PHŒNIX N° 38 – GIANNI D’ELIA

« Delusione ? Il est malaisé de transformer la désillusion en force stimulante. » : c’est sur cette interrogation sous la plume du rédacteur en chef, Karim De Broucker, que s’ouvre ce Numéro 38 de la revue Phœnix. Son dossier élaboré par Franck Merger et Luigi Sanchi consacré au poète italien Gianni D’Elia fait le lien entre l’héritage de la pensée de Pier Paolo Pasolini, écrivain du célèbre article du 1er février 1975 d’ Il Corriere della Sera ré-intitulé « La disparition des lucioles » et le réinvestissement de la critique de Georges Didi-Huberman, auteur de l’ouvrage philosophique titré, quant à lui en écho, « Survivance des lucioles ». Comme si le passage des « illusions perdues » résonnait en exhortation à reprendre le flambeau de l’écriture, ce à quoi s’est toujours appliqué le disciple pasolinien Gianni D’Elia dans la fréquentation de l’œuvre du maître avec lequel il a partagé les luttes sociales des années soixante-dix, ce qui n’a jamais empêché chez lui par ailleurs l’ouverture au présent, à l’accueil, à la rencontre.

Réitérant sa question en présentation : « Mais enfin, à quoi ça sert, la Poésie ? », Franck Merger donne quelques clés au lecteur : « On glanera dans ce dossier quelques éléments de réponse : à ressentir, à exprimer avec un langage particulier et à faire ressentir ce qui autrement serait au mieux froidement analysé ; à créer une communauté humaine unie par une expérience et un langage communs ; à unir les vivants à leurs morts et à leur présent ; à permettre qu’adviennent la musique ou un peu de silence… »

À cette « communauté humaine », les pages suivantes dévoilent l’entretien précieux de Gianni D’Elia et Luigi Sanchi, traduit par ce dernier. Elles évoquent tant la naissance de la vocation littéraire que les lectures fondatrices, la conception propre à l’auteur de la poésie, le travail de l’écriture, les engagements politiques et les expérimentations stylistiques… Tel « Un incroyable cadeau », le texte qui l’accompagne n’est autre que la traduction par Filomène Giglio d’un entretien que Gianni D’Elia donna en novembre 2015 au journal Il Resto del Carlino. Il révèle l’importance d’une photographie extrêmement chère à celui qui l’a reçue, trouvée « dans le portefeuille de Pasolini le jour où il a été assassiné »… Le témoignage de la liaison entre Ninetto Davoli et Pier Paolo Pasolini, tel un cri d’amour dans cette nuit atroce !

Revue Phoenix - N° 38, hiver 2022, 14 €.

S’inscrivant ensuite dans La littérature de ma patrie, la Brève rhapsodie civile de l’Italie Poétique d’après Dante, Campanella, Leopardi, Saba, Pasolini et Roversi démontre comment depuis le mythe du combat entre les frères Romulus et Rémus, l’Italie dès lors « fratricide » a été jusqu’à présent incapable d’une révolution véritable qui supposerait une destruction de l’ancien, autrement dit un « parricide », mais le poète italien ne renonce pas cependant à « L’écrin du rêve » : « Pourtant, nous avions un rêve, / non seulement jouir / du jour présent, mais / la joie aussi de le partager avec les autres, / avec les compagnes et compagnons de lutte, / tu te souviens ? » Signe également d’un compagnonnage artistique, la Lettre à Gianni D’Elia de Mario Richter fait vibrer la formule affectueuse de son adresse en fraternisation véridique : « Très cher Gianni, ». Reprenant par la suite à son compte la question initiale, Filomène Giglio se demande à son tour : « Mais enfin, à quoi ça sert, traduire la Poésie ? ». Elle sous-tend sa volonté de « ressentir, penser, tisser : traduire la poésie de Gianni D’Elia ». Enfin, le dossier s’ouvre sur deux poèmes inédits de Gianni D’Elia, traduits par Filomène Giglio et Franck Merger, faisant de la figure du « Poète » « Le versificateur / Du futur antérieur » et évoquant comment « La musique du temps » « Ramène à l’inachevé… »

Dans le « Partage des voix » entremêlant paragraphes en prose et strophes en vers,  Fabrizio Bajec, Marilyne Bertoncini, Alain Brissaud, Aodren Buart, Alain Fabre-Catalan, Christophe Forgeot, Christophe Frionnet, Myrto Gondicas, Bernard Grasset, Pierre Landete, Claude Tuduri  tissent les fils  de leurs textes respectifs…  Ainsi dans deux poèmes, « Poète-cormoran », en hommage à Tristan Cabral, et « Palingénésie », sur les œuvres croisées de la sculptrice Michèle Brondello et du peintre  Marcel Alloco, Marilyne Bertoncini interroge la matière des œuvres – mots, plâtre ou toile – et son impact sur la création artistique et sa finalité : « La toile panse-t-elle aussi l’imperfection du monde ? »

