ll faut sauver la revue ARPA !

Fondée en 1976, Arpa risquait de disparaître en 2022, sa subvention annuelle étant supprimée. La revue, qui n'est pas une revue de littérature et de poésie régionales, mais « une des rares revues de référence sur la poésie contemporaine française et étrangère », tire son nom de l'Association de Recherche Poétique en Auvergne , et fait vivre la poésie sous la direction de Gérard Bocholier depuis 1991.

 Il lui fallait au moins 40 abonnés supplémentaires pour pouvoir continuer. Le dernier numéro assuré, 133-134 est paru en automne... Il aurait donc été le dernier numéro si la campagne d'appel à l'aide n'avait offert un sursis : la revue pourra survivre, avec une formule nouvelle : l'abonnement (4 numéros, 42 euros) offrira 2 numéros simples de 80 pages et un numéro double de 160 pages – mais un sursis n'est pas une garantie de longévité.

Or, une revue qui disparaît entraîne dans sa mort tout un pan de la culture.

Pour vous abonner (mode de diffusion principal)voir ici : http://www.arpa-poesie.fr/Contact.html

La poésie, déjà si marginale dans le monde de la littérature, pratiquement inexistante dans la presse à grand tirage, a besoin de ces parutions périodiques pour permettre à des voix nouvelles de « tester » leurs textes – un champ littéraire sans apports nouveaux ne peut que s'étioler : si les « poètes » prolifèrent sur le web, et dans des groupes de facebook, tout s'y aplatit, comme l'information omniprésente. Une revue a un projet éditorial, ce qu'elle publie répond à une sélection, et permet à un lecteur – novice ou non – de lire des poèmes de qualité. Par ailleurs, les revues entretiennent une culture commune, qui fait défaut, pour la poésie contemporaine, aux institutions d'éducation. Par la publication d'inédits d'auteurs déjà reconnus, l'exhumation de textes qui sans elles tomberaient dans l'oubli, l'ouverture à des littératures du monde, la revue fait œuvre d'éducation... sans compter qu'elle permet aux éditeurs - et aux auteurs - de faire connaître leurs ouvrages, dont la diffusion déjà restreinte (le bouche-à-oreille plus que les librairies, on le sait) a besoin de ces lectures d'invitations proposées par les critiques.

Les animateurs d'Arpa ont toujours voulu rester ouverts à une grande diversité de styles – les sommaires permettent de retrouver presque toutes les grandes voix de la poésie actuelle, des poètes confirmés et des auteurs débutants.…

Arpa fait aussi une grande place à la poésie étrangère et dans chacun de ses numéros, tient aussi à publier des poèmes d'auteurs encore inconnus, dans Le regard des autres

Le numéro 132 présentait un hommage à Cédric Demangeot, une série de poèmes et de proses, une série de notes de lecture, la chronique de Gérard Bocholier et un groupement de poèmes sous le titre « le fil du temps ». La revue offrait aussi des photos N&B de Bernard Pauty disséminées au fil de la lecture.

Le numéro 133 – octobre 2021 – porte en couverture le titre « proses poétique ». Il propose de rencontrer 37 poètes ou prosateurs, auxquels s'ajoutent les 7 invités du « fil du temps ». On trouvera deux essais – sur François Graveline par Denis Rigal, et sur le thème « vers ou prose » par François Migeot, une série de notes de lecture, une chronique de Colette Minois, ludiquement intitulée « Tirer la langue », qui traite de l'usage exponentiel des jargons et barbarismes qui sévissent sur les médias depuis la crise sanitaire, et de la censure exercée par une bienpensance antiraciste, antisexiste... qui va jusqu'à débaptiser ou condamner des livres. Les « préférences » de Gérard Bocholier - cette « chronique des temps difficiles » nous fait voyager dans les livres qui ont retenu son attention. Au fil du numéro, des pointes sèches de Valérie Peret-Remors associent poésie et art visuel.

On attend avec impatience le premier numéro de 2022 - numéro gagné par le soutien des lecteurs, dont on espère qu'il s'élargira à de nouveaux abonnés. La survie de la poésie est en jeu aussi !




La revue Florilèges n°187

Y a-t—il des fleurs dans ce Florilège-là ? Le mot Florilège provient tout simplement de flos « fleur » et legere « cueillir, choisir ». Quelles fleurs vais-je donc y trouver ?  Me demandé-je naïvement. 

De fait, c’est une invitation pour moi. L’opuscule propose en ouverture une citation de Kundera à la recherche de la « mémoire de ce qui nous a émus » et qui donne à la vie « sa beauté ». Je plonge donc dans la lecture protégée par ce propos apaisant et en quête de ces fleurs secrètes tant attendues mais encore imaginaires…...    

A l’aube, je découvre d’abord « la captivante «  rose du matin » de Christian Amstatt, dont la couleur émerge après  une « nuit de torpeur » Une autre rose, apparait ailleurs, puissante, inspirée cette fois par « de la mignonne »  de Ronsard : cette« fleur de soleil »de Stéphane Mennessier est d’une éclatante beauté1. Elle révèle le magnifique baiser d’amour érotique d’un amoureux « médusé » par sa belle qui entre en une extase pourtant « pudibonde ».

