Cécile Guivarch, Cent ans au printemps
C’est presque rien. Pendant trente pages, avancer la main dans la main de Dédé Guivarch, ou plutôt :
Grand-père marche vers moi
me cueillir dans le verger
C’est son souvenir qui vient cueillir Cécile, devenue la pomme d’un pommier, et lui fait dérouler son poème. Il n’y aura pas de grand mot, et pour cause :
Ses mots au quotidien
très peu de chosesle blaireau sur le lavabo
le tabac à roulerl’ancre sur sa casquette
ses bleu et ses bottes
une vie entre terre et mer
Cécile Guivarch, Cent ans au printemps, éd. Les Lieux-Dits, coll. Cahiers du Loup bleu, 36 p., 7 €.
Et Cécile Guivarch ajoute en contrepoint, puisque chaque poème reçoit un écho parfois ironique parfois nostalgique, parfois les deux :
Je caresse ses médailles
(toute une vie)
Donc peu de choses à dire, et c’est tout. Le tout des sensations, des images qui reviennent telles quelles, le petit ruisseau en contrebas, les lapins dans les clapiers, les marques de la guerre passée, un vieux poirier redevenu sauvage…
Il aurait eu cent ans au printemps
vingt ans comme ses années de merj’ai une barque dans la tête
elle va et vient avec les vagues
La barque du grand père a emporté Cécile dans la poésie de l’essentiel. Elle dit qu’il l’était peut-être, poète, avec « un faux air à Thierry Metz avec son bleu de travail ».
On s’étonne : si peu de chose, une telle économie d’écriture, et pourtant tout est là. Cécile Guivarch est plus qu’une poète, c’est une sorcière qui d’un coup de stylo magique évoque tout avec rien.