 Exploration également des arts plastiques, la prose poétique de Bernard Grasset questionne la démarche d’Aurélie Nemours, en empruntant des citations à ses écrits pour nourrir sa propre pensée, sondant l’énigme de la création : « « La vie est dans l’être ». Nuit et lumière. De l’éclat du silence jaillit le sens. Jour de fête, de calme allégresse. L’expérience a le sceau du brasier. Pureté du ton, encre de l’aurore. « Il faut choisir le mystère. » »

Quête d’absolu qui anime également le parcours de Maryse Gandolfo avec Gérard Neveu dont Louis Rama donne « Éclairage » de « La correspondance inédite de deux jeunes poètes – Une découverte », de 1943 à 1944 ! D’abord sa correspondante émerveillée, avant de devenir la compagne et la collaboratrice du peintre Pierre Ambrogiani, pendant 14 ans, puis collectionneuse d’œuvres d’art, elle s’affirme non seulement figure marquante du monde de la peinture à Marseille mais encore et avant tout poète ! En témoignage de cette première rencontre qui restera néanmoins amour idéalisé de Gérald Neveu pour sa jeune égérie, Maryse Gandolfo compose des poèmes ratifiant leur histoire commune et traçant dans ce dernier un chemin nouveau, celui d’un salut possible au-delà de la séparation envisagée : « les désespoirs sont inutiles / une autre Vie / une autre Ville. »

Invité des « Voix d’ailleurs », Umberto Piersanti, présenté par Cristina Bizzarri, et traduit par Monique Baccelli, dont les thèmes de prédilection sont d’une part, le temps différent, et d’autre part, les lieux perdus. Du moment magique de la contemplation d’un paysage après l’ascension d’une montagne à celui d’un retour à un lieu de mémoire, chargé de l’histoire tant familiale que personnelle du poète, son écriture condensée à l’essentiel semble graver, dans certains des poèmes choisis, l’instant crépusculaire, le soir d’une vie, ce retour aux racines : « ce sont les arbres secs, / douloureux, / seul qui a longtemps souffert / dans la vie / revient toujours ici / et tourne autour / avant que le soleil ne descende / et obscurcisse tout »...

En écho dédoublé, en double « génie du lieu », à juste titre, « Génie d’Oc », François Bordes propose dans « NOIR DE NUIT » le portrait en miroir de « JOË BOUSQUET PAR JACQUES HENRIC » : « Le Sud. Aux confins de l’Occitanie, à quelques kilomètres des terres catalanes. Départementale 627. Un homme du Sud conduit, seul dans la splendeur. » : cet homme, c’est Jacques Henric. Il aperçoit « la lointaine masse des Corbières » : « Pays ascétique et pur, mystique et hérétique, dissident en diable qui a porté et vu vivre l’un des plus grands poètes du vingtième siècle » : cet homme, c’est Joë Bousquet, « l’homme foudroyé, frappé par une balle sur le champ de bataille en 1918. », « l’homme fracassé, le poète à la colonne vertébrale brisée, au sexe inerte qui pourtant, envers et contre tout réinventa un art de dire et de vivre l’amour. » Double visage dans la traversée de cette nuit d’errance au cours de laquelle Jacques Henric verra également sa vue se voiler avant la guérison du regard, nuit commune, nuit en partage, nuit complice annonciatrice de la levée du soleil, œil réparateur !

Aube sur les presqu’îles d’une parole en « Archipel », les « Sporades » : Pascal Gibourg, « Besoin d’envol » où remonte sans cesse cette parole naissante : « Les mots viennent d’un lieu incertain, telle une eau souterraine, une source inexpliquée. »,  Jean-Paul Rogues, « La neige au crépuscule » où l’expérience glissante au soir qui descend rend cette même parole rare : « Il est alors très dur de se mettre à parler, de retrouver les mœurs d’un langage qui semble en état de fabrication à côté de la consistance terrible des choses. », Katia Bouchoueva, « Petites criques de charme » où l’auteur confie : « J’y ai trouvé aussi de courtes et belles / paroles dans les platanes / deux petits oiseaux perdus (à qui ? à vous ?) », Maud Thiara, « Tu écris sur toile à cerf-volant » où s’entend « ta langue de pierre / où muer peut-être », Anne Mulpas, « Ciel-qui-lit (lecture de Juin sur Avril de Elke De Rijcke) » où l’on perçoit : « L’émotion tisse les fils de la pensée. »