Jean-Marie Leclerq évoque, quant à lui, « une fleur fanée » aux « pétales éplorés » sur un sol de pierre. L’ombre de cette fleur magnifique lui est néanmoins « comme un vêtement ».

Ce bouquet fleuri se disperse dans les pages à travers la pensée de Saint Pol Roux pour qui la poésie est l’art d’apprivoiser la « libellule de l’insaisissable ».

Revue Florilège n°187, Juin 2022.

Marie-Christine Guidone rappelle que la poétesse Marceline Desbordes- Valmore, « maudite » selon Verlaine,a soutenu les pauvres, les prisonniers, les déserteurs et les Canuts révoltés en 1831 et 1834. Précurseur – précurseuse ? – du romantisme, elle a en outre écrit Les roses de Saâdi. Ces roses-là débordent de sa ceinture « étroite » et se déversent en un « odorant souvenir ».

Et nous, quand on ferme le recueil, on a le sentiment d’avoir respiré – avec un doux plaisir – la fleur des mots.

Note

  • Ce poète a obtenu le second prix d’un concours de la maison de poésie Rhône-Alpes de Saint Martin d’Hères, poètes sans frontières : Dis-moi dix mots.




La Revue des revues

La Revue des revues constitue avec le site Ent’revues un fond d’archives, un lieu où la mémoire de ce foisonnement offert par les publications périodiques est préservée. C'est également une revue des revues où l'actualité des revues contemporaines est accessible, actualisée, et qui permet de constater que, quel que soit leur domaine de prédilection, la vie de ces nombreuses publications est riche et dynamique. Archives et recensements de ce qui paraît qu’il s’agisse de sorties ou de créations de revues contemporaines, ou bien de rendre compte du destin d’autres disparues pour des raisons qui sont également abordées, car ces lieux que sont les revues trouvent bien peu d’écho chez les libraires, en bibliothèque ou dans d’autres revues… la Revue des revues et Ent'revues sont des outils précieux de communication et d'élaboration d'une pensée sur ces univers éphémères que sont les revues.

La Revue des revues dessine un panorama diachronique et synchronique riche et essentiel pour que ne disparaissent pas ces fils signifiants venus représenter ce qu’est leur domaine de prédilection, en enrichir la pensée théorique, et en restituer l’évolution. Publication papier, elle a longtemps été placée sous la houlette d’Olivier Corpet que nous regrettons vivement, et a pour rédacteur en chef André Chabin, accompagné par François Bordes, Bernard Condominas, Yves Chevrefils Desbiolles, Erc Dussert, Jérôme Duwa, Claire Paulhan, Jacqueline Pluet-Despatin, Hugo Pradelle à la rédaction et Yannick Kéravec pour secrétaire de rédaction.

Des rubriques récurrentes structurent l'ensemble et permettent un accès clair au contenu : "Etudes et documents", qui met d’emblée l’accent sur le panorama dossier proposé, qu'il soit thématique ou paradigmatique, des "Chroniques", un chapitre consacré aux "Nouvelles revues", un accès à d’"Autres publications et événements", et un dernière rubrique qui propose  des entrées rapides vers l'ensemble et des éclairages sur les participants, "Résumé, auteurs".

La Revue des revues n°67, Mars 2022, 180 p., 60 illustrations n/b, ISSN : 0980-2797, ISBN : 978-2-907702-85-0, prix : 15,50 €.

Le numéro 67 du printemps 2022 partage son sommaire entre Jean Daive, Michel Deguy, Roland Barthes et les petites revues, Mwa Vée, une revue culturelle Kanak que le lecteur peut découvrir, et un focus sur les revues consacrées au cinéma, avec deux articles : "Les cahiers d’études de radio-télévision" et la revue "1985, revue d’histoire du cinéma n°95". Les Chroniques et les pages consacrées aux nouvelles revues complètent ce volume agrémenté par des documents iconographiques de qualité, et qui donnent à voir les unes des publications dont il est question, un plus très appréciable notamment pour la rubrique "Nouvelles revues", car cela permet d’en apprécier la charte graphique, les lignes éditoriales, et la diversité.

Le numéro 64 de cette revue trimestrielle suit le même modus operandi bien qu’elle soit très différente, car ce volume est élaboré autour de la thématique « Femme en revues ». La rubrique "Études et documents" propose une série d’articles écrits par des femmes sur des femmes revuistes. Le dernier article nous offre un "Portrait de groupe avec femmes" impressionnant qui permet d’évaluer l’importance de la contribution féminine à la vie des revues, de leur création à leur cheminement, quel que soit le domaine concerné.

La Revue des revues représente un lieu incontournable dans l’univers des revues, ces laissées pour compte qui bien souvent sont des espaces essentiels parce que dédiés à des positionnements indépendants. Elles garantissent en effet la liberté de propos, des axes de lecture sur une discipline qu’elles permettent de considérer sous des angles bien souvent inédits, et sont également l’endroit où un ferment créatif novateur trouve écho. Somme et lieu de réflexion, Ent’revues et La Revue des revues mettent en lumière le long cheminement mené par ces publications périodiques bien souvent malmenées par l’économie du livre, et pour certaines vouées à une existence de courte durée. Ainsi ne tombent-elles pas dans l’oubli. Mieux encore, grâce à ce fabuleux travail de recensement, de mise en exergue et de réflexion, on se rend compte que chacune contribue à l’élaboration d’un ensemble de publications qui témoignent des pensées et les courants d’une époque et leur offrent la possibilité de s’inventer.




