Jean Maison, Chaque jour qu’un désir surprendra et autres textes

D'où viens-tu, saveur, sur mes lèvres
Palper les paroles indicibles ?
Est-ce le souvenir du dimanche des Rameaux
Où la pluie traversait les glycines, le sablier du temps ?
- Mon corps serré de votre absence -

Depuis un long sommeil partagé
Jusqu'au bonjour radieux
J'éprouve le cœur du monde.

Fragment de miroir - fragment de vide

La pauvreté se lie tous les matins. L'hémorragie du dehors laisse nos jours inachevés. Lessive, mémoire et présence ne laissent que quelques rumeurs s'amenuiser sans cesse. Ainsi sommes-nous transportés dans un au-delà grotesque, gauches et apeurés.

Vous êtes assise, visage éternellement beau près d'un bassin de pierre, le corps saisi dans un linge d'armoisin. Je marche vers vous dans le ciel comme dans la haute neige.

Le Boulier cosmique, extraits

 

Il fallut quitter la bonne maison et sortir aux heures les plus matinales, pressé par le vertige de l’or, le corps sabré de vertus, de promesses non tenues, de désordres. Il était temps d’arracher les victoires à leurs béances crédules et de risquer tout parmi les vivants. La préhistoire pouvait enfin approcher dans sa beauté première, avec ses cromlechs, ses vasques douloureuses, ses martyrs aux yeux désaxés, ses épuisantes sablières. La lumière trouverait chacun à sa place, avant de reprendre l’ordre de la vie.
Je partis le soir même pour le Nouveau Monde.
 
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Ô fleuve ! Regarde la masse du rauquement des chairs contre les brise-lames. Regarde ! Je flotte dans la nuit décisive, la remontée des abîmes. J’ai projeté vers toi l’élan mélancolique, effondrant les barges, les bras couverts de sable et de varech. Dans la friche des grands viaducs abandonnée aux airs, j’écume la charge neuve des eaux multicolores et la chance de ta source élevée. L’injonction des doubles garde la masse des jonquilles, ce coteau tremblant vert où la variante beauté des herbages couvre tous les degrés du temps.
 
∗∗∗
 
 Quel profil pour ce sentier gravide, et combien de drames parlent au bord du bassin. L’enfant accroupi compte les osselets, les billes de terre crue, ses mains colorées posées au fil de l’air. Il faut écraser l’herbe tressée contre une pierre du Hoggar, inhaler son arôme immédiat pour guérir. Sur le sang des phrases battues où se jette la mer, la danse s’étendra jusqu’au charron. Les conquérants sortiront de l’histoire pour parcourir les quelques mètres de gloire qui les séparent de l’anonymat.
 
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En réponse aux pontons aveugles, je demeure attentif au carreau de faïence bleue que respire la mer. Les comptoirs éclairés s’essoufflent dans l’âtre, tranchent la sécheresse amère, la coutume du voyage. Nous imposons des routes, groupant sous l’asphalte le prodige des coquillages et des oiseaux fossiles. L’arc nu charge d’embruns la cime des nordmanns.

 

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 J’ai marché sans vous à mes côtés. Vous étiez l’impatiente attente qui sauve, la mère de mon amour. J’ai attendu dans l’agitation des gares la place qui me serait faite. J’ai dormi sur des bancs, dans l’humidité froide d’un destin. Je n’ai jamais renoncé à votre parole. Quelle beauté était la vôtre. Côte à côte au long de ces promenades de tendresse, votre châle serré sur vos épaules, vous étiez la douceur même.
 
Que peut-on établir de cet étirement du temps, de l’universalité des rues à travers les coutumes, les rites, les retrouvailles ? Votre main éloignée dans l’eau, votre haleine née à l’aube du visage. Ce demain porte l’esprit en sa raison profonde. Nous ne possédons rien que le dialogue de cet amour avec notre langage.
 
 
 
Extrait de Le boulier cosmique, parution septembre 2013, éditions Ad Solem