Cécile A. Holdban, Kaléidoscope, Tapis de chiffons
Kaléidoscope, un « Tapis de chiffons » pour temps de pandémie
« Une polyphonie visuelle et écrite ». C’est ainsi que Cécile A. Holdban définit le beau petit livre publié par les éditions de l’Atelier des Noyers, qui restitue son projet en collaboration avec 172 poètes. Elle les avait contactés lors de la pandémie, au moment du confinement lors du printemps 2020, leur proposant de lui livrer un simple vers de poésie (sur ce moment particulier) qu’elle se chargerait ensuite d’illustrer à sa manière. Aujourd’hui nous avons entre les mains un superbe objet/livre où s’exprime tout le talent d’artiste et de poète de Cécile A. Holdban.
Le défi n’était pas mince. Cécile A. Holdban avait pris le parti d’illustrer chaque vers sur un support pour le moins original : un sachet de thé. S’inspirant du titre d’un livre du Hongrois Sándor Weöres (Tapis de chiffons), elle a d’abord envisagé un projet collectif qui pourrait prendre corps sur une grande surface (en assemblant les sachets de thé sur un drap) puis, deux ans plus tard, le projet a pris forme dans un petit livre au format à l’italienne où sont repris, page par page, chaque vers et chaque illustration correspondante.
Variant les technique picturales – aquarelles, crayons, pastels, encres, acryliques – recourant aussi bien à des motifs abstraits que figuratifs, l’artiste nous propose aujourd’hui ce merveilleux Kaléidoscope de « temps de détresse » (comme le dirait Hölderlin). « Chacun est libre d’y entreprendre son propre cheminement. Ce kaléidoscope est aussi un labyrinthe », note Cécile A. Holdban.
Cécile A. Holdban, Kaléidoscope, Tapis de chiffons, L’Atelier des Noyers, 20 euros.
« Il appartient à chacun de tisser son propre fil d’Ariane ». Une chose est sûre : le monde confiné vibre sous son pinceau et sous la plume des poètes. On pourrait dire, reprenant le titre d’un livre de Jean Pierre Nedelec, que « Le monde était plein de couleurs » durant cette pandémie. Paradoxe de cette période grise et terne, souvent douloureusement vécue mais qui a aussi permis de se réapproprier autrement le monde. A commencer par le silence qui trouve ici un écho chez de nombreux poètes. « Les mots gonflés de silence comme une sève explosive », écrit Françoise Ascal. « Parfois, j’ai envie de dire oui au silence, alors j’écris », affirme pour sa part Isabelle Alentour.
Ecrire. Dieu sait si le confinement a encouragé cette pratique (on pense notamment à La baie vitrée de Yvon Le Men aux éditions Bruno Doucey). « Le matin, je tire de l’écriture la preuve que je vis », énonce Frédérique Germanaud. « J’écris pour soustraire un peu de feu à l’orage », confie Lionel Gerin. Et puis il y a les oiseaux dont on redécouvre le chant. « Ma fenêtre, un passereau/une passerelle » (Jean-François Agostini). « Et dans la haie, le vol endormi des alouettes »(Bertrand Runtz). La pandémie limitant les déplacements, on redécouvre les bienfaits du jardin « dans l’odeur de la menthe » (Christian Bulting) ou ceux de la nature qui explose avec « Pâques à l’extrême d’un bourgeon » (Françoise Matthey).
Les 172 poètes réunis par Cécile A. Holdban (par ordre alphabétique) sont majoritairement français, mais ils peuvent aussi être belges, hongrois, italiens, québécois, suisses ou américains… Poètes connus ou méconnus, réunis avec bonheur dans ce Kaléidoscope. Il y a là Denise Desautels, Jean Rouaud, Gérard Pfister, Jos Roy, Thierry Gillybœuf, Valérie Rouzeau, Yves Prié, Jean-Claude Caër, Howard McCord, Christian Viguié, François Rannou, Alain Kervern, Cécile Guivarch, Jean Lavoué, Laure Morali, Angèle Paoli, Béatrice Marchal, Estelle Fenzy… Voilà quelques noms (bien connus) relevés parmi d’autres. Sans oublier Cécile A. Holdban, elle-même poète. « Les gouttes seraient l’alphabet pour écrire l’arc-en-ciel », écrit-elle.