Gustave junior n°2

Un second numéro que l’on peut lire sur écran ou que l’on peut imprimer. Huit pages, 5 poèmes, 5 poètes et une règle de jeu d’écriture proposée par Bernard Friot.

Les cinq poètes : Chiara Carminati, Mélanie Leblanc,  Sandra Lillo, Charles Pennequin et Thierry Renard.

Des poèmes à partager en classe, avec les amis, en bcd ou cdi, ou en médiathèque. Lire ou écouter un poème par jour au minimum est bon pour la santé mentale, le moral et la vie, une petite revue supplémentaire permet ainsi d’augmenter même discrètement la présence  du poème au quotidien. À chacun de la donner à d’autres comme une chaîne d’amitié.

l'abonnement est gratuit sur le site www.gustavejunior.com

 

Gustave junior n°2, Journal de poésie pour enfants, mai 2022, Le Centre de créations pour l'enfance de Trinqueux, www.danslalune.org.




Revue Arpa, 135ème livraison

Sept poètes à la une dans la 135ème livraison de la revue Arpa dirigée par Gérard Bocholier.

Avec Parmi des arbres, Philippe Mathy invite le lecteur à retrouver l’enfance déclinée comme une ritournelle quand « la balançoire reprend vie ». La joie est à inventer chaque jour « pour oublier les nuits cerclées de murs interminables ».

Joseph Ohmann-Krause situe sa poésie dans L’entre-deux de l’inquiétude et de l’espoir. Des enfants ont la fièvre, un pont pourrait s’écrouler mais « les tulipes se tournent vers le soleil » et la tête carillonne de chansons printanières. Le pire n’est pas certain.

Les promesses sont faites, écrit Laurence Lépine. L’espérance dure longtemps qui résiste à la ruine. Et l’allégresse est grande au rythme de la danse quand [le souffle a la beauté d’une nervure]. « Ma neige / Est / Une folie / Qui se / Souvient de tout », dit-elle.

Raul Sebastian Baz est en ses Deuils forcément plus sombre. La mort piétine autour de la table et du vin. Il est trop tard pour pleurer l’absence du temps et des oiseaux. Une vérité qui délivre est aussi une vérité qui enferme. La fin est là, dont on reste à jamais « l’unique spectateur ».

Marie Alloy peint et écrit des Jours bleus empreints de mysticisme. Et toutes les couleurs chavirent parmi les ombres. Mais « Rien ne sombre tout à fait / puisque le jour nous étreint / puisque les mots nous attendent ».

Alexis Bardini aime Le vent qui porte les pollens. Un paysage champêtre de Millet pourrait surgir « Parmi les bêtes et les fruits / Jusqu’au grand âge des mots maigres ». Dans la lucidité du peu voire du manque, [afin de recomposer le courage].

Dans Hauts-fonds et poudre d’âme, Calou Semin invente un pays où « La transparence y serait éteinte / emportant tout ce qui est puissant ». Le silence y prendra part. Le regard et la pensée sauront le féconder.

Revue Arpa, n° 135, Le n° : 12,50 €. Abonnement : 4 n° : 42 €. Adresse abonnement à l’ordre d’Arpa : François Graveline : 8, bld de la République - 63200 Riom Manuscrits, livres et revues : Gérard Bocholier : 44, rue Morel-Ladeuil – 63000 Clermont-Ferrand.

Parmi les autres contributions, notons celle de Michel Reynaud, traversé par le sentier qu’il poursuit avant de « passer de l’autre côté du blanc ». Celle aussi d’Irène Dubœuf qui [habite par intermittence des mots incandescents et noirs]. Avec cette question, si émouvante : « Crois-tu que je puisse sentir la chaleur de tes mains si je me blottis dans les bras du soleil ? »

Dans la partie consacrée aux lectures et recensions, François Graveline évoque le chant V de L’Odyssée d’Homère, traduit par Elisabeth Michel et publié chez William Blake and co. Avec la volonté de « restituer la forme et la force brute de son verbe ». Puis Jean-Pierre Boulic confie au lecteur son admiration pour Faire corps, recueil d’Elisabeth Launay-Dolet publié chez L’Harmattan. Une poésie, dit-il où « on croit entendre des passages des Passions de Jean-Sébastien Bach inspirées des Evangiles ».

Enfin, Gérard Bocholier nous confie ses préférences. Jean-Pierre Vidal notamment, qui écrit « je persiste / tel l’arbre / qui se renouvelle par le frisson » dans son recueil Le vent la couleur aux éditions Le silence qui roule. Notons aussi Garoupe (chez Ballade à la lune). Franck Bouyssou, psychiatre, se souvient de ses consultations en restant au plus près de la distance analytique. « Retrouver l’enfant qui était en elle. Le don qu’elle s’était confié à elle-même, puis, qu’elle avait caché et perdu puisque aucun regard alentour ne l’avait décelé. Retrouver l’essence de son désir perdu », dit-il d’une patiente.