Jacques Lucchesi, en critique d’ « Arts », se livre, quant à lui, à un panorama de trois expositions récentes : Hôtel de Caumont : Raoul Dufy et l’ivresse de la couleur, Art-O-rama, 16ème édition, Vues sur la mer au Musée Regards de Provence, où la sagacité du jugement se conjugue à l’élégance du style, tandis qu’André Ughetto s’exerce au « Grappillage N°7 » rendant tout le suc de sa récolte en grappillant des ouvrages récents : Arnaud Villani, Petites vignettes érotiques, chez Unicité, L’Exigence de la chair, poèmes de Nathalie Swan, aux éditions de Corlevour, Dits de la pierre, de Bernard Fournier, chez La Feuille de thé, et enfin, Vers l’apocalypse, de Jean-Luc Steinmetz, au Castor Astral… La revue PHŒNIX N°38 s’ouvre alors aux diverses autres « Lectures » par leurs multiples lecteurs avisés : Etienne Faure, Gérard Blua, Philippe Leuck, Murielle Compère-Demarcy, Michel Ménaché, Franck Merger, Karim De Broucker, Nelly Carnet, Anne-Lise Blanchard, Jean-Pierre Boulic, Nicolas Rouzet, Claude Berniolles, André Ughetto, Nicolas Jaen, Lénaïg Cariou, Anne Gourio, Charles Jacquier, Jean-Paul Rogues… À travers cet amour partagé de la poésie, ouvrons encore le partage par la formule conclusive de l’avant-propos de Karim De Broucker : « Difficile de pratiquer la poésie sans amour, ou d’aimer sans poésie… Paul Éluard lui aussi voyait les deux ne former sur ces cartes que le flux d’un unique océan : « L’amour la poésie ». »

 




Machinations pour un dernier opus : FPM hors série

Jean-Claude Goiri l'a annoncé, voici le dernier numéro de FPM, revue littéraire exclusivement réservée à la création contemporaine, dont la première publication  date de 2014.

FPM, Festival Permanent des mots, est une revue de création littéraire dans laquelle les auteurs jouent avec les cadres, les tabous et les normes afin de convoquer un monde où le mot est une arme d'insurrection pour la connaissance de l'autre et de soi.

La poésie, l'art et la philosophie nous permettent une révolution intérieure radicale, une trans-formation, qui nous fait accepter ou refuser nos aliénations intimes et collectives, sans notion de bien ou de mal, simplement pour s'affirmer ou s'effacer devant l'inévitable "autrui".

Alors : Nous topographions nos territoires afin d’en abolir les frontières. Parce que rencontrer l’autre, c’est se soulever tout à fait.

Le sommaire de ce hors série papier, le dernier, propose des voix très différentes : Olivier Bastide, Tom Buron , Luigi Carotenuto, Sébastien Cochelin, Sandrine Davin, Brigitte Giraud, Alain Henri, Jacques Cauda, Jacques Sicard, Muriel Modély, Myriam OH, Pierre Rosin, Fabrice Schurmans, Jérémy Semet, Perle Vallens, Corrine Le Lepvier pour les images et les collages...

Habituellement publiée en format numérique sur Calameo, nous avions oublié l'allure incroyable de cette revue lorsqu'elle s'habille de papier, ici en noir et blanc,  format A5, imprimée sur de l'ivoire 90g. Ce dernier  numéro montre ce dont Jean-Claude Goiri est capable, lorsqu'il s'agit de créer des livres. Car les livres, chaque livre, tous les livres, toutes les publications qui portent le sceau Tarmac, sont beaux. Mais il ne s'agit pas de beauté consensuelle, mais d'une singularité remarquable.   Ils font sens, allient l'image aux pluralités sémantiques jamais figées de toutes les acceptions possibles des textes publiés. Ici, donc, comme ailleurs, cette dernière éditions de la revue FPM, Machinations, est belle de tout ceci.

"Beaux" également les nombreux textes qu'elle propose, parce que chacun, poème, prose, ou tout ceci en même temps, se distingue des autres, s'y rallie par cette seule qualité : former épaisseur, soustraire toute littéralité du substrat de la langue, et comme de petites entités uniques et ouvertes aux autres, constituer cette globalité rarement façonnée d'un fascicule où rien ne manque, et d'où rien ne pourrait être soustrait. Sans autre paratexte que la table des matières, et la page de titre de la revue, toute latitude leur est offerte pour déplier leurs univers, ponctués par les collages de Corinne Le Lepvrier.

Machinations, FPM Hors série Papier, novembre 2022, 112 pp., 12 euros.

Dispositif qui nous permet sans heurts de passer d'un imaginaire à l'autre, d'un parole à l'image, et de laisser grandir notre étonnement, voire émerveillement, face à certaines voix proposées !

Zelda Bourquin, La Nonne :

Alors chaque dimanche, moi, je fête le jour de la 
Seigneure

Au nom de la mère
De la fille
Et de la Sainte Esprit

Sous mon voile
Mes cheveux brûlent de dire
La prison verbale
Des vœux de silence
Pas seulement dans le couvent
Mais partout à l'extérieur, pour les femmes, le couvent est généralisé, partout
Et le voile, on le porte toutes
Voile poudré de chez Guerlain, pour une peau de bébé,
Voile anticellulite de chez Garnier pour une peau lisse à l'endroit des cuisses
Voile de mariée pour enfanter à coup sûr
Et dire je l'ai réussite cette vie finalement

Sébastion Cochelin, HARD NEWS 2020, L'interview (en direct !) (en duplex !) (en exclu !)

HARD NEWS...

