Cécile A. Holdban, Premières à éclairer la nuit

Faire parler quinze femmes poètes du XXe siècle dans des lettres (imaginaires) adressées à des êtres chers : un projet original et surtout ambitieux que l’autrice, poète et peintre, Cécile A. Holdban a réalisé dans un livre qui nous fait traverser les plus grands drames du siècle passé.

« Elles furent les témoins des grands drames qui sont les marqueurs du XXe siècle », souligne d’emblée Cécile A. Holdan. Le nazisme pour les Allemandes Nelly Sachs et Gertrud Kolmar. Le stalinisme pour la Russe Anna Akhmatova. L’Apartheid pour la Sud-Africaine Ingrid Jonker. Le fondamentalisme islamisme (toujours d’actualité) pour l’Iranienne Forough Farroghzad … « Ce qui leur est commun » , ajoute Cécile A. Holdban, « c’est le besoin de transcender la vie par les mots, de ne pas accepter l’insupportable, de braver les habitudes, de porter le poids du destin.»

Mais pourquoi cet intérêt de l’autrice de ce livre pour ces femmes au destin souvent tragique (près de la moitié d’entre elles se suicideront) ? C’est « parce que ces poétesses ont été traversées par cet histoire dont j’ai hérité une part de mes grands-parents, que leur œuvre résonne en moi », explique Cécile A. Holdban (évoquant notamment une grand-mère maternelle née dans l’Autriche-Hongrie du siècle dernier).

Cécile A. Holdban, Premières à éclairer la nuit, Arléa, 240 pages, 21 euros.

Pour autant, en choisissant ces femmes écrivains, il ne s’agissait pas, pour elle, de faire un livre à connotation féministe. « Ce serait réducteur de parler d’une poésie féminine », convient-elle, même si le titre du livre, Premières à éclairer la nuit, entend bien souligner le rôle éminent joué par les femmes en ces périodes troublées.

Il ne s’agit pas non plus, ici, d’une biographie de ces femmes poètes, mais de récits de 8 à 10 pages, où « chacune de ces voix s’adresse, à la première personne du singulier, à un être cher ». L’Autrichienne Ingeborg Bachman s’adresse à Paul Celan, l’Américaine Sylvia Plath à son mari le poète anglais Ted Hughes, Nelly Sachs à Selma Lägerlof, la Russe Marina Tsvetaieva à sa sœur cadette, la Finlandaise Edith Södergran également à sa sœur…

L’originalité du texte de Cécile A. Holdban est d’avoir incorporé dans son récit des passages en italique qui sont extraits des poèmes, journaux ou correspondances de ces quinze femmes. Ainsi quand l’Allemande Gertrud Kolmar s’adresse à sa sœur Hilde Wenzel, on peut lire : « Les persécutions dont nous étions victimes semblaient ne pas devoir connaître de fin (…) Je me disais : je vais mourir comme meurent la plupart, le râteau passera au travers de cette vie et mettra mon nom en copeaux dans la glèbe ». Quand l’Italienne Antonia Pozzi évoque son amour de la montagne à son ami Tullio Gadenz, poète et alpiniste, on peut lire : « Je me suis toujours représenté le paradis de Dante comme un refuge de montagne. Ici il est impossible de mourir. J’y ai connu les premiers émois de ma chair, dans une communion presque érotique avec la nature ». Et Cécile A. Holdban ajoute, en italique, ces mots recueillis dans l’œuvre de Pozzi. « Aujourd’hui, je me cambre nue dans la pureté du bain blanc, et je me cambrerai nue demain sur un lit, si quelqu’un me prend »

Tout est l’avenant dans ce livre en faisant cohabiter habilement des lettres imaginaires (mais fondées sur l’histoire) avec des textes authentiques de ces femmes poètes. Cécile A. Holdban nous révèle, par le fait même, sa profonde connaissance de la littérature féminine du XXe siècle. Elle éclaire pour nous le chemin qui a conduit ces femmes à l’écriture de poèmes pour pointer du doigt des drames absolus, mais aussi pour témoigner de leur amour et de la beauté du monde.

Présentation de l’auteur

Cécile A. Holdban

Elle est peintre et écrivain, lauréate du prix Yvan Goll (2017) et du prix Calliope du Cénacle Européen (2017), est également traductrice et coéditrice de la Revue Ce qui reste, une revue en ligne de littérature et d’art contemporains. Elle anime une chronique littéraire sur Aligre FM radio.

Elle pratique peinture et écriture en les faisant dialoguer : les liens et transmissions entre les différentes formes d’arts sont au cœur de son travail. Son univers de création se fonde sur ces rapports synesthésiques. Il s’enrichit de l’observation et de l’imaginaire de la nature, entre paysage visible et invisible, d’une écoute et d’une attention au vivant, aux contes et mythes.

Elle collabore par ses peintures,  poèmes, traductions et articles à de nombreuses revues, anthologies et ouvrages collectifs variés. Elle aime aussi s’associer à d’autres créateurs ou écrivains dans des publications, revues et livres d’artistes. Elle a fait l’objet de deux expositions personnelles en France et participe régulièrement à des expositions collectives et des festivals, et anime régulièrement des masterclasses et ateliers de création, d’écriture et expression plastique.

Cécile A. Holdban

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Derniers ouvrages publiés

Premières à éclairer la nuit, récit, Arléa, janvier 2024

Toutes ces choses qui font craquer la nuit, textes et peintures, Exopotamie, 2023

Osselets, dessins et poèmes, Le Cadran Ligné, Saint- Clément, 2023

Kaléidoscope, 173 poètes contemporains mis en image pendant le confinement, l’Atelier des Noyers, Dijon, 2023

Jacques Bibonne, une vie en peinture (collectif, texte de contribution au catalogue ) éditions Le temps qu’il fait, Bordeaux,  2023

Pierres et berceaux, dessin et poèmes, Potentille, Nevers, 2021.

Toucher terre, Arfuyen, Paris, 2018

Silence, photographies d’Anne Lise Broyer, poème de Cécile A. Holdban, Sous les glycines, Paris, 2016.

Poèmes d’après suivi de La route de sel, Arfuyen, Paris, 2016.

Quelques traductions :

John Keats, La poésie de la terre ne meurt jamais, édition traduite et annotée par Cécile A. Holdban et Thierry Gillyboeuf, Poésis, 2021

Howard Mc Cord, Poèmes Chamaniques, édition établie, traduite et annotée par Cécile A. Holdban et Thierry Gillyboeuf, La Part Commune, 2021

Virginia Woolf, Le Paradis est une lecture continue, traduction et présentation de Cécile A. Holdban, La Part Commune, Rennes, 2019.

Virginia Woolf, Ainsi parlait – Thus Spoke, dits et maximes de vie choisis, traduits de l’anglais et présentés par Cécile A. Holdban, édition bilingue, Arfuyen, Paris, 2019.

Sándor Weöres, Filles, nuages et papillons (Lányok, lepkék, fellegek), poèmes choisis et traduits du hongrois par Cécile A. Holdban, Érès Po&Psy, Toulouse, 2019.

Dezső Kosztolányi, Venise, traduction du hongrois et préface de Cécile A. Holdban, Cambourakis, Paris, 2017.

Attila József, Le Mendiant de la beauté, Le Temps des Cerises, Paris, 2014, poèmes traduits du hongrois par Francis Combes, Cécile A. Holdban et Georges Kassai.

DÉCOUVRIR

Site de la Revue Ce qui reste – Journal quotidien de son travail de peintre sur Instagram

Mail : mcguichard@outlook.com

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