Dans la dernière partie de la revue, intitulée Le fil du temps, remarquons ces vers de Marie-Claude Bourjon : « Je te prends à la gorge / maintenant pour que tu n’oublies pas / Le feu de l’autre côtéde la plaine / Lui aussi tue ».

Cinq photos en noir et blanc, feuillages et ramures en gros plan, d’Elisabeth Launay-Dolet accompagnent cette livraison aux accents souvent métaphysiques.

La revue Arpa coûte 12,50 €. L’abonnement pour 4 numéros s’élève à 42 €.

Adresse courriel : revuearpa@gmail.com




Femmes de parole, paroles de femmes

Créée par Nancy R. Lange, cette revue numérique et papier publiée par Les éditions Femmes de parole et les Editions du Cygne s'adosse aux sessions des rencontres internationales de poésie féminine diffusées sur Zoom et relayées sur d'autres vecteurs de diffusion. 

Cette revue revue poétique et interculturelle internationale est "produite en version numérique et en version imprimée et tirée à 500 exemplaires, à raison de trois numéros par année. Elle est publiée par Les éditions Femmes de parole, un organisme sans but lucratif fondé en 2021 par Nancy R. Lange et basé à Laval, au Québec. La revue ne reçoit aucune subvention gouvernementale pour l’instant

Chaque numéro présente une section Passerelles où deux duos d’autrices du Québec, jumelés à deux duos d’ailleurs, offrent des poèmes de leur cru ainsi qu’un texte explorant la trace de l’écriture de l’autrice que chacune a choisie, dans la sienne. Une deuxième section intitulée Échos et résonance  regroupe des textes de femmes et d’hommes qui rendent hommage à une poète décédée, sous forme de commentaires ou de textes inspirés par son œuvre.  Les textes publiés sont produits sur invitation sauf pour les numéros spéciaux pour lesquels un appel de textes sera lancé. Il est à noter que l’orthographe des textes est uniformisée par la réviseure professionnelle lors de la révision des textes".

Une publication placée sous le signe de rencontres, de partage, pour des voix féminines venues du monde entier. Ainsi dans le premier numéro, Voix visibles,  un sommaire où se rencontrent des noms de tous les horizons : 

Femmes der parole n°1, Voix visibles, Les éditions Femmes de parole et les Editions du Cygne, août 2021, 117  pages, 17 € pour la France, abonnement sur femmesdeparole.org

Nancy R. Lange, la directrice fondatrice de ce festival mondial, Cécile Ouhmani, Brigitte Gyr, Marie-Hélène Montpetit, Nicole Brossard, Sophie Brassart, Hélène Fresnel, Maëlle Dupon, Claudine Bertrand, Annie Molin-Vasseur, Louky Bersianik & Claire Varin (correspondances), Gaëtan Dostie, France Théoret, Annie Landreville, Aimée Dandois-Paradis, Olderin Salmeron, Anna Louise E. Fontaine, Catrine Godin, Marguerite Morin, Angelina Guo, Marco Geoffroy, Stéphane Despatie, Corinne Chevarier, Geneviève-Anaïs Proulx, Mireille Cliche, Duckens Charitable et Fabrice Koffy.

D'autres numéros, parus en 2021 et 2022, sont venus enrichir cette toute jeune revue qui n'est pas qu'une revue, mais un support palpable de ce mouvement initié par Nancy R. Lange, considérable et si nécessaire à notre époque où l'humain semble prendre le chemin de la haine plutôt que de la fraternité. Violence et grâce, justement, met en lumière la condition féminine qui au-delà des frontières témoigne des jougs ancestraux qui pèsent encore sur les femmes. La rubrique Echos et résonance est placée sous les auspices d'Anne Hébert à qui un hommage est rendu par Marie-Andrée Lamontagne, Marie-Pierre Genest, Louise Desjardins, Linda Dion, Mario Cholette, Monique Pariseau, Catrine Godin, Lyne Richard, Guy Marchamps, François Godin, France Bonneau, Jean Perron. 

La première partie de cette belle publication, Passerelles,  croise versions originales anglaises et leur traduction, témoignage de la dimension internationale si besoin était de l'ensemble, et de la volonté de Nancy R. Lange, sans cesse réaffirmée, qui guide ses pas et ses choix depuis toujours : réunir, porter une parole de paix, lutter, surtout, contre la violence, quelle que soit sa nature, son lieu, sa langue. Se croisent Penn Kemp (Ont.) Sharon Thesen (C. B.), Mireille Cliche (Qc.), Catherine Fortin (Qc.), Erin Dingle (Alb.), Sheri D. Wilson (Alb.), Aspasia Worlitsky (Qc.), Nancy R. Lange.