 

[ le ministre de la cohésion du territoire et des remontées structurelles dénonce une tentative insidieuse de faire de lui un bouquet missaire ] ça ne nous gêne pas du tout non en fait le gouvernement se met juste à la page c'est le sens de l'histoire il n'y a pas de ligne rouge de franchie on est en retard c'est l'heure de la météo dans quelques instants nous reviendrons sur cette GROGNE des fonctionnaires maintenant c'est la météo avec les pompes à chaleur Loborées

JINGLE 1 / BILBOARD IN 1 / JINGLE 1 OUT / BILBOARD OUT DU IN 1 JINGLE OUT / METEO 1 AM 2 FAI 

Brigitte Giraud :

On ne sait pas dire le soleil tombé n'importe où.
Le soie a failli, petite fille !
                       Que faire de nos mots de guingois ? De nos cheveux écorchés
comme des chevaux ?

On voudrait courir.   On ne court pas.
On voudrait crier.      On ne crie pas.
Et qui viendrait,
quand l'esprit dit au corps : "Parle en mon nom. Parle haut."

 

Tom Buron, Lait de panthère (Suds) :

 

Entre l'écume et la griffe,
il s'immole l'estomac d'admettre
à cette meute de grands migrants du sablier
n'avoir pu prendre la vie de la monture agonisante
Que c'est une drôle de varappe jusqu'à l'arachnoïde 
Que chaque croix dans la nuit est universelle
et que le vautour aussi
aime le lait de panthère.

Amel Zmerli :

L'ennui, c'est un art. L'ennui n'est pas un acte. L'ennui, c'est mon beau frère avec son hamburger, plus facile à manipuler qu'une console de jeu. Ma patiente innocente aime le lait de riz et le lait de soja. Les parapluies sont de retour pour que tout ça reste au sec. Les cailloux ne sont plus ce qu'ils étaient.

Rien d'autre que le texte pour témoigner du texte, que les extraits pour rendre compte de l'ensemble.

Grande revue à laquelle il faut rendre hommage, grand Monsieur auquel il faut témoigner de notre gratitude pour ouvrir des chemins vifs et neufs à la Littérature. Machinations, FPM Hors série !




Le centième numéro de Traction-Brabant

La revue poétique Traction-Brabant a fêté en septembre 2022 son centième numéro. Mais faut-il encore revenir sur l’appellation « revue poétique ». Patrice Maltaverne, qui dirige Traction-Brabant depuis 2004, le définit plutôt comme un « fanzine d'écriture, de poésie et autres textes courts ».

Un fanzine est un type de publication à tirage limité, très en vogue aux États-Unis et en Amérique Latine, qui met en avant des créations littéraires et artistiques émergentes. Il se caractérise souvent par un engagement politique et esthétique fort.

Dans l’esprit des fanzines, Traction-Brabant revendique une volonté de « faire circuler [...] une poésie pas trop classique ni trop molle ». Ce numéro cent est fidèle à ce programme. Détournez le regard, amants du vers classique ! Ces pages sont occupées par une contestation des formes traditionnelles de la poésie. Le titre du premier poème que nous y lisons, signé Sébastien Kwiek, le montre bien : « Les mots sont moches ». La publication nage ainsi à contre-courant, que ce soit dans ses contributions poétiques ou graphiques.

Le poème de Julien Boutreux adhère aussi à cet esprit éclectique, mélangeant constamment des imaginaires tantôt mythologiques, tantôt scientifiques ; des registres tantôt littéraires, tantôt familiers. Ainsi nous y retrouvons un « Léviathan de tungstène » côtoyant un « vieil Ulysse [...] / sur son 31 ».

 

Traction-Brabant n°100 « Je le 100 bien ! », ed. de Patrice Maltaverne, Association Le Citron Gare. Septembre 2022, non paginé, 3€.

Enfin, quoique les dessins de Pierre Vella occupent une place de choix, les nombreuses créations graphiques entre ces pages répondent également à un esprit de variété et d’étonnement. Peintures, photographies, collages illustrent Traction-Brabant. Une mention spéciale à ce que nous appellerons volontiers un poème-dessin à la manière de Man Ray réalisé par Michelle Caussat qui signe également une prose à la fin du numéro.




Avis de naissance ! Carabosse, une nouvelle revue de poésie

Ce numéro #1, Nos corps manifestes, est beau ! Ne nous perdons pas dans des périphrases stériles, tout comme ce fascicule ne prend pas de gants pour montrer l'épaisseur du monde poétique. Toute vêtue de noir et blanc, ce bébé déjà grand ne perd pas une miette de la place que proposent ses pages remplies de textes et d'illustrations.

Revue au féminin, "Revue à sensibilité féministe et poétique", qui problématise  la place et l'identité des femmes, et particulièrement des femmes créatrices, et Dieu sait qu'il y a encore tant à dire, et à faire, Elisa Darnal et Adeline Miermont-Giustinati se sont entourées de la photographe Jeanne Guerrier et de la conceptrice graphique Aurore Chapon. Cela donne 34 pages de pur bonheur, pensé comme

...un laboratoire poétique, c'est à dire un espace à habiter, qui se compose en permanence et témoigne de pratiques diverses.

