Chantal Dupuy-Dunier, Cronce en corps
Chantal Dupuy-Dunier reprend autrement son histoire avec Cronce, petit village que son art a rendu mythique. Dans Creusement de Cronce1, déjà elle recueillait la parole vivante des pierres avec lesquelles elle entretient toujours un rapport intime d’autant plus que le prénom Chantal signifie caillou, pierre. Avec Pluie et neige sur Cronce Miracle2, s’est poursuivie la sculpture du lieu, enrobant passé et présent. Il semble qu’elle aille plus loin ici dans l’appropriation du village qu’elle identifie à son corps.
Dans la première et la dernière page, se trouve une allusion à Orphée : « un dernier regard et tu aurais disparu. » Cependant, c’est avec sa chair, avec son sang que l’auteur fait exister encore ce lieu où s’ancrent ses racines. « Ton souvenir est-il un présent / ou un maléfice ? » Pour marcher encore, elle a besoin d’y revenir et même de s’incarner en lui. « La rivière continue à creuser son lit dans ma peau » ... « je respire par tes mains » ... « tu parles par mon ventre, mes poumons, ma gorge. » De manière pudique, elle évoque la violence de la maladie qu’elle a subie : « Sang de ma chair où le scalpel a tranché. » Mais elle puise dans la verticalité des arbres celle de ses jambes et aussi une grande force dans la sensualité du corps et des mots toujours présente dans ses recueils : : « entre mes cuisses, / la mousse de ton sous-bois » ... « mon sexe est ta vallée. » Le berceau qui l’a accueillie deviendra tombeau, elle le sait et l’imagine : « lorsque ma gorge demeurera béante sur un dernier mot, / peut-être ton nom, /tu te tairas avec moi ».
Ainsi l’écriture tente de s’opposer à l’effacement, à la mort, comme les monotypes de Michèle Dadolle, qui depuis 20 ans, accompagnent superbement la poétesse dans ses chemins d’ombre et de lumière.
Chantal Dupuy-Dunier, Cronce en corps, Monotypes de Michèle Dadolle, Les Lieux-Dits, Les parallèles croisées, 2022, 87 pages, 18€.