Femmes de parole n°2, violence et grâce, Les éditions Femmes de parole et les Editions du Cygne, août 2021, 134 pages, 17 € pour la France, abonnement sur femmesdeparole.org

Un troisième volume poursuit cette vaste entreprise, Résilience et dépassement, avec un hommage à Anne-Marie Alonzo, et des Passerelles qui croisent des voix poétiques du Québec, du Manitoba français, des territoires du Nord-Ouest et d'Alberta. A signaler enfin, le très beau niveau graphique, et les visuels, qui ponctuent les chapitres et sont soutenus par des citations, pour ces deux derniers numéros, d'Anne Hébert et d'Anne-Marie Alonzo. 

A suivre, à soutenir, à protéger ! Enfin, merci à Nancy R. Lange,et  à l'équipe éditoriale,  Mireille Cliche, Maëlle Dupon, Catrine Godin, Annie Molin Vasseur, Shana Plante-Paquette, Julie Le Roy, Émilie Saunier, Alejandro Natan, Corinne Prince, sans oublier les éditions du Cygne, Patrice Kanozsai, qui soutient toujours ces voix du monde, afin qu'il ne ressemble pas à ce qu'il est en train de devenir !  

Femmes de parole n°3, résidence et dépassement, Les éditions
Femmes de parole et les Editions du
Cygne, novembre 2021,
113 pages, 17 € pour la France, abonnement sur femmesdeparole.org




Revue Voix d’encre, numéro 66

Revue de poésie contemporaine qui paraît deux fois l’an, au printemps et à l’automne, Voix d’encre publie, dans les pages de son numéro 66, des extraits d’œuvres inédites des « alliés substantiels » du temps présent ainsi que de celles de quelques grands aînés d’hier, selon les mots de son fondateur, pour agrandir davantage les domaines où nous voulons respirer et parcourir le monde comme tous les possibles, toutes les dimensions du jour comme les innombrables ailleurs, citant la réflexion d’un de ses « alliés » : « Il faut encore, comme le voulait Alain Borne : « ne pas mourir au moins avant d’avoir allumé pour jamais un brasier de mots tellement clair et brûlant qu’il semble les choses mêmes ».

Le livre, les livres, auxquels renvoie cette belle revue aux peintures ici de Ghani Ghouar, pour mieux illustrer les univers de chacun des auteurs, dans des jaunes mats, des rouges ardents et des noirs abrasifs, s’avèrent l’espace, les espaces d’une scène de papier où se mêlent les gestes croisés du poème et de la création graphique, l’entrelacement de l’expression verbale à l’expression picturale, dans ce double mouvement dont la figure majeure d’Henri Michaux fut l’un des précurseurs, selon sa définition même de l’existence ainsi envisagée dans sa créativité : « Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l’aventure d’être en vie ».

Ainsi, Six poèmes de Robert Kelly, dans leur traduction de l’américain par Christian Garcin, témoignent-ils de la liberté de ton d’un des principaux poètes outre-Atlantique, dont la question si humaine de Transfiguration résonne comme une interpellation aux « frères humains » : « On nous appelle humains parce que / les mots passent à travers nous et nous font mal / on nous appelle humains / parce que nous écoutons mais n’entendons pas / le mot par lequel tu me désignes – est-ce que tu me désignes ? » Impossible communication comme prélude à la plongée dans les ténèbres d’Au moins la nuit de Jean-Baptiste Pedini et à laquelle le poème préliminaire fait écho : « Réveillé en sursaut, on part chercher les paroles défaites, les cœurs qui battent en fond sonore. Loin des messes basses de l’obscurité, de l’immobilité des mots, des bouts de muscles acérés. Simplement loin d’ici. Plus bas il y a d’autres échos, d’autres lenteurs. Et tout un groupe d’ombres est debout sur le quai et pleure doucement, regarde l’eau comme une amie fragile. Le mouvement, la distance en reflet, les soubresauts du ciel. Tout s’agite dans l’œil. Tourbillons insistants, petites pointes aux flancs de l’être. On va dans la nuit comme va un chagrin. »

 

 

Revue Voix d'encre n°66, couverture Ghani Ghouar, mars 2022, 68 pages, 12 €.

À la cuisse de Cranach de Lara Dopff enfante, elle, les pigments d’une nuit matricielle dont elle livre le secret dès les premiers vers : « pour une femme, / la peinture est ce qui / s’écoule de l’arête / de ses jambes jusqu’à la terre. / délivrance / les habitants de Çatalhöyük / fixèrent cette écriture. / les femmes ont en elles / une peinture de la délivrance / et une délivrance de la peinture. » Retournement ironique, la danse que Kamel Tijane esquisse, dans La vie est une marelle d’unijambiste, est celle de cette misérable Marelle éponyme : « La vie est une marelle / Mal dessinée / Sur laquelle je saute / Comme un unijambiste / Je lève les yeux / Des chaussures accrochées / À une corde à linge / M’observant comme des sphynx / Épuisés par les énigmes ». Introduction à la petite musique des Quatuors de Michaël Glück notée au monastère de saorgue : « boite à musique avec danseuse de porcelaine et tutu salue petite boîte à musique grinçante douce grimace acidulée le temps passe et tourne tourne en valse déglinguée ». 