Ouverture donc, servie par une présentation qui explicite le choix du nom de la revue, Carabosse, le fée glauque et glam ? suivi par un édito tissé de prose poétique entrecoupée de vers d'Adeline Miermont-Giustinati. 

Ce tout premier numéro met donc l'accent sur le corps des femmes, sur ces archétypes pesants qu'elles portent encore aujourd'hui, et qui façonnent malheureusement toujours leur inscription dans le monde.

Revue Carabosse, #n°1, Nos corps manifestes, 37 pages, 8 €, https://www.carabosse.online

Pour ce premier numéro, nous commencerons par explorer un territoire sensible, celui d’un corps féminin loin de la muse ou du fantasme. Longtemps dépossédées de leur image, les femmes s’émancipent encore difficilement de la dictature orchestrée par l’industrie et la publicité. L’obsession de l’apparence réduit à des représentations hypersexuées et truquées et le cantonne à être un objet de désir. 

Besoin absolu et présence nécessaire de l’intime ! Dire la relation complexe qui s’instaure avec son propre corps, fait se rejoindre le littéraire et le politique.

Corps écrit, puisqu’on parle de lui, corps écrivant puisqu’il se dit. Générateur et producteur d’une parole poétique, comment le corps des femmes est-il pris en charge par les voix de poétesses aux accents multiples ? Nous ne ferons que poser quelques jalons dans le foisonnement d’une langue poétique qui se redéfinit sans cesse et cherche à dessiner les contours du sujet-corps, chair féminine éprise, mais refusant de se laisser accaparer au détriment de son désir propre.

 

Au féminin, donc, des Notes de lecture, une Causerie avec Laure Limongi, et de la poésie, visuelle aussi, car il faut saluer la qualité des illustration qui rythment les textes, se superposent, haussent le ton en même temps que les mots pour dire que la poésie, la littérature, et l'art, au féminin, n'a rien de plus ni de moins que tout ceci au masculin, juste pareils, semblables, les identités disparaissent là où exister s'énonce. 




Revue Contre-allées — revue de poésie contemporaine, n°46, automne 2022

Contre-Allées, menée de main de maître par Amandine  Marembert et Romain Fustier, énonce, en prologue, à travers la voix de ce dernier, "La poésie, c'est tenir le coup". Et il faut le dire, elle nous donne de quoi "tenir bon", dans ce numéro d'automne. Ce "Carnet de voyage", titre du poème liminaire signé par l'invité de ce numéro, Alain Duault, ouvre au lecteur un espace de pure poésie, dans lequel les textes signés par des noms que l'on a plaisir à retrouver occupent un espace immaculé, sur la page A3 de ce petit fascicule de belle facture.

Ludovic Degroote, Samuel Martin-Boche, Valérie Canat de Chizy, Florentine Vieilly-Eymard, Patrick Argenté, et Alain Duault, invité de cet automne 2022 :

Tu t'en vas parce que tu as peur tu ne veux plus de cris
De ton pays jeté aux chiens tu veux danser avec les fous
Tu ne veux plus des yeux épuisés de sang dans ton pays

Revue Contre-allées, revue de poésie contemporaine, n°46, automne 2022, 47 pages, 5 €.

A côté de ces poèmes, suivis d'une biliographie de l'auteur concerné, les pages sont ponctuées par des entretiens, à commencer par celui de l'invité Alain Duault qui suit immédiatement ses poèmes. La rédaction a également recueilli les propos de Christian Degoutte, Guy Perrocheau, et Jean-Marc Bourg éditeur, pour sa maison  Faï Fioc.

Il est également possible de lire quelques extraits des livres présents dans la rubrique "Livres reçus", qui au lieu de publier une lecture de ces derniers permet au lecteur de disposer d'un extrait, ce qui est merveille, et qui s'inscrit dans la ligne éditoriale choisie, qui est celle d'une sobriété qui sied parfaitement à la poésie, qui n'a besoin que d'elle-même pour faire sens.

Une lecture termine ce volume : Romain Fustier rend compte du Chœur maritime de la Maye de Jacques Darras.

Une douce et grande promenade donc, avec des escales dans de multiples univers, pour ce numéro que l'on a plaisir à recevoir, à parcourir, à habiter. 




Revue Traversées n°101

Un numéro consacré en grande partie à Anne-Lise Blanchard. Un panorama de son écriture à travers différents regards, de ses engagements poétiques et bénévoles en Irak en particulier. L’écriture poétique est en soi un engagement humain et politique, Anne-Lise Blanchard en est un exemple.

Nos cœurs

peuvent-ils trembler du poids

de l’hiver

en même temps que

ceux qui dorment

sous le vent

Traversées n°101, février
2022, 15 €.

