé Brigitte de Bletterie, qui aborde la thématique annoncée : « Le Jardin pour apprivoiser la nature ». Puis une présentation circonstanciée des auteurs convoqués.

Un Hôte chez qui on aime séjourner un long moment ! Saluons donc cette revue qui se démarque grâce à sa belle allure, à la qualité des articles proposés, et à son prix modique, cinq euros ! Il y a là de quoi s’émerveiller, s’interroger, réfléchir sur les sujets abordés, enrichir nos connaissances et ravir le regard. Souhaitons à L’Hôte une longue vie !

Site internet : http://revuelhote.wordpress.com/




La Lettre sous le bruit

Cette revue (littérature, arts, idées) a été conçue, en 1992, comme un acte politique, son titre le dit  - j’écrivais dans l’éditorial du premier numéro : 

Il y a du bruit. Il y a beaucoup de bruit. C’est-à-dire un formidable silence sur le fond.

Un acte de résistance, avec ce petit moyen, ridicule et nécessaire : 4 pages A4 photocopiées - parfois même 6 ou 8 !... Par lassitude, j'ai mis fin à cette publication en 2002, après 57 numéros. J'ai repris la parution en 2011, au format numérique : il s'agit d'un simple PDF que j'adresse gratuitement à qui le désire ; je ne souhaitais pas me lancer dans les contraintes techniques d'un blog et encore moins d'un site (Je vous salue d'autant plus admirativement d'avoir conçu Recours au poème qui est de très belle teneur, vivant, divers, et très élégant). Voilà. J’essaie de faire ma part. Ma part de résistance. Au brouillage du tout se vaut et du tout est culturel, à la marchandisation de l’humain, à la mise en compétition des êtres.

J’ai conçu dès le début La Lettre sous le Bruit et la conçois toujours sans aucune ligne directrice. Je sollicite des écrivains. Mais aussi je reçois des propositions de contribution, que j'accepte si elles me disent quelque chose (c'est-à-dire si je sens qu'il y a véritablement quelqu'un dans le texte, une nécessité de la personne à avoir écrit cela), même si je ne partage pas nécessairement totalement le propos ou que je trouve des faiblesses - c'est aussi je crois le rôle d'une revue de donner une chance à une écriture non encore forcément aboutie mais qui comporte en elle des promesses. 

La parution est aléatoire, afin que je ne me trouve pas contraint de remplir les pages coûte que coûte. Je sors un numéro quand j’ai la matière. La revue est numérique, même si je la préférerais sur papier, mais cela permet une diffusion rapide, gratuite et plus nombreuse, ainsi que la création de liens informatiques vers d’autres contenus. J’essaie de limiter le nombre de pages à une dizaine désormais car je trouve la lecture sur écran très rapidement lassante et pénible. Le numérique n’est donc pas un vrai choix, je compose avec cette contrainte. 

Mon travail pour cette revue fait partie d'un ensemble : écrire, être publié, lire en public, organiser des rencontres-lectures, rencontrer des lecteurs, rencontrer de nouveaux auteurs, maintenir des liens avec d'autres, publier leurs textes. Tout cela comme une énorme contradiction que j'apporte au solitaire sauvage que je suis !

Le numéro 39 est sorti !