L’ultime paragraphe de l’essai méconnu de Georges Orwell, publié en 1946, Quelques réflexions sur le crapaud commun, traduit de l’anglais par Alain Blanc, enfin, sonne, à travers la réhabilitation de la figure du crapaud, comme un éloge éminemment engagé, à la fois poétique et politique, d’un printemps en regain de vitalité contre toutes les formes réductrices des pouvoirs : « En tout cas le printemps est bien là, même dans les quartiers nord de Londres, et on peut vous empêcher d’en profiter. C’est une réflexion satisfaisante. Que de fois je suis resté debout à observer les crapauds s’accoupler, ou un couple de lièvres faire un match de boxe dans les jeunes maïs, et j’ai pensé à toutes les personnes importantes qui comme vous ne sont pas vraiment malades, affamées, effrayées ou emmurées dans une prison ou un camp de vacances, le printemps est toujours le printemps ! Les bombes atomiques s’accumulent dans les usines, la police rôde dans les villes, les mensonges s’écoulent des haut-parleurs, mais la terre tourne toujours autour du soleil, et ni les dictateurs ni les bureaucrates, même s’ils désapprouvent profondément le processus, ne sont en mesure de l’empêcher. »




Animal : une revue en voie d’apparition

« Chair, os, plumes et poils. » Tels sont les premiers mots que le lecteur retrouve dans ce premier numéro d’Animal. Cette revue biannuelle « en voie d’apparition » ne compte pour l’instant que deux numéros. Par ailleurs, elle a la particularité de paraître en hiver en édition papier à trouver en librairie, et au printemps en édition numérique à lire sur www.revue-animal.com.

Portée par l’association Lettres Verticales (les organisateurs du festival POEMA), la revue Animal se partage entre une grande liberté sauvage et une simplicité extrême. La liberté est celle d’un fauve qui « suit ses instincts poétiques : [qui] va où bon lui semble, rôde, guette, vagabonde et se laisse surprendre ». La simplicité tient au nombre restreint d’autrices et d’auteurs publiés dans chaque numéro : six poètes et un artiste graphique au printemps, qui sont ensuite rejoints par sept autres écrivaines et écrivains en hiver. Pour ce numéro, ce sont les Paysages incertains de l’artiste peintre Arman Tadevosyan qui sont mis à l’honneur.

 

Toutes les contributions d’Animal sont inédites. Elles sont également étonnantes en ce qu’elles font dialoguer la vie intime avec la vie politique, le quotidien avec le sublime, la beauté de la nature avec la crise sanitaire ou encore la guerre en Ukraine.

 Ainsi, la suite de poèmes Sangs mêlés de Claude Favre fait coexister dans l’espace du poème la maladie et l’émerveillement, l’actualité journalistique et l’éloge de la poésie. Cette tension est sensible dans une prose qu’elle brise, scande et violente tout en gardant une certaine fluidité de lecture. Ce paradoxe est possible grâce à l’utilisation des virgules qui signifient à la fois une rupture et un lien : « de la foule je préfère, fermer les yeux, les jours les pires sont à, venir nuit, répercutées pas assez sentinelles ». Claude Favre fait ainsi exister dans sa poésie des termes comme « crise migratoire » ou encore « corps écorchés » qui partagent la page avec « des milliers d’hirondelles » ou des expressions comme « heureusement il reste la poésie ».

Peut-être cette intrication entre la vie intime et la vie publique constitue-t-elle l’une des caractéristiques de notre contemporanéité poétique. Les fragments de Jean-Louis Giovannoni, sous l’intitulé Nous fantômes sont des silences, en offrent une belle illustration dans une écriture où le journal intime tend vers l’aphorisme. Le poète y est en promenade pour nous rapporter les dires des gens qu’il croise, ses pensées et observations, pour ensuite présenter dans un autre fragment des assertions qui rappellent les Feuillets d’Hypnos : « N'insiste pas trop avec les mots, ils sont impuissants à nous loger. »  

Nous dirons, pour finir cette note de lecture, qu’Animal est une revue à suivre dans sa démarche sauvage. Il s’agit d’une publication où le soin, l’attention, et surtout la passion pour la poésie sont manifestes. Une revue ouverte à l’altérité dans son rapport à la peinture, dans son ouverture à des nouvelles voix lors des numéros d’hiver, et dans ses dialogues avec l’histoire de la littérature (Sophie Loizeau y publie, dans une filiation avec Rainer-Maria Rilke, Mes cahiers de Malte). Ce printemps, guettez absolument la prochaine sortie d’Animal de sa tanière !




À la Une d’oulipo.net : site officiel de l’Ouvroir de Littérature Potentielle

« OULIPO ? Qu’est ceci ? Qu’est cela ? Qu’est-ce que OU ? Qu’est-ce que LI ? Qu’est-ce que PO ? OU c’est OUVROIR, un atelier. Pour fabriquer quoi ? De la LI. LI c’est la littérature, ce qu’on lit et ce qu’on rature. Quelle sorte de LI ? La LIPO.