Le jour pousse la fenêtre
m’accordant la grâce
de sa splendeur et demain
me visitera
singulier aussi
un autre jour qui suppliera
plus grande présence
entre la mésange du matin
et la résonance de la nuit

Parmi les regards portés sur le travail d’Anne-Lise Blanchard, on trouve Florence Noël, Angèle Paoli, et Jacqueline Persini qui lui consacre un long et bel entretien, au plus près du quotidien.

D'autres poètes enrichissent ce numéro 101 de Traversées : j’ai eu plaisir à retrouver Nadine Travacca, Chantal Couliou que nous avons publiées dans Cairns. J’ai découvert à quelques poèmes Fidèle Mabanza :

 

mot du voyage

une brume émerge de la terre
comme une île au milieu des eaux
la nuit enflée dissémine ses ténèbres

la tristesse demeure en moi
comme la pluie du ciel demeure dans la terre
traversant les couches de mes accablements

mes souvenirs chargés de supplices et d’angoisses
ressemblent à la nuit de dunes géantes
où le vent vient effacer les sillages du voyage

entre le rêve d’enfant et la nuit du voyage
comme un passé recouvert dans un linceul
s’interpose le vélum des nuages ombreux

*

la guerre est un jeu

il était là,
parmi les feuilles
accrochées au corps des branches
parmi ceux combattaient.
Il torturait la brume et les ténèbres
entre les formes et le silence des mers
entre la chair et l’os
sous l’effroyable
l’incroyable tempête des cris à mi-vois.

C’était un enfant de mon quartier
il était devenu le soldat
dont l’arme avait un visage,
un langage et un pouvoir.

Lui, l’enfant soldat du peuplé
n’avait pas de drapeau à défendre
ses jours étaient sans regard
son ennemi n’avait pas de visage.

Ses nuits inutiles
se passaient sur des corps mutilés.
Du fond de la vacuité
la guerre était un jeu,
le jet de grenade
était un jeu d’enfant.

 

 




Revue Malpelo n°4

Malpelo, c’est tout un symbole. Si L’undicesima copia (le onzième exemplaire) – nom de la maison d’édition – se réfère à Kafka1, le nom de la revue, quant à lui, est un clin d’œil à la nouvelle de Giovanni Verga2, histoire d’un enfant maltraité à cause de la couleur de ses cheveux, sorte de lointain cousin de notre Poil de carotte.

Mais pourquoi avoir choisi ce nom : Malpelo ? L’enseignant, documentaliste et critique de cinéma Demetrio Salvi, son fondateur, s’en explique dans le numéro un de la revue. Malpelo, donc, parce que le vérisme de Verga, c’est aussi « l’attention à l’autre, participation, regard politique, engagement culturel, civil et social. Une instinctive révolte contre ce qui ne nous plaît pas, le plaisir de mettre à mal les incontournables implications logiques, l’envie de se divertir et de bousculer, si nécessaire, ce qui s’oppose à notre plaisir : ce sont les éléments déclencheurs qui nous ont convaincus de baptiser de cette manière irrévérencieuse une revue que nous voulons vivante, vitale, vive, à contre-courant quand cela a du sens d'être à contre-courant, curieuse et prête à rechercher le plaisir où qu'il soit ».

Ainsi est née Malpelo, jeune revue littéraire bimensuelle, à Naples, en septembre 2021. Elle est ouverte à la prose mais aussi à la poésie, secteur confié à Bernardo Rossi. Thématique, la revue se présente sous forme d'un agréable livre de plus de deux cents pages, illustré par un(e) artiste qui diffère à chaque numéro. On peut y lire une trentaine de textes d'auteurs connus ou moins connus, souvent napolitains et romains mais du fait de son audience nationale elle accueille volontiers les auteurs de toutes les régions d'Italie. Et pas seulement. En effet, Malpelo est aussi ouverte à l’international (les textes reçus doivent toutefois être écrits ou traduits en langue italienne).

Revue Malpelo n°4, mars 2022, Éditions L’Undicesima copia, 200 pages, 10 euros.

Ce numéro 4 intitulé Fiabe, racconti e storie (fables, contes et histoires) offre à la lecture, entre autres, des textes d’Elio Pecora, Antonio Spagnuolo, Enrico Fagnano, Wanda Marasco, Francesco Papallo, Ciro Tremolaterra, Demetrio Salvi, Bernardo Rossi et me fait une nouvelle fois l’honneur de publier plusieurs de mes poèmes. Les illustrations, en noir et blanc, sont de Rosa D’Avino, plasticienne qui aime conjuguer tradition et formes contemporaines, réalité fascinante du passé et possibles évolutions du présent et surtout raconter la vie à travers ses créations quel qu’en soit le genre, quelle qu’en soit la matière.

Malpelo ? Une revue de création de qualité, interactive, respectueuse des auteurs aussi bien que des lecteurs… un « espace qui fait place, aussi, à ceux qui sont en dehors d’une dynamique commerciale de l’écriture »3.

Notes 

  1.  « André a vendu onze livres. J’en ai acheté dix. Je voudrais vraiment savoir qui a le onzième » Franz Kafka. Phrase inscrite en bas de chaque sommaire de Malpelo.

