Chantal Dupuy-Dunier, bâtisseuse de cathédrales
Chantal Dupuy-Dunier, auteure d'une trentaine de recueils, dont Initiales (éditions Voix d'encre) qui lui avait valu le prix Artaud en 2000, publie un nouveau recueil, l'impressionnant Cathédrales, aux éditions Petra. Elle y retrace, depuis le néolithique, le mouvement qui pousse l'humanité à ériger des pierres vers le ciel. Cet ouvrage de plus de 300 pages - dont elle nous offre 5 extraits accompagnés de leur lecture par elle-même - est une sorte de chant qui, en trois mouvements ("Sanctuaire mégalithique", "Crypte primitive", "Cathédrale ogivale") retrouve, suit - mime aussi par la disposition des mots sur la page - les rituels sacrés qui lient depuis toujours la pierre à la prière - révèlant ainsi la profonde et troublante énergie poétique de ces gestes qui font de l'écrivain le compagnon des bâtisseurs.
toutes les photos sont de l'auteur
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lumière sur un signe lapidaire à Orcival.
5 extraits de Cathédrale
Poème inaugural :
Ce matin,
au sol de la cathédrale
dont les neurones de pierres se souviennent,
le geste ovale du labyrinthe
désigne la direction de l’œuvre.
Les rayons traversant un vitrail
dessinent sur les dalles
un reflet marbré.
Le reflet à la forme parfaite
progresse lentement vers l’entrée du dédale,
œuf lumineux.
Extrait de « Sanctuaire mégalithique » :
Ô Soleil, je guette ton retour.
Quand je devinerai ton approche,
j’attacherai ma chevelure
pour aller recueillir l’eau
avec laquelle mon père lavera
la lame du sacrifice et la pierre d’autel.
Et je prononcerai ces mots :
Source, qui désaltère l'orge, la fourmi et l’homme debout,
le chêne, le rat des champs et l’homme couché,
redonne à la lame et au granit
l’embrasement du dieu soleil.
Di va oumba par le ventre de la grêle,
Di va oumba par les blessures du ciel,
Di va oumba par le souffle qui règne sur le souffle !
Extrait de « Crypte primitive » :
Vous qui êtes là,
écoutez les paroles qu’il prononce tout bas :
Tu t’appelles Pierre la Pierre.
Au milieu du tertre bouleversé par le remuement du chantier,
je t’ai vue apparaître près des bruyères en fleurs.
Le ciel était animé d’un somptueux vol de corbeaux.
L’ombre velours de leurs ailes accentuait ta couleur
et traçait des reliefs à ta surface.
Lorsqu’après tous nos efforts,
le bœuf robuste t’a enfin rendue au jour,
je serais tombé à genoux sur la terre rouge,
mais ta beauté paralysait mes gestes.
J’ai pu ouvrir la bouche et demander :
- Qui es-tu ?
Extrait de « Cathédrale ogivale » :
Chacun lève les yeux vers le grand livre de pierre,
livre de verre en ses vitraux.
Recueil vertical,
poème dressé au-dessus du langage ordinaire,
que je tente de traduire.
˗ Poète, comme Maître d'œuvre, est un haut-métier
qui ne va pas sans le devoir d'être Homme,
ne s'accommode pas d'une existence banale.
La responsabilité des mots nous incombe ˗
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