PO signifie potentiel. De la littérature en quantité illimitée, potentiellement productible jusqu’à la fin des temps, en quantités énormes, infinies pour toutes fins pratiques. » : ainsi le texte liminaire par les éminents Marcel Bénabou et Jacques Roubaud présente-t-il leur site oulipo.net entièrement dévoué à la diffusion, à la publication, au partage des activités de ce groupe, de ce mouvement littéraire qui traverse le temps pour faire grandir les potentialités de la littérature par la pratique d’exercices sous contraintes, rappelant donc que ce « faire » qui a déjà engendré des œuvres remarquables, parmi lesquelles celles de Marcel Duchamp, Raymond Queneau, Georges Perec, renoue ainsi avec l’étymologie grecque du mot « poésie » : « poiein », « faire », « créer » !

Présentant de multiples textes en ligne, dans cet espace fraternel des oulipiens, depuis la récapitulation au fil des saisons des Jeudis de l’Oulipo, la diffusion des publications de ses auteurs actifs, le partage des faits et dits de chacun, la confidence de multiples contraintes créatrices, récréatives, inspirantes, jusqu’à la note biobibliographique de ses personnalités marquantes d’un collectif qui, non seulement à travers ses membres fondateurs mais encore à travers ses figures contemporaines les plus innovantes, est devenu le diapason d’œuvres aussi majeures qu’intrigantes, depuis La Disparition de Georges Perec jusqu’à Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau, en passant par le récent Goncourt de la poésie 2021 revenu à Jacques Roubaud pour l’ensemble de ses recherches, à la croisée du jeu, de la poésie et des mathématiques, dont peut-être l’un des écrits les plus intimes, Quelque chose noir, 1986, fait jaillir la lumière de la plus obscure des épreuves, la perte de l’être aimé…

OULIPO, catalogue de l’exposition du 18 novembre 2014 au 15 février 2015, BnF/Gallimard
oulipo.net

Ce site riche tant de son histoire passée prestigieuse que de ses découvertes présentes novatrices, offre un visage divers, pluriel, multiple, à un groupe de recherche dont la somme dépasse les individualités et dont la quête commune essentielle fait également ressortir la singularité de chacun de ses instigateurs. Dans un souci que l’on pourrait qualifier de pédagogique, l’exploration des chefs d’œuvre de ce mouvement sans cesse renaissant, pour ne pas devenir stricte bibliothèque au sens « muséographique » mais au contraire encore s’avérer un labyrinthe vivant et résolument créatif, se double d’une invitation à s’approprier les possibilités des consignes d’écriture, des trouvailles et autres inventions, telles celles proposées dans sa rubrique fondatrice : Contraintes

C’est peut-être cette puissance éminemment poétique de l’écriture, vectrice par les jeux de langage d’une poésie toujours à réinventer, d’un agrandissement des possibles, « Ouvrant » la « Littérature » cachée dans les ratures de chacun à la « Potentialité » des trésors de la langue, des langues, à trouver entre les lignes de l’OuLiPo, confirmations sous-jacentes d’un grand mouvement international, cosmopolite, universel, à travers lequel chacun peut reprendre le flambeau et devenir, dans cet espace, un de ses multiples « potentiels », tous fils et filles de cette grande aventure, de cette mystérieuse épopée, de cet énigmatique récit, à la conquête des pouvoirs mêmes les plus insoupçonnés d’une poésie jamais définitive, toujours ouverte…

A lire : un entretien avec l'oulipien Ian Monk, oulipien sur Recours au poème => Ian Monk, oulipien dans la forme




Vous prendrez bien un poème ?, la feuille poétique de Françoise Vignet

La Lettre créée et gérée par Francoise Vignet « Vous prendrez bien un poème », circule gratuitement à un rythme hebdomadaire auprès d’un réseau d’abonnés qui ne cesse de s’élargir1.

Françoise Vignet nous a raconté l’histoire singulière de cette Lettre. Nous sommes en janvier 2011 : elle commence à partager les poèmes qu’elle aime et à  les offrir à ceux qu’elle appelle "les miens", ses amis proches, amis familiaux, amis de voyages, amis voisins, et autres. Des personnes dont les modes de vie sont fort diversifiés.

Elle trouve alors dans ce projet une manière « d'étoffer son retour en poésie » et  « d'inscrire le poème au fil des jours », mais  aussi de briser l'isolement de la grande campagne où elle vient alors tout juste de s’installer.

Page du livre d'artiste du "Journal de mon talus" de Françoise Vignet avec une aquarelle © Claudine Goux.

Dans ce contexte, « le plus simple, le plus accessible, le moins onéreux était bien de procéder par courriel ». Mais lorsqu’une lectrice lui fait savoir qu’elle ne peut recevoir le format du fichier de la Lettre, elle opte pour un envoi en pleine page. Le poème est véritablement envoyé et pris en plein visage. Le « poème au visage », comme elle l’appelle, est « infiniment plus judicieux qu'un poème en dossier joint, que l'on ouvrirait "tranquillement", c'est-à-dire que l'on oublierait sans doute ». Et si le poème choisi ne dépasse pas une page, en principe, son auteur est diffusé pendant deux semaines, ce qui permet de découvrir sa poésie. « Mon désir, dit-elle, est bien d'adresser le poème à beaucoup, à qui veut bien l'écouter ou même le survoler ». La diversité du lectorat étant pour elle une donnée infiniment précieuse pour la vitalité de cette feuille poétique, « vitalité discrète, d'ailleurs » précise- t-elle.