     2. Rosso Malpelo, paru pour la première fois en 1878.

     3. Demetrio Salvi, Malpelo  n.1 page 10




Revue Dissonances n°42, mai 2022

Si on ne connaissait pas les subtilités ou les choix radicaux de Dissonance, on s’étonnerait du présent numéro au style plutôt funéraire : fond noir et lettres dorées à l’appui. Une contre-illustration dans la lignée dissonante ?

Quoiqu’il en soit, les « sans-dents » et les «  fafs » sont aujourd’hui désormais  invités à boire le champagne pour l’anniversaire des vingt ans de cette revue, invités  à remplir la coupe sans préciser la marque du vin proposé cette vague de l’humour noir ? Sabrons donc sans sabre ! Après avoir également sabré le champagne et multiplié les extravagants alléluia, les auteurs de ce numéro 42 ont su abandonner leurs délires à l’écriture. La muse éthylique propose une belle cuvée ! Un bonheur à déguster avant l’ivresse. Les lecteurs éméchés participent au banquet. Pourquoi pas moi en lisant ?

Ainsi les chiens et les écrivains éthylisés (néologisme) « lapent » déjà  le champagne renversé sur le tapis - Etienne Michelet et Côme Fredaigue, découvrent la « neuro mâchoire inférieure vidée ou presque des dents du fond (..) des yeux noirs démentent aussitôt, regard abimé, vertige dans lequel, elle pourrait nous entraîner » (Côme Fredaigue). Les élucubrations plaisantes et débordantes d’excès sont agrémentées par les élégantes illustrations pointillistes d’Anne Mathurin, confortant le thème alcoolisé de la rédaction, le symbole du champagne : « la frontière s’estompe entre sa tradition, son image raffinée, son gout subtil et la vulgarité de l’excès, à la nôtre ! ». Brigitte Fontaine, elle,  décrit le « décorum voilé de noir et d’or (évocation de l’énigmatique couverture peut-être sans certitude qui s’appelle l’aurore) ».

Dissonances #42, Champagne, mai 2022, 56 pages, 7 euros.

Où sont les « profondeurs pétillantes où plus rien n’existe ? Hors de ces « profondeurs pétillantes » hormis, « le fameux péril jaune » selon Rigodon de Céline…

Traversant le rideau de mégots et de cendre, un auteur se souvient (Arthur Le Reste- Juliard) du discours tenu en 1974 par le poète Odysséas Elytis. Ce poète, coutumier du poète Brautigan, connu pour ses excès de bar, révèle à la fois son amour du champagne tout en lui opposant son animosité envers les buveurs, les invités réunis pour le Nobel, des « pompeux snobinards » ! ... Il est vrai que malgré les choix de cette médiocre année 1974 - Johnson et Martison - auront autant de place dans l’histoire de la littérature « que deux glaçons creux vers les courants chauds avec leur petite ombrelle en papier plantée dans le cul » !!! Et nous, lecteurs et lectrices, versons-nous vite une coupe de champagne pour la route ! Mea culpa au champagne !

Dissonances lance déjà le prochain thème du numéro 43 « trans ». Je transpire déjà, transpercée par l’urgence de rendre la copie trans avant la date-butoir du 24 juillet…  Il me faudra ingurgiter au minimum un jeroboam avant ; à moins que le moine bénédictin transsexuel… Dom Pérignon n’ épouse enfin la transgenre, une Veuve Clicquot  !!! Mumm !




Nouveaux délits, Revue de poésie vive, Numéro 72

Cathy Garcia Canalès, la « Coupable responsable » de cette revue se voulant délibérément « délictueuse » nous prévient dès la première page, elle se trouve du côté des « poètes voyants, des poètes pythies, des poètes monstres. » Elle le reconnaît, néanmoins, « ce genre d’écriture n’est pas à la mode » quant au poète !

« Pauvre poète (…) s’il se tait, il devient fou ; s’il parle, on le prend pour un fou. Ce poète est excessif et peu vendeur (…) Il sait et il ne sait rien. Il est l’ignorant qui ne peut jouir de son ignorance (…) il est un vivant mort autant de fois qu’il aura fallu pour se dépouiller jusqu’à l’os (…) Il partage ses visions, se fait conteur, éclaireur, compagnon. » Car « Il s’agit de guérir » et de « briser les maléfices », de dénoncer ce qui nous fait du mal. C’est dire à quel point le ou la poète renversent la table du monde, permettant une « transvaluation des valeurs » pour parler comme Nietzsche. S’ils semblent excessifs dans leurs cris c’est qu’ils s’affrontent à un monde qui l’est, de fait, dans le mal.

Nouveaux Délits n°72,
Avril 2022, 7 €.

On ne sera donc pas étonné que la revue se termine par la recension d’un ouvrage d’Anouk Grinberg sur l’Art Brut, valorisé enfin par Jean Dubuffet et les poètes surréalistes : « Alors que la vie elle-même est démente, qui de nous peut dire où se trouve la folie ? » cette citation de Cervantès clôturant la revue comme les « poètes voyants » l’avaient ouverte.