Il fallait bien sûr donner un titre à cette Lettre : « Je ne voulais surtout pas d'esprit de sérieux, plutôt une invite familière, quasi-ordinaire, légère... voire plaisante ». Au départ, elle propose Vous prendrez bien un petit poème ? « pour ne pas trop effaroucher le lecteur », dit-elle, jusqu’à ce que l’un d’entre eux  lui fasse remarquer que  l’adjectif "petit", non seulement « minimise  « le geste » du partage poétique mais plus encore  ne s’adapte pas à la publication  de "grands" poètes.

La Lettre est lancée. Elle diffuse des poèmes édités à compte d’éditeur ou en revue : « tous les poèmes arrivent assortis de leur référence précises, ce à quoi je tiens beaucup. Tous viennent d'ouvrages et de revues tangibles en leurs feuillets. Je refuse les inédits... cela deviendrait tout autre chose, un tout autre travail. Sauf lorsqu’un poète et lecteur reconnu me l'adresse ». Françoise Vignet est claire sur ce point, il  s’agit pour elle « d’une exigence de qualité ».

Les poèmes choisis sont des « coups de cœur » : « cette feuille doit demeurer un espace de liberté, à l'abri des injonctions » précise-t-elle. « C’est le poème qui me choisit. Quitte à laisser en attente tel ou tel auteur pour lequel je serai disponible plus tard ». 

Dès les premiers envois, des lecteurs réagissent, ce qui justifie alors la création d’un Courrier des lecteurs qui fonctionne depuis maintenant 11 ans. Ils encouragent le projet, le soutiennent. Ainsi, en août 2011, le poète et éditeur Gaston Puel manifeste son intérêt avec enthousiasme : «  les poèmes assez courts conviennent à ces voyages que vous dirigez. Et de savoir que ces petits écrits rebondissent et repartent vers une autre destination, me paraît la meilleure amitié envers le texte. Peut-être est-ce (dans le triste terrain actuel) la plus vivante des « revues » que vous avez créée ! Le « Web » est, de plus, un excellent facteur »

Le point de vue des lecteurs est essentiel. Ils donnent  leur point de vue, partagent des émotions, mais aussi transmettent des informations sur des recueils qu’ils ont particulièrement aimés, ou encore sur des actualités poétiques, ou artistiques. Une lectrice écrivait que le « poème de chaque semaine était devenu un moment très important dans son existence (son père s'acheminait vers la mort) ». Voilà qui parle » remarque Françoise Vignet « de la force que transmet le  poème, de la qualité du silence intérieur qu'il crée, de l'espace respirable qu'il propose ».

Notons  encore ce lecteur qui, en mars 2012, cite Philippe Jaccottet qui évoque « des espèces de voyageurs » (..) dont les « pas (sur les chemins du dehors ou du dedans) dessinent, indépendamment de toute appartenance à un groupe, et de tout programme, gratuitement, un réseau qu'on voudrait aussi invisible et aussi fertile que celui des racines dans la terre. (...)  On n'en tire aucune vanité, on en parle à peine, on n'enrôle ni n'excommunie personne, on ne se croit pas autorisé à faire à personne la leçon : mais la conscience, ou le rêve de ce réseau est notre moins fragile appui. »

Très vite, les éditions Multiples, L'Arrière-Pays, la revue Friches ou encore Les Cahiers de la rue Ventura  s’intéressent  à l’initiative et  proposent régulièrement un staff de poètes , de revuistes et d’éditeurs, qui seront eux-mêmes diffusés au fil du temps, « ce qui sensiblement va modifier le lectorat et la portée de cette Lettre ».

Suivra alors une anthologie en ligne, dont les accès sont privatifs et gratuits, de façon à ce que chacun puisse lire les poèmes antérieurement diffusées.

Et ainsi le cercle s’élargit, les poèmes circulent, la poésie « touche », appelle, traverse l’Hexagone, en dépasse les frontières (UK, USA)

Aujourd’hui la Lettre compte 142 abonnés-lecteurs, pour certains poètes.

Le carton d'anniversaire rassemble les noms des poètes diffusés ces onze dernières années. Un beau panorama qui privilégie la poésie contemporaine : Mais « les "voix" sont variées », dit-elle, « même si j’ai tendance à exclure la poésie expérimentale ».

L’essentiel n’est-il pas que le poème vibre pour le lecteur, comme une présence intense, attendue, ouverte  à ce qui le déborde et l’excède. C’est peut-être même sa seule justification,

Nous n'appartenons à personne sinon au point d'or 
de cette lampe inconnue de nous, inaccessible à nous 
qui tient éveillés le courage et le silence.

René Char Feuillet d'Hypnos2

Notes

  1. Demande d’inscription à adresser à : vignetfrancoise@gmail.com
  2. inRené Char, Oeuvres complètes, Introduction de Jean Roudaut. Editions La Pléiade, 1983, p.176.

Image de une : page du livre d'artiste du "Journal de mon talus" de Françoise Vignet avec une aquarelle © Claudine Goux.