Une mention particulière pour les textes de Michel Woelffle, inspirés par « la mort d’Isabelle », un parcours, une méditation autour de tout ce que peut inspirer l’absence, le silence, la présence, peut-être, d’une âme sans le corps. Et une très belle image, au terme de ce voyage intérieur, celle d’un nid contenant quatre oisillons dans la bouche ouverte d’un mort, lequel devient, peu à peu un arbre. J’ai rarement autant ressenti cette impression de liberté subjective qu’en lisant cette suite de textes, tantôt en vers, tantôt en prose, mais toujours tournés vers cette « autre » vie qu’est la mort. La poésie seule peut tenter non pas de percer, mais d’approcher ses mystères. Et dans la « bio » qu’il tente, Michel Woelffle avoue préférer « le silence propice à l’inspiration et écrire quand la paresse le (lui) permet. »

Cette revue appelle à la « justesse » d’une parole, moins à l’engagement pour de justes causes comme le sort des migrants que la mer engloutit, par exemple, même si Anne Marie Bernad en fait le thème central de sa contribution, qu’à ce dégagement du prosaïque quotidien pour cerner et dire l’Étranger essentiel. « Quotidien d’une étoile / Ma tâche accomplie / Je rentre chez moi / Le corps criblé de météores » (Jérémy Semet). Ou bien encore, cette vanité de la poésie, devant l’univers :

Défaite du poème

Il te faudra admettre finalement

que le poème n’est rien face à la Mer

(Vincent Calvet)

J’ai particulièrement aimé, dans cette revue, les « commentaires » au bas de chaque page, prolongeant, contredisant parfois le texte disposé en leur centre :

En voici un exemple :

« Maléfice

Aux portes des granges

Les chouettes clouées

Ailes écartées (…) »

(Odile Steffan-Guillaume)

Auquel répond en bas de page :

« Elle a décloué le hibou qui était sur la porte,

Remis en place ses os brisés

Lissé ses plumes,

Lui a fait reprendre son chant »

(Sandrine Davin)

J’aime la modestie du format, ainsi que celle des intervenants, comme Stéphane Mongellaz qui avoue « Aujourd’hui, à 42 ans, je commence à confronter le possible intérêt de mes textes à la réalité du lecteur ». Il y a toujours, dans ces textes, des moments d’intensité poétique étonnants :

Demain le raisin

jugulaires pleines

mordra son propre jus.

Moi

(…)

Lassé des cycles

que répète l’ivresse

j’assècherai ma gorge

d’un caillot de sang. 

∗∗

Dehors existe, je l’ai vu 

(Perle Vallens)




Le Japon des Chroniques du çà et là n°18

Philippe Barrot met le cap vers le Japon pour ce dix-hitième numéro des Chroniques du çà et là. Un volume illustré par les photographies d’Anne Uemura, qui propose « une immersion dans une culture toujours proche de ses traditions ancestrales ».

Effectivement, l'article liminaire du numéro signé Edouard L'Hérisson propose un focus sur le rôle des itako, intermédiaires qui permettent d'entrer en contact avec le monde invisible. Puis suit une entretien avec Corinne Atlan, traductrice et auteure de plusieurs ouvrages et romans sur le Japon. Il y est question de roman japonais, et de l'évolution de celui-ci, panorama historique qui part du roman traditionnel et considère les métamorphoses qui l'ont mené vers la modernité, et vers ce qu'il est devenu aujourd'hui, à travers une approche d'auteurs contemporains, comme Murakami ou Ogawa.

C'est encore vers une analyse qui sous-tend la modernité littéraire japonaise, dont les structures semblent impossible à départir de ce socle ancestral, que nous convie la suite de ce numéro : une note sur l'esthétique japonaise, une analyse du roman policier "Les (r)évolutions de la Littérature criminelle japonaise", de Gérard Peloux, un regard sensible sur la ville d'Ozu, Onomichi, évoquée par Philippe Barrot, un pèlerinage à Kamakura, une séquence sur les sumos de Luc Drian avec de très belles photographies d'YMB, une histoire du manga signée Thomas Maksymowicz...

Chroniques du çà et là n°18, revue trimestrielle, PhB éditions, 2021 143 pages, 14€.

Ces articles consacrés à la thématique du n°18 des Chroniques du çà et là sont accompagnés de deux notes de lecture, une de Philippe Thireau sur le poème de Marilyne Bertoncini La Noyée d'Onagawa, l'autre signée par Makiko Tsuchiya-Matalon qui évoque le poème en prose d'Hishimure Mishiko écrit après la catastrophe du 11 mars. Ces deux poèmes interrogent l'écriture aussi, et cette question qui jalonne toute la littérature, comment écrire l'impossible.

Ce numéro très riche, mène vers la compréhension de cette société japonaise  qui n'a pas renoncé à ses mythes, à ses croyances et à ses traditions, tout entiers perceptibles dans une modernité littéraire qui s'est édifiée sur ce socle ancestral.